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Scene première |
Le théâtre représente un lieu désert au bord de la mer. Jupiter, Doris. |
Q
Jupiter, Doris
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JUPITER |
Dans quel étonnement vostre discours me jette ?
Thétis pourroit brûler d'une flame secrette !
Je n’étois point aimé, mais je croyois du moins
que la seule froideur fit rejetter mes soins.
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DORIS |
Lors qu’on ne peut toucher les belles,
on en accuse leur froideur,
mais ce qui fait tant de cruelles
c’est bien souvent quelque secrette ardeur.
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JUPITER |
Et quel amant a sçu luy plaire ?
Il est vray qu'avant moy Neptune a soûpiré;
est-ce luy qu’elle me préfere ?
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DORIS |
Non, un simple mortel, Pélée est adoré.
Je viens de voir encos ses deux amans ensemble,
ils se cherchent pas tout, et se trouvent toûjours.
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JUPITER |
Quoy ! lorsque sous mes loix il n'est rien qui ne tremble,
un mortel oseroit traverser mes amours ?
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DORIS |
Thétis vient en ces lieux, et vous pouvez vous-même
vous éclaircir dans cet instant.
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| Doris ->
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Scène seconde |
Jupiter, Thétis. |
<- Thétis
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JUPITER |
Déesse, expliquez-vous sur le sort qui m'attend,
Jupiter ne veut point que la grandeur suprême
luy fasse auprès de vous un mérite éclatant,
il ne veut s'en servir qu'à prouver qu'il vous aime,
en vous la soumettant...
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THÉTIS |
Neptune ainsi que vous prétend à ma tendresse,
il est le dieu des mers, j'en suis une déesse,
je dois redouter son courroux,
il ne m'est pas permis de choisir entre vous.
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JUPITER |
Tant d'égards, tant de prévoyance
sont des effets d indifference,
ces timides ménagemens
ne sont pas faits pour les amans.
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THÉTIS |
Vous sçavez qelle est ma fortune,
le Destin m'a soûmise au maître de la mer.
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JUPITER |
Vous craindriez moins Neptune
si vous aimiez Jupiter.
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JUPITER |
Mais je voy trop que vous feignez de craindre,
vous avez d'autres soins que vous n’expliquez pas.
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THÉTIS |
Non, c’est Neptune seul qui fait mon embarras,
rien ne peut m’obliger à feindre.
Mais que nous veut Protée? il le faut ecourer.
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Scène troisième |
Jupiter, Thétis, Protée. |
<- Protée
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PROTÉE (à Jupiter) |
Neptune m'a chargé de venir vous apprendre
qu'à l'hymen de Thétis il cesse de prétendre,
qu'il n'a plus le dessein de vous la disputer.
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JUPITER |
Quel bonheur imprévu vient icy me surprendre ?
Ah ! ma reconnoissance aura soin d'éclater,
dy-luy qu'il en doit tout attendre.
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| Protée ->
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Scène quatrième |
Jupiter, Thétis. |
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JUPITER |
Rien n'est donc plus contraire au succès de mes vœux,
vous m'opposiez un obstacle qui cesse.
Mais que vois-je, Thétis ? quelle sombre tristesse
dans le moment que tout cède à mes feux ?
Que m’annoncent, helas ! ce trouble, ce silence,
et cét air interdit ?
Ah ! j’ay de mon malheur l’entiere connoissance,
ingrate, vous aimez, on me l'avoit bien dit.
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THÉTIS |
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JUPITER |
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THÉTIS |
Non, ne le croyez pas,
je n'aime point Pélée, et si son cœur soûpire,
c'est pour d'autres appas,
non, ne le croyez, pas.
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JUPITER |
Je voy que vous êtes coupable,
vous vous justifiez d'un air trop empressée.
Vôtre cœur s'est donc abaissé
aux vœux d'un mortel méprisable ?
Lorsque je soupjrois pour vous
je rendois seulement son triomphe plus doux.
Sous une trompeuse apparence
vous imposiez à cet amour fatal,
qui tenoit Jupiter sous vôtre obeïssance;
non, je n'auray pas trop de toute ma puissance,
pour punir à mon gré mon odieux rival.
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THÉTIS |
Ciel ! que viens-je d'entendre ?
Est-ce là cet amour si soûmis et si tendre !
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JUPITER |
Par de cruels mépris vous osez m'irriter,
et vous avez recours à mon amour extrême
quand ma fureur est prête d'éclater ?
Tremblez, c'est cet amour luy-même
que vous avez à redouter.
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| Jupiter ->
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Scène cinquième |
Thétis. |
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Qelle horreur m'environne, et quel effroy me glace !
Quels abîmes de maux s'ouvrent devant mes yeux !
Helas ! c'est mon amant que Jupiter menace,
quels traits peut nous lancer le souverain des dieux ?
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Ah ! je le voy déja, je le voy qui prépare
ses plus terribles coups.
Trop funestes appas, pourquoy m'attirez-vous,
sous le doux nom d'amour, cette haine barbare,
et cet implacable courroux ?
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Scène sixième |
Thétis, Pélée. |
<- Pélée
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THÉTIS |
Ah ! Pélée, apprenez tous les malheurs ensemble,
Jupiter sçait enfin nos secrettes amour.
Vous diray-je encor plus ? Ciel ! je frémis, je tremble,
Jupiter menace vos jours,
quoy ! de vôtre péril la funeste nouvelle
ne vous inspire pas d'effroy ?
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PÉLÉE |
Jupiter en fureur ne peut rien contre moy,
vous estes immortelle.
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THÉTIS |
Si vous ne craignez pas pour vous,
craignez du moins pour une amante;
peut-on vous porter des coups
que mon ame ne ressente ?
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PÉLÉE |
Que vôtre tendrèsse est charmante,
et que mon trépas sera doux !
L'ennemy qui nous tourmente
luy-même en serà jaloux.
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THÉTIS |
Craignez du moins pour une amante
si vous ne craignez pas pour vous.
Quel seroit mon destin ? vous cesseriez de vivre,
et moy, je ne pourrois recourir au trépas;
si je pouvois vous suivre,
je ne me plaindrois pas.
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THÉTIS ET PÉLÉE
Helas ! de quelles flames
nous perdons les douceurs !
Quel amour enchantoit nos âmes !
Quel amour unissoit nos cœurs !
Helas! de quelles flames
nous perdons les douceurs.
| S
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THÉTIS |
Mais quels bruits pleins d'horreur troublent mes sens timides ?
Tous les Vents rassemblez fremissent dans les airs.
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PÉLÉE |
Je voy sortir des enfers
les cruelles Euménides.
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THÉTIS |
Ah ! c'en est fait, je vous pers.
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Scène septième |
Thétis, Pélée, Les trois Euménides, Les Vents Les Vents arrivent en faisant des espèces de tourbillons autour de Pélée, avec des actions menaçantes. |
<- Les Euménides, Les Vents
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UNE EUMÉNIDE |
Pélée, il faut aller sur ce rocher funeste,
où dans un tourment éternel
gémit le fameux criminel
qui déroba le feu céleste.
Partez, Vents, et l'emportez
dans ces lieux si redoutez.
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Les Vents vont pour enlever Pélée. | |
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THÉTIS |
Accable-moy plutôt des plus affreuses peines,
arrêtez, cruels, arrêtez.
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LES EUMÉNIDES
Déesse, vos larmes sont vaines,
vos cris ne sont point écoutez,
les loix de Jupitersont des loix souveraines,
il faut suivre ses volontéz.
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Les Vents vont encore pour enlever Pélée. | |
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THÉTIS |
Arrêtez, cruels, arrêtez.
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PÉLÉE (à Thétis) |
Laissez-moy d'un rival devenir la victime,
puisqu'un tendre amour est un crime;
quels rigoureux tourmens n'ay-je pas méritez ?
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UNE EUMÉNIDE |
Vents, ne disserez plus, obeïssez, partez.
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Les Vents enlèvent Pélée. | Les Vents, Pélée ->
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Scène huitième |
Thétis, Les Euménides. |
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THÉTIS |
Quoy ! toute la nature
à ce spectacle affreux ne fremit-elle pas ?
Soleil, retourne sur tes pas,
plonge-nous pour jamais dans une nuit obscure;
dieux immortels, unissez-vous
contre un tiran qui nous opprime tous.
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LES EUMÉNIDES
Allons, marchon sur le pas du coupable,
irritons nos serpens, allumons nos flambeaux,
qu'une vengeance im pitoyable
invente des tourmens nouveaux.
| S
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THÉTIS |
Tournez contre moy seule une implacable rage.
Si je ne puis mourir,
au moins je puis souffrir.
Tournez contre moy seule une implacable rage.
Il en souffrira davantage.
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LES EUMÉNIDES
Non, n’esperez point tromper
la fureur qui nous anime,
nôtre victime
ne peut nous échaper.
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Les Euménides sortent. | Les Euménides ->
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THÉTIS |
Puisque tout m'abandonne encét état funeste,
tâchons du moins à flechir par nos pleurs
l'auteur de nos malheurs,
c’est le seul espoir qui me reste.
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Fin du quatrième acte. | |
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