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Scène premiere |
Æglé, Cleone. |
Æglé, Cleone
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CLEONE |
Vous allez voir bien-tost vostre amant dans ces lieux.
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ÆGLÉ |
Je le verray victorieux.
Apres de mortelles allarmes
qu'un bien-heureux retour est doux pour les amants !
L'amour s'accroist par les tourments,
les biens qu'il fait payer avec le plus de larmes
n'en deviennent que plus charmants.
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CLEONE |
Thesée est triomphant, chacun le veut pour maistre.
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ÆGLÉ |
Ne verray-je point paraistre
un si glorieux vainqueur ?
Il negligera peut-estre
la conqueste de mon cœur.
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CLEONE |
On n'est pas inconstant pour aimer la victoire.
Si le passage est beau de l'amour à la gloire,
rien n'est si doux que le retour
de la gloire à l'amour.
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ÆGLÉ |
Non, son amour n'est point extresme:
faut-il qu'il trouve ailleurs tant de soins importants ?
Il n'ignore pas que je l'aime,
il doit songer que je l'attens.
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ÆGLÉ ET CLEONE |
La gloire n'est que trop pressante,
un heros doit la suivre avec empressement;
mais déz que la gloire est contente,
l'amour doit promptement
ramener un amant.
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Scène seconde |
Arcas, Æglé, Cleone. |
<- Arcas
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ARCAS |
Le roy m'ordonne de vous dire
qu'il vous fera bien-tost regner:
rien ne trouble plus son empire...
vous tremblez ? Vostre cœur soûpire ?
Le roy tout vieux qu'il est n'est pas à desdaigner.
Lorsque par le feu du bel âge
un jeune cœur se sent pressé,
dans une ardente amour sans effort on l'engage:
on triomphe bien davantage
quand on enflame un cœur que les ans ont glacé.
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ÆGLÉ |
Si tu connois, Arcas, le trouble qui me presse,
ne va point descouvrir la peine ou tu me vois.
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CLEONE |
Si tu veux m'obliger oblige la princesse:
fay, s'il se peut par ton adresse
que le roy tourne ailleurs son choix.
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ARCAS |
Tu me donnes toujours d'assez fascheux emplois.
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ÆGLÉ, CLEONE ET ARCAS
Il n'est point de grandeur charmante
sans l'amour et sans ses douceurs:
rien ne plaist, rien n'enchante,
sans l'amour et sans ses douceurs:
rien ne contente
les jeunes cœurs
sans l'amour et sans ses douceurs:
il n'est point de grandeur charmante
sans l'amour et sans ses douceurs.
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Scène troisiesme |
Medée, Dorine, Æglé, Cleone, Arcas. |
<- Medée, Dorine
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MEDÉE |
Princesse sçavez-vous ce que peut ma colere
quand on l'oblige d'esclatter ?
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ÆGLÉ |
Je prétens ne rien faire
qui vous doive irriter.
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MEDÉE |
Et n'est-ce rien que de trop plaire ?
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ÆGLÉ |
Je renonce à l'hymen du roy
si je luy plais, c'est malgré moy.
Ce n'est point dans le rang supresme
qu'on trouve les plus doux appas,
et souvent un bonheur extresme
est plus seur dans un rang plus bas.
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MEDÉE |
Vous aimez donc Thesée ? ah ! n'en rougissez pas,
il n'est que trop digne qu'on l'aime.
Je m'interesse en vostre amour;
parlez, vous connoistrez mon cœur à vostre tour.
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ÆGLÉ |
J'avois toujours bravé l'amour et sa puissance
avant que d'avoir veu ce glorieux vainqueur;
mais la gloire et l'amour tous deux d'intelligence
ne sont que trop puissans pour vaincre un jeune cœur.
Que vostre soin au mien responde,
j'espere que le roy deviendra vostre espoux:
regnez par son hymen dans une paix profonde,
laissez moy ce heros, mon sort est assez doux;
quand vous possederiez tout l'empire du monde,
mon cœur n'en seroit point jaloux.
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MEDÉE |
Mais enfin, si le roy commande,
vous estes soûmise à sa loy.
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ÆGLÉ |
Ma vie est au pouvoir du roy,
et je veux bien qu'elle en despende:
mais c'est en vain qu'il demande
un cœur qui n'est plus à moy.
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MEDÉE |
Vous m'en avez trop dit, il est temps qu'entre nous
la confidence soit égale.
Il faut vous desgager d'une chaisne fatale.
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ÆGLÉ |
La mort, la seule mort rompra des nœuds si doux.
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MEDÉE |
Je veux que dés demain le roy soit vostre espoux:
vous aimez un heros qui ne peut estre à vous,
et Medée est vostre rivale;
prenez soin d'esviter mon funeste couroux.
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ÆGLÉ |
Nos deux cœurs sont unis par un amour fidelle.
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MEDÉE |
En dépit de l'amour je les veux diviser.
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ÆGLÉ |
La chaisne qui nous lie est si forte et si belle.
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MEDÉE |
J'auray plus de plaisir si je la puis briser.
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ÆGLÉ |
Non, j'aime mieux la mort qu'une lasche inconstance,
tout l'enfer à mes yeux n'aura rien de si noir;
malgré Medée et sa vengeance,
mon amour fera son devoir.
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MEDÉE |
Voyons si vostre amour est tel qu'il veut paraistre,
puisque vous le voulez vous allez me connaistre:
je vais vous faire voir
ce que c'est que Medée et quel est son pouvoir.
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La scène change, et represente un desert espouventable remply de monstres furieux. | Medée ->
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Scène quatriesme |
Æglé, Cleone, Arcas, Dorine. |
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ÆGLÉ, CLEONE ET ARCAS |
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CLEONE |
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ARCAS |
Quels monstres terribles !
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ÆGLÉ |
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ÆGLÉ, CLEONE ET ARCAS |
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ÆGLÉ |
Me laissez-vous, cruelle,
dans cette horreur mortelle ?
Ah cruelle ! où me laissez-vous ?
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ÆGLÉ, CLEONE ET ARCAS |
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| Æglé ->
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Scène cinquiesme |
Cleone, Arcas, Dorine |
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CLEONE |
Contre ce monstre qui m'allarme
vien me deffendre Arcas.
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ARCAS |
Ne crain rien avant mon trespas.
Ô ciel ! on me desarme !
(Un fantosme emporte en volant l'espée d'Arcas.)
Tu peux beaucoup icy, belle Dorine, helas !
ne l'abandonne pas.
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CLEONE
Belle, Dorine, helas !
ne m'abandonne pas.
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Ensemble
ARCAS
Belle, Dorine, helas !
ne l'abandonne pas.
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DORINE |
Il est bon d'estre necessaire;
c'est un charme puissant pour plaire
où peu de cœurs ont resisté:
un grand secours qu'on espere
est un grand trait de beauté.
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ARCAS |
Ce n'est pas d'aujourd'huy que je te trouve belle.
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CLEONE |
Où pourroit-il voir plus d'attraits ?
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DORINE |
Je sçais trop vostre amour nouvelle.
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ARCAS ET CLEONE |
Non, non, je le promets,
non, je ne l'aimeray jamais.
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DORINE |
Pour se tirer de peine
chacun promet assez;
mais la promesse est vaine
lorsque les perils sont passez.
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ARCAS ET CLEONE |
Ne doute point de ma promesse.
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DORINE |
Non, je ne prétens point regagner desormais
d'un si volage amant la trompeuse tendresse;
non, non, je le promets;
non, je ne l'aimeray jamais.
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CLEONE, ARCAS ET DORINE |
Non, non, je le promets,
non, je ne l'aimeray jamais.
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Scène sixiesme |
Medée, Cleone, Arcas, Dorine. |
<- Medée
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MEDÉE |
Qu'on ne me trouble point, qu'on leur ouvre un passage.
C'est sur d'autres que vous que doit tomber ma rage,
fuyez de ce funeste lieu.
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CLEONE ET ARCAS |
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| Cleone, Arcas, Dorine ->
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Scène septiesme |
Medée invoque les habitans des enfers. La rage. Le desespoir. Vingt-quatre habitants des enfers chantants. Douze lutins dançants. Un fantosme. |
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MEDÉE |
Sortez, ombres, sortez de la nuit eternelle.
Voyez le jour pour le troubler.
Hastez-vous d'obeïr quand ma voix vous appelle,
que l'affreux desespoir, que la rage cruelle
prennent soin de vous assembler.
Sortez, ombres, sortez de la nuit eternelle.
| S
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| <- La rage. Le desespoir, Vingt-quatre habitants des enfers, Douze lutins, Un fantosme
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CHŒUR DES HABITANS DES ENFERS |
Sortons de la nuit eternelle.
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MEDÉE |
Venez peuple infernal, venez,
avancez malheureux coupables,
soyez aujourd'huy deschaisnez:
goustez l'unique bien des cœurs infortunez,
ne soyons pas seuls miserables.
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LE CHŒUR |
Goustons l'unique bien des cœurs infortunez,
ne soyons pas seuls miserables.
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MEDÉE |
Redoublez en ce jour le soin que vous prenez
de mes vengeances redoutables.
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LE CHŒUR |
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MEDÉE |
Ma rivale m'expose à des maux effroyables;
qu'elle ait part aux tourments qui vous sont destinez:
tous les enfers impitoyables
auront peine à former des horreurs comparables
aux troubles qu'elle m'a donnez:
goustons l'unique bien des cœurs infortunez,
ne soyons pas seuls miserables.
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LE CHŒUR |
Goustons l'unique bien des cœurs infortunez,
ne soyons pas seuls miserables.
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Les habitants des enfers expriment la douceur qu'ils trouvent dans les ordres que Medée leur donne de donner des frayeurs, et de faire de la peine à Æglé. | |
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LE CHŒUR
On nous tourmente
sans cesse aux enfers,
que l'on ressente
nos feux et nos fers.
Tout doit se troubler,
tout doit trembler.
La colere
ne laisse jamais
nos cœurs en paix;
les plaintes qu'on peut faire
nous doivent toujours plaire,
et nous ne plaignons guere
les yeux qui sont en pleurs:
dans la rage,
les maux qu'on partage
ne sont pas sans douceurs.
On nous deschaine,
suivons nos fureurs;
dans nostre peine
troublons tous les cœurs.
Un grand desespoir
est doux à voir.
La colere
ne laisse jamais
nos cœurs en paix;
les plaintes qu'on peut faire
nous doivent toujours plaire,
et nous ne plaignons guere
les yeux qui sont en pleurs:
dans la rage,
les maux qu'on partage
ne sont pas sans douceurs.
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| Medée ->
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Scène huitiesme |
Æglé, habitans des enfers. Les habitans des enfers espouvantent Æglé, elle les fuït, et ils la suivent. |
<- Æglé
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LE CHŒUR
Que tout fremisse:
qu'avec nous tout gemisse:
quelle douceur de voir souffrir !
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ÆGLÉ
Ah quel effroyable supplice !
faites moy promptement mourir.
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LE CHŒUR
Que tout fremisse:
qu'avec nous tout gemisse:
quelle douceur de voir souffrir !
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Fin du troisiesme acte. | |
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