| |
[Introduction] | N
|
|
|
Scène première |
Dans le palais du Comte de Toulouse. Une galerie servant de communication entre le palais et la chapelle élevée de quelques degrés et qu'on voit dans toute sa profondeur. En dehors de la galerie, une terrasse longe le profil du palais; de cette terrasse un escalier descend dans les jardins, qui ne laissent apercevoir que la cime des arbres. Hélène, Gaston, Isaure. |
Q
Hélène, Gaston, Isaure
|
| |
Il fait nuit. Au lever du rideau, Hélène est près de la porte qui conduit aux appartements, et Gaston au milieu du théâtre, écoutant avec inquiétude. Isaure, qui veille au fond, le rassure du geste. | |
| |
Recit. et Duo | |
GASTON |
(revenant auprès d'Hélène)
Non, ce bruit, ce n'est rien; mais il faut, mon Hélène,
il faut nous séparer.
| |
HÉLÈNE |
Et sans m'avoir promis d'oublier cette haine,
que mon père est près d'abjurer.
| |
GASTON |
Il a tué le mien dans une injuste guerre !
| |
HÉLÈNE |
Il t'attend ce matin pour réconcilier
ta famille et la sienne.
| |
GASTON |
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
J'éteindrai ma colère !
Mais s'il me refusait ta main !
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
Je puis tout pardonner si je suis ton époux.
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
| |
HÉLÈNE |
| |
| |
GASTON, HÉLÈNE |
Adieu, mon bien-aimé, va, fuis, voici l'aurore !
Il faut nous séparer; mais emporte ma foi.
| |
| |
GASTON |
Je pars, ma chère Hélène, et je te jure encore
d'oublier mes affronts, pour ne songer qu'à toi.
| |
| Gaston ->
|
| (Gaston sort par l'escalier qui descend dans les jardins. Hélène le suit des yeux. On entend sonner l'angelus.) | |
|
|
Scène deuxième |
Hélène, Isaure. |
|
| |
ISAURE |
La cloche sonne. On peut venir, je tremble.
| |
HÉLÈNE |
Isaure ! pour Gaston prions, prions ensemble.
| |
| |
| (Isaure va s'agenouiller sur les marches de la chapelle.) | |
| |
[N. 1 - Ave Maria] | N
|
Prière. | |
|
HÉLÈNE
Vierge Marie,
ma voix te prie:
taris mes pleurs.
O vierge de douleurs,
fais sur nous descendre
tn regard si tendre,
vois mes terreurs !
Fais que la haine, en cette enceinte,
tombe et s'efface avec ma crainte,
et d'être heureuse enfin viendra le jour.
Vierge Marie,
ma voix te prie:
sur nous jette un regard d'amour.
| |
| Hélène, Isaure ->
|
| (Hélène entre avec Isaure dans les appartements. L'orchestre peint le lever du soleil.) | |
|
|
Scène troisième |
Seigneurs et Dames. Chœur. |
<- Seigneurs, Dames, Chœur
|
| |
[N. 2 - Chorus] | N
|
|
LE CHŒUR
Enfin voici le jour propice
qui réunit deux cœurs rivaux,
le jour ou dieu dans sa justice
vient mettre un terme à tous nos maux.
Non, plus de guerre !
Trève à la haine et paix sincère !
Chrétien et frère,
même bannière
te guidera.
Pour la croisade où l'on t'appelle,
soldat du Christ, montre ton zèle,
toujours fidèle,
dieu se révèle,
il te suivra.
| |
|
|
Scène quatrième |
Les précédents, le Comte, Hélène, Roger et Isaure, sortant des ap-partements; Gaston, arrivant du dehors, suivi de Raymond son écuyer et de quelques chevaliers. |
<- Le comte, Hélène, Roger, Isaure, Gaston, Raymond
|
| |
[N. 3 - Sextuor et Chorus] | N
|
LE COMTE |
(à Gaston)
Avant que nous partions pour la croisade sainte,
l'église veut ici nous réconcilier.
Plus de haine entre nous. Cette loyale étreinte
vous engage à jamais ma foi de chevalier.
Ne formons désormais qu'une même famille,
vicomte de Béarn, je vous donne ma fille.
| |
ROGER |
(au Comte)
Mon frère !...
| |
HÉLÈNE |
| |
GASTON |
Soyez béni, seigneur !
Mon cœur l'avait choisie,
vous comblez tous mes voeux.
| |
ROGER |
(à part)
O rage ! ô jalousie !
| |
HÉLÈNE |
| |
ROGER |
(à part)
Oh ! cachons ma fureur.
| |
| |
HÉLÈNE
Je tremble encor, j'y crois à peine.
Plus de vengeance, plus de haine !
Ah ! d'ivresse mon âme est pleine !
C'est dieu qui nous protége encor.
LE COMTE
Désormais plus de haine.
Que l'amour vous enchaîne.
Mon dieu, bénis leur sort.
(à Gaston)
Tous deux agenouillés à la table de dieu,
scellons dans ce saint lieu
notre amitié sincère.
LE CHŒUR
Sa confiance
est sans prudence,
car la vengeance
peut-être dort,
il se confie à qui jura sa mort.
|
Ensemble
GASTON
Rêve béni ! j'y crois à peine,
dieu me donne ce doux trésor.
J'oublie à jamais ma haine,
au bonheur je crois encor.
A vous, Comte, jusqu'au trépas.
ROGER
(à part)
Tremble ! j'aurai ta vie.
Tremble ! ma jalousie
sur toi suspend la mort.
Lui !... lui, la posséder !... jamais ! Cherchons un bras
qui serve ma colère.
(il sort)
|
| Roger ->
|
|
|
Scène cinquième |
Les précédents, le Légat. |
<- Le légat
|
| |
LE LÉGAT |
Adhémar de Monteil, légat du pape Urbain,
au Comte de Toulouse apporte un bref de Rome:
le saint père te nomme
chef des croisés français...
| |
LE COMTE |
Nous partirons demain.
(à Gaston)
Et vous à qui je donne une fille que j'aime...
| |
GASTON |
| |
LE COMTE |
Pour signe de ce vœu
prenez ce manteau blanc où de soldats de dieu
brille le saint emblème.
| |
| |
| (Quatre pages s'avancent, détachent le manteau du Comte et le placent sur les épaules de Gaston, qui s'est mis à genoux. Le légat lui impose le mains, Gaston se relève.) | |
| |
|
TOUS
Cite du Seigneur !
Saint sépulcre ! Calvaire !
Jardin de douleur,
exhalant la prière !
Dieu vient pénétrer
vos soldats d'un saint zèle,
sa voix nous appelle
pour vous délivrer.
Chrétien ! souviens-toi
du devoir qu'on t'impose,
combats pour ta foi,
de dieu seul sers la cause !
Maudis l'offenseur
dont l'injuste colère
prendrait de son frère
la vie ou l'honneur.
| |
| |
[N. 4 - Chœur de femmes et Air] | N
|
| (Tout le monde entre dans la chapelle, où un chœur religieux se fait entendre.) | Seigneurs, Dames, Chœur, Le comte, Hélène, Isaure, Gaston, Raymond, Le légat ->
|
| |
LES FEMMES |
Viens ! ô pécheur rebelle,
entre dans la chapelle,
notre sauveur t'appelle,
il t'offre un saint pardon;
et toi, chrétien fidèle,
viens invoquer son nom.
| |
| |
| (Pendant ce chœur Roger reparaît, il écoute la prière en silence.) | |
|
|
Scène sixième |
Roger seul, puis Le soldat. |
<- Roger
|
| |
ROGER |
Vous priez vainement le ciel pour mon rival !
Pour ta fille, ô mon frère ! un amour implacable
brûle mon cœur... d'un crime il est capable...
(Avec mélancolie.)
Dieu pourtant n'avait pas voué ma vie au mal...
L'amour pouvait la rendre ou pure ou criminelle !
| |
LE CHŒUR |
(dans la chapelle)
Viens, la prière t'appelle.
| |
| |
|
ROGER
(air)
Oh ! dans l'ombre, dans le mystère,
feu coupable que j'ai su taire,
reste encor et cache à la terre
mes angoisses, mon remord.
Mais redoute ma colère,
toi, l'amant qu'elle préfère !
Ta tendresse en vain espère,
ma vengeance veut ta mort.
| |
| <- Le soldat
|
|
(à un soldat qui entre et vient à lui)
Je t'attendais.
| |
LE SOLDAT |
J'ai dû tout préparer moi-même
pour fuir après le coup.
| |
ROGER |
Dans Toulouse étranger
et de tous inconnu, ta main va me venger.
| |
LE SOLDAT |
| |
ROGER |
Compte sur moi de même.
(conduisant le soldat jusqu'aux marches de la chapelle)
Tu vois ces deux guerriers couverts de mailles d'or:
l'un porte un manteau blanc, c'est mon frère que j'aime.
L'autre est mon ennemi... frappe ! je veux sa mort.
| |
| |
| (Le soldat entre dans la chapelle.) | Le soldat ->
|
|
|
Scène septième |
Roger, des Soldats. |
<- Soldats
|
| |
[N. 5 - Chœur de hommes et Air] | N
|
Ils entrent avec des coupes et des hanaps remplis de vin. | |
| |
|
CHŒUR
Fier soldat de la croisade,
bois encore cette rasade.
Mort et sang quelle taillade !
nous ferons des Sarrasins !
En silence ouvrant la porte,
les houris prêtent main forte
au chrétien qui leur apporte
le plaisir et de bons vins.
| |
| Soldats ->
|
| (Le chant religieux se fait entendre de nouveaux à la fin de ce chœur, les soldats se montrent la chapelle et sortent avec respect.) | |
| |
|
ROGER
Ah ! viens ! démon ! esprit du mal !
Il t'a livré sa vie,
ah ! viens au cœur de mon rival
porter le coup fatal.
A cet amour qui le perdra
tout son bonheur se fie,
c'est le ciel qu'il prie,
l'enfer lui répondra.
| |
| |
[N. 6 - Finale] | N
|
|
(il écoute)
Mais quel tumulte ! on s'agite, on s'écrie...
Oui !...
| |
| (Le soldat sort de la chapelle en fuyant pâle et troublé.) | <- Le soldat
|
LE SOLDAT |
Ma vengeance est accomplie !
| |
| Le soldat ->
<- Raymond, Chevaliers
|
RAYMOND |
(sortant de la chapelle suivi par les chevaliers)
Au meurtre ! arrêtez l'assassin !
Quelques soldats se mettent à sa poursuite.
| |
ROGER |
(à part, avec joie)
Je respire !
L'enfer assura mon dessein.
| |
|
|
Scène huitième |
Les mêmes, Gaston, puis Hélène, Isaure, le Légat, le Comte, et tout le chœur. |
<- Gaston
|
| |
GASTON |
| |
ROGER |
(stupéfait à sa vue)
Ah ! lui vivant !
(haut)
Qui donc expire ?
| |
GASTON |
| |
ROGER |
(foudroyé)
Mon frère ! O terreur !
| |
| |
| (Le comte, blessé, descend les marches de la chapelle soutenu par des chevaliers qui le conduisent dans les appartements. Hélène est au-près de son père, dans son plus grand désespoir.) | <- Le comte, Hélène, Le légat
|
| |
GASTON |
(retenant Hélène)
Venez, éloignez-vous d'un spectacle d'horreur.
| |
HÉLÈNE |
(d'une voix gémissante)
Mon père !
| |
| (Les soldats qui ont arrêté le meurtrier reviennent avec lui, et le jettent aux pieds de Roger.) | <- Soldats, Le soldat
|
LES CHEVALIERS |
Le voilà !
(à Roger)
L'assassin de ton frère,
c'est lui !
| |
HÉLÈNE |
| |
LES CHEVALIERS |
(à Hélène)
Nous le jurons.
| |
GASTON |
(à Hélène)
Par le ciel qui m'éclaire !...
| |
ROGER |
(bas au meurtrier)
Malheureux !...
(en désignant Gaston)
C'était lui !
Voilà mon ennemi !
| |
LES CHEVALIERS |
(à Hélène)
Oui, nous jurons de venger la victime.
| |
ROGER |
(bas au meurtrier)
Sauve-moi, je te sauve.
| |
LE LÉGAT |
(au meurtrier)
A commettre un tel crime
qui t'a poussé ?
| |
TOUS |
| |
LE SOLDAT |
| |
GASTON |
| |
RAYMOND |
| |
LES CHEVALIERS |
(à Gaston)
C'est toi ! c'est toi !
| |
| |
LE LÉGAT ET LE CHŒUR
(à Gaston)
Monstre, parjure, homicide !
Du ciel la foudre est rapide.
Malheur à toi, perfide !
Infâme ! à toi malheur !
GASTON
Moi, sacrilège, homicide !
Dévoile ici le perfide,
mon dieu ! sois mon égide,
toi qui lis dans mon cœur.
|
Ensemble
ROGER
(à part, isolé)
D'horreur mon front est livide.
Ah ! sois maudit, fratricide !
Du ciel la foudre est rapide,
malheur à moi ! malheur !
HÉLÈNE
Non, tu n'es pas homicide !
Dévoile ici le perfide,
mon dieu ! sois son égide,
toi qui lis dans son cœur.
|
| |
| |
Tous les Chevaliers tirent l'épée. | |
| |
LE LÉGAT |
Chrétiens, jetez le glaive !
La foudre de l'église atteindra le pervers,
le sang versé se lève
et le crie: anathême ! - Oui, seul dans l'univers
va ! meurtrier du comte !
Que flétri par le ciel
et courbé sous ta honte,
on te refuse, infâme ! et le pain et le sel !
| |
| |
LE CHŒUR |
(à Gaston)
Sur ton front est lancé l'anathême.
Sacrilège en horreur à dieu même !
| |
LE LÉGAT |
(à Gaston)
Sur ton front je suspends l'anathême.
Sacrilège en horreur à dieu même !
| |
LE LÉGAT ET LE CHŒUR |
(à Gaston)
Imposteur dont la bouche blasphème !
Meurtrier, sois maudit ! sois maudit !
Traîne encor loin de nous ta misère,
dans l'exil va chercher quelque terre,
où l'écho porte à dieu ta prière;
ton forfait dans le sang est écrit;
sois maudit !...
| |
ROGER |
(à part)
Sur mon front doit tomber l'anathême,
fratricide en horreur à dieu même !
C'est du ciel la justice suprême,
vil Caïn, sois maudit ! sois maudit !
Oui, sur moi, dans sa juste colère,
l'éternel va lancer le tonnerre !
A jamais en horreur à la terre,
mon forfait dans le sang est écrit !...
| |
GASTON |
Par le ciel ! suspendez l'anathême !
Car mon cœur en appelle à dieu même.
Arrêtez !... Votre bouche blasphème !
Moi coupable ! ô mon dieu ! moi maudit !
Innocent et flétri sur la terre,
dans l'exil moi traîner ma misère !
Non, le ciel entendra ma prière,
et lui seul vengera le proscrit.
| |
HÉLÈNE |
Par le ciel ! suspendez l'anathême !
Car mon cœur en appelle à dieu même.
Arrêtez !... Votre bouche blasphème !
Lui coupable ! ô mon dieu !... lui maudit !
Innocent et flétri sur la terre,
dans l'exil lui traîner sa misère !
Non, le ciel entendra ma prière,
et lui seul vengera le proscrit.
| |
| |