Acte deuxième

 

Scène première

Le théâtre représente le parc de Chesnes.
Béroé.

 Q 

Béroé

 

 

Ah ! n'est-ce pasassez qu'on aime et qu'on soupire,  

pendant le cours do sa jeune saison !

Pourquoi faut-il, amour, étendre ton empire

jusque sur notre âge grison !

Malgré tous mes efforts, malgré toute mes feintes,

je sens vivre tes feux, sous mes cendres éteintes,

d'une cruelle ardeur je me vois consumer,

que la glace des ans ne fait que rallumer:

j'aime un dieu... Le voici, tâchons de le surprendre;

il rève à ses amours, cachons-nous pour l'entendre.

 

Scène deuxième

Vertumne, Béroé cachée.

<- Vertumne

 

VERTUMNE

Ô doux zéphirs    

vous enflammez la terre

par vos soupirs,

et de vos pleurs

on voit dans ce parterre,

naître des fleurs.

Hélas ! ainsi que vous,

je suis tendre et fidèle.

Discret et doux;

et mes douleurs

ne touchent point la belle

pour qui je meurs.

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Mais pourquoi tant gémir ! poursuis ton entreprise.  

Lâche, c'est trop te plaindre, et soupirer en vain,

use de ton pouvoir divin,

joins à l'amour, la ruse et la surprise,

il faut l'attendre ici; dans ce bocage vert

elle cherche souvent le frais et le couvert.

 

Scène troisième

Vertumne, Béroé.

 

BÉROÉ

Quoi, toujours inflexible ?  

Toujours sourd à mes vœux;

et toujours amoureux

d'une belle insensible.

VERTUMNE
(à l'écart)

Le ridicule objet !

L'enfer t'amène ici, pour troubler mon projet.

BÉROÉ

Quoi, tant d'amour, ingrat !

VERTUMNE
(à l'écart)

Evitons sa poursuite.

BÉROÉ

(l'arrêtant)

Arrête et voi du moins ma peine et mes langueurs;

un moment encor et je meurs.

VERTUMNE
(à l'écart)

Il faut l'épouvanter et lui donner la fuite.

 
Vertumne se transforme en dragon et court à elle comme pour la dévorer.

Vertumne ->

 

Scène quatrième

Béroé, Vertumne en Dragon

 

BÉROÉ

Que voyez-vous, mes yeux !  

Quel dragon furieux !

Mais non, rassurons-nous, c'est lui qui se transforme

en ce monstre difforme.

(Elle affronte le dragon.)

Hé bien, cruel, saoule-toi de mon sang;

contente ton envie;

déchire-moi le flanc;

arrache-moi la vie:

je bénirai mon sort,

et je ne puis mourir d'une plus douce mort.

 
Le ciel brille d'éclairs, le tonnerre gronde, la terre tremble, et douze folets transformés en fantômes tombent du ciel dans un nuage enflammé.

<- Cinq folets, Quatre folets, Trois folets

 

Scène cinquième

Béroé, Douze folets en fantômes

 

BÉROÉ

Mais quels éclairs ! quelle horrible tonnerre !  

Quel tremblement de terre !

Quels fantômes affreux, et quelles visions !

Que de monstres armez de feu. de fer, de foudre,

pour me réduire en poudre !

Je vous connais folets, et vos illusions,

vous croyez m'étonner par cette allarme feinte,

et me jouer à votre tour:

mais l'on ne peut former les glaces de là crainte,

où règnent les feux de l'amour.

 
Les Folets descendus de la machine environnent Béroé, et pour l'épouvanter, dansent à ses yeux une danse terrible.
 

BÉROÉ

(après la danse dit aux fantômes)

Hé bien ! Folets, est-ce assez d'impostures;  

de grimaces et de postures;

et croyez-vous encor sous ce masque trompeur,

me donner de la peur ?

 
Trois fantômes disparaissent, quatre autres saisissent Béroé, l'emportent en l'air, et cinq autres restent sur le théâtre.

Trois folets ->

 

BÉROÉ

Au secours je suis morte,

on m'entraîne, on m'emporte.

 

Quatre folets, Béroé ->

 

Scène sixième

Cinq folets en fantômes, Le dieu des jardins, Quatre jardiniers.

<- Le dieu des jardins, Quatre jardiniers

 

LE DIEU DES JARDINS, LES JARDINIERS

Pauvre nourrice, hélas ! tes cris sont superflus !  

 
Le dieu et sa troupe ne pouvant arracher la nourrice aux fantômes qui l'emportent, s'en veulent venger sur les cinq autres qui restent et crient:
 

LE DIEU DES JARDINS

Donnons, donnons, frappons dessus.

 

Scène septième

Le dieu des jardins, Quatre jardiniers, Cinq folets en Bourgeoises de Lampsaque.

 

LA 1ÈRE BOURGEOISE
(au Dieu des jardins)

Tu veux m'assassiner !  

LE DIEU DES JARDINS
(à la 1ère bourgeoise)

Ah ! ma chère voisine !

LE 1ER JARDINIER
(à la 2me bourgeoise)

Ma soeur !

LE 2ME JARDINIER
(à la 3me bourgeoise)

Ma femme !

LE 3ME JARDINIER
(à la 4me bourgeoise)

Ma cousine !

LA 5ME BOURGEOISE
(au 4me jardinier)

C'est toi, Philandre, hélas !

LE 4ME JARDINIER
(à la 5me bourgeoise)

C'est toi, chère Cloris !

LA 2ME BOURGEOISE
(au 3me jardinier)

Mon aimable Alcidor !

LE 3ME JARDINIER
(à la 2me bourgeoise)

Ma charmante Doris !

LA 3ME BOURGEOISE
(au 4me jardinier)

Ah Damon !

LE 4ME JARDINIER
(à la 3me bourgeoise)

Ah Climeine !

O Dieux qui vous amène

eu ces bords étrangers !

LA 3ME BOURGEOISE

Le désir de revoir nos aimables bergers !

LA 1ÈRE BOURGEOISE

Depuis que vous cessez de cultiver nos terres,

la mousse et les buissons croissent dans nos parterres.

LA 2ME BOURGEOISE

On voit sur notre teint une jaune pâleur,

LA 3ME BOURGEOISE

nous n'avons plus de lys.

LA 4ME BOURGEOISE

Nous n'avons plus de roses.

 

LA 5ME BOURGEOISE

Et nos fleurs demi-closes,  

frémissent de douleur.

LE 3ME JARDINIER

Depuis votre absence,

ce n'est que souffrance,

tristesse et langueur.

LE 4ME JARDINIER

Dès la moindre peine,

nous perdons haleine,

courage et vigueur.

LE 3ME JARDINIER

Nos peaux sont plus sèches,

que des parchemins.

LE 3ME JARDINIER ET LE 4ME JARDINIER

Et nos pauvres bêches

nous tombent des mains.

LA 2ME BOURGEOISE

Allons, bergers.

LE 1ER JARDINIER

Allons, bergères

TOUS

Allons, bergers; allons bergères,

goûter la douceur du retour.

LA 1ÈRE BOURGEOISE ET LA 2ME BOURGEOISE

Allons sur les vertes fougères,

cueillir les doux fruits de l'amour.

TOUS

Allons sur les vertes fougères,

cueillir les doux fruits de l'amour.

 
Le ieu des jardins et les Jardiniers veulent embrasser leurs bourgeoises mais dans le moment elles se transforment en autant de buissons d'épines.
 

Scène huitième

Le dieu des jardins, quatre jardiniers, Cinq folets en buissons d'epines.

 

LE DIEU DES JARDINS

(et sa troupe en se piquant)  

Peste ! quel changement, quelle métamorphose !

Ah ! nous trouvons l'epine, où nous cherchons la rose !

 

Que viens-tu faire en ce lieu,  

pauvre dieu ?

Tu brûles de vaines flammes,

et tu souffres cent mépris,

toi qui fus l'amour des dames.

Et la terreur des maris.

Est-ce à toi de soupirer ?

Et prier ?

Toi qu'à genoux on implore,

va soulager les désirs

de la belle qui t'adore,

et qui meurt pour tes plaisirs.

 

DEUX FOLETS
(cachés)

Cesse, grand dieu, cesse tes plaintes vaines.

LE DIEU DES JARDINS

Qu'entends-je ? quelle voix sort des rives prochaines ?

Échos, arbres, rochers, est-ce vous, est-ce vous ?

DEUX FOLETS
(cachés)

Nous sommes deux nymphes des chênes,

et le ciel t'annonce par nous,

qu'un jour il finira tes peines.

LE DIEU DES JARDINS

Hélas ! quand viendra-t-il ce bien heureux moment !

DEUX FOLETS
(cachés)

Quand tu seras discret, et fidèle en aimant !

LE DIEU DES JARDINS

Taisez-vous, taisez-vous, impertinents oracles:

amour en ma faveur fait bien d'autres miracles,

apprenez, apprenez qu'en l'empire amoureux

on perd tout pour attendre;

et que le vigoureux

est souvent plus heureux,

que le sage et le tendre.

LE DIEU DES JARDINS ET LES JARDINIERS

Apprenez, apprenez qu'en l'empire amoureux

on perd tout pour attendre;

et que le vigoureux

est souvent plus heureux,

que le sage et le tendre.

 

Fin (Acte deuxième)

Prologue Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Le théâtre représente le parc de Chesnes

Béroé
 

Ah! n'est-ce pasassez qu'on aime et qu'on soupire

Béroé
<- Vertumne

Mais pourquoi tant gémir! poursuis ton entreprise

Quoi, toujours inflexible?

(Vertumne se transforme en dragon et court à elle comme pour la dévorer.)

Béroé
Vertumne ->

Que voyez-vous, mes yeux!

(Le ciel brille d'éclairs, le tonnerre gronde, la terre tremble, et douze folets transformés en fantômes tombent du ciel dans un nuage enflammé.)

Béroé
<- Cinq folets, Quatre folets, Trois folets

Mais quels éclairs! quelle horrible tonnerre!

(Les Folets descendus de la machine environnent Béroé, et pour l'épouvanter, dansent à ses yeux une danse terrible.)

Hé bien! Folets, est-ce assez d'impostures

(Trois fantômes disparaissent, quatre autres saisissent Béroé, l'emportent en l'air, et cinq autres restent sur le théâtre.)

Béroé, Cinq folets, Quatre folets
Trois folets ->

Cinq folets
Quatre folets, Béroé ->
Cinq folets
<- Le dieu des jardins, Quatre jardiniers

Pauvre nourrice, hélas! tes cris sont superflus!

(Les cinq folets se transforment en bourgeoises de Lampsaque)

Tu veux m'assassiner!

Bourgeoises, Jardiniers
Et nos fleurs demi-closes

(Le dieu des jardins et les Jardiniers veulent embrasser leurs bourgeoises mais dans le moment elles se transforment en autant de buissons d'épines.)

Peste! quel changement, quelle métamorphose!

Le dieu des jardins, Deux folets
Que viens-tu faire en ce lieu
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième
Le Louvre Les vergers de Pomone. Le théâtre représente le parc de Chesnes Le théâtre représente des rochers et de la verdure Le théâtre représente le Palais de Plutus Le théâtre représente le jardin et le berceau de Pomone.
Prologue Acte premier Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

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