Acte quatrième

 

Scène première

Le théâtre représente la limite du camp des croisés dans la vallée de Josaphat. Des soldats gardent l'entrée d'une tente principale.
Roger, seul.

 Q 

Roger

 
[N. 19 - Chœur et la procession]

 N 

ROGER

Voici de Josaphat la lugubre vallée.  

Jérusalem, où vont flatter nos étendards.

Que je trouve, ô mon dieu, la mort sur ses remparts !

Et reçois dans ton sein mon âme désolée.

 

LE CHŒUR

(dans la coulisse)  

Jérusalem la sainte,

la divine cité,

accueille en ton enceinte

un dieu de liberté.

 

ROGER

Les chrétiens en prière,  

prêts à combattre, invoquent la faveur

du seigneur.

 

Scène deuxième

Roger, les croisés en procession, bannières déployées, Hélène parmi les femmes.

<- Croisés, Femmes, Hélène

 

LES FEMMES

Ah ! que nos pleurs arrosent la poussière  

du céleste tombeau !

Puisse notre âme à son heure dernière

fêter un jour si beau !

HÉLÈNE

(Hélène, qui s'avance au milieu des femmes, ralentit ses pas devant la tente, elle cherche à y faire pénétrer ses regards en disant:)

Pourrai-je le revoir ?...

LE PÈLERINS

C'est là

qu'apparut, portant le calice,

un ange au fils de dieu, c'est ici qu'il pleura,

et son supplice,

ces lieux l'ont vu... c'est là !

TOUS

Des oliviers saluons la montagne

et son reflet de sang !

Comme un linceul sur l'aride campagne,

le silence descend.

O montagne ! ô vallée ! ô lieux pleins de mystère,

où dieu nous jugera !

Des anges lorsqu'ici l'appel retentira,

les morts sortiront de la terre

et le juge apparaîtra !...

 
La procession continuant sa marche disparaît aux yeux, et les chants meurent au loin dans la vallée. Roger est resté en prières pendant tout ce temps.

Croisés, Femmes, Hélène ->

 

Scène troisième

Roger, le Légat, puis Hélène.

<- Le légat

 

LE LÉGAT

(sortant de la tente)  

Saint ermite, c'est vous !

ROGER

Sans entrer dans Ramla,

j'ai devancé l'armée.

LE LÉGAT

(désignant la tente d'où il sort)

Un grand coupable est là,

pour meurtre condamné par un décret de Rome;

assistez-le.

 
Hélène a reparu mystérieusement pendant ces derniers mots; elle reste au fond du théâtre et écoute.

<- Hélène

 
 

LE LÉGAT

(s'adressant aux soldats qui gardent la tente où est Gaston)

Qu'il vienne ! à ce saint homme  

vous obéirez comme à moi.

(à Roger)

Absolvez le coupable.

Moi, je vais des croisés fortifier la foi.

(il sort)

Le légat ->

 

ROGER

(à lui-même)

Meurtrier comme moi ! pensée inexorable.

 
Après la sortie du Légat, Hélène s'est avancée, attendant avec angoisse que Gaston paraisse; il sort de la tente amené par les soldats.
 

Scène quatrième

Gaston, Hélène, Roger, soldats.

<- Gaston, Soldats

 
[N. 20 - Trio]

 N 

HÉLÈNE

C'est lui !  

(elle se jette sur son passage)

GASTON

Je te revoi.

J'y comptais.

ROGER

(à part, tressaillant)

Cette voix !

(il s'approche et les reconnaît)

Ah ! terre, entrouvre-toi !

GASTON

(à Hélène)

Oh ! comme il m'ont traité ! mes yeux n'ont plus de larmes.

Par le bourreau j'ai vu briser mes armes.

ROGER

(à part)

Et je n'étais pas là !

GASTON

Ce jour est le dernier.

Je mourrai sans combattre...

ROGER

(à part)

Ah ! c'est dieu qui m'éclaire.

(aux soldats)

Par l'ordre du Légat à son heure dernière

laissez-moi seul avec le prisonnier.

(Le soldats se retirent.)

Soldats ->

 

GASTON

Enfin s'apprête mon supplice !  

HÉLÈNE

(avec désespoir)

Seigneur ! voilà donc la justice !

Dieu qui causes ma misère,

qui repousses ma prière,

frappe et montre, en ta colère,

que le ciel s'égare aussi !

Dieu cruel...

ROGER

(s'avançant)

Sur l'innocence

sa clémence

veille ici.

HÉLÈNE

Doux espoir, parole ineffable !...

GASTON

Bénissez-moi !

ROGER

Pour t'obéir

je suis, hélas ! trop coupable,

cette main ne peut bénir.

HÉLÈNE

O saint homme !

GASTON

Ma voix vous prie.

ROGER

Je ne puis.

GASTON

Je succombe ! oh ! que, par vous bénie,

finisse ma triste vie,

homme de dieu, bénissez-moi.

ROGER

(mettant dans la main de Gaston son épée, dont la garde forme une croix)

Eh bien ! sur cette croix qu'un pécheur te présente:

(imposant les mains à Gaston, qui est à genoux, les yeux fixés sur la croix de l'épée)

ame innocente,

en dieu sois confiante;

oui, sa justice éclatera pour toi.

HÉLÈNE

O bonheur ! ton innocence

peut au jour paraître encor.

GASTON

En vain tu parles d'espérance,

elle est pour moi dans la mort.

 

GASTON

Dieu nous sépare, Hélène !  

Oui, l'espérance est vaine !

La mort, hélas ! m'entraine,

je me soutiens à peine...

La terre sur nous est fermée,

Hélène, que j'ai tant aimée...

Tes plaintes déchirent mon cœur.

ROGER

(à part)

Mon dieu, sur le vrai coupable

descend ta main redoutable.

Grâce ! ô divin sauveur !

(à Gaston)

Qu'en dieu ton âme espère,

e ntends la voix du ciel.

Ensemble

HÉLÈNE

Ah ! si ton heure est venue,

si l'espérance est perdue,

je te serai bientôt rendue,

la tombe finira mon malheur.

O douleur !

Seule dans sa misère,

laisser ton Hélène si chère !

HÉLÈNE

Je quitte avec toi la terre,

ce monde ingrat et cruel,

mon âme te suit dans le ciel !

GASTON

Ma vie est brisée;

elle est flétrie, et dieu m'ouvre le ciel.

Ensemble

ROGER

(à part)

Sois apaisée,

o justice du ciel !

 

ROGER

(à part)

Reprends ce fer, je te délivre !

GASTON

(ramassant l'épée)

Qu'entends-je ?

HÉLÈNE

O bonheur !

ROGER

Viens, viens ! pour le Seigneur

tu peux combattre.

HÉLÈNE

Vivre !

GASTON

(avec transport)

Mourir avec honneur !

 
 

Scène cinquième

La tente du Comte de Toulouse.
Hélène, Isaure, puis le Comte, le Légat, des chevaliers et Gaston.

 Q 

Hélène, Isaure

 
[N. 21 - Finale]

 N 

ISAURE

La bataille est gagnée ! En ses murs embrasés,  

Jérusalem a reçu les croisés.

VOIX AU DEHORS

Victoire !

ISAURE

Entendez-vous ?

HÉLÈNE

(se jetant dans les bras du Comte, qui entre, suivi du Légat)  

Mon père !

<- Le comte, Le légat

LE COMTE

Plus d'alarmes !

LE LÉGAT

Dieu protégea nos armes.

 
Des chevaliers portant les étendards conquis sont venus à la suite du Comte; Gaston paraît le dernier, son épée de combat à la main, la visière de son casque abaissée.

<- Chevaliers, Gaston

 

LE COMTE

(à Gaston)  

Noble guerrier,

qui plantas le premier

l'étendard de la croix sur la cité conquise,

quel est ton nom ?

GASTON

(relevant la visière de son casque)

Me reconnaissez-vous ?

LES CHEVALIERS

O surprise !

Gaston !

GASTON

Oui, c'est moi ! dont le nom fut couvert d'infamie.

Ma bannière à vos pieds fut jetée en lambeaux.

Que par vous cette épée encor soit avilie;

pour-vous j'ai combattu, donnez-moi des bourreaux.

HÉLÈNE

(avec angoisse, au Légat)

Le ferez-vous mourir ?

GASTON

Qu'on me mène au martyre.

 

Scène sixième et dernière

Les mêmes, Roger, blessé mortellement, soutenu par quelques chevaliers.

<- Roger

 

ROGER

Arrêtez !  

LES CHEVALIERS

Le saint homme ! il est blessé !

ROGER

J'expire !

Ciel, daigne prolonger

ma vie un seul moment... Vous allez me maudire...

(au Comte)

Reconnais-moi... je suis... ton frère.

TOUS

Lui ! Roger !

ROGER

Un instant me reste encore,

pour Gaston ma voix t'implore.

Oh ! qu'il soit sauvé par toi !

Le remords ici m'amène,

seul je dois subir la peine

d'un forfait commis par moi.

 
Mouvement général. Hélène se jette dans les bras de Gaston.
 

HÉLÈNE

Dieu secourable,  

tu lui rends le bonheur,

et la vie et l'honneur.

LE COMTE ET LE LÉGAT

Quoi ! le coupable,

c'est mon frère. O terreur !

O mystère d'horreur !

Ensemble

GASTON

Dieu secourable,

tu me rends le bonheur,

son amour et l'honneur.

 

ROGER

(d'une voix suppliante)

A mon heure dernière,

grâce ! grâce !

LE COMTE

Mon frère !

ROGER

(après avoir étreint le Comte dans ses bras)

Que je voie en mourant la cité du Seigneur !

Le fond de la tente s'ouvre et montre un panorama de Jérusalem.

 

HYMNE GÉNÉRAL

A toi gloire,  

o dieu de victoire,

en mémoire

de ton ferme appui !

Que des anges

les saintes phalanges

en louanges

éclatent pour lui !

 

Fin (Acte quatrième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

La limite du camp des croisés dans la vallée de Josaphat.

Roger
 

[N. 19 - Chœur et la procession]

Voici de Josaphat la lugubre vallée

Les chrétiens en prière

Roger
<- Croisés, Femmes, Hélène

Ah! que nos pleurs arrosent la poussière

Roger
Croisés, Femmes, Hélène ->
Roger
<- Le légat

Saint ermite, c'est vous!

Roger, Le légat
<- Hélène

Qu'il vienne! à ce saint homme

Roger, Hélène
Le légat ->

Roger, Hélène
<- Gaston, Soldats

[N. 20 - Trio]

C'est lui! / Je te revoi.

Roger, Hélène, Gaston
Soldats ->

Enfin s'apprête mon supplice!

Gaston, Hélène, Roger
Dieu nous sépare, Hélène!

La tente du Comte de Toulouse

Hélène, Isaure
 

[N. 21 - Finale]

La bataille est gagnée! En ses murs embrasés

Hélène, Isaure
<- Le comte, Le légat

Mon père! / Plus d'alarmes!

Hélène, Isaure, Le comte, Le légat
<- Chevaliers, Gaston

Noble guerrier

Hélène, Isaure, Le comte, Le légat, Chevaliers, Gaston
<- Roger

(Roger, blessé mortellement, soutenu par quelques chevaliers)

Arrêtez! / Le saint homme! il est blessé!

Hélène, Gaston, Le comte, Le légat
Dieu secourable
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième et dernière
Palais du Comte de Toulouse. Une galerie servant de communication entre le palais et la chapelle élevée de... Montagnes de Ramla en Palestine, à quelques lieues de Jérusalem. Une caverne près de... Le théâtre représente le divan de l'émir de Ramla Les jardins du harem La place publique de Ramla. Une estrade tendue de noir. La limite du camp des croisés dans la vallée de Josaphat. La tente du Comte de Toulouse
[Introduction] [N. 1 - Ave Maria] [N. 2 - Chorus] [N. 3 - Sextuor et Chorus] [N. 4 - Chœur de femmes et Air] [N. 5 - Chœur de hommes et Air] [N. 6 - Finale] [N. 7 - Invocation] [N. 8 - Polonaise] [N. 9 - Chœur] [N. 10 - Marche guerrière] [N. 11 - Chœur des croisés] [N. 12 - Air] [N. 13 - Duo] [N. 14 - Chœur dansé] [N. 15 - Quatre airs de ballet] [N. 16 - Air] [N. 17 - Marche funèbre] [N. 18 - Grande scène et Air] [N. 19 - Chœur et la procession] [N. 20 - Trio] [N. 21 - Finale]
Acte premier Acte deuxième Acte troisième

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