ATYS
Tragedie en musique.
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Livret de Philippe QUINAULT.
Musique de Jean-Baptiste LULLY.
Première représentation: 10 janvier 1676, Saint-Germain-en-Laye.
Acteurs:
Prologue | |
LE TEMPS |
baryton |
La déesse FLORE |
soprano |
UN ZEPHIR |
ténor |
MELPOMENE muse tragique |
soprano |
La déesse IRIS |
soprano |
Tragedie | |
ATYS parent de Sangaride, et favory de Celænus, roy de Phrygie |
ténor |
IDAS amy d'Atys, et frere de la nymphe Doris |
basse |
SANGARIDE nymphe, fille du fleuve Sangar |
soprano |
DORIS nymphe, amie de Sangaride, et sœur d'Idas |
soprano |
La déesse CYBELE |
soprano |
MELISSE confidente et prestresse de Cybele |
soprano |
CELÆNUS roy de Phrygie, fils de Neptune, et amant de Sangaride |
baryton |
Le dieu du SOMMEIL |
ténor |
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR pere de Sangaride |
basse |
MORPHÉE |
ténor |
PHOBETOR |
basse |
PHANTASE |
basse |
ALECTON le fieur dauphin |
autre |
Prologue:
les douze heures du jour, Les douze heures de la nuit, Troupe de Nymphes chantantes de la suite de Flore, Suivans de Flore dançants, Nymphes dançantes, Heros chantants de la suite de Melpomene, Heros combatans et dançants de la suite de Melpomene.
Tragedie:
Chœur de Phrygiens et de Phrygiennes, Troupe de Phrygiens et de Phrygiennes qui dancent à la feste de Cybele, Troupe de prestresses de Cybele, Troupe de suivants de Celænus, Troupe de Zephirs chantants, dançants, et volants, Chœur et troupe de peuples differents qui viennent à la feste de Cybele, Troupe de songes agreable, Troupe de songes funestes, Troupe de dieux de fleuves, et de ruisseaux, et de nymphes de fontaines, qui chantent et qui dancent, Troupe de divinitez des bois et des eaux, Troupe de corybantes.
Prologue:
le palais du Temps.
Tragedie:
la scene est en Phrygie.
Le Theatre represente le palais du Temps, où ce dieu paroist au milieu des douze Heures du jour, et des douze Heures de la nuit.
LE TEMPS
CHŒUR DES HEURES
Ses justes loix,
ses grands exploits
rendent sa memoire éternelle:
chaque jour, chaque instant
adjouste encor à son nom esclattant
une gloire nouvelle.
La déesse Flore conduite par un des Zephirs s'avance avec une troupe de Nymphes qui portent divers ornements de fleurs.
LE TEMPS
FLORE
Quand j'attens les beaux jours, je viens toûjours trop tard,
plus le printemps s'avance, et plus il m'est contraire;
son retour presse le départ
du heros à qui je veux plaire.
Pour luy faire ma cour, mes soins ont entrepris
de braver desormais l'hyver le plus terrible,
dans l'ardeur de luy plaire on a bien-tost apris
a ne rien trouver d'impossible.
LE TEMPS, FLORE
Les plaisirs à ses yeux ont beau se presenter,
si-tost qu'il voit Bellone, il quitte tout pour elle;
rien ne peut l'arrester
quand la gloire l'appelle.
Le chœur des heures repete ces deux derniers vers.
La suite de Flore commence des jeux meslez de dances et de chants.
UN ZEPHIR
Le printemps quelquefois est moins doux qu'il ne semble,
il fait trop payer ses beaux jours;
il vient pour escarter les jeux et les amours,
et c'est l'hyver qui les rassemble.
Melpomene qui est la muse qui preside à la tragedie, vient accompagnée d'une Troupe de heros, elle est suivie d'Hercule, d'Antæe, de Castor, de Pollux, de Lincée, d'Idas, d'Eteocle, et de Polinice.
MELPOMENE
(parlant à Flore)
Retirez-vous, cessez de prevenir le Temps;
ne me desrobez point de precieux instants:
la puissante Cybele
pour honorer Atys qu'elle a privé du jour,
veut que je renouvelle
dans une illustre cour
le souvenir de son amour.
Que l'agrément rustique
de Flore et de ses jeux,
cede à l'appareil magnifique
de la muse tragique,
et de ses spectacles pompeux.
La Suite de Melpomene prend la place de la Suite de Flore. Les Heros recommencent leurs anciennes querelles. Hercule combat et lutte contre Antæe, Castor et Pollux combattent contre Lyncée et Idas, et Eteocle combat contre son Frere Polynice.
Iris, par l'ordre de Cybele, descend assis sur son arc, pour accorder Melpomene et Flore.
IRIS
(parlant à Melpomene)
Cybele veut que Flore aujourd'huy vous seconde.
Il faut que les plaisirs viennent de toutes parts,
dans l'empire puissant, où regne un nouveau Mars,
ils n'ont plus d'autre asile au monde.
Rendez-vous, s'il se peut, dignes de ses regards;
joignez la beauté vive et pure
dont brille la nature,
aux ornements des plus beaux arts.
Iris remonte au ciel sur son arc, et la Suite de Melpomene s'accorde avec la Suite de Flore.
MELPOMENE, FLORE
Rendons-nous, s'il se peut, dignes de ses regards;
joignons la beauté vive et pure
dont brille la nature,
aux ornements des plus beaux arts.
LE TEMPS, CHŒUR DES HEURES
Preparez de nouvelles festes,
profitez du loisir du plus grand des heros;
Ensemble
LE TEMPS
MELPOMENE, FLORE
Preparons de nouvelles festes,
profitons du loisir du plus grand des heros.
LE TEMPS, MELPOMENE, FLORE
Le temps des jeux, et du repos,
luy sert à mediter de nouvelles conquestes.
Le theatre represente une montagne consacrée à Cybele.
Atys.
Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.
Trop heureux Phrygiens, venez icy l'attendre.
Mille peuples seront jaloux
des faveurs que sur nous
sa bonté va répandre.
Idas, Atys.
ATYS, IDAS
Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.
ATYS
Le soleil peint nos champs des plus vives couleurs,
il a seché les pleurs
que sur l'émail des prez a répandu l'aurore;
et ses rayons nouveaux ont déja fait éclorre
mille nouvelles fleurs.
IDAS
Vous veillez lorsque tout sommeille;
vous nous éveillez si matin
que vous ferez croire à la fin
que c'est l'amour qui vous éveille.
ATYS
Non, tu dois mieux juger du party que je prens.
Mon cœur veut fuir toûjours les soins et les misteres;
j'ayme l'heureuse paix des cœurs indifferents;
si leurs plaisirs ne sont pas grands,
au moins leurs peines sont legeres.
IDAS
Tost ou tard l'amour est vainqueur,
en vain les plus fiers s'en deffendent,
on ne peut refuser son cœur
a de beaux yeux qui le demandent.
Atys, ne feignez plus, je sçais votre secret.
Ne craignez rien, je suis discret.
Dans un bois solitaire, et sombre,
l'indifferent Atys se croyoit seul, un jour;
sous un feüillage épais où je resvois à l'ombre,
je l'entendis parler d'amour.
ATYS
Si je parle d'amour, c'est contre son empire,
j'en fais mon plus doux entretien.
IDAS
Tel se vante de n'aimer rien,
dont le cœur en secret soûpire.
J'entendis vos regrets, et je les sçais si bien
que si vous en doutez je vais vous les redire.
Amans qui vous plaignez, vous estes trop heureux:
mon cœur de tous les cœurs est le plus amoureux,
et tout prés d'expirer je suis reduit à feindre;
que c'est un tourment rigoureux
de mourir d'amour sans se plaindre !
Amans qui vous plaignez, vous estes trop heureux.
ATYS
Idas, il est trop vray, mon cœur n'est que trop tendre,
l'amour me fait sentir ses plus funestes coups.
Qu'aucun autre que toy n'en puisse rien apprendre.
Sangaride, Doris, Atys, Idas.
SANGARIDE, DORIS
Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.
SANGARIDE
Que dans nos concerts les plus doux,
son nom sacré se fasse entendre.
ATYS
Sur l'univers entier son pouvoir doit s'étendre.
SANGARIDE
Les dieux suivent ses loix et craignent son couroux.
ATYS, SANGARIDE, IDAS, DORIS
Quels honneurs ! quels respects ne doit-on point luy rendre ?
ATYS, SANGARIDE, IDAS, DORIS
Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.
SANGARIDE
Escoutons les oyseaux de ces bois d'alentour,
ils remplissent leurs chants d'une douceur nouvelle.
On diroit que dans ce beau jour,
ils ne parlent que de Cybele.
ATYS
Si vous les écoutez, ils parleront d'amour.
Un roy redoutable,
amoureux, aimable,
va devenir vostre espoux;
tout parle d'amour pour vous.
SANGARIDE
Il est vray, je triomphe, et j'aime ma victoire.
Quand l'amour fait regner, est-il un plus grand bien ?
Pour vous, Atys, vous n'aimez rien,
et vous en faites gloire.
ATYS
L'Amour fait trop verser de pleurs;
souvent ses douceurs sont mortelles.
Il ne faut regarder les belles
que comme on voit d'aimables fleurs.
J'aime les roses nouvelles,
j'aime les voir s'embellir,
sans leurs épines cruelles,
j'aimerois à les cüeillir.
SANGARIDE
Quand le peril est agreable,
le moyen de s'en allarmer ?
Est-ce un grand mal de trop aimer
ce que l'on trouve aimable ?
Peut-on estre insensible aux plus charmans appas ?
ATYS
Non vous ne me connoissez pas.
Je me deffens d'aimer autant qu'il m'est possible;
si j'aimois, un jour, par malheur,
je connoy bien mon cœur
il seroit trop sensible.
Mais il faut que chacun s'assemble prés de vous,
Cybele pourroit nous surprendre.
ATYS, IDAS
Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.
Sangaride, Doris.
SANGARIDE
Atys est trop heureux.
DORIS
L'amitié fut toûjours égale entre vous deux,
et le sang d'assez prés vous lie:
quel que soit son bon-heur, luy portez-vous envie ?
Vous, qu'aujourd'huy l'hymen avec de si beaux nœuds
doit unir au roy de Phrygie ?
SANGARIDE
Atys, est trop heureux.
Souverain de son cœur, maistre de tous ses vœux,
sans crainte, sans melancolie,
il joüit en repos des beaux jours de sa vie;
Atys ne connoît point les tourmens amoureux,
Atys est trop heureux.
DORIS
Quel mal vous fait l'amour ? vostre chagrin m'estonne.
SANGARIDE
Je te fie un secret qui n'est sceu de personne.
Je devrois aimer un amant
qui m'offre une couronne;
mais, helas ! vainement
le devoir me l'ordonne,
l'amour, pour mon tourment,
en ordonne autrement.
DORIS
Aimeriez-vous Atys, luy dont l'indifference
brave avec tant d'orgüeil l'amour et sa puissance ?
SANGARIDE
J'aime, Atys, en secret, mon crime, est sans témoins.
Pour vaincre mon amour, je mets tout en usage,
j'appelle ma raison, j'anime mon courage;
mais à quoy servent tous mes soins ?
Mon cœur en souffre davantage,
et n'en aime pas moins.
DORIS
C'est le commun deffaut des belles.
L'ardeur des conquestes nouvelles
fait negliger les cœurs qu'on a trop tost charmez,
et les indifferents sont quelquefois aimez
aux dépens des amants fidelles.
Mais vous vous esposez à des peines cruelles.
SANGARIDE
Toûjours aux yeux d'Atys je seray sans appas;
je le sçay, j'y consens, je veux, s'il est possible,
qu'il soit encor plus insensible;
s'il me pouvoit aimer, que deviendrois-je ? helas !
c'est mon plus grand bon-heur qu'Atys ne m'aime pas.
Je pretens estre heureuse, au moins, en apparence;
au destin d'un grand roy je me vais attacher.
SANGARIDE, DORIS
Un amour malheureux dont le devoir s'offence,
se doit condamner au silence;
un amour malheureux qu'on nous peut reprocher,
ne sçauroit trop bien se cacher.
Atys, Sangaride, Doris.
ATYS
On voit dans ces campagnes
tous nos Phrygiens s'avancer.
DORIS
Je vais prendre soin de presser
les Nymphes nos compagnes.
Atys, Sangaride.
ATYS
Sangaride, ce jour est un grand jour pour vous.
SANGARIDE
Nous ordonnons tous deux la feste de Cybele,
l'honneur est égal entre nous.
ATYS
Ce jour mesme, un grand roy doit estre vostre espoux,
je ne vous vis jamais si contente et si belle;
que le sort du roy sera doux !
SANGARIDE
L'indifferent Atys n'en sera point jaloux.
ATYS
Vivez tous deux contens, c'est ma plus chere envie;
j'ay pressé vostre hymen, j'ay servy vos amours.
Mais enfin ce grand jour, le plus beau de vos jours,
sera le dernier de ma vie.
SANGARIDE
Ô dieux !
ATYS
O dieux ! Ce n'est qu'à vous que je veux reveler
le secret desespoir où mon malheur me livre;
je n'ay que trop sceu feindre, il est temps de parler;
qui n'a plus qu'un moment à vivre,
n'a plus rien à dissimuler.
SANGARIDE
Je fremis, ma crainte est extresme;
Atys, par quel malheur faut-il vous voir perir ?
ATYS
Vous me condamnerez vous mesme,
et vous me laisserez mourir.
SANGARIDE
J'armeray, s'il se faut, tout le pouvoir supresme...
ATYS
Non, rien ne peut me secourir,
je meurs d'amour pour vous, je n'en sçaurois guerir.
SANGARIDE
Quoy ? vous ?
ATYS
Quoy ? vous ? Il est trop vray.
SANGARIDE
Quoy ? vous ? Il est trop vray. Vous m'aimez ?
ATYS
Quoy ? vous ? Il est trop vray. Vous m'aimez ? Je vous aime.
Vous me condamnerez vous mesme,
et vous me laisserez mourir.
J'ay merité qu'on me punisse,
j'offence un rival genereux,
qui par mille bien-faits a prevenu mes vœux:
mais je l'offence en vain, vous luy rendez justice;
ah ! que c'est un cruel suplice
d'avoüer qu'un rival est digne d'estre heureux !
Prononcez mon arrest, parlez sans vous contraindre.
SANGARIDE
Helas !
ATYS
Helas ! Vous soûpirez ? je voy couler vos pleurs ?
D'un malheureux amour plaignez-vous les douleurs ?
SANGARIDE
Atys, que vous seriez à plaindre
si vous sçaviez tous vos malheurs !
ATYS
Si je vous pers, et si je meurs,
que puis-je encore avoir à craindre ?
SANGARIDE
C'est peu de perdre en moy ce qui vous a charmé,
vous me perdez, Atys, et vous estes aimé.
ATYS
Aimé ! qu'entens-je ? ô ciel ! quel aveu favorable !
SANGARIDE
Vous en serez plus miserable.
ATYS
Mon malheur en est plus affreux,
le bonheur que je pers doit redoubler ma rage;
mais n'importe, aimez-moy, s'il se peut, d'avantage,
quand j'en devrois mourir cent fois plus malheureux.
SANGARIDE
Si vous cherchez la mort, il faut que je vous suive;
vivez, c'est mon amour qui vous en fait la loy.
ATYS
Hé comment ! hé pourquoy
voulez-vous que je vive,
si vous ne vivez pas pour moy ?
ATYS, SANGARIDE
Si l'hymen unissoit mon destin et le vostre,
que ses nœuds auroient eû d'attraits !
L'amour fit nos cœurs l'un pour l'autre,
faut-il que le devoir les separe à jamais ?
ATYS
Devoir impitoyable !
Ah quelle cruauté !
SANGARIDE
On vient, feignez encor, craignez d'estre écouté.
ATYS
Aimons un bien plus durable
que l'éclat de la beauté:
rien n'est plus aimable
que la liberté.
Atys, Sangaride, Doris, Idas.
Chœur de Phrygiens chantans. Chœur de Phrygiennes chantantes. Troupe de Phrygiens dançans. Troupe de Phrygiennes dançantes. Dix hommes Phrygiens chantans conduits par Atys. Dix femmes Phrygiennes chantantes conduites par Sangaride. Six Phrygiens dançans. Six nimphes Phrygiennes dançantes.
ATYS
Mais déja de ce mont sacré
le sommet paroist éclairé
d'une splendeur nouvelle.
Sangaride s'avançant vers la montagne. Le déesse descend, allons au devant d'elle.
ATYS, SANGARIDE
Commençons, commençons
de celebrer icy sa feste solemnelle,
commençons, commençons
nos jeux et nos chansons.
Les chœurs repetent ces derniers vers.
Il est temps que chacun fasse éclater son zele.
Venez, reine des dieux, venez,
venez, favorable Cybele.
Les chœurs repetent ces deux derniers vers.
ATYS
Quittez vostre cour immortelle,
choisissez ces lieux fortunez
pour vostre demeure éternelle.
LES CHŒURS
Venez, reine des dieux, venez.
SANGARIDE
La terre sous vos pas va devenir plus belle
que le sejour des dieux que vous abandonnez.
LES CHŒURS
Venez, favorable Cybele.
ATYS ET SANGARIDE
Venez voir les autels qui vous sont destinez.
ATYS, SANGARIDE, IDAS, DORIS, CHŒURS
Ecoutez un peuple fidelle
qui vous appelle,
venez reine des dieux, venez,
venez favorable Cybele.
La déesse Cybele paroist sur son char, et les Phrygiens et les Phrygiennes luy témoignent leur joye et leur respect.
CYBELE
(sur son char)
Venez tous dans mon temple, et que chacun revere
le sacrificateur dont je vais faire choix:
je m'expliqueray par sa voix,
les vœux qu'il m'offrira seront seurs de me plaire.
Je reçoy vos respects; j'aime à voir les honneurs
dont vous me presentez un éclatant hommage,
mais l'hommage des cœurs
est ce que j'aime davantage.
CYBELE
Vous devez vous animer
d'une ardeur nouvelle,
s'il faut honorer Cybele,
il faut encor plus l'aimer.
Cybele portée par son char volant, se va rendre dans son temple. Tous les Phrygiens s'empressent d'y aller, et repetent les quatres derniers vers que la déesse a prononcez.
LES CHŒURS
Nous devons nous animer
d'une ardeur nouvelle,
s'il faut honorer Cybele,
il faut encor plus l'aimer.
Le Theatre change et represente le temple de Cybele.
Celænus roy de Phrygie, Atys, Suivans de Celænus.
CELÆNUS
ATYS
Son choix sera pour vous, seigneur; quelle tristesse
semble avoir surpris vostre cœur ?
CELÆNUS
ATYS
Elle honore aujourd'huy ces lieux de sa presence,
c'est pour vous preferer aux plus puissans des roys.
CELÆNUS
ATYS
A nos jeux, à nos chants, j'estois trop appliqué,
hors la feste, seigneur, je n'ay rien remarqué.
CELÆNUS
ATYS
Quelque Rival caché ? Seigneur, que dites-vous ?
CELÆNUS
ATYS
Seigneur, soyez content, que rien ne vous allarme;
l'hymen va vous donner la beauté qui nous charme,
vous serez son heureux espoux.
CELÆNUS
ATYS
Son cœur suit avec soin le devoir et la gloire,
et vous avez pour vous le gloire et le devoir.
CELÆNUS
ATYS
Vous aimez d'un amour trop delicat, trop tendre.
CELÆNUS
ATYS
Qu'un indifferent est heureux !
Il joüit d'un destin paisible.
Le ciel fait un present bien cher, bien dangeureux,
lorsqu'il donne un cœur trop sensible.
CELÆNUS
Cybele, Celænus, Melisse, Troupe de Prestresses de Cybele.
CYBELE
Je veux joindre en ces lieux la gloire et l'abondance,
d'un sacrificateur je veux faire le choix,
et le roy de Phrygie auroit la preference
si je voulois choisir entre les plus grands roys.
Le puissant dieux des flots vous donna la naissance,
un peuple renommé s'est mis sous vostre loy;
vous avez sans mon choix, d'ailleurs, trop de puissance,
je veux faire un bonheur qui ne soit dû qu'à moy.
Vous estimez Atys, et c'est avec justice,
je pretens que mon choix à vos vœux soit propice,
c'est Atys que je veux choisir.
CELÆNUS
CYBELE
Il m'est doux que mon choix à vos désirs réponde;
une grande divinité
doit faire sa felicité
du bien de tout le monde,
mais sur tout le bonheur d'un roy chery des cieux
fait le plus doux plaisir des dieux.
CELÆNUS
CYBELE
Portez à votre amy la premiere nouvelle
de l'honneur éclatant où ma faveur l'appelle.
Cybele, Melisse.
CYBELE
Tu t'estonnes, Melisse, et mon choix te surprend ?
MELISSE
Atys vous doit beaucoup, et son bonheur est grand.
CYBELE
J'ay fait encor pour luy plus que tu ne peux croire.
MELISSE
Est-il pour un mortel un rang plus glorieux ?
CYBELE
Tu ne vois que sa moindre gloire;
ce mortel dans mon cœur est au dessus des dieux.
Ce fut au jour fatal de ma derniere feste
que de l'aimable Atys je devins la conqueste:
je partis à regret pour retourner aux cieux,
tout m'y parut changé, rien n'y pleût à mes yeux.
Je sens un plaisir extrème
a revenir dans ces lieux;
où peut-on jamais estre mieux,
qu'aux lieux où l'on voit ce qu'on aime.
MELISSE
Tous les dieux ont aimé, Cybele aime à son tour.
Vous méprisiez trop l'amour,
son nom vous sembloit étrange,
a la fin il vient un jour
où l'amour se vange.
CYBELE
J'ay crû me faire un cœur maistre de tout son sort,
un cœur toûjours exempt de trouble et de tendresse.
MELISSE
Vous braviez à tort
l'amour qui vous blesse;
le cœur le plus fort
a des momens de foiblesse.
Mais vous pouviez aimer, et descendre moins bas.
CYBELE
Non, trop d'égalité rend l'amour sans appas.
Quel plus haut rang ay-je à pretendre ?
Et dequoy mon pouvoir ne vient-il point à bout ?
Lors qu'on est au dessus de tout,
on se fait pour aimer un plaisir de descendre.
Je laisse aux dieux les biens dans le ciel preparez,
pour Atys, pour son cœur, je quitte tout sans peine,
s'il m'oblige à descendre, un doux penchant m'entraîne;
les cœurs que le destin à le plus separez,
sont ceux qu'amour unit d'une plus forte chaîne.
Fay venir le Sommeil; que luy-mesme en ce jour,
prenne soin icy de conduire
les Songes qui luy font la cour;
Atys ne sçait point mon amour,
par un moyen nouveau je pretens l'en instruire.
(Melisse se retire)
CYBELE
Que les plus doux Zephirs, que les peuples divers,
qui des deux bouts de l'univers
sont venus me montrer leur zele.
Celebrent la gloire immortelle
du sacrificateur dont Cybele a fait choix,
Atys doit dispenser mes loix,
honorez le choix de Cybele.
Les Zephirs paroissent dans une gloire élevée et brillante. Les Peuples differens qui sont venus à la feste de Cybele entrent dans le temple, et tous ensemble s'efforcent d'honorer Atys, qui vient revestu des habits de grand sacrificateur. Cinq Zephirs dançans dans la Gloire. Huit Zephirs joüants du haut-bois et des cromornes, dans la Gloire. Troupe de Peuples differens chantans qui accompagnent Atys. Six Indiens et six Egiptiens dançans.
CHŒURS DES PEUPLES ET DES ZEPHIRS
Celebrons la gloire immortelle
du sacrificateur dont Cybele a fait choix:
Atys doit dispenser ses loix,
honorons le choix de Cybele.
Que devant vous tout s'abaisse, et tout tremble;
vivez heureux, vos jours sont nostre espoir:
rien n'est si beau que de voir ensemble
un grand merite avec un grand pouvoir.
Que l'on benisse
le ciel propice,
qui dans vos mains
met le sort des humains.
ATYS
Indigne que je suis des honneurs qu'on m'adresse,
je dois les recevoir au nom de la déesse;
j'ose, puis qu'il luy plaist, luy presenter vos vœux:
pour le prix de vostre zele.
Que la puissante Cybele
vous rende à jamais heureux.
CHŒURS DES PEUPLES ET DES ZEPHIRS
Que la puissante Cybele
nous rende à jamais heureux.
Le theatre change et represente le palais du sacrificateur de Cybele.
Atys seul.
Que servent les faveurs que nous fait la fortune
quand l'amour nous rend malheureux ?
Je pers l'unique bien qui peut combler mes vœux,
et tout autre bien m'importune.
Que servent les faveurs que nous fait la fortune
quand l'amour nous rend malheureux ?
Idas, Doris, Atys.
IDAS
Peut-on icy parler sans feindre ?
ATYS
Je commande en ces lieux, vous n'y devez rien craindre.
DORIS
Mon frere est votre amy.
IDAS
Mon frere est votre amy. Fiez-vous à ma soeur.
ATYS
Vous devez avec moy partager mon bon-heur.
IDAS, DORIS
Nous venons partager vos mortelles allarmes;
Sangaride les yeux en larmes
nous vient d'ouvrir son cœur.
ATYS
L'heure aproche où l'hymen voudra qu'elle se livre
au pouvoir d'un heureux espoux.
IDAS, DORIS
Elle ne peut vivre
pour un autre que pour vous.
ATYS
Qui peut la dégager du devoir qui la presse ?
IDAS, DORIS
Elle veut elle mesme aux pieds de la déesse
declarer hautement vos secretes amours.
ATYS
Cybele pour moy s'interesse,
j'ose tout esperer de son divin secours...
Mais quoy, trahir le roy ! tromper son esperance !
De tant de biens receus est-ce la recompense ?
IDAS, DORIS
Dans l'empire amoureux
le devoir n'a point de puissance;
l'amour dispence
les rivaux d'estre genereux;
il faut souvent pour devenir heureux
qu'il en couste un peu d'innocence.
ATYS
Je souhaite, je crains, je veux, je me repens.
IDAS, DORIS
Verrez-vous un rival heureux à vos dépens ?
ATYS
Je ne puis me resoudre à cette violence.
ATYS, IDAS, DORIS
En vain, un cœur, incertain de son choix,
met en balance mille fois
l'amour et la reconnoissance,
l'amour toûjours emporte la balance.
ATYS
Le plus juste party cede enfin au plus fort.
Allez, prenez soin de mon sort,
que Sangaride icy se rende en diligence.
Atys seul.
Nous pouvons nous flater de l'espoir le plus doux
Cybele et l'amour sont pour nous.
Mais du devoir trahi j'entends la voix pressante
qui m'accuse et qui m'épouvante.
Laisse mon cœur en paix, impuissante vertu,
n'ay-je point assez combatu ?
Quand l'amour malgré toy me contraint à me rendre,
que me demandes-tu ?
Puisque tu ne peux me deffendre,
que me sert-il d'entendre
les vains reproches que tu fais ?
Impuissante vertu laisse mon cœur en paix.
Mais le Sommeil vient me surprendre,
je combats vainement sa charmante douceur.
Il faut laisser suspendre
les troubles de mon cœur.
Atys descend.
Le theatre change et represente un antre entouré de pavots et de ruisseaux, où le dieux du Sommeil se vient rendre accompagné des Songes agreables et funestes.
Atys dormant. Le Sommeil, Morphée, Phobetor, Phantase, Les Songes heureux. Les Songes funestes. Deux Songes joüants de la violle. Deux Songes joüants du theorbe. Six Songes joüants de la flutte. Douze Songes funestes chantants. Huit Songes agreables dançans. Huit Songes funestes dançants
SOMMEIL
Dormons, dormons tous;
ah que le repos est doux !
MORPHÉE
Regnez, divin Sommeil, regnez sur tout le monde,
répandez vos pavots les plus assoupissans;
calmez les soins, charmez les sens,
retenez tous les cœurs dans une paix profonde.
PHOBETOR
Ne vous faites point violence,
coulez, murmurez, clairs ruisseaux,
il n'est permis qu'au bruit des eaux
de troubler la douceur d'un si charmant silence.
SOMMEIL, MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE
Dormons, dormons tous,
ah que le repos est doux !
Les Songes agreables aprochent d'Atys, et par leurs chants, et par leurs dances, luy font connoistre l'amour de Cybele, et le bonheur qu'il en doit esperer.
MORPHÉE
Escoute, escoute Atys la gloire qui t'appelle,
sois sensible à l'hõneur d'estre aymé de Cybele,
joüis heureux Atys de ta felicité.
MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE
Mais souvien-toy que la beauté
quand elle est immortelle,
demande la fidelité
d'une amour éternelle.
PHANTASE
Que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
a faire sentir sa puissance,
que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
pour ne finir jamais.
Trop heureux un amant
qu'amour exemte
des peines d'une longue attente !
Trop heureux un amant
qu'amour exemte
de crainte, et de tourment !
MORPHÉE
Gouste en paix chaque jour une douceur nouvelle,
partage l'heureux sort d'une divinité,
ne vante plus la liberté,
il n'est point du prix d'une chaîne si belle.
MORPHÉE, PHOBETOR, PHANTASE
Mais souvien-toy que la beauté
quand elle est immortelle,
demande la fidelité
d'une amour éternelle.
PHANTASE
Que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
a faire sentir sa puissance,
que l'amour a d'attraits
lors qu'il commence
pour ne finir jamais.
Les Songes funestes approchent d'Atys, et le menacent de la vengeance de Cybele s'il mesprise son amour, et s'il ne l'ayme pas avec fidelité.
UN SONGE FUNESTE
Garde-toy d'offencer un amour glorieux,
c'est pour toy que Cybele abandonne les cieux
ne trahis point son esperance.
Il n'est point pour les dieux de mespris innocent,
ils sont jaloux des cœurs, ils ayment la vengeance,
il est dangereux qu'on offence
un amour tout-puissant.
CHŒUR DE SONGES FUNESTES
L'amour qu'on outrage
se transforme en rage,
et ne pardonne pas
aux plus charmants appas.
Si tu n'aymes point Cybele
d'une amour fidelle,
malheureux, que tu souffriras !
Tu periras:
crains une vengeance cruelle,
tremble, crains un affreux trépas.
Atys espouvanté par les Songes funestes, se resveille en sursaut, le Sommeil et les Songes disparoissent avec l'antre où ils estoient, et Atys se retrouve dans le mesme palais où il s'estoit endormy.
Atys, Cybele, et Melisse
ATYS
Venez à mon secours ô dieux ! ô justes dieux !
CYBELE
Atys, ne craignez rien, Cybele, est en ces lieux.
ATYS
Pardonnez au desordre où mon cœur s'abandonne;
c'est un songe...
CYBELE
C'est un songe... Parlez, quel songe vous estonne ?
Expliquez moy vostre embaras.
ATYS
Les songes sont trompeurs, et je ne les croy pas.
Les plaisirs et les peines
dont en dormant on est séduit,
sont des chimeres vaines
que le resveil détruit.
CYBELE
Ne mesprisez pas tant les songes
l'amour peut emprunter leur voix,
s'ils font souvent des mensonges
ils disent vray quelquefois.
Ils parloient par mon ordre, et vous les devez croire.
ATYS
Ô ciel !
CYBELE
O Ciel ? N'en doutez point, connoissez vostre gloire.
Respondez avec liberté,
je vous demande un cœur qui despend de luy-mesme.
ATYS
Une grande divinité
doit s'assûrer toûjours de mon respect extresme.
CYBELE
Les dieux dans leur grandeur supresme
reçoivent tant d'honneurs qu'ils en sont rebutez,
ils se lassent souvent d'estre trop respectez,
ils sont plus contents qu'on les aymes.
ATYS
Je sçay trop ce que je vous doy
pour manquer de reconnoissance...
Sangaride, Cybele, Atys, Melisse.
SANGARIDE
(se jettant aux pieds de Cybele)
J'ay recours à vostre puissance,
reyne des dieux, protegez-moy.
L'interest d'Atys vous en presse...
ATYS
(interrompant Sangaride)
Je parleray pour vous, que vostre crainte cesse.
SANGARIDE
Tous deux unis des plus beaux nœuds...
ATYS
(interrompant Sangaride)
Le sang et l'amitié nous unissent tous deux.
Que vostre secours la délivre
des loix d'un hymen rigoureux,
ce sont les plus doux de ses vœux
de pouvoir à jamais vous servir et vous suivre.
CYBELE
Les dieux sont les protecteurs
de la liberté des cœurs.
Allez, ne craignez point le roy ny sa colere,
j'auray soin d'appaiser
le fleuve Sangar vostre pere;
Atys veut vous favoriser,
Cybele en sa faveur ne peut rien refuser.
ATYS
Ah ! c'en est trop...
CYBELE
Ah ! c'en est trop... Non, non, il n'est pas necessaire
que vous cachiez vostre bonheur,
je ne prétens point faire
un vain mystere
d'un amour qui vous fait honneur.
Ce n'est point à Cybele à craindre d'en trop dire.
Il est vray, j'ayme Atys, pour luy j'ay tout quitté,
sans luy je ne veux plus de grandeur ny d'empire,
pour ma felicité
son cœur seul peut suffire.
Allez, Atys luy-mesme ira vous garentir
de la fatale violence
où vous ne pouvez consentir.
(Sangaride se retire)
CYBELE
(parle à Atys)
Laissez-nous, attendez mes ordres pour partir,
je prétens vous armer de ma toute-puissance.
Cybele, Melisse.
CYBELE
Qu'Atys dans ses respects mesle d'indifference !
L'ingrat Atys ne m'ayme pas;
l'amour veut de l'amour, tout autre prix l'offence,
et souvent le respect et la reconnoissance
sont l'excuse des cœurs ingrats.
MELISSE
Ce n'est pas un si grand crime
de ne s'exprimer pas bien,
un cœur qui n'ayma jamais rien
sçait peu comment l'amour s'exprime.
CYBELE
Sangaride est aymable, Atys peut tout charmer,
ils tesmoignent trop s'estimer,
et de simples parents sont moins d'intelligence:
ils se sont aymez dès l'enfance,
ils pourroient enfin trop s'aymer.
Je crains une amitié que tant d'ardeur anime.
Rien n'est si trompeur que l'estime:
c'est un nom supposé
qu'on donne quelquefois à l'amour desguisé.
Je prétens m'esclaircir leur feinte sera vaine.
MELISSE
Quels secrets par les dieux ne sont point penetrez ?
Deux cœurs à feindre preparez
ont beau cacher leur chaîne,
on abuse avec peine
les dieux par l'amour esclairez.
CYBELE
Va, Melisse, donne ordre à l'aymable Zephire
d'accomplir promptement tout ce qu'Atys desire.
Cybele seule.
Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
Des suprêmes grandeurs vous m'avez fait descendre,
mille cœurs m'adoroient, je les neglige tous,
je n'en demande qu'un, il a peine à se rendre;
je ne sens que chagrins, et que soupçons jaloux;
est-ce le sort charmant que je devois attendre ?
Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
Helas ! par tant d'attraits falloit-il me surprendre ?
Heureuse, si toûjours j'avois pû m'en deffendre !
L'amour qui me flattoit me cachoit son couroux:
c'est donc pour me fraper des plus funestes coups,
que le cruel amour m'a fait un cœur si tendre ?
Espoir si cher, et si doux,
ah ! pourquoy me trompez-vous ?
Le theatre change et represente le palais du fleuve Sangar.
Sangaride, Doris, Idas.
DORIS
Quoy, vous pleurez ?
IDAS
Quoy, vous pleurez ? D'où vient vostre peine nouvelle ?
DORIS
N'osez-vous découvrir vostre amour à Cybele ?
SANGARIDE
Helas !
DORIS, IDAS
Helas ! Qui peut encor redoubler vos ennuis ?
SANGARIDE
Helas ! j'aime... helas ! j'aime...
DORIS, IDAS
Helas ! j'aime... helas ! j'aime... Achevez.
SANGARIDE
Helas ! j'aime... helas ! j'aime... Achevez. Je ne puis.
DORIS, IDAS
L'Amour n'est guere heureux lorsqu'il est trop timide.
SANGARIDE
Helas ! j'aime un perfide
qui trahit mon amour;
le déesse aime Atys, il change en moins d'un jour,
Atys comblé d'honneurs n'aime plus Sangaride.
Helas ! j'aime un perfide
qui trahit mon amour.
DORIS, IDAS
Il nous montroit tantost un peu d'incertitude;
mais qui l'eust soupçonné de tant d'ingratitude ?
SANGARIDE
J'embarassois Atys, je l'ay veu se troubler:
je croyois devoir reveler
nostre amour à Cybele;
mais l'ingrat, l'infidelle,
m'empéchoit toûjours de parler.
DORIS, IDAS
Peut-on changer si-tost quand l'amour est extrême ?
Gardez-vous, gardez-vous
de trop croire un transport jaloux.
SANGARIDE
Cybele hautement declare qu'elle l'aime,
et l'ingrat n'a trouvé cét honneur que trop doux;
il change en un moment, je veux changer de mesme,
j'accepteray sans peine un glorieux espoux,
je ne veux plus aimer que la grandeur supresme.
DORIS, IDAS
Peut-on changer si-tost quand l'amour est extrême ?
Gardez-vous, gardez-vous
de trop croire un transport jaloux.
SANGARIDE
Trop heureux un cœur qui peut croire
un dépit qui sert à sa gloire.
Revenez, ma raison, revenez pour jamais,
joignez-vous au dépit pour estouffer ma flâme,
reparez, s'il se peut, les maux qu'amour m'a faits,
venez restablir dans mon ame
les douceurs d'une heureuse paix;
revenez, ma raison, revenez pour jamais.
IDAS, DORIS
Une infidelité cruelle
n'efface point tous les appas
d'un infidelle,
et la raison ne revient pas
si-tost qu'on l'a rappelle.
SANGARIDE
Après une trahison
si la raison ne m'éclaire,
le dépit et la colere
me tiendront lieu de raison.
SANGARIDE, DORIS, IDAS
Qu'une premiere amour est belle !
Qu'on a peine à s'en dégager !
Que l'on doit plaindre un cœur fidelle
lorsqu'il est forcé de changer.
Celænus, Suivans de Celænus, Sangaride, Idas, et Doris.
CELÆNUS
SANGARIDE
Seigneur, j'obeïray, je despens de mon pere,
et mon pere aujourd'huy veut que je sois à vous.
CELÆNUS
SANGARIDE
Ce n'est point la grandeur qui me peut esbloüir.
CELÆNUS
SANGARIDE
Seigneur, contentez-vous que je sçache obeïr,
en l'estat où je suis c'est ce que je puis dire...
Atys, Celænus, Sangaride, Doris, Idas, Suivans de Celænus.
CELÆNUS
SANGARIDE
Expliquez en vostre faveur
tout ce que vous voyez de trouble dans mon cœur.
CELÆNUS
Atys, Sangaride.
ATYS
Qu'il sçait peu son malheur ! et qu'il est déplorable !
Son amour meritoit un sort plus favorable:
j'ay pitié de l'erreur dont son cœur s'est flatté.
SANGARIDE
Espargnez-vous le soin d'estre si pitoyable,
son amour obtiendra ce qu'il a merité.
ATYS
Dieux ! qu'est-ce que j'entends !
SANGARIDE
Dieux ! qu'est-ce que j'entends ! Qu'il faut que je me vange,
que j'aime enfin le roy, qu'il sera mon espoux.
ATYS
Sangaride, eh d'où vient ce changement estrange ?
SANGARIDE
N'est-ce pas vous, ingrat, qui voulez que je change ?
ATYS
Moy !
SANGARIDE
Moy ! Quelle trahison !
ATYS
Moy ! Quelle trahison ! Quel funeste couroux !
ATYS, SANGARIDE
Pourquoy m'abandonner pour une amour nouvelle ?
Ce n'est pas moy qui rompt une chaisne si belle.
ATYS
Beauté trop cruelle, c'est vous,
SANGARIDE
Amant infidelle, c'est vous,
ATYS
Ah ! c'est vous, beauté trop cruelle,
SANGARIDE
Ah ! c'est vous amant infidelle.
ATYS, SANGARIDE
Beauté trop cruelle, c'est vous,
amant infidelle, c'est vous,
qui rompez des liens si doux.
SANGARIDE
Vous m'avez immolée à l'amour de Cybele.
ATYS
Il est vray qu'à ses yeux, par un secret effroy,
j'ay voulu de nos cœurs cacher l'intelligence:
mais ce n'est que pour vous que j'ay crain sa vengeance,
et je ne la crains pas pour moy.
Cybele m'ayme en vain, et c'est vous que j'adore.
SANGARIDE
Aprés vostre infidelité,
auriez-vous bien la cruauté
de vouloir me tromper encore ?
ATYS
Moy ! vous trahir ? vous le pensez ?
ingrate, que vous m'offencez !
Hé bien, il ne faut plus rien taire,
je vais de la déesse attirer la colere,
m'offrir à sa fureur, puisque vous m'y forcez...
SANGARIDE
Ah ! demeurez, Atys, mes soupçons sont passez;
vous m'aimez, je le croy, j'en veux estre certaine.
Je le souhaite assez,
pour le croire sans peine.
ATYS
Je jure,
SANGARIDE
je jure, je promets,
ATYS ET SANGARIDE
de ne changer jamais.
SANGARIDE
Quel tourment de cacher une si belle flame.
ATYS
Redoublons-en l'ardeur dans le fonds de nostre ame.
ATYS ET SANGARIDE
Aimons en secret, aimons-nous:
aimons plusque jamais, en dépit des jaloux.
SANGARIDE
Mon père vient icy,
ATYS
Mon père vient icy, que rien ne vous estonne;
servons-nous du pouvoir que Cybele me donne,
je vais preparer les Zephirs
a suivre nos desirs.
Sangaride, Celænus, le dieux du fleuve Sangar, Troupe de dieux de fleuves, de ruisseaux, et de divinitez de fontaines. Suite du fleuve Sangar. Douze grands dieux de fleuves chantants. Cinq dieux de fleuves joüans de la flutte. Quatre divinitez de fontaines, et quatre dieux de fleuves chantants et dançants. Deux petits dieux de ruisseaux chantants et dançants. Quatre petits dieux de ruisseaux dançants. Six grands dieux de fleuves dançants. Deux vieux dieux de fleuves et deux vieilles nymphes de fontaines dançantes.
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR
Ô vous, qui prenez part au bien de ma famille,
vous, venerables dieux des fleuves les plus grands,
mes fidelles amis, et mes plus chers parents,
voyez quel est l'espoux que je donne à ma fille:
j'ay pris soin de choisir entre les plus grands roys.
CHŒUR DE DIEUX DE FLEUVES
Nous aprouvons vostre choix.
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR
Il a Neptune pour son pere,
les Phrygiens suivent ses loix;
j'ay crû ne pouvoir faire
un choix plus digne de vous plaire.
CHŒUR DE DIEUX DE FLEUVES
Tous, d'une commune voix,
nous aprouvons vostre choix.
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR
Que l'on chante, que l'on dance,
rions tous lors qu'il le faut;
ce n'est jamais trop tost
que le plaisir commence.
On trouve bien-tost la fin
des jours de réjoüissance,
on a beau chasser le chagrin,
il revient plustost qu'on ne pense.
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR, CHŒUR
Que l'on chante, que l'on dance,
rions tous lors qu'il le faut;
ce n'est jamais trop tost
que le plaisir commence.
Que l'on chante, que l'on dance,
rions tous lors qu'il le faut.
DIEUX DE FLEUVES, DIVINITEZ DE FONTAINES, DIVINITEZ DE RUISSEAUX
(chantants et dançants ensemble)
La beauté la plus severe
prend pitié d'un long tourment,
et l'amant qui persevere
devient un heureux amant.
Tout est doux, et rien ne coûte
pour un cœur qu'on veut toucher,
l'onde se fait une route
en s'efforçant d'en chercher,
l'eau qui tombe goute à goute
perce le plus dur rocher.
L'hymen seul ne sçauroit plaire,
il a beau flatter nos vœux;
l'amour seul a droit de faire
les plus doux de tous les nœuds.
Il est fier, il est rebelle,
mais il charme tel qu'il est;
l'hymen vient quand on l'appelle,
l'amour vient quand il luy plaist.
Il n'est point de resistance
dont le temps ne vienne à bout,
et l'effort de la constance
a la fin doit vaincre tout.
Tout est doux, et rien ne coûte
pour un cœur qu'on veut toucher,
l'onde se fait une route
en s'efforçant d'en chercher,
l'eau qui tombe goute à goute
perce le plus dur rocher.
L'Amour trouble tout le monde,
c'est la source de nos pleurs;
c'est un feu brûlant dans l'onde,
c'est l'écüeil des plus grands cœurs:
il est fier, il est rebelle,
mais il charme tel qu'il est;
l'hymen vient quand on l'appelle,
l'amour vient quand il luy plaist.
UN DIEU DE FLEUVE, UNE DIVINITÉ DE FONTAINE
(dançent et chantent ensemble)
D'une constance extresme,
un ruisseau suit son cours;
il en sera de mesme
du choix de mes amours,
et du moment que j'aime
c'est pour aimer toûjours.
Jamais un cœur volage
ne trouve un heureux sort,
il n'a point l'avantage
d'estre long-temps au port,
il cherche encor l'orage
au moment qu'il en sort.
CHŒUR DE DIEUX DE FLEUVES ET DE FONTAINES
Un grand calme est trop fascheux,
nous aimons mieux la tourmente.
Que sert un cœur qui s'exempte
de tous les soins amoureux ?
A quoy sert une eau dormante ?
Un grand calme est trop fascheux,
nous aimons mieux la tourmente.
Atys, Troupe de Zephirs volants, Sangaride, Celænus, Le dieu du fleuve Sangar, Troupe de dieux de fleuves, de ruisseaux, et de divinitez de fontaines.
CHŒUR DE DIEUX DE FLEUVES ET DE FONTAINES
Venez former des nœuds charmants,
Atys, venez unir ces bien-heureux amants.
ATYS
Cét hymen desplaist à Cybele,
elle deffend de l'achever:
Sangaride est un bien qu'il faut luy reserver,
et que je demande pour elle.
CHŒUR
Ah quelle loy cruelle !
CELÆNUS
ATYS
Seigneur, je suis à la déesse,
dés qu'elle a commandé, je ne puis qu'obeïr.
LE DIEU DU FLEUVE SANGAR
Pourquoy faut-il qu'elle separe
deux illustres amants pour qui l'hymen prepare
ses liens les plus doux ?
CHŒUR
Opposons-nous
à ce dessein barbare.
ATYS
(élevé sur un nuage)
Aprenez, audacieux,
qu'il n'est rien qui n'obeïsse
aux souveraines loix de la reyne des dieux.
Qu'on nous enleve de ces lieux;
Zephirs, que sans tarder mon ordre s'accomplisse.
Les Zephirs volent, et enlevent Atys et Sangaride.
CHŒUR
Quelle injustice !
Le theatre change et represente des jardins agreables.
Celænus, Cybele, Melisse
CELÆNUS
CYBELE
J'aimois Atys, l'amour a fait mon injustice;
il a pris soin de mon suplice;
et si vous estes outragé,
bien-tost vous serez trop vangé.
Atys adore Sangaride.
CELÆNUS
CYBELE
L'ingrat vous trahissoit, et vouloit me trahir:
il s'est trompé luy mesme en croyant m'ébloüir.
Les Zephirs l'ont laissé, seul, avec ce qu'il aime,
dans ces aimables lieux;
je m'y suis cachée à leurs yeux;
j'y viens d'estre témoin de leur amour extresme.
CELÆNUS
CYBELE
Eh pouvez-vous douter qu'Atys ne soit aimé ?
Non, non, jamais amour n'eût tant de violence,
ils ont juré cent fois de s'aimer malgré nous,
et de braver nostre vengeance;
ils nous ont appelez cruels, tyrans, jaloux;
enfin leurs cœurs d'intelligence,
tous deux... ah je frémis au moment que j'y pense !
Tous deux s'abandõnoient à des transports si doux,
que je n'ay pû garder plus long-temps le silence,
ny retenir l'éclat de mon juste couroux.
CELÆNUS
CYBELE
Mon cœur à les punir est assez engagé;
je vous l'ay déja dit, croyez-en ma colere,
bient-tost vous serez trop vangé.
Atys, Sangaride, Cybele, Celænus, Melisse, Troupe de prestresses de Cybele.
CYBELE, CELÆNUS
Venez vous livrer au suplice.
ATYS, SANGARIDE
Quoy la terre et le ciel contre nous sont armez ?
Souffrirez-vous qu'on nous punisse ?
CYBELE, CELÆNUS
Oubliez-vous vostre injustice ?
ATYS, SANGARIDE
Ne vous souvient-il plus de nous avoir aimez ?
CYBELE, CELÆNUS
Vous changez mon amour en haine legitime.
ATYS, SANGARIDE
Pouvez-vous condamner
l'amour qui nous anime ?
Si c'est un crime,
quel crime est plus à pardonner ?
CYBELE, CELÆNUS
Perfide, deviez-vous me taire
que c'estoit vainement que je voulois vous plaire ?
ATYS, SANGARIDE
Ne pouvant suivre vos desirs,
nous croyons ne pouvoir mieux faire
que de vous épargner de mortels déplaisirs.
CYBELE
D'un suplice cruel craignez l'horreur extresme.
CYBELE, CELÆNUS
Craignez un funeste trépas.
ATYS, SANGARIDE
Vangez-vous, s'il le faut, ne me pardonnez pas,
mais pardonnez à ce que j'aime.
CYBELE, CELÆNUS
C'est peu de nous trahir, vous nous bravez, ingrats ?
ATYS, SANGARIDE
Serez-vous sans pitié ?
CYBELE, CELÆNUS
Serez-vous sans pitié ? Perdez toute esperance.
ATYS, SANGARIDE
L'Amour nous a forcez à vous faire une offence,
il demande grace pour nous.
CYBELE, CELÆNUS
L'Amour en couroux
demande vengeance.
CYBELE
Toy, qui portes par tout et la rage et l'horreur,
cesse de tourmenter les criminelles ombres,
vien, cruelle Alecton, sors des royaumes sombres,
inspire au cœur d'Atys ta barbare fureur.
Alecton, Atys, Sangaride, Cybele, Celænus, Melisse, Idas, Doris, Troupe de prestresses de Cybele, Chœur de Phrygiens.
Alecton sort des enfers, tenant à la main un flambeau qu'elle secouë en volant et en passant au dessus d'Atys.
ATYS
Ciel ! quelle vapeur m'environne !
Tous mes sens sont troublez, je fremis, je frissonne,
je tremble, et tout à coup, une infernale ardeur
vient enflammer mon sang, et devorer mon cœur.
Dieux ! que vois-je ? le ciel s'arme contre la terre ?
Que desordre ! quel bruit ! quel éclat de tonnerre !
Quels abysmes profonds sous mes pas sont ouverts !
Que de fantosmes vains sont sortis des enfers !
(il parle à Cybele, qu'il prend pour Sangaride)
Sangaride, ah fuyez la mort que vous prepare
une divinité barbare:
c'est vostre seul peril qui cause ma terreur.
SANGARIDE
Atys reconnoissez vostre funeste erreur.
ATYS
(prenant Sangaride pour un monstre)
Quel monstre vient à nous ! quelle fureur le guide !
Ah respecte, cruel, l'aimable Sangaride.
SANGARIDE
Atys, mon cher Atys.
ATYS
Atys, mon cher Atys. Quels hurlements affreux !
CELÆNUS
ATYS
(tenant à la main le cousteau sacré qui sert aux sacrifices)
Il faut combatre; amour, seconde mon courage.
Atys court aprés Sangaride qui fuït dans un des coste du theatre.
CELÆNUS, CHŒUR
Arreste, arreste malheureux.
Celænus court aprés Atys.
SANGARIDE
(dans un des costez du theatre)
Atys !
CHŒUR
Atys ! Ô Ciel !
SANGARIDE
Atys ! O Ciel Je meurs.
CHŒUR
Atys ! O Ciel Je meurs. Atys, Atys luy-mesme,
fait perir ce qu'il aime !
CELÆNUS
CYBELE
Atys me sacrifie une indigne rivale.
Partagez avec moy la douceur sans esgale,
que l'on gouste en vengeant un amour outragé.
Je vous l'avois promis.
CELÆNUS
Celænus se retire au costez du theatre, où est Sangaride morte.
Atys, Cybele, Melisse, Idas, Chœur de Phrygiens
ATYS
Que je viens d'immoler une grande victime !
Sangaride est sauvée, et c'est par ma valeur.
CYBELE
(touchant Atys)
Acheve ma vengeance, Atys, connoy ton crime,
et reprends ta raison pour sentir ton malheur.
ATYS
Un calme heureux succede aux troubles de mon cœur.
Sangaride, nymphe charmante,
qu'estes-vous devenuë ? où puis-je avoir recours ?
Divinité toute puissante,
Cybele, ayez pitié de nos tendres amours,
rendez-moy, Sangaride, espargnez ses beaux jours.
CYBELE
(montrant à Atys Sangaride morte)
Tu la peux voir, regarde.
ATYS
Tu la peux voir, regarde. Ah quelle barbarie !
Sangaride a perdu la vie !
Ah quelle main cruelle ! ah quel cœur inhumain !...
CYBELE
Les coups dont elle meurt sont de ta propre main.
ATYS
Moy, j'aurois immolé la beauté qui m'enchante ?
Ô ciel ! ma main sanglante
est de ce crime horrible un tesmoin trop certain !
CHŒUR
Atys, Atys luy-mesme,
fait perir ce qu'il aime.
ATYS
Quoy, Sangaride est morte ? Atys est son boureau !
Quelle vengeance ô dieux ! quel supplice nouveau !
Quelles horreurs sont comparables
aux horreurs que je sens ?
Dieux cruels, dieux impitoyables,
n'estes-vous tout-puissants
que pour faire des miserables ?
CYBELE
Atys, je vous ay trop aimé:
cét amour par vous-mesme en couroux transformé
fait voir encor sa violence:
jugez, ingrat, jugez en ce funeste jour,
de la grandeur de mon amour
par la grandeur de ma vengeance.
ATYS
Barbare ! quel amour qui prend soin d'inventer
les plus horribles maux que la rage peut faire !
Bien-heureux qui peut éviter
le malheur de vous plaire.
Ô dieux ! injustes dieux ! que n'estes-vous mortels ?
Faut-il que pour vous seuls vous gardiez la vengeance ?
C'est trop, c'est trop souffrir leur cruelle puissance,
chassons les d'icy bas, renversons leurs autels.
Quoy, Sangaride est morte ? Atys, Atys luy-mesme
fait perir ce qu'il aime ?
CHŒUR
Atys, Atys luy-mesme
fait perir ce qu'il aime.
CYBELE
(ordonnant d'emporter le corps de Sangaride morte)
Ostez ce triste objet.
ATYS
Ostez ce triste objet. Ah ne m'arrachez pas
ce qui reste de tant d'appas !
En fussiez-vous jalouse encore,
il faut que je l'adore
jusques dans l'horreur du trépas.
Cybele, Melisse.
CYBELE
Je commence à trouver sa peine trop cruelle,
une tendre pitié rapelle
l'amour que mon couroux croyoit avoir banny,
ma rivale n'est plus, Atys n'est plus coupable,
qu'il est aisé d'aimer un criminel aimable
aprés l'avoir puny.
Que son desespoir m'espouvante !
Ses jours sont en peril, et j'en fremis d'effroy:
je veux d'un soin si cher ne me fier qu'à moy,
allons... mais quel spectable à mes yeux se presente ?
C'est Atys mourant que je voy !
Atys, Idas, Cybele, Melisse, Prestresses de Cybele.
IDAS
(soûtenant Atys)
Il s'est percé le sein, et mes soins pour sa vie
n'ont pû prevenir sa fureur.
CYBELE
Ah c'est ma barbarie,
c'est moy, qui luy perce le cœur.
ATYS
Je meurs, l'amour me guide
dans la nuit du trépas;
je vais où sera Sangaride,
inhumaine, je vais, où vous ne serez pas.
CYBELE
Atys, il est trop vray, ma rigueur est extresme,
plaignez-vous, je veux tout souffrir.
Pourquoy suis-je immortelle en vous voyant perir ?
ATYS, CYBELE
Il est doux de mourir
avec ce que l'on aime.
CYBELE
Que mon amour funeste armé contre moy-mesme,
ne peut-il vous venger de toutes mes rigueurs.
ATYS
Je suis assez vengé, vous m'aimez, et je meurs.
CYBELE
Malgré le destin implacable
qui rend de ton trépas l'arrest irrevocable,
Atys, sois à jamais l'objet de mes amours:
reprens un sort nouveau, deviens un arbre aimable
que Cybele aimera toûjours.
Atys prend la forme de l'arbre aimé de la déesse Cybele, que l'on appelle pin.
CYBELE
Venez furieux corybantes,
venez joindre à mes cris vos clameurs esclatantes;
venez nymphes des eaux, venez dieux des forests,
par vos plaintes les plus touchantes
secondez mes tristes regrets.
Cybele, Troupe de nymphes des eaux, Troupe de divinitez des bois, Troupe de corybantes. Quatre nymphes chantantes. Huit dieux des bois chantants. Quatorze corybantes chantantes. Huit corybantes dançantes. Trois dieux des bois, dançants. Trois nymphes dançantes.
CYBELE
Atys, l'aimable Atys, malgré tous ses attraits,
descend dans la nuit éternelle;
mais malgré la mort cruelle,
l'amour de Cybele
ne mourra jamais.
Sous une nouvelle figure,
Atys est ranimé par mon pouvoir divin...
Celebrez son nouveau destin,
pleurez sa funeste aventure.
CHŒUR DES NYMPHES, DES EAUX ET DES DIVINITEZ DES BOIS
Celebrons son nouveau destin,
pleurons sa funeste aventure.
CYBELE
Que cét arbre sacré
soit reveré
de toute la nature.
Qu'il s'esleve au dessus des arbres les plus beaux:
qu'il soit voisin des cieux, qu'il regne sur les eaux;
qu'il ne puisse brûler que d'une flame pure.
Que cét arbre sacré
soit reveré
de toute la nature.
Le Chœur repete ces trois derniers vers.
Que ses rameaux soient toûjours verds:
que les plus rigoureux hyvers
ne leur fassent jamais d'injure.
Que cét arbre sacré
soit reveré
de toute la nature.
Le Chœur repete ces trois derniers vers.
CYBELE, CHŒUR DES DIVINITEZ DES BOIS ET DES EAUX
Quelle douleur !
CYBELE, CHŒUR DES CORYBANTES
Ah ! quelle rage !
CYBELE, CHŒURS
Ah ! quel malheur !
CYBELE
Atys au primtemps de son âge,
perit comme une fleur
qu'un soudain orage
renverse et ravage.
CYBELE, CHŒUR DES DIVINITEZ DES BOIS ET DES EAUX
Quelle douleur !
CYBELE, CHŒUR DES CORYBANTES
Ah ! quelle rage !
CYBELE, CHŒURS
Ah ! quel malheur !
Les divinitez des bois et des eaux, avec les corybantes, honorent le nouvel arbre, et le consacrent à Cybele. Les regrets des divinitez des bois et des eaux, et les cris des corybantes, sont secondez et terminez par des tremblemens de terre, par des esclairs, et par des esclats de tonnerre.
CYBELE, CHŒUR DES DIVINITEZ DES BOIS ET DES EAUX
Que le malheur d'Atys afflige tout le monde.
CYBELE, CHŒUR DES CORYBANTES
Que tout sente, icy bas,
l'horreur d'un si cruel trépas.
CYBELE, CHŒUR DES DIVINITEZ DES BOIS ET DES EAUX
Penetrons tous les cœurs d'une douleur profonde:
que les bois, que les eaux, perdent tous leurs appas.
CYBELE, CHŒUR DES CORYBANTES
Que le tonnerre nous responde:
que la terre fremisse, et tremble sous nos pas.
CYBELE, CHŒUR DES DIVINITEZ DES BOIS ET DES EAUX
Que le malheur d'Atys afflige tout le monde.
TOUS ENSEMBLE
Que tout sente, icy bas,
l'horreur d'un si cruel trépas.
Fin du livret.
Generazione pagina: 17/12/2017
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Versione H: 3.00.40
(D)