|
|
Scène première |
Le théâtre représente la limite du camp des croisés dans la vallée de Josaphat. Des soldats gardent l'entrée d'une tente principale. Roger, seul. |
Q 
Roger
|
| |
[N. 19 - Chœur et la procession] | N 
|
ROGER |
Voici de Josaphat la lugubre vallée.
Jérusalem, où vont flatter nos étendards.
Que je trouve, ô mon dieu, la mort sur ses remparts !
Et reçois dans ton sein mon âme désolée.
| |
| |
LE CHŒUR |
(dans la coulisse)
Jérusalem la sainte,
la divine cité,
accueille en ton enceinte
un dieu de liberté.
| |
| |
ROGER |
Les chrétiens en prière,
prêts à combattre, invoquent la faveur
du seigneur.
| |
|
|
Scène deuxième |
Roger, les croisés en procession, bannières déployées, Hélène parmi les femmes. |
<- Croisés, Femmes, Hélène
|
| |
LES FEMMES |
Ah ! que nos pleurs arrosent la poussière
du céleste tombeau !
Puisse notre âme à son heure dernière
fêter un jour si beau !
| |
HÉLÈNE |
(Hélène, qui s'avance au milieu des femmes, ralentit ses pas devant la tente, elle cherche à y faire pénétrer ses regards en disant:)
Pourrai-je le revoir ?...
| |
LE PÈLERINS |
C'est là
qu'apparut, portant le calice,
un ange au fils de dieu, c'est ici qu'il pleura,
et son supplice,
ces lieux l'ont vu... c'est là !
| |
TOUS |
Des oliviers saluons la montagne
et son reflet de sang !
Comme un linceul sur l'aride campagne,
le silence descend.
O montagne ! ô vallée ! ô lieux pleins de mystère,
où dieu nous jugera !
Des anges lorsqu'ici l'appel retentira,
les morts sortiront de la terre
et le juge apparaîtra !...
| |
| |
La procession continuant sa marche disparaît aux yeux, et les chants meurent au loin dans la vallée. Roger est resté en prières pendant tout ce temps. | Croisés, Femmes, Hélène ->
|
|
|
Scène troisième |
Roger, le Légat, puis Hélène. |
<- Le légat
|
| |
LE LÉGAT |
(sortant de la tente)
Saint ermite, c'est vous !
| |
ROGER |
Sans entrer dans Ramla,
j'ai devancé l'armée.
| |
LE LÉGAT |
(désignant la tente d'où il sort)
Un grand coupable est là,
pour meurtre condamné par un décret de Rome;
assistez-le.
| |
| |
Hélène a reparu mystérieusement pendant ces derniers mots; elle reste au fond du théâtre et écoute. | <- Hélène
|
| |
| |
LE LÉGAT |
(s'adressant aux soldats qui gardent la tente où est Gaston)
Qu'il vienne ! à ce saint homme
vous obéirez comme à moi.
(à Roger)
Absolvez le coupable.
Moi, je vais des croisés fortifier la foi.
(il sort)
| Le légat ->
|
| |
ROGER |
(à lui-même)
Meurtrier comme moi ! pensée inexorable.
| |
| |
Après la sortie du Légat, Hélène s'est avancée, attendant avec angoisse que Gaston paraisse; il sort de la tente amené par les soldats. | |
|
|
Scène quatrième |
Gaston, Hélène, Roger, soldats. |
<- Gaston, Soldats
|
| |
[N. 20 - Trio] | N 
|
HÉLÈNE |
C'est lui !
(elle se jette sur son passage)
| |
GASTON |
Je te revoi.
J'y comptais.
| |
ROGER |
(à part, tressaillant)
Cette voix !
(il s'approche et les reconnaît)
Ah ! terre, entrouvre-toi !
| |
GASTON |
(à Hélène)
Oh ! comme il m'ont traité ! mes yeux n'ont plus de larmes.
Par le bourreau j'ai vu briser mes armes.
| |
ROGER |
(à part)
Et je n'étais pas là !
| |
GASTON |
Ce jour est le dernier.
Je mourrai sans combattre...
| |
ROGER |
(à part)
Ah ! c'est dieu qui m'éclaire.
(aux soldats)
Par l'ordre du Légat à son heure dernière
laissez-moi seul avec le prisonnier.
| |
| (Le soldats se retirent.) | Soldats ->
|
| |
GASTON |
Enfin s'apprête mon supplice !
| |
HÉLÈNE |
(avec désespoir)
Seigneur ! voilà donc la justice !
Dieu qui causes ma misère,
qui repousses ma prière,
frappe et montre, en ta colère,
que le ciel s'égare aussi !
Dieu cruel...
| |
ROGER |
(s'avançant)
Sur l'innocence
sa clémence
veille ici.
| |
HÉLÈNE |
Doux espoir, parole ineffable !...
| |
GASTON |
| |
ROGER |
Pour t'obéir
je suis, hélas ! trop coupable,
cette main ne peut bénir.
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
| |
ROGER |
| |
GASTON |
Je succombe ! oh ! que, par vous bénie,
finisse ma triste vie,
homme de dieu, bénissez-moi.
| |
ROGER |
(mettant dans la main de Gaston son épée, dont la garde forme une croix)
Eh bien ! sur cette croix qu'un pécheur te présente:
(imposant les mains à Gaston, qui est à genoux, les yeux fixés sur la croix de l'épée)
ame innocente,
en dieu sois confiante;
oui, sa justice éclatera pour toi.
| |
HÉLÈNE |
O bonheur ! ton innocence
peut au jour paraître encor.
| |
GASTON |
En vain tu parles d'espérance,
elle est pour moi dans la mort.
| |
| |
GASTON
Dieu nous sépare, Hélène !
Oui, l'espérance est vaine !
La mort, hélas ! m'entraine,
je me soutiens à peine...
La terre sur nous est fermée,
Hélène, que j'ai tant aimée...
Tes plaintes déchirent mon cœur.
ROGER
(à part)
Mon dieu, sur le vrai coupable
descend ta main redoutable.
Grâce ! ô divin sauveur !
(à Gaston)
Qu'en dieu ton âme espère,
e ntends la voix du ciel.
|
Ensemble
HÉLÈNE
Ah ! si ton heure est venue,
si l'espérance est perdue,
je te serai bientôt rendue,
la tombe finira mon malheur.
O douleur !
Seule dans sa misère,
laisser ton Hélène si chère !
|
| |
HÉLÈNE
Je quitte avec toi la terre,
ce monde ingrat et cruel,
mon âme te suit dans le ciel !
GASTON
Ma vie est brisée;
elle est flétrie, et dieu m'ouvre le ciel.
|
Ensemble
ROGER
(à part)
Sois apaisée,
o justice du ciel !
|
| |
| |
ROGER |
(à part)
Reprends ce fer, je te délivre !
| |
GASTON |
(ramassant l'épée)
Qu'entends-je ?
| |
HÉLÈNE |
| |
ROGER |
Viens, viens ! pour le Seigneur
tu peux combattre.
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
(avec transport)
Mourir avec honneur !
| |
| |
| | |
|
|
Scène cinquième |
La tente du Comte de Toulouse. Hélène, Isaure, puis le Comte, le Légat, des chevaliers et Gaston. |
Q 
Hélène, Isaure
|
| |
[N. 21 - Finale] | N 
|
ISAURE |
La bataille est gagnée ! En ses murs embrasés,
Jérusalem a reçu les croisés.
| |
VOIX AU DEHORS |
| |
ISAURE |
| |
HÉLÈNE |
(se jetant dans les bras du Comte, qui entre, suivi du Légat)
Mon père !
| <- Le comte, Le légat
|
LE COMTE |
| |
LE LÉGAT |
| |
| |
Des chevaliers portant les étendards conquis sont venus à la suite du Comte; Gaston paraît le dernier, son épée de combat à la main, la visière de son casque abaissée. | <- Chevaliers, Gaston
|
| |
LE COMTE |
(à Gaston)
Noble guerrier,
qui plantas le premier
l'étendard de la croix sur la cité conquise,
quel est ton nom ?
| |
GASTON |
(relevant la visière de son casque)
Me reconnaissez-vous ?
| |
LES CHEVALIERS |
| |
GASTON |
Oui, c'est moi ! dont le nom fut couvert d'infamie.
Ma bannière à vos pieds fut jetée en lambeaux.
Que par vous cette épée encor soit avilie;
pour-vous j'ai combattu, donnez-moi des bourreaux.
| |
HÉLÈNE |
(avec angoisse, au Légat)
Le ferez-vous mourir ?
| |
GASTON |
Qu'on me mène au martyre.
| |
|
|
Scène sixième et dernière |
Les mêmes, Roger, blessé mortellement, soutenu par quelques chevaliers. |
<- Roger
|
| |
ROGER |
| |
LES CHEVALIERS |
Le saint homme ! il est blessé !
| |
ROGER |
J'expire !
Ciel, daigne prolonger
ma vie un seul moment... Vous allez me maudire...
(au Comte)
Reconnais-moi... je suis... ton frère.
| |
TOUS |
| |
ROGER |
Un instant me reste encore,
pour Gaston ma voix t'implore.
Oh ! qu'il soit sauvé par toi !
Le remords ici m'amène,
seul je dois subir la peine
d'un forfait commis par moi.
| |
| |
Mouvement général. Hélène se jette dans les bras de Gaston. | |
| |
HÉLÈNE
Dieu secourable,
tu lui rends le bonheur,
et la vie et l'honneur.
LE COMTE ET LE LÉGAT
Quoi ! le coupable,
c'est mon frère. O terreur !
O mystère d'horreur !
|
Ensemble
GASTON
Dieu secourable,
tu me rends le bonheur,
son amour et l'honneur.
|
| |
| |
ROGER |
(d'une voix suppliante)
A mon heure dernière,
grâce ! grâce !
| |
LE COMTE |
| |
ROGER |
(après avoir étreint le Comte dans ses bras)
Que je voie en mourant la cité du Seigneur !
Le fond de la tente s'ouvre et montre un panorama de Jérusalem.
| |
| |
|
HYMNE GÉNÉRAL
A toi gloire,
o dieu de victoire,
en mémoire
de ton ferme appui !
Que des anges
les saintes phalanges
en louanges
éclatent pour lui !
| |
| |