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Scène premiere |
Le thèâtre change et represente un palais, que les enchantements de Medée font paroistre, et où l'on voit les aprests d'un superbe festin. Medée. |
Q
Medée
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Ah faut-il me vanger
en perdant ce que j'aime !
Que fais-tu ma fureur, ou vas-tu m'engager ?
Punir ce cœur ingrat c'est me punir moy-mesme,
j'en mourray de douleur, je tremble d'y songer,
ah faut-il me vanger
en perdant ce que j'aime !
Ma rivale triomphe, et me voit outrager:
quoy, laisser son amour sans peine, et sans danger ?
voir le spectacle affreux de son bonheur extresme ?
non, il faut me vanger
en perdant ce que j'aime.
| S
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Scène seconde |
Dorine, Medée. |
<- Dorine
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DORINE |
Que Thesée est content de son bien-heureux sort !
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MEDÉE |
Dorine, c'en est fait, tout est prest pour sa mort.
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DORINE |
Quoy ce grand appareil est sa mort qu'on prepare ?
Le roy le doit choisir icy pour successeur;
vostre soin pour luy se declare.
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MEDÉE |
J'ay caché mon depit sous ma feinte douceur;
la vengeance ordinaire est trop peu pour mon cœur,
je la veux horrible et barbare.
Je m'esloignois tantost expres pour tout sçavoir.
Du secret de Thesée il faut me prevaloir,
le roy l'ignore encor, et pour me satisfaire
contre un fils inconnu j'arme son propre pere:
j'immolay mes enfants, j'osay les esgorger;
je ne seray pas seule inhumaine, et perfide,
je ne puis me vanger
à moins d'un parricide.
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| Dorine ->
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Scène troisiesme |
Le roy, Medée. |
<- Le roy
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MEDÉE |
Ce vaze par mes soins vient d'estre empoisonné;
vous n'aurez qu'à l'offrir... vous semblez estonné ?
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LE ROY |
Ce heros m'a servy, malgré moy je l'estime,
puis-je luy preparer un injuste trespas ?
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MEDÉE |
L'espoir de vostre amour, la paix de vos estats,
tout despend d'immoler cette grande victime.
Contre un rival heureux faut-il qu'on vous anime ?
La vengeance a bien des appas,
est-ce trop la payer s'il vous en couste un crime ?
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LE ROY |
Je n'ay rien fait jusqu'à ce jour
qui puisse ternir ma memoire;
si prés de mon tombeau faut-il trahir ma gloire ?
Ne vaudroit-il pas mieux estouffer mon amour ?
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MEDÉE |
Vous avez un fils à Trœzene,
il faudra toujours l'esloigner:
vostre peuple pour luy n'aura que de la haine,
il adore Thesée, il veut le voir regner.
Laisserez-vous un fils sans nom, et sans empire,
tandis qu'un estranger joüira de son sort,
et peut-estre osera s'assûrer par sa mort...
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LE ROY |
Je cedde aux sentimens que la nature inspire,
je me rends, l'amour seul n'estoit pas assez fort.
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MEDÉE ET LE ROY
Que la vengeance
à d'attrais pour des cœurs jaloux !
N'espargnons point qui nous offence,
vangeons-nous, vangeons-nous,
l'amour mesme, n'est pas plus doux
que la vengeance.
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Scène quatriesme |
Thesée, Æglé, Le roy, Medée, Cleone, Arcas, Chœur, et Troupe d'atheniens. |
<- Thesée, Æglé, Cleone, Arcas, Chœur, Troupe d'atheniens
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LE ROY ET MEDÉE |
Ne craignez rien parfaits amants
les plaisirs suivront vos tourments.
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LE CHŒUR |
Ne craignez rien parfaits amants
les plaisirs suivront vos tourments.
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LE ROY ET MEDÉE |
Recevez la recompence
de vostre constance.
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LE CHŒUR |
Ne craignez rien parfaits amants
les plaisirs suivront vos tourments.
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LE ROY |
Oublions le passé, ma colere est finie;
puis qu'Athenes le veut je consens qu'apres moy
ce heros soit un jour son legitime roy.
Commençons la ceremonie.
Qu'on apprenne à servir Thesée en souverain.
Prenez ce vaze de ma main.
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THESÉE |
(prenant le vaze d'une main, et tirant son espée de l'autre)
Je jure sur ce fer qui m'a comblé de gloire,
que je vous serviray contre vos ennemis,
et que vous n'aurez point de sujet plus soûmis...
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Le roy considere avec estonnement l'espée de Thesée, et la reconnoist pour estre celle qu'i la laissée pour servir un jour à la reconnoissance de son fils. | |
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LE ROY |
(empeschant Thesée de porter le vaze à sa bouche)
Que voy-je ? quelle espée ! ah qui l'auroit pû croire !
ô ciel ! j'allois perdre mon fils !
j'avois laissé ce fer pour ta reconnoissance,
mon fils, ah mon cher fils, où nous exposois-tu ?
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THESÉE |
Ce fer eust dans mes mains trahy vostre esperance
en vous montrant un fils qui n'eust point combattu,
sans prendre aucun secours d'une illustre naissance
je voulois esprouver jusqu'où va la vertu.
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Medée s'enfuït voyant Thesée reconnu par son pere. | Medée ->
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Scène cinquiesme |
Le roy, Thesée, Æglé, Cleone, Arcas, Chœur, et Troupe d'atheniens. |
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LE ROY |
Ah ! perfide Medée ! ... elle fuït l'inhumaine,
qu'on la poursuive, allez, ne la respectez plus;
mais la poursuite en sera vaine,
elle sçait des chemins qui nous sont inconnus !
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THESÉE |
C'est assez d'esviter sa haine;
soyons heureux, seigneur:
nostre parfait bonheur
suffira pour sa peine.
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LE ROY, THESÉE ET ÆGLÉ |
Nostre parfait bonheur
suffira pour sa peine.
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LE ROY |
Je suis charmé de vos appas,
je ne m'en deffens pas,
trop aimable Æglé, je vous aime;
mais je veux estre heureux dans un autre moy-mesme;
mon rival m'est trop cher pour en estre jaloux,
je reconnoy mon fils à son amour extresme,
c'est le sort de mon sang de s'enflamer pour vous.
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Que l'hymen prepare
des nœuds pleins d'attraits
soyez unis à jamais,
que l'amour repare
tous les maux qu'il vous a faits
soyez unis à jamais.
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LE CHŒUR |
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THESÉE ET ÆGLÉ |
Les plus belles chaisnes
coustent des soûpirs;
il faut passer par les peines
pour arriver aux plaisirs.
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LE ROY, CLEONE ET ARCAS |
Que l'hymen prepare
des nœuds pleins d'attraits.
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LE CHŒUR |
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LE ROY, CLEONE ET ARCAS |
Que l'amour repare
tous les maux qu'il vous a faits.
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LE CHŒUR |
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Scène sixiesme |
Medée, Le roy, Thesée, Æglé, Cleone, Arcas, Chœur, et Troupe d'atheniens. |
<- Medée
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MEDÉE |
(sur un char tiré par des dragons volans)
Vous n'estes pas encor délivrez de ma rage:
je n'ay point preparé la pompe de ces lieux
pour servir au bonheur d'un amour qui m'outrage;
je veux que les enfers destruisent mon ouvrage,
c'est ainsi qu'en partant je vous fais mes adieux.
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Dans le temps que Medée fuït, le palais paroist embrasé, et les mets du festin preparé se convertissent en des animaux horribles. | Medée ->
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Scène septiesme |
Le roy, Thesée, Æglé, Cleone, Arcas, Chœur, et Troupe d'atheniens. |
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LE CHŒUR
Secourez-nous, justes dieux !
quelle flame espouventable !
quels ennemis furieux !
Secourez-nous, justes dieux !
une mort inévitable
s'offre par tout à nos yeux !
Secourez-nous, justes dieux !
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Scène huitiesme |
Minerve, Chœur de divinitez qui accompagnent Minerve, Le roy, Thesée, Æglé, Cleone, Arcas, Chœur, et Troupe d'atheniens. Six flutes. Deux basses de violon. Deux theorbes. Quatre trompettes. Cinq déesses chantantes. Quatre dieux chantants. Vingt-six musiciens de la suite des dieux. |
<- Minerve, Chœur de divinitez
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MINERVE |
(dans la gloire)
Le ciel veut escarter tout ce qui peut vous nuire:
voyez par mon pouvoir eslever à l'instant
un palais esclattant
que l'enfer n'osera détruire.
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Le thèâtre change et represente un palais magnifique et brillant. | |
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MINERVE ET LE CHŒUR DES DIVINITEZ |
(dans la gloire)
Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux.
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CHŒUR D'ATHENIENS (dans le palais) |
Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux.
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MINERVE
Bien-heureux qui peut naistre
sous un regne si glorieux !
Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux.
Un roy digne de l'estre
est le don le plus grand des cieux.
Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux.
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Ensemble
LES CHŒURS
Bien-heureux qui peut naistre
sous un regne si glorieux !
Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux.
Un roy digne de l'estre
est le don le plus grand des cieux.
Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux.
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Scène nevfiesme et derniere |
Toutes les voix, et tous les instrumens des deux chœurs se réünissent. Les plus considerables courtisans du roy d'Athenes, environnez d'une troupe d'esclaves, forment une espece de feste galante pour se réjoüir de la reconnoissance de Thesée; Arcas et Cleone chantent au milieu de leur dançe. Un grand seigneur de la cour d'Aegée. Quatre courtisants. Douze esclaves de la suite. |
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ARCAS ET CLEONE
Le plus sage
s'enflame, et s'engage,
sans sçavoir comment,
la fierté se desment,
le cœur le plus sauvage
soûpire aisément
dans un fatal moment.
Le plus sage
s'enflame, et s'engage,
sans sçavoir comment.
Contre un mal si doux, et si charmant
le plus grand courage
combat foiblement.
Le plus sage
s'enflame, et s'engage,
sans sçavoir comment.
Quel dommage,
si l'on ne mesnage
les moments heureux !
Formons d'aimables nœuds;
faisons un doux usage
du temps où les jeux
suivront par tout nos vœux.
Quel dommage
si l'on ne mesnage
les moments heureux !
Qui n'est point dans l'empire amoureux
n'aura pour partage
que des soins fascheux.
Quel dommage
si l'on ne mesnage
les moments heureux !
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Fin du cinquiesme, et dernier acte. | |
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