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Scene premiere |
Le théâtre représente un bois consacré à Diane sur le rivage de la mer. Hippolyte. |
Q
Hippolyte
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Ah ! faut-il en un jour, perdre tout ce que j’aime !
mon pere pour jamais me bannit de ces lieux;
si cheris de Diane même,
je ne verrai plus les beaux yeux
qui faisoient mon bonheur suprême:
ah ! faut-il en un jour, perdre tout ce que j’aime !
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Scene deuxiesme |
Hippolyte, Aricie. |
<- Aricie
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ARICIE |
Cc’en est donc fait, cruel, rien n’arrête vos pas,
vous desesperez votre amante.
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HIPPOLYTE |
Helas ! plus je vous vois, plus ma douleur augmente,
je sens mieux tous mes maux quand je vois tant d’appas.
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ARICIE |
Quoi ! l’inimitié de la reine,
vous fait-elle quitter l’objet de votre amour ?
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HIPPOLYTE |
Non ! je ne fuirois pas de cet heureux séjour
si je n’y craignois que sa haine.
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ARICIE |
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HIPPOLYTE |
Dites-vous... gardez d’osez porter les yeux
sur le plus horrible mystere,
le respect me force à me taire;
j’offenserois le roi, Diane, et tous les dieux.
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ARICIE |
Ah; c’est m’en dire assez, ô crime !
Mon cœur en est glacé d’épouvante et d’horreur.
Cependant vous partez, et de Phedre en fureur
je vais devenir la victime.
(à part)
Dieux; pourquoi séparer deux cœurs
que l’amour a faits l’un pour l’autre !
(à Hippolyte)
Eh ! quelle autre main que la vôtre,
si vous m’abandonnez, pour essuyer mes pleurs ?
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(à part)
Dieux; pourquoi séparer deux cœurs
que l’amour a faits l’un pour l’autre ?
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HIPPOLYTE |
Hé bien daignez me suivre.
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ARICIE |
Bien daignez me suivre. o ciel ! que dites-vous ?
moi vous suivre !
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HIPPOLYTE |
Vous suivre ! cessez de croire
que je puisse oublier le soin de votre gloire.
En suivant votre amant, vous suivez votre époux;
venez... quel silence funeste !
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ARICIE |
Ah ! prince, croyez-en l’amour que j’en atteste,
je ferois mon suprême bien
d’unir votre sort et le mien;
mais Diane est inéxorable
pour l’amour et pour les amans.
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HIPPOLYTE |
A d’innocens désirs Diane est favorable
qu’elle préside à nos sermens.
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HIPPOLYTE, ARICIE |
Nous allons nous jurer une immortelle foi:
viens, reine des forêts, viens former notre chaîne;
que l’encens de nos vœux s’éleve jusqu’à toi,
sois toujours de nos cœurs l’unique souveraine.
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On entend un bruit de cors. | |
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HIPPOLYTE |
Le sort conduit ici les sujets fortunés;
unissons-nous aux jeux qui lui sont destinés.
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Scene troisiesme |
Hippolyte, Aricie, Chasseurs et Chasseresses. |
<- Chasseurs, Chasseresses, Une chasseresse
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CHŒUR |
Faisons par tout voler nos traits.
Animons-nous à la victoire;
que les antres les plus secrets
retentissent de notre gloire.
| S
(♦)
(♦)
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On danse. | |
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UNE CHASSERESSE
Amans, quelle est votre foiblesse ?
voyez ! l’amour sans vous allarmer;
ces mêmes traits dont il vous blesse,
contre nos cœurs n’osent plus s’armer.
Malgré ses charmes
les plus doux,
bravez ses armes,
faites comme nous;
osez, sans allarmes,
attendre ses coups;
si vous combattez, la victoire est à vous,
amans, quelle est votre foiblesse ?
Voyez ! l’amour sans vous allarmer;
ces mêmes traits dont il vous blesse,
contre nos cœurs n’osent plus s’armer.
Vous vous plaignez qu’il a des rigueurs,
et vous aimez tous les traits qu’il vous lance !
C’est vous qui les rendez vainqueurs;
pourquoi sans défense
livrer vos cœurs ?
Amans, quelle est votre foiblesse,
etc.
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On danse. | |
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UNE CHASSERESSE |
À la chasse, à la chasse,
armez-vous.
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CHŒUR |
Courons tous à la chasse;
armons-nous.
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UNE CHASSERESSE |
Dieu des cœurs, cédez la place;
non, non, ne regnez jamais.
Que Diane préside;
que Diane nous guide,
dans le fond des forêts;
sous ses loix nous vivons en paix.
À la chasse,
etc.
Nos asyles
sont tranquilles,
non, non, rien n’a plus d’attraits.
Les plaisirs sont parfaits,
auncun soin n’embarrasse,
on y rit des amours,
on y passe les plus beaux jours.
À la chasse,
etc.
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On danse. | |
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La mer s'agite; on en voit sortir un monstre horrible. | |
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CHŒUR |
Quel bruit ! quels vents ! quelle montagne humide !
Quel monstre elle enfante à nos yeux ?
Ô Diane, accourez; volez du haut des cieux.
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Hippolyte s'avance vers le monstre. | |
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HIPPOLYTE |
Venez, qu’à son défaut je vous serve de guide.
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ARICIE |
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CHŒUR |
Dieux ! quelle flamme l’environne !
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ARICIE |
Quel nuages épais ! tout se dissipe; hélas ?
Hippolyte ne paroît pas... Je meurs.
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Aricie tombe évanouie. | |
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CHŒUR |
Ô disgrace cruelle !
Hippolyte n’est plus.
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| Hippolyte, Aricie ->
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Scene quatriesme |
Phedre, Chasseurs et Chasseresses. |
<- Phedre
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PHEDRE |
Quelle plainte en ces lieux m’appelle !
| S
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CHŒUR |
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PHEDRE |
Il n’est plus ! o douleur mortelle !
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CHŒUR |
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PHEDRE |
Quel sort l’a fait tomber dans la nuit éternelle !
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CHŒUR |
Un monstre furieux sorti du sein des flots,
vient de vous ravir ce héros.
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PHEDRE |
Non, sa mort est mon seul ouvrage;
dans les enfers, c’est par moi qu’il descend;
Neptune de Thésée a crû venger l’outrage;
j’ai versé le sang innocent.
Qu’ai-je fait ? quels remords ! ciel ! j’entens le tonnerre.
Quel bruit ! quels terribles éclats ?
Fuyons; où me cacher ? je sens trembler la terre;
les enfers s’ouvrent sous mes pas.
Tous les dieux conjurez, pour me livrer la guerre,
arment leurs redoutables bras.
Dieux cruels, vengeurs implacables,
suspendez un courroux qui me glace d’effroi;
ah ! si vous êtes équitables,
ne tonnez pas encor sur moi;
la gloire d’un héros que l’imposture opprime;
vous demande un juste secours;
laissez-moi révéler à l’auteur de ses jours,
et son innocence et mon crime.
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CHŒUR |
Ô remords superflus !
Hippolyte n’est plus.
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