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Scene premiere |
Le théâtre représente l'entrée des enfers. Thésée, Tisiphone. |
Q
Thésée, Tisiphone
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THÉSÉE |
Laisse-moi respirer, implacable furie.
| S
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TISIPHONE |
Non, dans le séjour ténébreux
c’est en vain qu’on gémit; c’est en vain que l’on crie;
et les plaintes des malheureux
irritent notre barbarie.
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THÉSÉE |
Dieux ! n’est-ce pas assez des maux que j’ai souffert ?
j’ai vû Pyrithous déchiré par Cerbere;
jai vû ce monstre affreux trancher des jours si chers,
sans daigner dans mon sang assouvir sa colere.
J’attendois la mort sans effroi,
et la mort fuyoit loin de moi.
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TISIPHONE |
Eh ! croyois-tu que de tes peines
le moment de ta mort fut le dernier instant ?
Pirithous gémit sous d’éternelles chaînes;
tremble; le même sort t’attend.
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THÉSÉE |
Ah ! qu’avec lui je le partage,
ce sort que tu viens m’annoncer,
rends-moi Pirithous, je me livre à ta rage;
mais sur lui, s’il se peut, cesse de l’exercer.
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TISIPHONE
C’est peu pour moi d’une victime
non, rien n’apaise ma fureur;
je dois porter partout le ravage et l’horreur,
lorsque partout je vois le crime.
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Ensemble
THÉSÉE
Contente-toi d’une victime.
Quoi ? rien n’appaise ta fureur !
Dois-tu porter partout le ravage et l’horreur,
quand sur moi seul je prends le crime !
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Le fond du théâtre s'ouvre: on y voit Pluton, sur son trône; les trois Parques sont à ses pieds. | <- Pluton, Les trois Parques, Divinités infernales
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Scene deuxiesme |
Pluton, Thésée, Tisiphone; Les trois Parques; Divinités infernales. |
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THÉSÉE |
Inexorable roi de l’empire infernal,
digne frere, et digne rival
du dieu qui lance le tonnerre,
est-ce donc pour venger tant de monstres divers,
dont ce bras a purgé la terre,
que l’on me livre en proie aux monstres des enfers ?
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PLUTON |
Si tes exploits sont grands, voi quelle en est la gloire;
ton nom sur le trépas remporte la victoire;
comme nous il est immortel;
mais, d’une égale main, puisqu’il faut qu’on dispense
et la peine et la récompense,
n’attens plus de Pluton qu’un tourment éternel.
D’un trop coupable ami, trop fidéle complice,
tu dois partager son supplice.
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THÉSÉE |
Je consens à le partager;
l’amitié qui nous joint m’en fait un bien suprême.
Non, de Pyrithous tu ne peux te vanger,
sans me punir moi-même.
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Sous les drapeaux de Mars, unis par la valeur,
je l’ai vû sur mes pas voler à la victoire.
Je dois partager son malheur,
comme il a partagé mes périls et ma gloire.
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PLUTON |
Mais cette gloire enfin, falloit-il la ternir ?
Parle. Le crime même a-t’il dû vous unir ?
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THÉSÉE |
Le péril d’un ami si tendre,
aux enfers, avec lui, m’a contraint à descendre;
est-ce là le forfait que tu prétends punir ?
Pour prix d’un projet téméraire,
ton malheureux rival éprouve ta colere;
mais, trop fatal vengeur, de quoi me punis-tu ?
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Ah ! si son amour est un crime,
l’amitié qui pour lui m’anime
n’est-elle pas une vertu ?
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PLUTON |
Eh bien je remets ma victime
aux juges souverains de l’empire des morts;
va, sors; en attendant un arrêt légitime,
je t’abandonne à tes remords.
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Thésée sort, suivi de Tisiphone. | Thésée, Tisiphone ->
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Scene troisiesme |
Pluton, Les trois Parques; Divinités infernales. |
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PLUTON
(descendu de son trône)
Qu’à servir mon couroux tout l’enfer se prépare;
que l’Averne, que le Tenare,
le Cocyte, le Phlegeton,
par ce qu’ils ont de plus barbare,
vengent Proserpine et Pluton.
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CHŒUR |
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On danse. | |
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CHŒUR
Pluton commande;
vengeons notre roi.
Pluton commande;
suivons sa loi.
Qu’ici l’on répande
le trouble et l’effroi.
Ne tardons pas; les momens sont trop chers;
que cent gouffres ouverts
aux regards soient offerts;
dans les enfers
que tout tremble;
qu’on y rassemble
les feux et les fers.
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On danse. | |
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Scene quatriesme |
Thésée, Tisiphone, et les acteurs de la scene précédente. |
<- Thésée, Tisiphone
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THÉSÉE |
Dieux ! que d’infortunés gémissent dans ces lieux !
Un seul se dérobe à mes yeux;
par mes cris redoublés vainement je l’appelle;
mes cris ne sont point entendus;
ah ! montrez-moi Pyrithous !
Craignez-vous qu’à l’aspect d’un ami si fidéle,
ses tourmens ne soient suspendus ?
Traîne-moi jusqu’à lui, trop barbare Eumenide;
viens; je prens ton flambeau pour guide.
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TISIPHONE |
La mort, la seule mort a droit de vous unir.
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THÉSÉE |
Mort propice, mort favorable,
pour me rendre moins misérable,
commence donc à me punir.
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LES PARQUES |
Du Destin le vouloir suprême
a mis entre nos mains la trame de tes jours;
mais le fatal ciseau n’en peut trancher le cours,
qu’au redoutable instant qu’il a marqué lui-même.
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THÉSÉE |
Ah ! qu’on daigne du moins, en m’ouvrant les enfers,
rendre un vengeur à l’univers.
Puisque Pluton est infléxible,
dieu des mers, c’est à toi qu’il me faut recourir;
que ton fils, dans son pere, éprouve un cœur sensible,
trois fois dans mes malheurs tu dois me secourir;
le fleuve, aux dieux mêmes terrible,
et qu’ils n’osent jamais attester vainement,
le Styx a reçu ton serment:
au premier de mes vœux tu viens d’être fidèle;
tu m’as ouvert l’affreux séjour,
où règne une nuit éternelle;
grand dieu, daigne me rendre au jour.
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CHŒUR |
Non, Neptune auroit beau t’entendre,
les enfers, malgré lui, sauroient te retenir.
On peut aisément y descendre,
mais on ne peut en revenir.
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Scene cinquiesme |
Mercure, et les acteurs de la scene précédente. |
<- Mercure
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MERCURE (à Pluton) |
Neptune vous demande grace
pour un fils trop audacieux.
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PLUTON |
N’a-t’il pas partagé son crime et son audace,
en ouvrant sous ses pas la route de ces lieux ?
Non, non; je dois punir un mortel qui m’offense.
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MERCURE |
Jupiter tient les cieux sous son obéïssance,
Neptune régne sur les mers;
Pluton peut, à son gré, signaler sa vengeance
dans le noir séjour des enfers;
mais le bonheur de l’univers
dépend de votre intelligence.
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PLUTON |
C’en est fait, je me rends; sur mon juste courroux,
le bien de l’univers l’emporte.
De l’infernale nuit que ce coupable sorte;
peut-être son destin n’en sera pas plus doux.
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MERCURE |
Vous, qui de l’avenir percez la nuit profonde,
qui tenez dans vos mains et la vie et la mort,
vous qui reglez le sort du monde,
Parques, annoncez-lui son sort.
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LES TROIS PARQUES
Quelle soudaine horreur ton destin nous inspire ?
où cours-tu, malheureux ? tremble; frémis d’effroi.
Tu sors de l’infernal empire,
pour trouvez les enfers chez toi.
| S
(♦)
(♦)
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Pluton, et toute sa cour se retirent. | Pluton, Les trois Parques, Divinités infernales, Tisiphone ->
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Scene sixiesme |
Thésée, Mercure. |
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THÉSÉE |
Je trouverois chez moi ces enfers que je quitte !
Ah ! je céde à l’horreur dont je me sens glacer...
Dieux, détournez les maux qu’on vient de m’annoncer;
et surtout, prenez soin de Phedre et d’Hippolyte.
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MERCURE |
Il est tems de revoir la lumiere des cieux.
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THÉSÉE |
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les yeux.
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