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Scène première |
Le théâtre représente le temple du Destin. Les ministres du Destin. |
Q
Ministres du Destin
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UN DES MINISTRES |
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
Tout fléchit sous ta loy,
tes ordres n'ont jamais trouvé de resistance.
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
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UN AUTRE DES MINISTRES |
Malgré nous tu nous entraînes
où tu veux,
c'est toy qui nous amènes
tous les événemens heureux ou malheureux,
tu les as liez entr'eux
avec d'invisibles chaîne;
par des moyens secrets
ton pouvoir les prépare,
et chaque instant déclare
quelqu'un de tes arrêts.
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CHŒUR |
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
Tout fléchit sous ta loy,
tes ordres n'ont jamais trouvé de résistance.
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
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UN DES MINISTRES |
C'est en vain qu'un mortel pleure, gemit, soûpire,
un dieu voudroit en vain t'opposer sa fierté,
rien ne change les loix qu'il te plaist de prescrire,
ton inflexible dureté
fait la grandeur de ton empire,
ton inflexible dureté
en fait la majesté.
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Scène deuxième |
Les ministres du destin, Pélée. |
<- Pélée
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PÉLÉE |
Ministres du Destin, je viens pour vous apprendre
que dans ces lieux Neptune va se rendre,
Neptune vient vous consulter,
quel spectacle plus doux peut jamais vous flater ?
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CHŒUR |
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
Tout fléchit sous ta loy,
tes ordres n'ont jamais trouvé de résistance.
Ô Destin ! quelle puissance
ne se soûmet pas à toy ?
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UN DES MINISTRES |
Les dieux ont partagé le monde,
et leur pouvoir est différent;
mais ton vaste empire comprend
les cieux, l'enfer, la terre et l'onde.
Les dieux ont partagé le monde,
mais tu réunis tout sous un pouvoir plus grand.
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PÉLÉE |
Daignez aussi sur mes peines secrettes
des arrêts du Destin être les interprètes.
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CHŒUR |
Nous ne répondons point aux mortels curieux,
l'oracle du Destin n'est que pour les grands dieux.
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Les ministres sortent. | Ministres du Destin ->
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Scène troisième |
Pélée. |
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Ciel ! en voyant ce temple redoutable,
de quel frémissement je me sens agité !
C'est icy qu'il est arrêté
si je dois être heureux ou misérable;
cet ordre, quel qu'il soit, doit être exécuté;
mais l'avenir impénétrable
le cache encor dans son obscurité;
quel doute insupportable !
qu'un amant en est tourmenté !
Inflexìble Destin, dans tes loix éternelles,
n'as-tu sùivy qu'un aveugle hazard ?
Helas ! n'as-tu point eu d'égard
pour les amans fidelles ?
Non, non, je tâche en vain à flater mes ennuis,
par l'êtat où tu me reduis,
je reconnois déja l'effet de tes caprices,
et n'éxerces-tu pas toûjours
tes plus cruelles injustices
sur les plus fidelles amours ?
| S
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Scène quatrième |
Pélée, Doris. |
<- Doris
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DORIS |
Ou je me trompe, ou c'est vôtre tendresse
qui dans ces lieux vous amène avec nous,
à l'arrêt du Destin vôtre cœur s'ínteresse,
mais je crains qu'il ne donne une aimable déesse
à quelque dieu, plûtôt qu'à vous.
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PÉLÉE |
Je ne crains, ny n'espère.
L'avenir qui m'est préparé
sçaura toûjours me plaire,
et le Destin peut faire
ses arrêts à son gré.
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DORIS |
Je connois vôtre flame,
c'est en vain que vous déguisez.
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PÉLÉE |
Plus vous voulez pénétrer dans mon ame,
plus vous vous abusez.
Cidippe vient, je vous laisse avec elle.
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| Pélée ->
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Scène cinquième |
Doris, Cidippe. |
<- Cidippe
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DORIS |
Vous m’aviez fait un récit trop fidelle.
Ils s'aiment en secret, mes feux sont méprisez.
J'ay cru que l'on m'aimoit, j'ay pris des espérances
sur de trop foibles apparences;
ciel ! quel honte pour mon cœur
d'être tombé dans une erreur si vaine !
Et quelle peine
de renoncer à cette douce erreur !
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CIDIPPE |
C’est quelquefois un avantage
d'ignorer de l'amour les biens les plus charmans;
quand il faut que l’on se dégage,
heureux qui n’a jamais senti que des tourmens !
Vôtre douleur seroit bien plus cruelle,
si Pélée eût long-temps vécu sous vôtre loy,
et qu’il vînt à manquer de foy.
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DORIS |
Ah ! que ne m’est-il infidelle !
Il auroit soûpiré pour moy.
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CIDIPPE |
Vôtre amour malheureux cherche trop à se plaindre,
cessez d’entretenir d’inutiles douleurs.
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DORIS |
Je suivrai vos conseils, ma flâme va s’éteindre,
je ne songerai plus qu'à vanger mes malheurs.
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CIDIPPE |
L’amour que l’on offence
ne devroit récourir
qu’à la paisible indifference.
L’ardeur de la vengeance
est un nouveau mal à souffrir.
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DORIS |
Sans ce triste secours je ne me puis guérir,
j'abandonnois mon cœur à sa foiblesse extrême,
et les yeux d'un ingrat en étoient les témoins.
Que ne m'apprenoit-il quel est l’objet qu’il aime ?
Pour me desabuser il n’en faloit pas moins;
ah ! je le punirai des soins
que je prenois à me tromper moy-même.
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CIDIPPE |
N’écoutez point l’amour jaloux,
il n'inspire jamais de transports legitimes,
n’écoutez point l'amour jaloux,
il invente des crimes
pour en charger l'objet de son courroux.
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DORIS |
Une douleur pressante
a toûjours droit de se vanger,
la cause de nos maux ne peut être innocente,
tous les secours que la fureur presente,
sont permis pour se soulager.
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| Cidippe ->
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Scène sixième |
Neptune, Doris, Suite de Neptune. |
<- Neptune, Suite de Neptune
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NEPTUNE |
Qu'on ne me suive plus, allez, que l'on m'attende,
je veux que sans témoins cet oracle se rende.
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| Doris, Suite de Neptune ->
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Scène septième |
Neptune. |
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Cedez pour quelque temps, importune grandeur,
cedez au tendre amour qui règne dans mon cœur,
moy que les vastes mers reconnoissent pour maistre,
je viens en tremblant reconnoître
un plus grand pouvoir dans ces lieux,
l'amour qui m'y réduit sçait abaisser les dieux,
sa force contre nous affecte de paroître.
Cedez, pour quelque temps, importune grandeur,
cédez au tendre amour qui règne dans mon cœur.
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Scène huitième |
Neptune, Ministres du Destin. |
<- Ministres du Destin
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UN DES MINISTRES |
Dieu de la mer, quel sujet vous amène ?
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NEPTUNE |
Mon amour pour Thétis cause toute ma peine,
Jupiter vient troubler mes feux,
prononcez qui de nous verra remplir ses vœux.
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UN DES MINISTRES |
Destin, un grand dieu demande
quel succès tu veux qu'il attende,
dans tes secrets il cherche à pénétrer,
daigneras-tu les déclarer ?
(Le ministre est saisi tout à coup d'une espèce d'entousiasme, et il continue.)
Qu'un respect plein d'épouvante
fasse tout trembler.
L'avenir va se révéler.
Que tout l'univers ressente
un respect plein d'épouvante,
le Destin est prest à parler.
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CHŒUR |
Qu'un respect plein d'épouvante
fasse tout trembler,
l'avenir va se révéler.
Que tout l'univers ressente
un respect plein d'épouvante,
le Destin est prest à parler.
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On entend une voix qui sort du fond du temple. | |
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ORACLE |
Écoutez, dieu de l'onde,
tout ce que le Destin permet qu'on vous réponde;
l'époux de la belle Thétis
doit être un jour moins grand, moins puissant que son fils;
tout le reste est caché dans une nuit profonde.
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NEPTUNE |
Ah ! quel oracle je reçoy !
Quel arrêt menaçant ! quelle funeste loy !
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Fin du troisième acte. | |
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