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Scene premiere |
Le theatre change et represente le palais du sacrificateur de Cybele. Atys seul. |
Q
Atys
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Que servent les faveurs que nous fait la fortune
quand l'amour nous rend malheureux ?
Je pers l'unique bien qui peut combler mes vœux,
et tout autre bien m'importune.
Que servent les faveurs que nous fait la fortune
quand l'amour nous rend malheureux ?
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Scene seconde |
Idas, Doris, Atys. |
<- Idas, Doris
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IDAS |
Peut-on icy parler sans feindre ?
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ATYS |
Je commande en ces lieux, vous n'y devez rien craindre.
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DORIS |
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IDAS |
Mon frere est votre amy. Fiez-vous à ma soeur.
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ATYS |
Vous devez avec moy partager mon bon-heur.
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IDAS, DORIS |
Nous venons partager vos mortelles allarmes;
Sangaride les yeux en larmes
nous vient d'ouvrir son cœur.
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ATYS |
L'heure aproche où l'hymen voudra qu'elle se livre
au pouvoir d'un heureux espoux.
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IDAS, DORIS |
Elle ne peut vivre
pour un autre que pour vous.
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ATYS |
Qui peut la dégager du devoir qui la presse ?
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IDAS, DORIS |
Elle veut elle mesme aux pieds de la déesse
declarer hautement vos secretes amours.
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ATYS |
Cybele pour moy s'interesse,
j'ose tout esperer de son divin secours...
Mais quoy, trahir le roy ! tromper son esperance !
De tant de biens receus est-ce la recompense ?
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IDAS, DORIS |
Dans l'empire amoureux
le devoir n'a point de puissance;
l'amour dispence
les rivaux d'estre genereux;
il faut souvent pour devenir heureux
qu'il en couste un peu d'innocence.
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ATYS |
Je souhaite, je crains, je veux, je me repens.
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IDAS, DORIS |
Verrez-vous un rival heureux à vos dépens ?
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ATYS |
Je ne puis me resoudre à cette violence.
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ATYS, IDAS, DORIS |
En vain, un cœur, incertain de son choix,
met en balance mille fois
l'amour et la reconnoissance,
l'amour toûjours emporte la balance.
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ATYS |
Le plus juste party cede enfin au plus fort.
Allez, prenez soin de mon sort,
que Sangaride icy se rende en diligence.
| Idas, Doris ->
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Scene troisiesme |
Atys seul. |
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Nous pouvons nous flater de l'espoir le plus doux
Cybele et l'amour sont pour nous.
Mais du devoir trahi j'entends la voix pressante
qui m'accuse et qui m'épouvante.
Laisse mon cœur en paix, impuissante vertu,
n'ay-je point assez combatu ?
Quand l'amour malgré toy me contraint à me rendre,
que me demandes-tu ?
Puisque tu ne peux me deffendre,
que me sert-il d'entendre
les vains reproches que tu fais ?
Impuissante vertu laisse mon cœur en paix.
Mais le Sommeil vient me surprendre,
je combats vainement sa charmante douceur.
Il faut laisser suspendre
les troubles de mon cœur.
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Atys descend. | Atys ->
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Scene quatriesme |
Le theatre change et represente un antre entouré de pavots et de ruisseaux, où le dieux du Sommeil se vient rendre accompagné des Songes agreables et funestes. Atys dormant. Le Sommeil, Morphée, Phobetor, Phantase, Les Songes heureux. Les Songes funestes. Deux Songes joüants de la violle. Deux Songes joüants du theorbe. Six Songes joüants de la flutte. Douze Songes funestes chantants. Huit Songes agreables dançans. Huit Songes funestes dançants |
Q
Atys, Sommeil, Morphée, Phobetor, Phantase, Les Songes heureux, Les Songes funestes
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SOMMEIL |
Dormons, dormons tous;
ah que le repos est doux !
| S
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MORPHÉE
Regnez, divin Sommeil, regnez sur tout le monde,
répandez vos pavots les plus assoupissans;
calmez les soins, charmez les sens,
retenez tous les cœurs dans une paix profonde.
| (♦)
(♦)
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PHOBETOR
Ne vous faites point violence,
coulez, murmurez, clairs ruisseaux,
il n'est permis qu'au bruit des eaux
de troubler la douceur d'un si charmant silence.
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SOMMEIL, MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE |
Dormons, dormons tous,
ah que le repos est doux !
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Les Songes agreables aprochent d'Atys, et par leurs chants, et par leurs dances, luy font connoistre l'amour de Cybele, et le bonheur qu'il en doit esperer. | |
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MORPHÉE |
Escoute, escoute Atys la gloire qui t'appelle,
sois sensible à l'hõneur d'estre aymé de Cybele,
joüis heureux Atys de ta felicité.
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MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE
Mais souvien-toy que la beauté
quand elle est immortelle,
demande la fidelité
d'une amour éternelle.
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PHANTASE |
Que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
a faire sentir sa puissance,
que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
pour ne finir jamais.
Trop heureux un amant
qu'amour exemte
des peines d'une longue attente !
Trop heureux un amant
qu'amour exemte
de crainte, et de tourment !
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MORPHÉE |
Gouste en paix chaque jour une douceur nouvelle,
partage l'heureux sort d'une divinité,
ne vante plus la liberté,
il n'est point du prix d'une chaîne si belle.
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MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE
Mais souvien-toy que la beauté
quand elle est immortelle,
demande la fidelité
d'une amour éternelle.
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PHANTASE |
Que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
a faire sentir sa puissance,
que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
pour ne finir jamais.
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Les Songes funestes approchent d'Atys, et le menacent de la vengeance de Cybele s'il mesprise son amour, et s'il ne l'ayme pas avec fidelité. | |
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UN SONGE FUNESTE |
Garde-toy d'offencer un amour glorieux,
c'est pour toy que Cybele abandonne les cieux
ne trahis point son esperance.
Il n'est point pour les dieux de mespris innocent,
ils sont jaloux des cœurs, ils ayment la vengeance,
il est dangereux qu'on offence
un amour tout-puissant.
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CHŒUR DE SONGES FUNESTES
L'amour qu'on outrage
se transforme en rage,
et ne pardonne pas
aux plus charmants appas.
Si tu n'aymes point Cybele
d'une amour fidelle,
malheureux, que tu souffriras !
Tu periras:
crains une vengeance cruelle,
tremble, crains un affreux trépas.
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Atys espouvanté par les Songes funestes, se resveille en sursaut, le Sommeil et les Songes disparoissent avec l'antre où ils estoient, et Atys se retrouve dans le mesme palais où il s'estoit endormy. | Sommeil, Morphée, Phobetor, Phantase, Les Songes heureux, Les Songes funestes ->
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Scene cinquiesme |
Atys, Cybele, et Melisse |
Q
<- Cybele, Melisse
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ATYS |
Venez à mon secours ô dieux ! ô justes dieux !
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CYBELE |
Atys, ne craignez rien, Cybele, est en ces lieux.
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ATYS |
Pardonnez au desordre où mon cœur s'abandonne;
c'est un songe...
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CYBELE |
C'est un songe... Parlez, quel songe vous estonne ?
Expliquez moy vostre embaras.
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ATYS |
Les songes sont trompeurs, et je ne les croy pas.
Les plaisirs et les peines
dont en dormant on est séduit,
sont des chimeres vaines
que le resveil détruit.
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CYBELE |
Ne mesprisez pas tant les songes
l'amour peut emprunter leur voix,
s'ils font souvent des mensonges
ils disent vray quelquefois.
Ils parloient par mon ordre, et vous les devez croire.
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ATYS |
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CYBELE |
O Ciel ? N'en doutez point, connoissez vostre gloire.
Respondez avec liberté,
je vous demande un cœur qui despend de luy-mesme.
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ATYS |
Une grande divinité
doit s'assûrer toûjours de mon respect extresme.
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CYBELE |
Les dieux dans leur grandeur supresme
reçoivent tant d'honneurs qu'ils en sont rebutez,
ils se lassent souvent d'estre trop respectez,
ils sont plus contents qu'on les aymes.
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ATYS |
Je sçay trop ce que je vous doy
pour manquer de reconnoissance...
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Scene sixiesme |
Sangaride, Cybele, Atys, Melisse. |
<- Sangaride
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SANGARIDE |
(se jettant aux pieds de Cybele)
J'ay recours à vostre puissance,
reyne des dieux, protegez-moy.
L'interest d'Atys vous en presse...
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ATYS |
(interrompant Sangaride)
Je parleray pour vous, que vostre crainte cesse.
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SANGARIDE |
Tous deux unis des plus beaux nœuds...
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ATYS |
(interrompant Sangaride)
Le sang et l'amitié nous unissent tous deux.
Que vostre secours la délivre
des loix d'un hymen rigoureux,
ce sont les plus doux de ses vœux
de pouvoir à jamais vous servir et vous suivre.
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CYBELE |
Les dieux sont les protecteurs
de la liberté des cœurs.
Allez, ne craignez point le roy ny sa colere,
j'auray soin d'appaiser
le fleuve Sangar vostre pere;
Atys veut vous favoriser,
Cybele en sa faveur ne peut rien refuser.
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ATYS |
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CYBELE |
Ah ! c'en est trop... Non, non, il n'est pas necessaire
que vous cachiez vostre bonheur,
je ne prétens point faire
un vain mystere
d'un amour qui vous fait honneur.
Ce n'est point à Cybele à craindre d'en trop dire.
Il est vray, j'ayme Atys, pour luy j'ay tout quitté,
sans luy je ne veux plus de grandeur ny d'empire,
pour ma felicité
son cœur seul peut suffire.
Allez, Atys luy-mesme ira vous garentir
de la fatale violence
où vous ne pouvez consentir.
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| (Sangaride se retire) | Sangaride ->
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CYBELE |
(parle à Atys)
Laissez-nous, attendez mes ordres pour partir,
je prétens vous armer de ma toute-puissance.
| Atys ->
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Scene septiesme |
Cybele, Melisse. |
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CYBELE |
Qu'Atys dans ses respects mesle d'indifference !
L'ingrat Atys ne m'ayme pas;
l'amour veut de l'amour, tout autre prix l'offence,
et souvent le respect et la reconnoissance
sont l'excuse des cœurs ingrats.
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MELISSE |
Ce n'est pas un si grand crime
de ne s'exprimer pas bien,
un cœur qui n'ayma jamais rien
sçait peu comment l'amour s'exprime.
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CYBELE |
Sangaride est aymable, Atys peut tout charmer,
ils tesmoignent trop s'estimer,
et de simples parents sont moins d'intelligence:
ils se sont aymez dès l'enfance,
ils pourroient enfin trop s'aymer.
Je crains une amitié que tant d'ardeur anime.
Rien n'est si trompeur que l'estime:
c'est un nom supposé
qu'on donne quelquefois à l'amour desguisé.
Je prétens m'esclaircir leur feinte sera vaine.
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MELISSE |
Quels secrets par les dieux ne sont point penetrez ?
Deux cœurs à feindre preparez
ont beau cacher leur chaîne,
on abuse avec peine
les dieux par l'amour esclairez.
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CYBELE |
Va, Melisse, donne ordre à l'aymable Zephire
d'accomplir promptement tout ce qu'Atys desire.
| Melisse ->
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Scene huitiesme |
Cybele seule. |
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Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
Des suprêmes grandeurs vous m'avez fait descendre,
mille cœurs m'adoroient, je les neglige tous,
je n'en demande qu'un, il a peine à se rendre;
je ne sens que chagrins, et que soupçons jaloux;
est-ce le sort charmant que je devois attendre ?
Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
Helas ! par tant d'attraits falloit-il me surprendre ?
Heureuse, si toûjours j'avois pû m'en deffendre !
L'amour qui me flattoit me cachoit son couroux:
c'est donc pour me fraper des plus funestes coups,
que le cruel amour m'a fait un cœur si tendre ?
Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
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