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Scène première |
Le theatre represente l'avant-cour d'un palais, et un jardin magnifique dans le fonds. Jason, Cleone. |
Q
Jason, Cleone
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CLEONE |
Jamais on ne la vit si belle,
cette robe superbe augment ses appas;
et dans l'éclat qu'elle répand sur elle,
il faut estre sans yeux pour ne l'admirer pas.
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JASON |
A peine dans ses mains cette robe est remise,
et déja la princesse a voulu s'en parer !
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CLEONE |
L'agrément qu'elle en sçait tirer
vous causera de la surprise.
Elle paroist. Voyez quel air de majesté
anime et soutient sa beauté.
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Scène deuxième |
Jason, Cleone, Créüse. |
<- Créüse
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JASON |
Ah ! que d'attraits, que de graces nouvelles ?
A voir ce vif éclat que mes yeux sont contents !
Des fleurs que produit le printemps
les couleurs ne sont point si belles.
Ah ! que d'attraits, que de graces nouvelles ?
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CRÉÜSE |
Si j'ay quelques appas assez vifs pour toucher,
s'ils brillent plus qu'à l'ordinaire;
cet avantage ne m'est cher,
que par la gloire de vous plaire.
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JASON |
Quels feux nouveaux dans mon cœur
cette asseurance faiyt naistre ?
N'ont-ils point assez d'ardeur ?
Pourquoy chercher à l'accroistre ?
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CRÉÜSE |
Si cette ardeur peur s'augmenter,
croyez-vous qu'en vouloir borner la violence,
ce ne soit pas une offense
capable de m'irriter ?
D'un amour qui se menage
les cœurs tendres sont blessez.
Malgré les voeux empressez
qui m'asseurent vostre hommage,
pouvant m'aimer davantage,
vous ne m'aimez pas assez.
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JASON |
Non, jamais tant d'ardeur, jamais flâme si belle
n'embraza le cœur d'un amant.
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CRÉÜSE |
C'est peut d'y voir un sort charmant,
cette ardeur doit estre éternelle.
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JASON |
Ah ! j'en fays icy le serment.
Puisse l'amour dans sa juste colère
excercer contre moy sa plus grande rigueur,
si jamais il trouve mon cœur
détaché du soin de vous plaire.
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JASON, CRÉÜSE |
Puisse l'amour dans sa juste colère
excercer contre moy sa plus grande rigueur,
si jamais il trouve mon cœur
détaché du soin de vous plaire.
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CRÉÜSE |
Je finis à regret un entretien si doux,
mais le prince d'Argos s'avance;
et son importune presence
me force à m'éloigner de vous.
| Créüse, Cleone ->
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Scène troisième |
Jason, Oronte. |
<- Oronte
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ORONTE |
Si-tost que je parois, la princesse vous quitte;
mon amour s'en doit alarmer.
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JASON |
Cette crainte est injuste; un éclatant merite
peut trop sur les grands cœurs pour ne pas l'estimer.
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ORONTE |
Quand sur un espoir legitime
on peut se flatter d'estre heureux,
pour satisfaire un cœur bien amoureux,
est-ce assez que de l'estime ?
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JASON |
Avec un tel secours, si vos feux sont constans,
aimez, on obtient tout du temps.
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ORONTE
Non, non, dans sa froideur extrême
je vois le refus de son cœur.
Quelque rival se cache, elle est aimée, elle aime;
je pourray découvrir ce trop heureux vainqueur,
et mon bras disputant cette noble victoire,
fera voir qui de nous en merite la gloire.
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JASON |
L'amour promet souvent plus qu'il ne peut tenir.
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ORONTE |
Jugez mieux d'un amant que le mépris outrage;
s'il forme une entreprise, il sçait la soûtenir.
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JASON |
Vous sçavez à quels soins la Guerre icy m'engage.
Les troupes qu'aujourd'huy fait assembler le roy,
n'attendent plus que moy.
| Jason ->
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Scène quatrième |
Médée, Oronte, Nérine. |
<- Médée, Nérine
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ORONTE |
Vos soupçons estoient vrais, j'ay veu, j'ay veu moy-mesme
l'inexcusable trahison,
qui doit estre le prix de vostre amour extrême;
j'ay leu dans le cœur de Jason,
il m'oste la princesse, il l'aime.
De tant de perfidie, ô ciel, fais-nous raison.
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MÉDÉE |
Eût-il le ciel à ses voeux favorable,
ne craignez point cét hymen odieux;
au pouvoir de Médée il n'est rien de semblable,
elle asservit la terre, elle commande aux cieux.
Je tiens la foudre suspenduë,
mais si Créon ne cede pas,
il verra quelle peine est deuë
a qui se fait le soutien des ingrats.
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ORONTE |
Pardonnez à ma foiblesse,
l'amour a sçeu m'engager.
Un juste couroux vous presse;
mais à ne rien menager,
le plaisir de vous vanger
me rendra-t'il la princesse ?
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MÉDÉE |
Je me declare pour vous.
Jamais, quoy que puissent faire,
les dieux, Créüse et son pere,
Jason n'en sera l'epoux:
je me declare pour vous.
Laissez-moy seule icy; dans ce que je medite,
j'ay besoin de calmer le trouble qui m'agite.
| Oronte ->
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Scène cinquième |
Médée, Nérine. |
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MÉDÉE |
D'ou me vient cette horreur ? est-ce à moy de trembler ?
Preste à punir la criminelle flame
qui cause les ennuis dont on ose m'accabler,
puis-je me souvenir que je suis mere et femme ?
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NÉRINE |
Ses yeux sont egarez, ses pas sont incertains.
Dieux, detournez ce que je crains.
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MÉDÉE |
Non, non, à la pitié je dois estre inflexible.
Jason meprisera mon desespoir jaloux ?
Venez, venez, fureur, je m'abandonne à vous.
Je prends une vengeance épouvantable, horrible;
mais pour voir son supplice égaler mon couroux,
c'est pas l'endroit le plus sensible
qu'il faut porter les derniers coups.
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Scène sixième |
Créon, Médée, Nérine, Gardes. |
<- Créon, gardes du roy
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CRÉON |
Vos adieux sont-il faits ? le murmure s'augmente,
c'est aigrir les esprits que de ne céder pas.
D'un peuple qui vous fait sortir de mes estats
craignons la fureur insolente.
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MÉDÉE |
Je pars, et ne veux-plus troubler vostre repos,
mais je dois tenir ma promesse.
Pour m'en avoir dégagée, il faut que la princesse
epouse le prince d'Argos.
A serrer ces beaux noeuds la gloire vous invite,
pressez ce doux moment, l'hymen fait, je vous quitte.
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CRÉON |
Quelle audace vous porte à me parler ainsi,
vous, l'objet malheureux de tant de justes haines ?
Ignorez-vous que je commande icy,
et que mes volontez y seront souveraines ?
C'est à moy seul de les regler.
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MÉDÉE |
Créon, sur ton pouvoir cesse de t'aveugler.
Tu prens une trompeuse idée
de te croire en estat de ma faire la loy;
quand tu te vantes d'estre roy,
souviens-toy que je suis Médée.
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CRÉON |
Cét orgüeil peut-il s'égaler !
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MÉDÉE |
Sur l'hymen de ta fille il m'a plû de parler;
en vain mon audace t'estonne.
Plus puissante que toy dans tes propres estats,
c'est moy qui le veux, qui l'ordonne:
tremble si tu n'obeis pas.
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CRÉON |
Ah ! c'est trop en souffrir; gardes, qu'on la saisisse.
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Les gardes vont pour saisir Médée, elle les touche de la baguette, et en mesme temps ils tournent leurs armes les uns contre les autres. | |
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CRÉON |
Que vois-je ! ah, justes dieux !
Par quel mouvement furieux,
vouloir que par vos mains chacun de vous perisse !
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MÉDÉE |
Montre icy ta puissance à retenir leurs bras;
sois roy, si tu peux l'estre, et suspens leurs combats.
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Créon veut s'avancer vers Médée, et les gardes l'environnent pour l'arrester. | |
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CRÉON |
Quoy, lasches, contre-moy tous vos efforts s'unissent ?
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MÉDÉE |
Je plains ton triste sort, tes sujets te trahissent,
mais ne crains rien de leur emportement;
pour le faire cesser je ne veux qu'un moment.
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Elle fait un cercle en l'air avec sa baguette, et aussi-tost on voit des fantômes sous la figure de femmes agreables. | |
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Scène septième |
Créon, Médée, Nérine, Phantômes, Gardes du roy. |
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MÉDÉE |
Objets agreables,
phantômes aimables,
appaisez les fureurs
de ces farouches cœurs.
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Entrée des Phantômes. | <- phantômes
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UN PHANTÔME |
Aprés de mortelles alarmes,
qu'un heureux calme semble doux !
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CHŒUR |
Aprés de mortelles alarmes,
qu'un heureux calme semble doux !
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UN PHANTÔME |
Cœurs agitez d'un vain couroux,
cedez, rendez-vous à nos charmes.
Où prendrez-vous des armes
qui tiennent contre nous ?
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CHŒUR |
Cœurs agitez d'un vain couroux,
cedez, rendez-vous à nos charmes.
Où prendrez-vous des armes
qui tiennent contre nous ?
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CRÉON |
Par quel prodige, à moy-mesme contraire
en voyant ces objets, n'ay-je plus de colère ?
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DEUX PHANTÔMES |
Tout ressent le pouvoir
du plaisir de nous voir.
Un ame de glace
s'en laisse émouvoir,
et quoy que l'on fasse,
le chagrin le plus noir
luy doit ceder la place.
Tout ressent le pouvoir
du plaisir de nous voir.
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CHŒUR |
Tout ressent le pouvoir
du plaisir de nous voir.
Un ame de glace
s'en laisse émouvoir,
et quoy que l'on fasse,
le chagrin le plus noir
luy doit ceder la place.
Tout ressent le pouvoir
du plaisir de nous voir.
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Les Phantômes disparoissent, et les gardes charmez de leur beauté abandonnent le roy pour les suivre. | phantômes, gardes du roy ->
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Scène huitième |
Créon, Médée, Nérine. |
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MÉDÉE |
Mon pouvoir t'est connu, j'ay mis ta garde en fuite,
pour te forcer à l'hymen que je veux,
mon art secondera mes voeux,
j'ay commencé, crains en la suite.
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CRÉON |
Quoy, l'on viendra me braver dans ma cour !
Perisse tout plutost que je l'endure.
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MÉDÉE |
Vostre sang odieux lavera mon injure,
ou les dieux m'osteront le jour.
D'un indigne mépris, c'est trop souffrir l'outrage.
Vien, Fureur, c'est à toy d'achever mon ouvrage.
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La Fureur paroist avec son flambeau, et passe pardevant Créon. | <- La Fureur
Médée, Nérine, La Fureur ->
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Scène neuvième |
Créon, seul. |
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Noires divinitez, que voulez-vous de moy ?
Impitoyables Euménides,
vous faut-il le sang des perfides
qui n'ont pas respecté leur roy ?
Mais où sui-je ? et d'où vient tout à coup ce silence ?
Le ciel s'arme feux. Ah, c'est pour ma vengeance.
Courons, n'épargnons rien. Quels terribles éclats ?
Où veux-je aller ? Tout tremble sous mes pas.
Tout s'abîme, la terre s'ouvre.
Dans ses gouffres profonds quels monstres je découvre !
Ils saisissent Médée. Ah, ne la quittez pas.
Les sombres flots du Stix n'ont rien qui m'épouvante.
Pour la voir condamnée aux plus cruels tourments,
je vais apprendre à Radamante
jusqu'où va la noirceur de ses enchantements.
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