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Scène première |
Le thèâtre représente le palais de Thétis. Pélée. |
Q
Pélée
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PÉLÉE |
Que mon destin est déplorable !
En vain à mes soûpirs Thétis est favorable,
helas ! Neptune en est charmé.
La crainte que nous cause un dieu si redoutable
tient toûjours dans nos cœurs ce beau feu renfermé.
Quelle sont tes rigueurs, amour impitoyable !
Il est encor des maux pour un amant aimé.
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Scène deuxième |
Pélée, Doris, Cidippe. |
<- Doris, Cidippe
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DORIS |
Quoy ? je vous trouve seul ? Thétis attend Neptune;
lorsqu'il vient à ses yeux faire briller sa cour,
il semble que d'un si beau jour
l'éclat vous importune:
la retraite ne plaist qu'à des cœurs pleinsd'amour.
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PÉLÉE |
Moy, nymphe, j'aimerois ? non, mon cœur est paisible,
non, mon cœur n'est point enflâmé.
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DORIS |
On dit d'un air moins animé
que l'on est insensible.
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PÉLÉE |
Par le seul mot d'amour vous m'avez allarmé.
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DORIS |
C'est en vain qu'un amant tâche de se contraindre,
en vain il cache son ardeur,
les effortsqu'il se fait pour feindre
trahissent malgré luy le fecret de son cœur,
j'ignore quel objet dans vôtre ame a fait naître
des feux qui n'osent éclater;
mais vous aimez, j'ay sçu le reconnoître,
ne cherchez point à m'en-faire douter.
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PÉLÉE
J'aimerois si l'amour sincère
pouvoit s'assûrer d'être heureux;
mais souvent les plus beaux feux
trouvent un objet sévère;
souvent on préfère
l'mant le moins amoureux.
Neptune aime Thétis, c'est à moy qu'il confie
ses secrets sentimens;
mais ses tourmens
me font voir sans envie
le destin des amans.
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DORIS |
Dequoy peut vous servir une feinte éternelle ?
Roy des Tessaliens, fameux par vos exploits,
vous aimez, vous serez fidelle;
d'où vient que vous n'osez découvrir vôtre choix ?
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Avec une gloire éclatante,
vous flaterez la vanité
d'une fiere beauté;
avec une flame constante
vous pourrez d'une indifferente
vaincre la cruauté.
Avec une gloire éclatante,
avec une flame constante,
on est aisément écouté.
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PÉLÉE |
Vous tâchez vainement d'animer mon courage,
quand je serois amant, croirois-je vos discours ?
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La crainte est toûjours
la cruel partage
des tendres amours.
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DORIS |
L'espoir est toûjours
le charmant partage
des tendres amours.
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PÉLÉE
La crainte est toûjours
la cruel partage
des tendres amours.
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Ensemble
DORIS
L'espoir est toûjours
le charmant partage
des tendres amours.
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Scène troisième |
Thétis, Doris, Pélée, Cidippe, Nymphes de la suite de Thétis. |
<- Thétis, Nymphes de la suite de Thétis
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DORIS |
Déesse, avec plaisir nous allons voir la fête
que le dieu des eaux vous apprête.
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THÉTIS |
J'espère qu'en ce jour vôtre amitié pour moy
vous fera partager l'honneur que je reçoy.
On voit venir de loin les Sirènes, et on entend leur musique.
Mais nous voyons déja les Sirènes paroître,
nous entendons leurs doux concerts,
préparons-nous à voir bien-tôt le maître des vastes mers.
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Scène quatrième |
Thétis, Doris, Pélée, Les trois Sirènes, Nymphes de la suite de Thétis, Nereïdes qui accompagnent les Sirènes. |
<- Les trois Sirènes, Nereïdes
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LES SIRÈNES
Nos chants harmonieux forcent tout à se rendre,
nous disposons des cœurs a nôtre gré;
dés que nos voix se font entendre,
nôtre triomphe est assûré.
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Danses des Nereïdes. | |
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LES SIRÈNES (à Thétis)
Prenez d'aimables chaînes,
que nos chansons ne soient pas vaines
pour la première fois;
est-il des rigueurs inhumaines
pour un fidelle amour annoncé par nos voix ?
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Scène cinquième |
Neptune, Thétis, Pélée, Tritons, et Fleuves de la Suite de Neptune, Doris, Sirènes, Nereïdes. |
<- Neptune, Tritons, Fleuves
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CHŒUR DE TRITONS ET DE FLEUVES
Empresons-nous à plaire au dieu des ondes,
il adore Thétis, adorons ses beaux yeux,
les Amours descendront dans nos grottes profondes,
ils règnent jusque dans ces lieux.
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NEPTUNE (à Thétis) |
Voyez, belle déesse,
voyez toute ma cour vous marquer son transport,
je vous soumets, par ma tendresse,
tout ce qui m'est soûmis par les ordres du Sort.
Jupiter m'enleva le plus noble partage;
mais l'empire des mers où je donne la loy,
sur l'empire dés cieux, doit avoir l'avantage,
quand vous regnerez avec moy.
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THÉTIS |
Je doute que du sort la suprême puissance
m'ait destinée à cet honneur;
mais je reçoy vos soins avec reconnoissance,
c'est le seul sentiment qui dépend de mon cœur.
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NEPTUNE |
Je me flate que ma constance
doit m'attirer une autre récompense;
aimez, aimez a vôtre tour,
c'est l'amour seul qui peut payer l'amour.
| S
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CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITEZ DE LA MER |
Aimez, aimez a vôtre tour,
c'est l'amour seul qui peut payer l'amour.
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Danse des divinitez de la mer. | |
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CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITEZ |
Tout reconnoît l'amour, tout se plaît dans ses chaînes,
tout cède a ses loix souveraines;
mais il n'est rien dans l'univers
qui luy soit plus soûmis que l'empire des mers.
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UN TRITON |
C'est dans nos flots que Venus prit naissance,
nous sûmes les premiers sous son obeïssance,
la mère d'amour fit sur nous
l'essay de ses traits les plus doux.
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CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITEZ DE LA MER |
Rendez-vous à l'amour, cedez-luy la victoire,
Neptune a fait un heureux choix,
commandez sur les flots, accordez-nous la gloire
de vivre sous vos loix.
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NEPTUNE (aux divinitez de la mer) |
Je suis content de vôtre zele,
il ne sçauroit mieux éclater.
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(à Thétis) |
Je vous quitte, aimable immortelle,
songez à la grandeur où vous pouvez monter,
mais songez encor plus à mon amour fidelle.
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Neptune sort avec les divinitez de la mer. | Neptune, Les trois Sirènes, Nereïdes, Tritons, Fleuves, Doris, Cidippe ->
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Scène sixième |
Thétis, Pélée. |
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PÉLÉE |
Je viens de soûtenir le spectacle fatal
des hommages pompeux que vous rend mon rival,
pour me payer d'une peine si dure,
vos plus tendres regards ne me sont-ils pas dûs ?
Parlez, ou que du moins un soûpir me rassûre
contre les soins que l'on vous a rendus.
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THÉTIS |
Perdez une crainte importune,
je viens d'apprendre encor que mes foibles attraits
vous donnent un rival plus puissant que Neptune,
et mon cœur est à vous, plus qu'il n'y fut jamais.
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PÉLÉE |
Ah ! Jupiter est ce rival terrible !
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THÉTIS |
C'est luy qui va m'offrir des soûpirs superflus.
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PÉLÉE |
Qoy ! Jupiter pour vous est devenu sensible ?
Ma peine étoit trop foible, et rien n'y manque plus.
Daignez me pardonner ma crainte et mes allarmes,
si j'en croyois les troubles que je sens,
je me plaindrois de l'excés de vos charmes,
lorsqu'ils me font des rivaux si puissants.
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THÉTIS |
Vous remportez des victoires nouvelles,
quand je fais des amants nouveaux;
si mes conquêtes sont trop belles,
vos triomphes en sont plus beaux.
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PÉLÉE |
Je ne suis qu'un mortel, c'est en vain que j'espère;
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ces dieux empressez à vous plaire
me font sentir trop vivement
que je suis un téméraire
d'oser être vôtre amant.
| S
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THÉTIS |
Dans l'empire d'Amour on tient le rang suprême
des que l'on sçait charmer,
un mortel qui se fait aimer
est égal à Jupiter même;
dans l'empire d'amour on tient le rang suprème
dés que l'on sçait charmer.
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PÉLÉE |
Lorsque j'obtiens de vous un si doux sacrifice,
ô ciel ! dans quels malheurs il faut que je languisse !
J'espérois que l'hymen finiroit mon tourment,
mais tout s'oppose à cet espoir charmant;
plus vous m'aimez, plus je sens le supplice
d'être aimé vainement.
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PÉLÉE ET THÉTIS |
Faut-il que tout s'unisse
contre de si beaux feux ?
Helas ! quelle injustice !
Les plus tendres amours sònt les plus malheureux.
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THÉTIS |
Redoublons, s'il se peut, nôtre ardeur mutuelle,
par nôtre amour, tachons à surmonter
la fortune cruelle.
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PÉLÉE ET THÉTIS |
Aimons, c'est le seul bien qu'on ne peut nous ôter.
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Fin du premier acte. | |
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