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Scène première |
Le théâtre représente des rochers et de la verdure Vertumne. |
Q
Vertumne
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A la fin, délivré d'une troupe importune,
je puis me transformer et paraître à ses yeux.
La voici, cachons-nous: Destin, Amour, Fortune
favorisez mes vœux.
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Scène deuxième |
Pomone, Juturne, Venilie, Vertumne cachée. |
<- Pomone, Juturne, Venilie
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POMONE, VENILIE |
Sortez petits oiseaux, sortez de vos boccages,
quittez, quittez vos nids et vos buissons;
et mêlez vos tendres ramages,
à nos agréables chansons.
Volez; doux rossignols, volez dans ces feuillages.
Venez, serins, venez pinsons,
et mêlez vos tendres ramages,
à nos agréables chansons.
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Vertumne parait transformé en Plutus, dieu des trésors. | |
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Scène troisième |
Pomone, Juturne, Venilie, Vertumne en Plutus. |
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VERTUMNE (en Plutus) |
Charmé de tes accents, adorable Pomone,
mais plus charmé de l'éclat de tes yeux,
je sors de mon empire et je viens en ces lieux,
du plus riche des dieux
t'offrir le cœur et le trône.
Si tu doutes de mes ardeurs,
dans mes regards tu les pourras connaître;
si tu doutes de mes grandeurs,
voi de quels biens je suis le maître.
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Le théâtre représente le Palais de Plutus. | Q
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Scène quatrième |
Pomone, Juturne, Venilie, Vertumne en Plutus, 5 folets en démons. |
<- 5 folets
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VERTUMNE (en Plutus à Pomone) |
Mon trône et mes trésors, ma flamme et mes langueurs,
ne pourront-ils, déesse, adoucir tes rigueurs ?
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POMONE |
Non, non, garde ton or, tes pierres et tes marbres;
mon unique trésor sont mes fruits et mes arbres.
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VERTUMNE (en Plutus) |
Si tu bornes là tes plaisirs,
j'ai de quoi pleinement contenter tes désirs.
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Il montre à la déesse une corbeille pleine da bigarades d'or et une autre pleine de grenades dont les grains sont de rubis. | |
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VERTUMNE (en Plutus) |
Vois-tu ces bigarades ?
Elles sont toutes d'or, et ces belles grenades,
leurs grains sont rubis précieux;
je puis en peupler tous ces lieux.
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POMONE |
Il me suffît de mon partage,
et je ne veux rien davantage:
moins de biens, moins de biens, et plus de liberté,
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POMONE, JUTURNE |
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VERTUMNE (en Plutus) |
Hé bien ! garde ta pauvreté:
adieu, c'est trop aimer une ingrate beauté.
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| 5 folets ->
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Scène cinquième |
Pomone, Juturne, Venilie. |
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JUTURNE, VENILIE |
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VENILIE
Ô la grande faiblesse,
de chérir les trésors !
De prendre l'ombre pour le corps,
et suivre un bien qui nous fuit, et nous laisse !
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JUTURNE
Bannir de son cœur la noire tristesse,
la faible tendresse,
les soins, les désirs;
rire, chanter, passer en plaisirs
sa belle jeunesse,
c'est la véritable sagesse:
la grandeur, la richesse,
ne sont qu'ombre et vanité.
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POMONE, JUTURNE, VENILIE |
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Scène sixième |
Pomone, Juturne, Venilie, Vertumne à l'écart. |
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VERTUMNE (à l'écart) |
J'ai perdu mes soins et mes pas,
mais je ne me rends pas.
Achevons l'imposture,
et l'abordons sous une autre figure.
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Vertumne transformé en Bacchus, parait devancé par 3 satyres qui tiennent à la main des coupes, des bouteilles et des flacons. | <- 3 folets
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Scène septième |
Pomone, Juturne, Venilie, Vertumne en Bacchus, Folets en satyres. |
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LES FOLETS (en satyres) |
Place, place, voisins,
place au dieu des raisins.
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VERTUMNE (en Bacchus) |
Rempli d'amour et de tendresse,
je viens, belle déesse,
comme les autres dieux,
rendre hommage à tes yeux
et t'offrir, à mon tour, mon sceptre et ma couronne.
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POMONE |
Je sais qu'elle a beaucoup d'éclat et de grandeur,
mais je renferme ma grandeur,
dans celle que le ciel me donne.
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VERTUMNE (en Bacchus) |
Ta couronne est illustre et ton pouvoir divin,
mais le mien se répand sur la terre et sur l'onde;
et t'offrant l'empire du vin,
je t'offre l'empire du monde.
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POMONE |
N'ai-je pas dans le mien un jus doux et charmant,
que l'on chérit également ?
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LES FOLETS (en satyres) |
Ô la comparaison étrange,
du cidre au jus de la vendange !
Vive notre aimable liqueur !
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POMONE, JUTURNE, VENILIE |
Vive notre aimable liqueur !
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JUTURNE |
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1ER SATYRE |
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VENILIE |
C'est le nectar des dieux,
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2ME SATYRE |
c'est l'honneur de la table.
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JUTURNE |
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3ME SATYRE |
rien n'est si délectable.
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TOUS |
Vive notre aimable liqueur !
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Pomone et ses nymphes se retirent en se moquant. Faune arrive. | Pomone, Juturne, Venilie ->
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Scène huitième |
Faune, Vertumne en Bacchus, Folets en satyres. |
<- Faune
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FAUNE |
Ô dieux, quelle chaleur m'enflamme !
Je suis dans un double brasier,
la soif altère mon gosier,
et l'amour échauffe mon âme.
Que je te rencontre à propos,
grand dieu des verres, et des pots ?
Ah ! j'implore ta grâce,
et ton secours divin:
verse, hélas, dans ma tasse
quelques larmes de vin.
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VERTUMNE (en Bacchus) |
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FAUNE |
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VERTUMNE (en Bacchus, aux Satyres) |
Donnez-lui du meilleur du mond,
enfans, faites-le boire et buvez avec luy.
(Il fait signe aux folets de jouer son rival.)
| Vertumne ->
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Scène neuvième |
Faune, Folets en satyres |
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LES FOLETS (en satyres)
Buvon tous à la ronde,
buvons au dieu falot:
que chacun nous seconde,
buvons tous à la ronde,
à ce vieux sibilot.
Fringue la tasse, fringue,
masse à lui, tope et tingue.
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FAUNE |
(leur présentant la tasse)
Versez, versez à rouge bord;
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LES FOLETS |
(continuant à boire sans l'écouter)
Masse à lui, topo, et tingue;
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FAUNE |
(s'impatientant)
Donnez donc, je meurs.
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LES FOLETS |
(continuant)
Masse à lui, tope, et tingue,
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FAUNE |
(leur saisissant la bouteille)
je suis mort;
donnez, donnez: quelle fadaise !
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2ME SATYRE |
Tiens, bonhomme, fais-nou
et pour boire mieux à ton aise,
couche-toi là, sur ce gazon.
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Les Folets placent Faune sur un gazon et mettant à l'entour de lui trois flacons et trois bouteilles. | |
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FAUNE |
Ô quel plaisir, quand on est altéré,
de voir autour de ses oreilles
un cercle inespéré
de pots et de bouteilles !
Buvons, buvons; mais qu'est-ceci ?
(Lorsqu'il veut prendre une bouteille, elle s'enfuit et traverse le théâtre: il s'attaque à la seconde qui suit de même.)
La bouteille s'enfuit et la seconde aussi.
(Il veut saisir la troisième, elle s'élève en l'air où un folet la vient prendre.)
A l'aide, le démon l'entraîne !
(Il croit s'emparer de la quatrième, elle fond en terre, et la cinquième après elle.)
Et toi, joli flacon, te prendra-t-on ainsi ?
Quoi, toute la demi-douzaine !
(Il prend la sixième, et boit à même.)
Ah ! du moins j'aurai celle-ci,
et j'en remplirai ma bedaine.
(Il trouve que c'est de l'eau et crache.)
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LES FOLETS (en satyres) |
Ah le fat ! ah le badin !
Il buit de l'eau pour du vin.
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FAUNE
(en se levant)
On me berne, on me raille,
courez dessus bouviers;
suivons cette racaille,
à grands coups de leviers.
À grands coups de leviers.
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LES FOLETS (en satyres) |
Ah le fat, ah le badin.
Il boit de l'eau pour du vin.
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