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Scène première |
La Nature et les Vents déchainés. L'ouverture fait entendre un bruit violent dans les airs, un choc terrible de tous les éléments. La toile, en se levant, ne montre que des nuages qui roulent, se déchirent, et laissent voir les Vents déchainés; ils forment, en tourbillonnant, des danses de la plus violente agitation. |
Q
La Nature, Vents
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La Nature s'avance au milieu d'eux, une baguette à la main, ornée de tous les attributs qui la caractérisent, et leur dit impérieusement: | |
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LA NATURE |
C'est assez troubler l'univers,
Vents furieux, cessez d'agiter l'air et l'onde.
C'est assez. Reprenez vos fers;
que le seul Zéphyr règne au monde.
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| L'ouverture, le bruit et le mouvement continuent. | |
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CHŒUR DES VENTS
Ne tourmentons plus l'univers:
cessons d'agiter l'air et l'onde.
Malheureux ! reprenons nos fers,
l'heureux Zéphyr seul règne au monde.
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Ils se précipitent dans les nuages inférieurs. Le Zéphir s'élève dans les airs. L'ouverture et le bruit s'appaisent par degrés; les nuages se dissipent; tout devient harmonieux et calme. On voit une campagne superbe, et Le Génie du Feu descend dans un nuage brillant, du côté de l'orient. | Q
Vents ->
<- Le Génie du Feu
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Scène deuxième |
Le Génie du Feu, La Nature. |
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LE GÉNIE DU FEU |
De l'orbe éclatant du soleil,
admirant des cieux la structure,
je vous ai vue, belle Nature,
disposer sur la terre un superbe appareil.
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LA NATURE |
Génie ardent de la sphère enflammée,
par qui la mienne est animée,
à mes travaux donnez quelque moments.
De toutes les races passées,
dans l'immensité dispersées,
je rassemble les éléments,
pour en former une race prochaine
de la risible espèce humaine,
aux dépens des êtres vivants.
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LE GÉNIE DU FEU |
Ce pouvoir absolu que vous avez sur elle,
l'exercez-vous aussi sur les individus ?
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LA NATURE |
Oui, si je descendais à quelque soins perdus !
Mais, pour moi, qu'est une parcelle,
à travers ces foules d'humains,
que je répands à pleines mains
sur cette terre, pour y naître,
briller un instant, disparaître,
laissant à des hommes nouveaux
pressés comme eux, dans la carrière,
de main en main, les courts flambeaux
de leur existence éphémère ?
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LE GÉNIE DU FEU |
Au moins, vous employez des éléments plus purs,
pour former les puissants et les grands d'un empire ?
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LA NATURE |
C'est leur langage, il faut bien en sourire:
un noble orgueil les en rend presque surs.
Mais voyez comme la Nature
les verse par milliers, sans choix et sans mesure.
(Elle fait une espece de conjuration.)
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Froid humains, non encor vivants;
atômes perdus dans l'espace:
que chacun de vos éléments,
se rapproche et prenne sa place,
suivant l'ordre, la pesanteur,
et toutes les loix immuables
que l'éternel dispensateur
impose aux êtres vos semblables.
Humains, non encore existants,
à mes yeux paraissez vivants.
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Scène troisième |
La Génie du Feu, la Nature, foule d'Ombres des deux sexes. |
<- Ombres, Une ombre femelle, Altamort, Urson, Spinette, Astasie, Atar, Tarare
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D'autres Ombres dansent sur l'air du chœur. | |
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CHŒUR D'OMBRES
Quel charme inconnu nous attire ?
Nos cœurs en sont épanouis.
D'un plaisir vague je soupire;
je veux l'exprimer; je ne puis.
En jouissant, je sens que je désire;
en désirant, je sens que je juis.
Quel charme inconnu nous attire ?
Nos cœurs en sont épanouis.
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LE GÉNIE DU FEU (à la Nature) |
Privés des doux liens qui donne la naissance;
quels seront leur rangs et leurs soins ?
Et comment pourvoir aux besoins
d'une aussi soudaine croissance ?
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LA NATURE |
J'amuse vos yeux un moment,
de leur forme prématurée;
s'ils pouvaient aimer seulement,
vous reverriez le règne heureux d'Astrée.
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LE GÉNIE DU FEU |
Quel intérêt peut les occuper tous ?
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LA NATURE |
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LE GÉNIE DU FEU (s'adressant aux ombres) |
Qu'êtes-vous ? et que demandez-vous ?
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ALTAMORT (l'Ombre) |
Nous ne demandons pas, nous somme.
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LE GÉNIE DU FEU |
Qui vous a mis au rang des hommes ?
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URSON (l'Ombre) |
Qui l'a voulu; que nous importe à nous ?
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LE GÉNIE DU FEU |
Comme ils sont froids, sans passions, sans gouts !
Que leur ignorance est profonde !
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LA NATURE |
Ah ! je les ai formés sans vous.
Brillant Soleil, en vain la Nature est féconde;
sans un rayon de votre feu sacré,
mon œuvre est morte et son but égaré.
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LE GÉNIE DU FEU
Gloire à l'éternelle sagesse,
qui, créant l'immortel amour,
voulut que, par se seule ivresse,
l'être sensible obtînt le jour.
Ah ! si ma flamme ardente et pure
n'eût pas embrasé votre sein,
stérile amant de la Nature,
j'eusse été formé sans dessein.
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Un mot encor; c'est une ombre femelle.
(à l'ombre)
Aimable enfant, voulez-vous être belle ?
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UNE OMBRE FEMELLE |
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LE GÉNIE DU FEU |
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UNE OMBRE FEMELLE |
Suis-je donc sans appas ?
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LE GÉNIE DU FEU |
Son instinct la trahit, mais ne la trompe pas !
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LA NATURE |
(souriant)
Il peut au moins la compromettre.
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LE GÉNIE DU FEU (à l'ombre de Spinette) |
Et vous dont les regards causeront cent débats ?
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UNE OMBRE FEMELLE |
(avec feu)
Je voudrais... je voudrais... je voudrais tout soumettre.
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LE GÉNIE DU FEU |
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LA NATURE |
(souriant)
J'ai tort; devant vous j'ai trahi,
sur ses plus doux secrets, mon sexe favori.
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LE GÉNIE DU FEU (à l'ombre d'Astasie) |
Mais vous, jeune beauté, qui semblez animée,
voudriez-vous à tous donner aussi la loi ?
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ASTASIE (l'Ombre) |
Que je sois seulement aimée !
Il n'est que ce bonheur pour moi.
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LA NATURE |
Tu le seras, sous le nom d'Astasie,
et Tarare obtiendra ta foi.
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ASTASIE (l'Ombre) |
(émue, la main sur son cœur)
Tarare !
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LA NATURE |
Je te fais un sort digne d'envie.
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ASTASIE (l'Ombre) |
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LA NATURE |
Moi, je le sais pour toi.
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LE GÉNIE DU FEU |
Voyez quelle rougeur à ces noms l'a saisie !
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LA NATURE (au Génie)
Qu'un jeune cœur, mal aisément,
voile son trouble au doux moment
où l'amour va s'en rendre maître !
Moi-même, après de longs hivers,
quand vous ranimez l'univers,
mes premiers soupirs font renaître
les fleurs qui parfument les airs.
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LE GÉNIE DU FEU |
(montrant les deux ombres d'Atar et de Tarare)
Que sont ces deux superbes ombres,
qui semblent menacer, taciturnes et sombres ?
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LA NATURE |
Rien: mais dites un mot; assignant leur état,
je fais un roi de l'une et de l'autre un soldat.
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LE GÉNIE DU FEU |
Permettez; ce grand choix les touchera peut-être.
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LA NATURE |
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LE GÉNIE DU FEU |
Un de vous deux est roi: lequel veut l'être ?
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ATAR (l'Ombre) |
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TARARE (l'Ombre) |
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ATAR ET TARARE |
Je ne m'y sens aucun empressement.
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LA NATURE |
Enfants, il vous manque de naître,
pour penser bien différemment.
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LE GÉNIE DU FEU |
(les examine)
Mon œil, entr'eux, cherche un roi préférable;
mais que je crains mon jugement !
Nature, l'erreur d'un moment
peut rendre un siècle misérable.
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LA NATURE (aux deux ombres) |
Futurs mortels, prosternez-vous,
avec respect attendez en silence
le rang qu'avant votre naissance,
vous allez recevoir de nous.
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| (Les deux ombres se prosternent; et pendat que le Génie hésite dans son choix, toutes les ombres curieuses chantent le chœur suivant, en les enveloppant.) | |
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CHŒUR D'OMBRES
Quittons nos jeux, accourrons tout:
deux de nos frères à genoux
reçoivent l'arrêt de leur vie.
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LE GÉNIE DU FEU |
(impose les mains à l'une des deux ombres)
Sois l'empereur Atar; despote de l'Asie,
règne à ton gré dans le palais d'Ormus.
(À l'autre ombre.)
Et toi, soldat, formé de parents inconnus,
gémis long-tems de notre fantaisie.
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LA NATURE |
Vous l'avez fait soldat; mais n'allez pas plus loin:
c'est Tarare. Bientôt vous serez le témoin
de leur dissemblance future.
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(Aux deux ombres.)
Enfants, embrassez-vous: égaux par la nature,
que vous en serez loin dans la société:
de la grandeur altière à l'humble pauvreté,
cet intervalle immense est désormais le vôtre.
À moins que de Brama la puissante bonté,
par un décret prémédité,
ne vous rapproche l'un de l'autre,
pour l'exemple des rois et de l'humanité.
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QUATRE OMBRES PRINCIPALES EN CHŒUR
Ô bienfaisante déité !
Ne souffrez pas que rien altère
notre touchante égalité;
qu'un homme commande à son frère !
| S
(♦)
(♦)
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| (L'ombre d'Atar seule ne chante pas, et s'éloigne avec hauteur; le Génie du Feu la fait remarquer à la Nature.) | |
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LA NATURE |
(au Génie du Feu)
C'est assez. Èteignons an eux,
ce germe d'une grande idée,
faite pour des climats et des temps plus heureux.
(À toutes les ombres.)
Tels qu'une vapeur élancée,
par le froid en eau condensée,
tombe et se perd dans l'océan;
futurs mortels, rentrez dans le néant.
Disparaissez.
(Au Génie du Feu.)
Et nous, dont l'essence profonde
dévore l'espace et le temps;
laissons en un clin d'œil écouler quarante ans;
et voyons-les agir sur la scène du monde.
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La Nature et le Génie du Feu s'élèvent dans les nuages, dont la masse redescend et couvre toute la scène. | Ombres, Une ombre femelle, Altamort, Urson, Spinette, Astasie, Atar, Tarare ->
<- Esprits aériens
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CHŒUR D'ESPRITS AÉRIENS
Gloire à l'éternelle sagesse,
qui, créant l'éternel amour,
voulut que par se seule ivresse
l'être sensible obtînt le jour.
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