Acte troisième

 

Scène première

Les jardins du harem.
Hélène, plongée dans la tristesse. Les femmes du harem, la regardant et riant de son désespoir, les unes dansent, les autres sont couchées sur des coussins.

 Q 

Chœur, Hélène

 
[N. 14 - Chœur dansé]

 N 

LE CHŒUR

O belle captive,  

timide et plaintive,

tu restes craintive

et les yeux baissés.

Pourquoi ces alarmes ?

Pourquoi par tes larmes

voiler de tes charmes

les feux éclipsés ?

Pourquoi de ton père,

qui se désespère,

o belle étrangère,

laissas-tu le seuil ?

(Hélène fait un mouvement désespéré.)

 

Voyez sa colère,

l'affreux caractère !

Son front est sévère,

son air plein d'orgueil.

Pourquoi ces alarmes ?

Pourquoi par tes larmes

voiler de tes charmes

les feux éclipsés ?

O belle captive !

Timide et plaintive,

tu restes craintive

et les yeux baissés.

 
[N. 15 - Quatre airs de ballet]

 N 

Ballet.
 
L'émir paraît, accompagné de quelques cheiks arabes, à leur approche les femmes se voilent et se dispersent dans les jardins comme une volée d'oiseaux.

Chœur ->

 

Scène deuxième

Hélène, l'Émir, suite, un Officier de l'Émir entrant du côté opposé.

<- L'émir, Suite, Un officier

 
[N. 16 - Air]

 N 

UN OFFICIER

Les chrétiens !... ils sont-là !...  

Ils vont donner l'assaut.

L'ÉMIR

Par le secours d'Allah,

nous les vaincrons ! et si mon bras ne les arrête,

si le chef des croisés pénètre dans Ramla,

que de sa fille on lui jette la tête.

 
(ils sortent)

L'émir, Suite, Un officier ->

 

Scène troisième

Hélène, seule.

 

 

Que m'importe la vie en ma misère extrême,  

lorsque, hélas ! pour jamais je perds celui que j'aime ?

Comblant mon malheur,

sur moi va d'un père

tomber la colère...

Seigneur ! Seigneur !

Ton bras m'accable !

Sois secourable

a ma douleur.

 

Mes plaintes sont vaines !  

Seigneur, brise mes chaînes,

termine mes peines.

A toi,

rappelle-moi !

Des jours pleins d'orages,

voilà mon partage,

leur triste présage

me glace d'effroi.

Termine mes peines

mon dieu, brises mes chaines.

A toi,

rappelle-moi !

 

VOIX DE FEMMES AU DEHORS

On s'égorge ! on se tue !  

HÉLÈNE

Ah ! quel tumulte !

VOIX DES SOLDATS AU DEHORS

Aux armes !

 

Scène quatrième

Hélène, les femmes du harem, puis Gaston.

<- Les Femmes du harem

 

LES FEMMES DU HAREM

(traversant le théâtre avec effroi)  

On se tue ! on fuit plein d'alarmes.

Car les chrétiens sont entrés dans Ramla !

 

Les Femmes du harem ->

HÉLÈNE

(avec joie)  

Les chrétiens ! mon père ! Il est là !

(elle fait quelques pas pour rejoindre son père, puis elle s'arrête frappée d'une idée qui l'épouvante)

Mais Gaston ! sa perte est certaine,

s'il tombe entre leurs mains !... je tremble !

 

GASTON

(entrant)  

Chère Hélène !

<- Gaston

HÉLÈNE

Gaston ! je meurs d'effroi.

GASTON

A mes gardes troublés opposant mon courage;

mon poignard jusqu'à toi

sut m'ouvrir un passage.

HÉLÈNE

Mais les croisés sont là.

GASTON

Ton père m'entendra.

HÉLÈNE

Mais ils t'ont condamné !

GASTON

Mon sort s'accomplira !

HÉLÈNE

Ils viennent !... je frémis !

 

Scène cinquième

Les croisés font irruption dans le harem. Le comte de Toulouse paraît l'un des premiers, et aperçoit Hélène auprès de Gaston.

<- Chœur, Le comte

 
Scène et Chœur

LE COMTE

O ciel ! fille coupable !  

C'est donc pour cet amant ?...

LE CHŒUR

Gaston le meurtrier !

Qu'il périsse !

HÉLÈNE

O mon dieu !

LE COMTE

(à Gaston)

Déloyal chevalier !

GASTON

D'un forfait exécrable,

et vous aussi, vous m'avez cru capable.

LE CHŒUR

A la mort ! à la mort !

GASTON

Ordonnez de mon sort.

Préparez le supplice,

votre aveugle justice

de l'innocent

va répandre le sang.

HÉLÈNE

Par pitié !

LE CHŒUR

Qu'on l'entraîne !

HÉLÈNE

Arrêtez !

LE CHŒUR

Qu'il périsse !

(Gaston est entraîné par des soldats.)

Gaston ->

 

HÉLÈNE

(avec désespoir)  

Et tu le vois !

Dieu tout puissant !

(aux chevaliers)

Non... votre rage,

indigne outrage,

n'est pas l'ouvrage

d'un dieu clément.

L'enfer inspire

votre délire

et le martyre

de mon amant.

A vous la honte, à vous le crime,

que de la victime

retombe sur vous le sang !

LE COMTE

O déshonneur !

LES CROISÉS

Au traître la mort !

HÉLÈNE

Le ciel s'entr'ouvre,

et votre sort

a mes yeux se découvre.

Dieu sur vous étendra,

barbares ! sa main puissante.

Sur vos fronts tonnera

le cri de l'épouvante.

LE COMTE

O sacrilège amour !

Maudite par ton père,

va-t'en ! Qu'à ta prière

le ciel se ferme un jour.

HÉLÈNE

Dans ta colère,

o mon dieu tutélaire,

ton bras, j'espère,

les punira !

Et sans clémence

dans ta sentence,

oui, ta vengeance

les frappera !

LE COMTE ET TOUS LES CHEVALIERS

Courroux impie !

Le traître expie

sa félonie,

il périra.

 
[N. 17 - Marche funèbre]

 N 

 
Le comte saisit le bras de sa fille et l'entraîne, suivi par les chevaliers.
 
 

Scène sixième

La place publique de Ramla. Une estrade tendue de noir.
Cortège, amenant Gaston, entouré de soldats et de pénitents, qui portent son casque, sa targe et son épée, le Légat, l'écuyer de Gaston, portant sa bannière, les chevaliers, un Hérault, un exécuteur, le peuple de Ramla.

 Q 

(aucun)

<- Gaston, Le légat, Soldats, Pénitents, Raymond, Un hérault, Un exécuteur, peuple de Ramla

 
[N. 18 - Grande scène et Air]

 N 

GASTON

Barons et chevaliers, devant vous je proteste,    

et devant dieu, car je suis innocent !

Mais vous m'avez rendu mes armes... Il me reste

a mourir comme doit un homme de mon sang.

Écuyer, près de moi, fais flotter ma bannière !

S

Sfondo schermo () ()

LE LÉGAT

Arrête !... Condamné, par ce bref du saint-père

demain tu subiras la mort;

mais aujourd'hui c'est l'infamie !

Oui, tu seras d'abord

dégradé de noblesse et de chevalerie;

déclaré traître, infâme, et comme tel traité

dans ta dernière postérité.

GASTON

L'infamie !... O mon dieu ! prenez, prenez ma vie !

Vos bourreaux, je les défie,

mais mon honneur ! mais mon honneur !...

LE LÉGAT

Tel est l'arrêt.

GASTON

O douleur !

O mes amis, mes frères d'armes,

mon cœur se fend, voyez mes larmes !...

Le déshonneur ! c'est trop affreux !

N'accablez pas un malheureux.

Mon dernier jour me sera doux,

et je l'implore à vos genoux.

Mais, par le ciel ! moi, traître !... infâme !...

Je pleure, hélas ! comme une femme.

C'est la pitié que je réclame...

Par quels accents vous attendrir ?

O mes amis ! sans me flétrir,

laissez-moi, laissez-moi mourir !

LE LÉGAT

Qu'on exécute la sentence.

LES CHEVALIERS

Point de pitié ! point de clémence !

 
(Un hérault fait monter Gaston sur l'estrade où se trouve déjà l'exécuteur; le Hérault y monte également.)
 

UN HÉRAULT

(montrant le casque de Gaston)

Ceci

est le heaume d'un traître,

déloyal chevalier !

GASTON

(avec désespoir)

Tu mens ! tu mens !

LES CHEVALIERS

Au traître

point de merci !

(l'exécuteur brise le casque avec une masse d'armes)

LES PÉNITENTS

« Cum judicatur exeat condemnatus et oratio ejus fiat in peccatum. »

GASTON

O torture ! ô douleur ! ô m'avilir ainsi !

LE PEUPLE

Au fond du cœur sa voix pénètre.

UN HÉRAULT

(montrant l'écu de Gaston)

Ceci

est la targe d'un traître,

déloyal chevalier.

GASTON

Tu mens ! tu mens !

LES CHEVALIERS

Au traître

point de merci !

(l'exécuteur brise la targe)

LES PÉNITENTS

« Fiant dies ejus pauci et hereditatem ejus accipiat alter. »

GASTON

Mon dieu ! tu vois ce que je souffre ici.

LE PEUPLE

Quelle pitié ses pleurs font naître.

UN HÉRAULT

(élevant l'épée de Gaston)

Ceci

est l'estoc de ce traître,

déloyal chevalier !

GASTON

Tu mens ! tu mens !

LES CHEVALIERS

Au traître

point de merci !

(l'exécuteur brise l'épée)

LES PÉNITENTS

« Et dilexit maledictionem et reniet ei. Et noluit benedictionem et longabitur ab eo. »

GASTON

Calice d'amertume ! Oh ! qu'on me tue aussi !

LE PEUPLE

Dans ta bonté, seigneur, accorde-lui merci.

LE LÉGAT

Que le bras séculier à le punir s'apprête.

Le soleil de demain verra tomber sa tête.

GASTON

(descendant de l'estrade)

Tuez-moi, tuez-moi, frappez ! Qui vous arrête ?

Frappez bourreaux ! je reprends ma fierté,

mon sang versé pour vous fut mon seul crime,

et devant dieu l'innocente victime

vous chargera de votre iniquité.

LE LÉGAT ET LES CHEVALIERS

Traître ! félon ! ton arrêt est porté !

Ton sang versé vengera ta victime !

Tu porteras ton opprobre et ton crime

aux pieds de dieu, qui voit l'iniquité.

 

RAYMOND ET LE PEUPLE

O dieu puissant ! son arrêt est porté !  

Prends en pitié, dieu du ciel, la victime,

toi, qui connais l'innocence et le crime,

fais luire un jour ta sublime équité.

 

Fin (Acte troisième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

Les jardins du harem

Chœur, Hélène
 

[N. 14 - Chœur dansé]

[N. 15 - Quatre airs de ballet]

(Ballet.)

Hélène
Chœur ->
Hélène
<- L'émir, Suite, Un officier

[N. 16 - Air]

Les chrétiens!... ils sont-là!...

Hélène
L'émir, Suite, Un officier ->

Que m'importe la vie en ma misère extrême

On s'égorge! on se tue!

Hélène
<- Les Femmes du harem

On se tue! on fuit plein d'alarmes.

Hélène
Les Femmes du harem ->

Les chrétiens! mon père! Il est là!

Hélène
<- Gaston

Chère Hélène! / Gaston! je meurs d'effroi

Hélène, Gaston
<- Chœur, Le comte

O ciel! fille coupable!

Hélène, Chœur, Le comte
Gaston ->

Et tu le vois!

[N. 17 - Marche funèbre]

La place publique de Ramla. Une estrade tendue de noir.

 
<- Gaston, Le légat, Soldats, Pénitents, Raymond, Un hérault, Un exécuteur, peuple de Ramla

[N. 18 - Grande scène et Air]

Barons et chevaliers, devant vous je proteste

 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième
Palais du Comte de Toulouse. Une galerie servant de communication entre le palais et la chapelle élevée de... Montagnes de Ramla en Palestine, à quelques lieues de Jérusalem. Une caverne près de... Le théâtre représente le divan de l'émir de Ramla Les jardins du harem La place publique de Ramla. Une estrade tendue de noir. La limite du camp des croisés dans la vallée de Josaphat. La tente du Comte de Toulouse
[Introduction] [N. 1 - Ave Maria] [N. 2 - Chorus] [N. 3 - Sextuor et Chorus] [N. 4 - Chœur de femmes et Air] [N. 5 - Chœur de hommes et Air] [N. 6 - Finale] [N. 7 - Invocation] [N. 8 - Polonaise] [N. 9 - Chœur] [N. 10 - Marche guerrière] [N. 11 - Chœur des croisés] [N. 12 - Air] [N. 13 - Duo] [N. 14 - Chœur dansé] [N. 15 - Quatre airs de ballet] [N. 16 - Air] [N. 17 - Marche funèbre] [N. 18 - Grande scène et Air] [N. 19 - Chœur et la procession] [N. 20 - Trio] [N. 21 - Finale]
Acte premier Acte deuxième Acte quatrième

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