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Scène premiere |
La scène est à Athenes. Le thèâtre represente le temple de Minerve. |
Q
(aucun)
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COMBATTANS (que l'on entend et que l'on ne voit point) |
Avançons, avançons; que rien ne nous estonne;
frappons, perçons, frappons; qu'on n'épargne personne;
il faut perir, il faut perir;
il faut vaincre, ou mourir.
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Scène seconde |
Æglé, combattans que l'on entend et que l'on ne voit point. |
<- Æglé
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ÆGLÉ |
Quel que soit mon destin, il faut icy l'attendre,
Minerve, c'est à vous que je viens recourir.
Divinité qui devez prendre
le soin de nous deffendre,
hastez-vous de nous secourir.
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COMBATTANS |
Il faut vaincre, ou mourir.
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ÆGLÉ |
Ô ciel ! ô juste ciel ! vous est-il doux d'entendre
ces cris pleins de fureur que je ne puis souffrir ?
Dieux ! aimez vous à voir tant de sang se repandre ?
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COMBATTANS |
Il faut perir, il faut perir,
il faut vaincre ou mourir.
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Scène troisiesme |
Cleone, Æglé, combattans que l'on entend et que l'on ne voit point. |
<- Cleone
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ÆGLÉ |
Est-ce aux atheniens, est-ce au party contraire,
que l'avantage est demeuré ?
Dy moy pour qui le sort s'est enfin declaré.
Ton silence me desespere.
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CLEONE |
Pardonnez à la peur qui me force à me taire.
Mes yeux troublez d'effroy n'ont rien consideré:
Thesée est le dieu tutelaire
qui me donne en ce temple un refuge assûré:
je ne sçais rien de plus, et j'ay creu beaucoup faire
de gagner en tremblant cét azile sacré.
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ÆGLÉ |
Au milieu des clameurs, au travers du carnage,
Thesée a jusqu'icy conduit mes pas errants:
son genereux courage
a fait ses premiers soins de m'ouvrir un passage
entre deux effroyables rangs
de morts et de mourants.
N'as-tu point admiré l'ardeur noble et guerriere
dont il court au peril et s'expose au trespas ?
Ah qu'un jeune heros dans l'horreur des combats
couvert de sang, et de poussiere,
aux yeux d'une princesse fiere
a de charmans appas !
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CLEONE |
Thesée est aimable, il vous aime;
tout cede à sa valeur extresme;
vous pouvez sans rougir souffrir à vostre tour
que jusqu'à vostre cœur il porte sa victoire.
Il n'est rien de si beau que les nœuds de l'amour
quand ils sont formez par la gloire.
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ÆGLÉ ET CLEONE |
Il n'est rien de si beau que les nœuds de l'amour
quand ils sont formez par la gloire.
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COMBATTANS |
Il faut perir, il faut perir,
il faut vaincre, ou mourir.
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Scène quatriesme |
Arcas, Æglé, Cleone |
<- Arcas
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ÆGLÉ |
Le ciel ne veut-il point mettre fin à nos peines ?
Esclaircy nous, Arcas, quel est le sort d'Athenes ?
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ARCAS |
Le combat dure encor, il est sanglant, affreux,
et le succez en est douteux.
Le roy m'a commandé de prendre
le soin de l'avertir s'il falloit vous deffendre,
et ce n'est que pour vous qu'il est touché d'effroy...
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ÆGLÉ |
Thesée est-il avec le roy ?
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ARCAS |
Des plus fiers ennemis il écarte la foule,
on reconnoit sa trace aux flots du sang qui coule:
une gresle de traits ne l'a point retenu.
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ÆGLÉ |
Ô dieux !...
(Elle dit ce qui suit à Cleone.)
mon secret est connu;
je crains devant Arcas d'en faire trop entendre,
Cleone, s'il se peut, obtien qu'il aille aprendre
ce que Thesée est devenu.
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| Æglé ->
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Scène cinquiesme |
Cleone, Arcas, combattans que l'on entend et que l'on ne voit point. |
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CLEONE |
Laissons aller la princesse,
prier en paix la déesse.
Arcas, je veux voir en ce jour
jusqu'où va pour moy ton amour.
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ARCAS |
Peux-tu douter de ma tendresse ?
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CLEONE |
J'en doute encor, je le confesse.
Tu m'as fait des serments cent fois
que tu suivrois toujours mes loix,
et qu'il te seroit doux de mourir pour me plaire;
mais la pluspart des amants
sont sujets à faire
bien des faux serments.
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ARCAS |
Tu n'as qu'à commander, tu seras satisfaite.
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CLEONE |
Cherche Thesée, et suy ses pas
jusqu'à sa victoire parfaite,
ou jusqu'à son trépas.
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ARCAS |
D'où vient qu'en sa faveur ton ame s'inquiéte ?
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CLEONE |
Si tu veux que je t'aime, Arcas,
fay ce que je souhaite,
et ne replique pas.
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ARCAS |
Pour un autre que moy Cleone s'interesse ?
Pretens-tu que je sois un amant qui me presse
de me charger d'un soin à mon amour fatal ?
C'est un plaisir charmant de servir sa maistresse,
mais c'est un chagrin sans égal
de servir son rival.
L'ordre du roy m'engage
à prendre soin de vous.
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CLEONE |
L'ennemy jusqu'icy n'ose porter sa rage.
Tout le monde est aux mains, veux-tu seul fuïr les coups ?
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ARCAS |
Ce grand empressement me donne de l'ombrage.
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CLEONE |
La valeur à mes yeux a des charmes bien doux,
et le moindre soupçon m'outrage:
je ne veux point avoir d'epoux
qui soit jaloux,
ny d'amant qui soit sans courage.
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ARCAS |
Faut-il qu'un estranger ait pour toy tant d'appas ?
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CLEONE |
Je te l'ay déja dit, et je te le repete,
si tu veux que je t'aime, Arcas
fay ce que je souhaite,
et ne replique pas.
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ARCAS |
Hé bien, je suivray ton envie,
j'en veux faire toujours ma loy;
la peur de te déplaire est mon plus grand effroy:
je crains peu d'exposer ma vie,
je ne puis hazarder rien qui ne soit à toy.
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| Arcas ->
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COMBATTANS |
Avançons, avançons; que rien ne nous estonne;
frappons, perçons, frappons, qu'on n'épargne personne;
il faut perir, il faut perir,
il faut vaincre, ou mourir.
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Scène sixiesme |
La Grande prestresse de Minerve, Æglé, Cleone, Combattans que l'on entend et que l'on ne voit point. |
<- La grande prestresse, Æglé
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Prions, prions la déesse
de nous dégager
du danger
qui nous presse
prions, prions la déesse.
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LA GRANDE PRESTRESSE, ÆGLÉ, CLEONE |
Prions, prions, la déesse.
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COMBATTANS |
Mourez, mourez, perfides cœurs,
tombez sous les coups des vainqueurs.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Dieux ! quelle barbarie !
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ÆGLÉ |
Entendrons-nous toujours ces horribles clameurs ?
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LA GRANDE PRESTRESSE, ÆGLÉ, CLEONE |
Dieux ! Quelle barbarie !
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COMBATTANS |
Mourez, mourez, perfides cœurs,
tombez sous les coups des vainqueurs.
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| <- Un combattant
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UN COMBATTANT |
Sauve un malheureux qui te prie.
Ah je meurs ! ah je meurs !
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LA GRANDE PRESTRESSE, ÆGLÉ, CLEONE |
Dieux ! quelle barbarie !
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UN COMBATTANT |
Ah je meurs ! ah je meurs !
sauve un malheureux qui te prie.
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| Un combattant ->
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COMBATTANS |
Mourez, mourez, perfides cœurs,
tombez sous les coups des vainqueurs.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Ô Minerve ! arrestez la cruelle furie
qui desole nostre patrie:
ecartez loin de nous la guerre et ses horreurs;
ciel ! espargnez le sang, contentez-vous de pleurs,
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LA GRANDE PRESTRESSE, ÆGLÉ, CLEONE |
Ciel ! espargnez le sang, contentez-vous de pleurs.
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COMBATTANS
Liberté, liberté.
Victoire, victoire, victoire.
Courons, courons tous à la gloire.
Combattons avec fermeté.
Deffendons nostre liberté.
Liberté, liberté.
Emportons la victoire.
Victoire, victoire, victoire.
Liberté, liberté.
Victoire, victoire, victoire.
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Scène septiesme |
Ægée roy d'Athènes, La grande prestresse, Æglé, Cleone, Suivans du roy d'Athenes. |
<- Le roy, Suivans du roy d'Athenes
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LE ROY |
Les mutins sont vaincus, leurs chefs sont immolez;
leur vaine esperance est destruite.
Tous les peuples voisins qu'ils avoient appellez
sont dans nos fers, ou sont en fuite.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Rendons graces aux dieux.
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TOUS ENSEMBLE |
Rendons graces aux dieux.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Puisque le juste ciel à nos vœux est propice,
allons, empressons-nous d'offrir un sacrifice
à la divinité qui protege ces lieux.
Rendons graces aux dieux.
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TOUS ENSEMBLE |
Rendons graces aux dieux.
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| La grande prestresse, Cleone, Suivans du roy d'Athenes ->
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Scène huitiesme |
Le roy, Æglé |
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LE ROY |
Cessez, charmante, Æglé, de répandre des larmes,
commençons aprés tant d'allarmes
à joüir d'un destin plus doux:
puisque je voy mon thrône affermy par les armes,
j'y veux joindre de nouveaux charmes
en le partageant avec vous.
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ÆGLÉ |
Avec moy ! vous ! seigneur !
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LE ROY |
Que vostre trouble cesse.
C'est peut-estre, un peu tard vouloir plaire à vos yeux,
je ne suis plus au temps de l'aimable jeunesse,
mais je suis roy, belle princesse,
et roy victorieux.
Faites grace à mon âge en faveur de ma gloire,
voyez le prix du rang qui vous est destiné:
la vieillesse sied bien sur un front couronné,
quand on y voit briller l'éclat de la victoire.
Parlez charmante Æglé, parlez à vostre tour.
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ÆGLÉ |
Depuis que j'ay perdu mon pere
vos soins ont prevenu mes vœux dans vostre cour.
Je doy vous respecter, seigneur, je vous revere...
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LE ROY |
Vous parlez de respect quand je parle d'amour.
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ÆGLÉ |
Mais vostre foy, seigneur, à Medée est promise ?
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LE ROY |
Je sçay que lors qu'on la méprise
on s'expose aux fureurs de ses ressentiments.
Toute la nature est soûmise
à ses affreux commandements,
l'enfer la favorise,
elle confond les elements,
le ciel mesme est troublé par ses enchantements.
Mais j'ay fait élever en secret dans Trœzene
un fils qui peut m'oster de peine:
je veux qu'en espousant Medée au lieu de moy,
il dégage ma foy.
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ÆGLÉ |
Mais si malgré vos soins, Medée ambitieuse,
ne s'attache qu'au rang que vous me presentez ?
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LE ROY |
Que vous estes ingenieuse
à trouver des difficultez !
Que Medée en fureur, s'arme, menace, tonne,
il faut que ma main vous couronne
quand il m'en cousteroit et l'empire, et le jour.
Un grand cœur qui se sent animé par l'amour
ne doit jamais trouver de peril qui l'estonne.
J'atteste Minerve à vos yeux,
j'atteste le maistre des cieux,
et sa foudroyante justice...
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ÆGLÉ |
Tout est prest pour le sacrifice,
chacun s'avance dans ces lieux,
rendons graces aux dieux.
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Scène nevfiesme |
Le roy, Æglé, Suivans du roy, Cleone, La grande prestresse de Minerve. Quatre prestresses. Six hommes chantants desguisez en prestresses. Six flustes desguisées en femmes. Quatre trompettes. Deux timballiers. |
<- Suivans du roy, Cleone, La grande prestresse, Quatre prestresses, Six hommes chantants desguisez en prestresses, Six flustes desguisées en femmes, quatre trompettes, deux timballiers
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Cet empire puissant que vostre soin conserve
vient reconnoistre icy vostre divin secours,
favorable Minerve !
Protegez-nous toujours.
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LE CHŒUR DES PRESTRESSES |
Favorable Minerve !
protegez-nous toujours.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Le peril estoit redoutable:
mais vous nous inspirez un courage indomptable
qui de nostre malheur a détourné le cours,
ô Pallas favorable !
protegez-nous toujours.
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LE CHŒUR DES PRESTRESSES |
Ô Pallas favorable !
protegez-nous toujours.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Il faut profiter
du bonheur de nos armes.
C'est trop escouter
le bruit des allarmes,
le cours de nos larmes
se doit arrester,
songeons à gouster
un sort plein de charmes;
il faut profiter
du bonheur de nos armes.
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LE CHŒUR DES PRESTRESSES
Chantez tous en paix,
chantez la victoire,
et que la memoire
en vive à jamais:
chantez les attrais
dont brille la gloire;
chantez tous en paix,
chantez la victoire.
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Le calme est bien doux
apres un grand orage.
La gloire est pour nous,
la honte et la rage
seront le partage
des voisins jaloux:
tout cedde à nos coups,
tout cedde au courage:
le calme est bien doux
apres un grand orage.
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LE CHŒUR DES PRESTRESSES
Chantons tour à tour
dans ces lieux aimables,
des dieux favorables
y font leur sejour:
les seuls traits d'amour
y sont redoutables:
chantons tour à tour
dans ces lieux aimables.
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Scène dixiesme |
Le roy, Æglé, Cleone, Suivans du roy, La grande prestresse, Chœur des prestresses, Sacrificateurs combattans qui apportent les estendars et les despoüilles des ennemis vaincus. Dix-huit assistants au sacrifice chantants. Sacrificateurs combatants dançants. Six prestresses dançantes. |
<- Sacrificateurs, Assistants
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
que par vostre faveur puissante
une felicité charmante
nous offre chaque jour mille nouveaux appas,
ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
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LES CHŒURS
Animez nos cœurs, et nos bras,
rendez la victoire constante,
conduisez nos soldats,
par tout, devant leurs pas,
jettez le trouble et l'épouvante;
ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Souffrez qu'un feu sacré dans ces lieux vous presente
une image innocente
de guerre et de combas.
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LES CHŒURS |
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On forme un combat à la maniere des anciens. | |
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LES CHŒURS
Que la guerre sanglante
passe en d'autres estats,
ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
Que la foudre menaçante
porte plus loin ses éclats:
ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
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LA GRANDE PRESTRESSE |
Puissions-nous voir toujours Athenes triomphante,
puisse son roy vainqueur des plus grands potentats
la rendre heureuse et florissante.
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LES CHŒURS |
Ô Minerve sçavante !
ô guerriere Pallas !
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Fin du premier acte. | |
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