Acte quatrième

 

Scene première

Le théâtre représente un lieu désert au bord de la mer.
Jupiter, Doris.

 Q 

Jupiter, Doris

 

JUPITER

Dans quel étonnement vostre discours me jette ?  

Thétis pourroit brûler d'une flame secrette !

Je n’étois point aimé, mais je croyois du moins

que la seule froideur fit rejetter mes soins.

DORIS

Lors qu’on ne peut toucher les belles,

on en accuse leur froideur,

mais ce qui fait tant de cruelles

c’est bien souvent quelque secrette ardeur.

JUPITER

Et quel amant a sçu luy plaire ?

Il est vray qu'avant moy Neptune a soûpiré;

est-ce luy qu’elle me préfere ?

DORIS

Non, un simple mortel, Pélée est adoré.

Je viens de voir encos ses deux amans ensemble,

ils se cherchent pas tout, et se trouvent toûjours.

JUPITER

Quoy ! lorsque sous mes loix il n'est rien qui ne tremble,

un mortel oseroit traverser mes amours ?

DORIS

Thétis vient en ces lieux, et vous pouvez vous-même

vous éclaircir dans cet instant.

 

Doris ->

 

Scène seconde

Jupiter, Thétis.

<- Thétis

 

JUPITER

Déesse, expliquez-vous sur le sort qui m'attend,  

Jupiter ne veut point que la grandeur suprême

luy fasse auprès de vous un mérite éclatant,

il ne veut s'en servir qu'à prouver qu'il vous aime,

en vous la soumettant...

THÉTIS

Neptune ainsi que vous prétend à ma tendresse,

il est le dieu des mers, j'en suis une déesse,

je dois redouter son courroux,

il ne m'est pas permis de choisir entre vous.

 

JUPITER

Tant d'égards, tant de prévoyance  

sont des effets d indifference,

ces timides ménagemens

ne sont pas faits pour les amans.

 

THÉTIS

Vous sçavez qelle est ma fortune,  

le Destin m'a soûmise au maître de la mer.

 

JUPITER

Vous craindriez moins Neptune

si vous aimiez Jupiter.

 

JUPITER

Mais je voy trop que vous feignez de craindre,  

vous avez d'autres soins que vous n’expliquez pas.

THÉTIS

Non, c’est Neptune seul qui fait mon embarras,

rien ne peut m’obliger à feindre.

Mais que nous veut Protée? il le faut ecourer.

 

Scène troisième

Jupiter, Thétis, Protée.

<- Protée

 

PROTÉE
(à Jupiter)

Neptune m'a chargé de venir vous apprendre  

qu'à l'hymen de Thétis il cesse de prétendre,

qu'il n'a plus le dessein de vous la disputer.

JUPITER

Quel bonheur imprévu vient icy me surprendre ?

Ah ! ma reconnoissance aura soin d'éclater,

dy-luy qu'il en doit tout attendre.

 

Protée ->

 

Scène quatrième

Jupiter, Thétis.

 

JUPITER

Rien n'est donc plus contraire au succès de mes vœux,  

vous m'opposiez un obstacle qui cesse.

Mais que vois-je, Thétis ? quelle sombre tristesse

dans le moment que tout cède à mes feux ?

Que m’annoncent, helas ! ce trouble, ce silence,

et cét air interdit ?

Ah ! j’ay de mon malheur l’entiere connoissance,

ingrate, vous aimez, on me l'avoit bien dit.

THÉTIS

Que vous-a ton pû dire ?

JUPITER

Que Pélée en secret...

THÉTIS

Non, ne le croyez pas,

je n'aime point Pélée, et si son cœur soûpire,

c'est pour d'autres appas,

non, ne le croyez, pas.

JUPITER

Je voy que vous êtes coupable,

vous vous justifiez d'un air trop empressée.

Vôtre cœur s'est donc abaissé

aux vœux d'un mortel méprisable ?

Lorsque je soupjrois pour vous

je rendois seulement son triomphe plus doux.

Sous une trompeuse apparence

vous imposiez à cet amour fatal,

qui tenoit Jupiter sous vôtre obeïssance;

non, je n'auray pas trop de toute ma puissance,

pour punir à mon gré mon odieux rival.

THÉTIS

Ciel ! que viens-je d'entendre ?

Est-ce là cet amour si soûmis et si tendre !

JUPITER

Par de cruels mépris vous osez m'irriter,

et vous avez recours à mon amour extrême

quand ma fureur est prête d'éclater ?

Tremblez, c'est cet amour luy-même

que vous avez à redouter.

 

Jupiter ->

 

Scène cinquième

Thétis.

 

 

Qelle horreur m'environne, et quel effroy me glace !  

Quels abîmes de maux s'ouvrent devant mes yeux !

Helas ! c'est mon amant que Jupiter menace,

quels traits peut nous lancer le souverain des dieux ?

 

Ah ! je le voy déja, je le voy qui prépare  

ses plus terribles coups.

Trop funestes appas, pourquoy m'attirez-vous,

sous le doux nom d'amour, cette haine barbare,

et cet implacable courroux ?

 

Scène sixième

Thétis, Pélée.

<- Pélée

 

THÉTIS

Ah ! Pélée, apprenez tous les malheurs ensemble,  

Jupiter sçait enfin nos secrettes amour.

Vous diray-je encor plus ? Ciel ! je frémis, je tremble,

Jupiter menace vos jours,

quoy ! de vôtre péril la funeste nouvelle

ne vous inspire pas d'effroy ?

PÉLÉE

Jupiter en fureur ne peut rien contre moy,

vous estes immortelle.

THÉTIS

Si vous ne craignez pas pour vous,

craignez du moins pour une amante;

peut-on vous porter des coups

que mon ame ne ressente ?

PÉLÉE

Que vôtre tendrèsse est charmante,

et que mon trépas sera doux !

L'ennemy qui nous tourmente

luy-même en serà jaloux.

THÉTIS

Craignez du moins pour une amante

si vous ne craignez pas pour vous.

Quel seroit mon destin ? vous cesseriez de vivre,

et moy, je ne pourrois recourir au trépas;

si je pouvois vous suivre,

je ne me plaindrois pas.

 

THÉTIS ET PÉLÉE

Helas ! de quelles flames    

nous perdons les douceurs !

Quel amour enchantoit nos âmes !

Quel amour unissoit nos cœurs !

Helas! de quelles flames

nous perdons les douceurs.

S

 

THÉTIS

Mais quels bruits pleins d'horreur troublent mes sens timides ?  

Tous les Vents rassemblez fremissent dans les airs.

PÉLÉE

Je voy sortir des enfers

les cruelles Euménides.

THÉTIS

Ah ! c'en est fait, je vous pers.

 

Scène septième

Thétis, Pélée, Les trois Euménides, Les Vents
Les Vents arrivent en faisant des espèces de tourbillons autour de Pélée, avec des actions menaçantes.

<- Les Euménides, Les Vents

 

UNE EUMÉNIDE

Pélée, il faut aller sur ce rocher funeste,  

où dans un tourment éternel

gémit le fameux criminel

qui déroba le feu céleste.

Partez, Vents, et l'emportez

dans ces lieux si redoutez.

 
Les Vents vont pour enlever Pélée.
 

THÉTIS

Accable-moy plutôt des plus affreuses peines,

arrêtez, cruels, arrêtez.

 

LES EUMÉNIDES

Déesse, vos larmes sont vaines,  

vos cris ne sont point écoutez,

les loix de Jupitersont des loix souveraines,

il faut suivre ses volontéz.

 
Les Vents vont encore pour enlever Pélée.
 

THÉTIS

Arrêtez, cruels, arrêtez.  

PÉLÉE
(à Thétis)

Laissez-moy d'un rival devenir la victime,

puisqu'un tendre amour est un crime;

quels rigoureux tourmens n'ay-je pas méritez ?

UNE EUMÉNIDE

Vents, ne disserez plus, obeïssez, partez.

 
Les Vents enlèvent Pélée.

Les Vents, Pélée ->

 

Scène huitième

Thétis, Les Euménides.

 

THÉTIS

Quoy ! toute la nature  

à ce spectacle affreux ne fremit-elle pas ?

Soleil, retourne sur tes pas,

plonge-nous pour jamais dans une nuit obscure;

dieux immortels, unissez-vous

contre un tiran qui nous opprime tous.

 

LES EUMÉNIDES

Allons, marchon sur le pas du coupable,    

irritons nos serpens, allumons nos flambeaux,

qu'une vengeance im pitoyable

invente des tourmens nouveaux.

S

 

THÉTIS

Tournez contre moy seule une implacable rage.  

Si je ne puis mourir,

au moins je puis souffrir.

Tournez contre moy seule une implacable rage.

Il en souffrira davantage.

 

LES EUMÉNIDES

Non, n’esperez point tromper

la fureur qui nous anime,

nôtre victime

ne peut nous échaper.

 
Les Euménides sortent.

Les Euménides ->

 

THÉTIS

Puisque tout m'abandonne encét état funeste,  

tâchons du moins à flechir par nos pleurs

l'auteur de nos malheurs,

c’est le seul espoir qui me reste.

 
Fin du quatrième acte.
 

Fin (Acte quatrième)

Prologue Acte premier Acte second Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Un lieu désert au bord de la mer.

Jupiter, Doris
 

Dans quel étonnement vostre discours me jette ?

Jupiter
Doris ->
Jupiter
<- Thétis

Déesse, expliquez-vous sur le sort qui m'attend

Vous sçavez qelle est ma fortune

 

Mais je voy trop que vous feignez de craindre

Jupiter, Thétis
<- Protée

Neptune m'a chargé de venir vous apprendre

Jupiter, Thétis
Protée ->

Rien n'est donc plus contraire au succès de mes vœux

Thétis
Jupiter ->

Qelle horreur m'environne, et quel effroy me glace !

Thétis
<- Pélée

Ah ! Pélée, apprenez tous les malheurs ensemble

Mais quels bruits pleins d'horreur troublent mes sens timides ?

Thétis, Pélée
<- Les Euménides, Les Vents

(Les Vents arrivent en faisant des espèces de tourbillons autour de Pélée, avec des actions menaçantes.)

Pélée, il faut aller sur ce rocher funeste

(Les Vents vont encore pour enlever Pélée.)

Arrêtez, cruels, arrêtez

(Les Vents enlèvent Pélée.)

Thétis, Les Euménides
Les Vents, Pélée ->

Quoy ! toute la nature

Tournez contre moy seule une implacable rage

 
Thétis
Les Euménides ->

Puisque tout m'abandonne encét état funeste

 
Scene première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième
Le théâtre represente une nuit. Le thèâtre représente le palais de Thétis. Le théâtre représente un rivage de la mer. Aussi-tôt le théâtre change, et représente des jardins. Le temple du Destin. Un lieu désert au bord de la mer. La décoration est la même que dans l'acte précédent.
Prologue Acte premier Acte second Acte troisième Acte cinquième

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