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Scène première |
Les jardins du harem. Hélène, plongée dans la tristesse. Les femmes du harem, la regardant et riant de son désespoir, les unes dansent, les autres sont couchées sur des coussins. |
Q
Chœur, Hélène
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[N. 14 - Chœur dansé] | N
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LE CHŒUR
O belle captive,
timide et plaintive,
tu restes craintive
et les yeux baissés.
Pourquoi ces alarmes ?
Pourquoi par tes larmes
voiler de tes charmes
les feux éclipsés ?
Pourquoi de ton père,
qui se désespère,
o belle étrangère,
laissas-tu le seuil ?
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| (Hélène fait un mouvement désespéré.) | |
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Voyez sa colère,
l'affreux caractère !
Son front est sévère,
son air plein d'orgueil.
Pourquoi ces alarmes ?
Pourquoi par tes larmes
voiler de tes charmes
les feux éclipsés ?
O belle captive !
Timide et plaintive,
tu restes craintive
et les yeux baissés.
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[N. 15 - Quatre airs de ballet] | N
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Ballet. | |
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L'émir paraît, accompagné de quelques cheiks arabes, à leur approche les femmes se voilent et se dispersent dans les jardins comme une volée d'oiseaux. | Chœur ->
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Scène deuxième |
Hélène, l'Émir, suite, un Officier de l'Émir entrant du côté opposé. |
<- L'émir, Suite, Un officier
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[N. 16 - Air] | N
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UN OFFICIER |
Les chrétiens !... ils sont-là !...
Ils vont donner l'assaut.
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L'ÉMIR |
Par le secours d'Allah,
nous les vaincrons ! et si mon bras ne les arrête,
si le chef des croisés pénètre dans Ramla,
que de sa fille on lui jette la tête.
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| (ils sortent) | L'émir, Suite, Un officier ->
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Scène troisième |
Hélène, seule. |
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Que m'importe la vie en ma misère extrême,
lorsque, hélas ! pour jamais je perds celui que j'aime ?
Comblant mon malheur,
sur moi va d'un père
tomber la colère...
Seigneur ! Seigneur !
Ton bras m'accable !
Sois secourable
a ma douleur.
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Mes plaintes sont vaines !
Seigneur, brise mes chaînes,
termine mes peines.
A toi,
rappelle-moi !
Des jours pleins d'orages,
voilà mon partage,
leur triste présage
me glace d'effroi.
Termine mes peines
mon dieu, brises mes chaines.
A toi,
rappelle-moi !
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VOIX DE FEMMES AU DEHORS |
On s'égorge ! on se tue !
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HÉLÈNE |
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VOIX DES SOLDATS AU DEHORS |
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Scène quatrième |
Hélène, les femmes du harem, puis Gaston. |
<- Les Femmes du harem
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LES FEMMES DU HAREM |
(traversant le théâtre avec effroi)
On se tue ! on fuit plein d'alarmes.
Car les chrétiens sont entrés dans Ramla !
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| Les Femmes du harem ->
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HÉLÈNE |
(avec joie)
Les chrétiens ! mon père ! Il est là !
(elle fait quelques pas pour rejoindre son père, puis elle s'arrête frappée d'une idée qui l'épouvante)
Mais Gaston ! sa perte est certaine,
s'il tombe entre leurs mains !... je tremble !
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GASTON |
| <- Gaston
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HÉLÈNE |
Gaston ! je meurs d'effroi.
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GASTON |
A mes gardes troublés opposant mon courage;
mon poignard jusqu'à toi
sut m'ouvrir un passage.
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HÉLÈNE |
Mais les croisés sont là.
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GASTON |
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HÉLÈNE |
Mais ils t'ont condamné !
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GASTON |
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HÉLÈNE |
Ils viennent !... je frémis !
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Scène cinquième |
Les croisés font irruption dans le harem. Le comte de Toulouse paraît l'un des premiers, et aperçoit Hélène auprès de Gaston. |
<- Chœur, Le comte
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Scène et Chœur | |
LE COMTE |
O ciel ! fille coupable !
C'est donc pour cet amant ?...
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LE CHŒUR |
Gaston le meurtrier !
Qu'il périsse !
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HÉLÈNE |
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LE COMTE |
(à Gaston)
Déloyal chevalier !
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GASTON |
D'un forfait exécrable,
et vous aussi, vous m'avez cru capable.
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LE CHŒUR |
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GASTON |
Ordonnez de mon sort.
Préparez le supplice,
votre aveugle justice
de l'innocent
va répandre le sang.
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HÉLÈNE |
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LE CHŒUR |
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HÉLÈNE |
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LE CHŒUR |
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| (Gaston est entraîné par des soldats.) | Gaston ->
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HÉLÈNE |
(avec désespoir)
Et tu le vois !
Dieu tout puissant !
(aux chevaliers)
Non... votre rage,
indigne outrage,
n'est pas l'ouvrage
d'un dieu clément.
L'enfer inspire
votre délire
et le martyre
de mon amant.
A vous la honte, à vous le crime,
que de la victime
retombe sur vous le sang !
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LE COMTE |
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LES CROISÉS |
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HÉLÈNE |
Le ciel s'entr'ouvre,
et votre sort
a mes yeux se découvre.
Dieu sur vous étendra,
barbares ! sa main puissante.
Sur vos fronts tonnera
le cri de l'épouvante.
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LE COMTE |
O sacrilège amour !
Maudite par ton père,
va-t'en ! Qu'à ta prière
le ciel se ferme un jour.
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HÉLÈNE |
Dans ta colère,
o mon dieu tutélaire,
ton bras, j'espère,
les punira !
Et sans clémence
dans ta sentence,
oui, ta vengeance
les frappera !
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LE COMTE ET TOUS LES CHEVALIERS |
Courroux impie !
Le traître expie
sa félonie,
il périra.
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[N. 17 - Marche funèbre] | N
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Le comte saisit le bras de sa fille et l'entraîne, suivi par les chevaliers. | |
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Scène sixième |
La place publique de Ramla. Une estrade tendue de noir. Cortège, amenant Gaston, entouré de soldats et de pénitents, qui portent son casque, sa targe et son épée, le Légat, l'écuyer de Gaston, portant sa bannière, les chevaliers, un Hérault, un exécuteur, le peuple de Ramla. |
Q
(aucun)
<- Gaston, Le légat, Soldats, Pénitents, Raymond, Un hérault, Un exécuteur, peuple de Ramla
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[N. 18 - Grande scène et Air] | N
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GASTON |
Barons et chevaliers, devant vous je proteste,
et devant dieu, car je suis innocent !
Mais vous m'avez rendu mes armes... Il me reste
a mourir comme doit un homme de mon sang.
Écuyer, près de moi, fais flotter ma bannière !
| S
(♦)
(♦)
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LE LÉGAT |
Arrête !... Condamné, par ce bref du saint-père
demain tu subiras la mort;
mais aujourd'hui c'est l'infamie !
Oui, tu seras d'abord
dégradé de noblesse et de chevalerie;
déclaré traître, infâme, et comme tel traité
dans ta dernière postérité.
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GASTON |
L'infamie !... O mon dieu ! prenez, prenez ma vie !
Vos bourreaux, je les défie,
mais mon honneur ! mais mon honneur !...
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LE LÉGAT |
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GASTON |
O douleur !
O mes amis, mes frères d'armes,
mon cœur se fend, voyez mes larmes !...
Le déshonneur ! c'est trop affreux !
N'accablez pas un malheureux.
Mon dernier jour me sera doux,
et je l'implore à vos genoux.
Mais, par le ciel ! moi, traître !... infâme !...
Je pleure, hélas ! comme une femme.
C'est la pitié que je réclame...
Par quels accents vous attendrir ?
O mes amis ! sans me flétrir,
laissez-moi, laissez-moi mourir !
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LE LÉGAT |
Qu'on exécute la sentence.
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LES CHEVALIERS |
Point de pitié ! point de clémence !
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| (Un hérault fait monter Gaston sur l'estrade où se trouve déjà l'exécuteur; le Hérault y monte également.) | |
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UN HÉRAULT |
(montrant le casque de Gaston)
Ceci
est le heaume d'un traître,
déloyal chevalier !
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GASTON |
(avec désespoir)
Tu mens ! tu mens !
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LES CHEVALIERS |
Au traître
point de merci !
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| (l'exécuteur brise le casque avec une masse d'armes) | |
LES PÉNITENTS |
« Cum judicatur exeat condemnatus et oratio ejus fiat in peccatum. »
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GASTON |
O torture ! ô douleur ! ô m'avilir ainsi !
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LE PEUPLE |
Au fond du cœur sa voix pénètre.
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UN HÉRAULT |
(montrant l'écu de Gaston)
Ceci
est la targe d'un traître,
déloyal chevalier.
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GASTON |
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LES CHEVALIERS |
Au traître
point de merci !
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| (l'exécuteur brise la targe) | |
LES PÉNITENTS |
« Fiant dies ejus pauci et hereditatem ejus accipiat alter. »
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GASTON |
Mon dieu ! tu vois ce que je souffre ici.
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LE PEUPLE |
Quelle pitié ses pleurs font naître.
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UN HÉRAULT |
(élevant l'épée de Gaston)
Ceci
est l'estoc de ce traître,
déloyal chevalier !
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GASTON |
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LES CHEVALIERS |
Au traître
point de merci !
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| (l'exécuteur brise l'épée) | |
LES PÉNITENTS |
« Et dilexit maledictionem et reniet ei. Et noluit benedictionem et longabitur ab eo. »
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GASTON |
Calice d'amertume ! Oh ! qu'on me tue aussi !
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LE PEUPLE |
Dans ta bonté, seigneur, accorde-lui merci.
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LE LÉGAT |
Que le bras séculier à le punir s'apprête.
Le soleil de demain verra tomber sa tête.
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GASTON |
(descendant de l'estrade)
Tuez-moi, tuez-moi, frappez ! Qui vous arrête ?
Frappez bourreaux ! je reprends ma fierté,
mon sang versé pour vous fut mon seul crime,
et devant dieu l'innocente victime
vous chargera de votre iniquité.
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LE LÉGAT ET LES CHEVALIERS |
Traître ! félon ! ton arrêt est porté !
Ton sang versé vengera ta victime !
Tu porteras ton opprobre et ton crime
aux pieds de dieu, qui voit l'iniquité.
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RAYMOND ET LE PEUPLE
O dieu puissant ! son arrêt est porté !
Prends en pitié, dieu du ciel, la victime,
toi, qui connais l'innocence et le crime,
fais luire un jour ta sublime équité.
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