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Scene premiere |
Le théâtre représente un temple consacré à Diane: on y voit un autel. Aricie en chasseresse. |
Q
Aricie
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Temple sacré, séjour tranquille,
où Diane aujourd’hui doit recevoir mes vœux,
a mon cœur agité daigne servir d’asyle
contre un amour trop malheureux.
Et toi, dont malgré-moi je rappelle l’image,
cher prince, si mes vœux ne te sont pas offerts,
du moins, j’en apporte l’hommage
a la déesse que tu sers.
Temple sacré, séjour tranquille,
où Diane aujourd’hui doit recevoir mes vœux,
a mon cœur agité daigne servir d’asyle
contre un amour trop malheureux.
| S
(♦)
(♦)
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Scene deuxiesme |
Hippolyte, Aricie. |
<- Hippolyte
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HIPPOLYTE |
Princesse, quels apprêts me frappent dans ce temple ?
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ARICIE |
Diane préside en ces lieux;
lui consacrer mes jours, c’est suivre votre exemple.
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HIPPOLYTE |
Non, vous les immolez, ces jours si précieux.
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ARICIE |
J’exécute du roi la volonté suprême;
à Thésée, à son fils, ces jours sont odieux.
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HIPPOLYTE |
Moi, vous haïr ! o ciel ! quelle injustice extrême !
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ARICIE |
Je ne suis point l’objet de votre inimitié ?
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HIPPOLYTE |
Je sens pour vous une pitié
aussi tendre que l’amour même.
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ARICIE |
Quoi ? le fier Hippolyte...
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HIPPOLYTE |
Hélas !
Je n’en ai que trop dit; je ne m’en repens pas,
si vous avez daigné m’entendre:
mon trouble, mes soûpirs, vos malheurs, vos appas,
tout vous annonce un cœur trop sensible et trop tendre.
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ARICIE |
Ah ! que venez-vous de m’apprendre !
c’en est fait; pour jamais mon repos est perdu.
Peut-être votre indifférence
tôt ou tard me l’auroit rendu;
mais votre amour m’en ôte l’esperance.
C’en est fait; pour jamais mon repos est perdu.
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HIPPOLYTE |
Qu’entends-je ! quel transport de mon ame s’empare !
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ARICIE |
Oubliez-vous qu’on nous sépare !
Quel temple redoutable, et quel affreux lien !
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Hippolyte amoureux m’occupera sans cesse;
même aux autels de la déesse,
je sentirai mon cœur s’élancer vers le sien.
Diane et l’univers pour moi ne sont plus rien.
Hippolyte amoureux m’occupera sans cesse,
je vivrai pour pleurer son malheur et le mien.
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HIPPOLYTE |
Je vous affranchirai d’une loi si cruelle.
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ARICIE |
Phédre sur sa captive à des droits absolus;
que sert de nous aimer ? nous ne nous verrons plus.
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HIPPOLYTE |
Ô Diane ! protége une flamme si belle.
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ARICIE, HIPPOLYTE |
Nous brûlons des plus pures flammes,
l’amour n’offre à nos cœurs que d’innocens appas,
tu ne le défends pas,
non, non, tu ne le défends pas
quand c’est par la vertu qu’il regne sur nos ames.
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Scene troisiesme |
Hippolyte, Aricie, La grande prêtresse de Diane, Prêtresses de Diane. |
<- La grande prêtresse, Prêtresses de Diane
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Entrée des prêtresses. | |
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CHŒUR
Dans ce paisible séjour,
regne l’aimable innocence:
les traits que lance l’amour
sur nous n’ont point de puissance;
nous jouissons à jamais
des doux charmes de la paix.
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On danse. | |
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LA GRANDE PRÊTRESSE
Dieu d’amour, pour nos asyles,
tes tourmens ne sont pas faits.
Tous les cœurs y sont tranquilles,
tes efforts sont inutiles;
non, non, tu n’en peux troubler la paix.
Tes allarmes
ont des charmes
pour qui manque de raison;
mais nos ames
de tes flammes
reconnoissent le poison:
va, fuis; pers l’esperance:
va, fuis loin de nos cœurs:
tu n’as point de traits vainqueurs.
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On danse. | |
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LA GRANDE PRÊTRESSE (alternativement avec le chœur)
De l’amour fuyez les charmes
craignez jusqu’à ses douceurs,
de fleurs il couvre ses armes,
mais les larmes,
les allarmes,
sont le prix des tendres cœurs.
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On danse. | |
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LA GRANDE PRÊTRESSE, CHŒUR
La paix et l’indifférence
comblent ici nos désirs;
les biens que l’amour dispense
coûtent toujours des soûpirs;
dans le sein de l’innocence
nous trouvons les vrais plaisirs.
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On danse. | |
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Scene quatriesme |
Phedre, Œnone, Gardes; et les acteurs de la scene précédente. |
<- Phedre, Œnone, Gardes
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PHEDRE (à Aricie) |
Princesse, ce grand jour par des nœuds éternels
va vous unir aux immortels.
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ARICIE |
Je crains que le ciel ne condamne
l’hommage que j’apporte aux pieds des saints autels.
Quel cœur viens-je offrir à Diane !
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PHEDRE |
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ARICIE |
Sans remors, comment puis-je en ces lieux,
offrir un cœur que l’on opprime ?
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CHŒUR DES PRÊTRESSES |
Non, non, un cœur forcé n’est pas digne des dieux;
le sacrifice en est un crime.
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PHEDRE |
Quoi ? l’on ose braver le suprême pouvoir !
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CHŒUR |
Obéïssez au dieux; c’est le premier devoir.
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PHEDRE (à Hippolyte) |
Prince, vous souffrez qu’on outrage
et votre pere, et votre roi !
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HIPPOLYTE (à Phedre) |
Vous sçavez que respect à Diane m’engage;
dès mes plus tendres ans je lui donnai ma foi.
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PHEDRE |
Dieux ! Thésée en son fils trouve un sujet rebelle !
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HIPPOLYTE |
Je sçais tout ce que je lui doi;
mais, ne puis-je pour lui faire éclatter mon zéle,
qu’en outrageant une immortelle ?
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PHEDRE |
Laissez des détours superflus;
la vertu quelquefois sert de prétexte au crime.
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HIPPOLYTE |
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PHEDRE |
Je ne sçais qui vous touche le plus,
de l’autel, ou de la victime.
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HIPPOLYTE |
Du moins, par d’injustes rigueurs,
je ne sçais point forcer les cœurs.
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PHEDRE |
Périsse la vaine puissance
qui s’éleve contre les rois:
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Tremblez, j’ai sû prévoir la désobéïssance;
périsse la vaine puissance,
qui s’éleve contre les rois.
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Bruit de trompettes. | |
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Des guerriers entrent, et vont briser l'autel. | |
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LA GRANDE PRÊTRESSE, CHŒUR |
Dieux vengeurs, lancez le tonnerre:
périssent les mortels qui vous livrent la guerre.
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Bruit de tonnerre. | |
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Diane paroît dans une gloire. | |
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LA GRANDE PRÊTRESSE |
Nos cris sont montés jusqu’aux cieux.
La déesse descend; tremblez, audacieux.
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Scene cinquiesme |
Diane, et les acteurs de la scene précédente. |
<- Diane
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DIANE |
(à ses prêtresses)
Ne vous allarmez pas d’un projet téméraire,
tranquilles cœurs, qui vivez sous ma loi.
Vous voyez Jupiter se déclarer mon pere;
sa foudre vole devant moi.
(à Phedre)
Toi, tremble reine sacrilege;
penses-tu m’honorer par d’unjustes rigueurs ?
Apprens que Diane protége
la liberté des cœurs.
(à Aricie)
Et toi, triste victime, à me suivre fidéle,
fais toujours expirer les monstres sous tes traits.
On peut servir Diane avec le même zéle,
dans son temple et dans les forêts.
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HIPPOLYTE ET ARICIE |
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DIANE |
Votre vertu m’est chere;
et c’est au crime seul que je dois ma colere.
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Diane entre dans son temple avec ses prêtresses, et Hippolyte emméne Aricie. | Diane, Hippolyte, Aricie, Œnone, La grande prêtresse, Prêtresses de Diane, Gardes ->
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Scene sixiesme |
Phedre. |
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Quoi ! la terre et le ciel contre moi sont armés !
Ma rivale me brave ! elle suit Hippolyte !
Ah ! plus je vois leurs cœurs l’un pour l’autre enflamés,
plus mon jaloux transport s’irrite.
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Que rien n’échappe à ma fureur;
immolons à la fois l’amant et la rivale:
haine, dépit, rage infernale,
je vous abandonne mon cœur.
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