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Scène première |
Le theatre represente le palais de Médée Médée, Nérine. |
Q
Médée, Nérine
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NÉRINE |
On ne peut sans effroy soutenir sa presence.
Il court de toutes parts, menaçant, furieux,
dans ce funeste estat tout ce qu'il voit l'offense;
la princesse elle seule, en s'offrant à ses yeux,
semble de sa fureur calmer la violence;
il s'arreste, il soupire, et garde un long silence.
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MÉDÉE |
Et que dit son heureux amant ?
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NÉRINE |
Jason ignore encor ce triste évenement.
Occupé par les soins que la guerre demande,
il range avec nos chefs les troupes qu'il commande.
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MÉDÉE |
Que d'horreur ! que de maux suivront sa trahison !
C'est luy seul qui les cause, il m'en fera raison;
vangeons-nous. Ma fureur, à tant de rois fatale,
a-t'elle assez de ma rivale ?
Non, s'il ose garder ses sentiments ingrats,
si toûjours il perd la memoire
de ce que j'ay fait pour sa gloire,
il aime ses enfans, ne les épargnons pas.
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Ne les épargnons pas ! ah, trop barbare mere !
Quel crime on-ils commis pour leur percer le seins ?
Nature, tu parles en vain,
leur crime est assez grand d'avoir Jason pour pere.
Quel desespoir m'aveugle et m'emporte contr'eux ?
Leur âge permet-il cet affreux parricide,
et sont-ils criminels pour estre malheureux ?
Quoy, je craindray de punir un perfide !
De ses voeux triomphants ma mort seroit l'effet !
Oublions l'innocence, et voyons le forfait.
Une indigne pitié me les fait reconnoistre;
c'est mon sang, il est vray, mais c'est le sang d'un traitre.
Puis-je trop acheter, en les faisant perir,
la douceur de le voir souffrir ?
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Scène deuxième |
Créüse, Médée, Nérine. |
<- Créüse
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CRÉÜSE |
Si la pitié vous peut trouver sensible,
voyez une princesse en pleurs,
qui vient vous demander la fin de ses malheurs:
a vostre art rien n'est impossible.
Pour garantir l'estat des maux que je prevoy,
si la pitié vous peut trouver sensible,
appaisez la fureur d'un roy.
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MÉDÉE |
Si vous voulez obtenir ce miracle,
c'est au prince d'Argos qu'il faut vous adresser.
Par son hymen vos maux doivent cesser,
vos desirs n'auront point d'obstacle:
mais je veux qu'en ce mesme jour,
en recevant sa foy, vous payez son amour.
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CRÉÜSE |
Sur cet hymen quelle partie puis-je prendre,
quand d'un pere et d'un roy le ciel m'a fait dépendre ?
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MÉDÉE |
J'ay parlé, c'est assez; ne cherchez plus qu'en moy,
le pouvoir d'un pere et d'un roy.
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CRÉÜSE |
Pourquoy precipiter un dessein...
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MÉDÉE |
Point d'excuse.
Du trouble où je vous mets je connois la raison;
quand au prince d'Argos vostre cœur se refuse,
il veut se garder à Jason.
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CRÉÜSE |
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MÉDÉE |
Je sçay sa perfidie,
en luy vous aviez un amant;
mais on n'offense pas Médée impunément;
d'une entreprise si hardie
l'univers étonné verra la châtiment.
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CRÉÜSE |
Ah, reprenez Jason, et me rendez mon pere.
Que Jason parte, et qu'il fuye avec vous.
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MÉDÉE |
Non, de ma main vous prendrez un epoux;
ce seul moyen peut satisfaire
les transports de mon cœur jaloux.
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CHŒUR DE CORINTHIENS |
(qu'on ne voit pas)
Ah, funeste revers ! fortune impitoyable !
Corinthe, helas ! que vas-tu devenir ?
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CRÉÜSE |
Que ce grand bruit m'est redoutable !
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CHŒUR DE CORINTHIENS |
Dieux cruels, est-ce ainsi que vostre haine accable
ceux que vous devez soutenir ?
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Scène troisième |
Cleone, Créüse, Médée, Nérine, Chœur de Corinthiens. |
<- Cleone, corinthiens
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CRÉÜSE (à Cleone) |
Venez, parlez; qu'avez-vous à m'apprendre ?
Je voy vos yeux baignez de pleurs.
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CLEONE |
Je viens vous annoncer le plus grand des malheurs.
Le roy ne respiroit que du sang à répandre,
qand voyant le prince d'Argos,
il a paru plus en repos.
Sa fureur sembloit dissipée;
mais dans le temps qu'on a rien à redouter
de sa fausse tranquillité,
de ce malheureux prince il a saisi l'épée,
et luy perçant le flanc, son bras nous a fait voir
ce que peut un prompt desespoir.
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CRÉÜSE |
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CLEONE |
Dans ce malheure extrême,
chacun s'est empressé de luy prêter secours.
Le roy dans ce moment a terminé ses jours,
du mesme fer il s'est percé luy-mesme.
Ah, s'est-il écrié, le ciel l'a donc permis,
j'ay vaincu tous mes ennemis.
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CHŒUR DE CORINTHIENS
Ah, funeste revers ! fortune impitoyable !
Corinthe, helas ! que vas-tu devenir ?
Dieux cruels, est-ce ainsi que vostre haine accable
ce que vous devez soûtenir ?
Refusons nostre encens, nostre hommage,
a ces dieux inhumains;
tous nos respects sont vains,
nos malheurs sont leur injuste ouvrage ?
Refusons nostre encens, nostre hommage,
a ces dieux inhumains.
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CRÉÜSE |
C'est assez, laissez-moy, vos pleurs ne font qu'aigrir,
les maux que je me dois preparer à souffrir.
| corinthiens ->
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Scène quatrième |
Cleone, Créüse, Médée, Nérine. |
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CRÉÜSE |
Eh bien, barbare, estes-vous satisfaite ?
Par des crimes plus noirs voulez-vous meriter
le détestable honneur de faire redouter
le pouvoir que l'enfer vous préte ?
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MÉDÉE |
Pourquoy faire éclater ce violent couroux ?
Si la perte d'un pere est pour vous si funeste,
le cœur de Jason qui vous reste,
pour vous en consoler, est un prix assez doux.
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CRÉÜSE |
Ah, si j'ay sur luy quelque empire,
craignez à vous punir la derniere rigueur.
Je ne m'en serviray, que pour mettre en son cœur
toute la haine que m'inspire
ce que pour vous je sens d'horreur.
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MÉDÉE |
Que peuvent contre moy ces desseins de vangeance ?
Quels' effets en seront produits,
puisque vous ignorez jusqu'où va ma puissance,
connoissez tout ce que je suis.
(touche Créüse de sa baguette et s'en va)
| Médée, Nérine ->
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Scène cinquième |
Cleone, Créüse. |
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CRÉÜSE |
Quel feu dans mes veines s'allume ?
Quel poison, dont l'ardeur tout à coup me consume,
dans cette robe étoit caché ?
Soûtenez-moy, je n'en puis plus, je tremble,
je brûle. Sur mon corps un braiser attaché
me fait souffrir mille tourments ensemble.
Mon mal est sans remede, à quoy servent ces pleurs ?
Rien ne peut soûlager l'excez de mes douleurs.
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Scène sixième |
Jason, Cleone, Créüse. |
<- Jason
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JASON |
Ah, roy trop malheureux ! mais ô ciel ! la princesse
paroît mourante entre vos bras !
Qui la met dans cette foiblesse ?
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CRÉÜSE |
Approchez-vous, Jason, ne m'abandonnez pas.
Mon pere est mort, je vais mourir moy-mesme.
Je peris par les traits que Médée a formez;
mille poisons dans sa robe enfermez,
par une violence extrême,
vous ostent ce que vous aimez.
Ce que j'endure est incroyable;
mais au moins j'ay de quoy rendre grace aux dieux,
que sa fureur impitoyable
me laisse la douceur de mourir à vos yeux.
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JASON |
Appellez-vous douceur un effet de sa rage ?
De cet affreux spectacle elle a sçeu la rigueur.
Pouvoit-elle mettre en usage
un supplice plus propre à m'arracher le cœur ?
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JASON, CRÉÜSE |
Helas ! prests d'estre unis par les plus douces chaînes,
faut-il nous voir separez à jamais ?
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CRÉÜSE
Peut-on rien ajoûter à l'excez de mes peines ?
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Ensemble
JASON
Peut-on lancer sur moy de plus terribles traits ?
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JASON, CRÉÜSE |
Helas ! prests d'estre unis par les plus douces chaînes,
faut-il nous voir separez à jamais ?
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JASON |
Non, non, rien ne sçauroit m'obliger à survivre
au coup fatal, qui vous force à perir.
Je trouveray le moyen de vous suivre.
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CRÉÜSE |
Ah, ne cherchez point à mourir.
Vivez, si vous voulez me plaire
j'ay causé la mort de mon pere,
vangez-la, c'est le prix qu'exigent mes douleurs.
Mais adieu; de la mort les horreurs me saisissent,
je perds la voix, mes force s'affoiblissent,
c'en est fait, j'expire, je meurs.
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On emporte Créüse. | Créüse, Cleone ->
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Scène septième |
Jason. |
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(seul)
Elle est morte, et je vis ! courons à la vangeance,
pour estre en liberté de renoncer au jour:
la perte de Médée est deuë à mon amour.
Quel supplice assez grand peut expier l'offense ?
Mais par quel effet de son art...
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Scène huitième |
Médée, Jason. |
<- Médée
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MÉDÉE |
(en l'air sur un dragon)
C'est peu, pour contenter la douleur qui te presse,
d'avoir à vanger la princesse;
vange encor tes enfans; ce funeste poignard
les a ravis à ta tendresse.
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JASON |
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MÉDÉE |
Infidelle ! aprés ta trahison,
ay-je dû voir mes fils dans les fils de Jason ?
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JASON |
Ne crois pas échapper au transport qui m'anime,
pour te punir j'iray jusqu'aux enfers.
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MÉDÉE |
Ton desespoir choisit mal sa victime.
Que pourrat-'il, puisque les airs
sont pour moy des chemins ouverts ?
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JASON |
Ah, le ciel qui toûjours protegea l'innocence...
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MÉDÉE |
Adieu Jason, j'ay remply ma vangeance.
Voyant Corinthe en feu, ses palais embrasez,
pleure à jamais les maux que ta flame a causez.
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Médée fend les airs sur son dragon, et en mesme temps les statuës et autres ornemens du palais se brisent. On voit sortir des Demons de tous côtez, qui ayant des feux à la main embrasent ce mesme palais. Ces Demons disparoissent, une nuit se forme, et cet édifice ne paroist plus que ruine et monstres, aprés quoy il tombe en pluye de feu. | Médée ->
<- demons
demons ->
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