Acte premier

 

Scene premiere

Le théâtre représente un temple consacré à Diane: on y voit un autel.
Aricie en chasseresse.

 Q 

Aricie

 

Temple sacré, séjour tranquille,    

où Diane aujourd’hui doit recevoir mes vœux,

a mon cœur agité daigne servir d’asyle

contre un amour trop malheureux.

Et toi, dont malgré-moi je rappelle l’image,

cher prince, si mes vœux ne te sont pas offerts,

du moins, j’en apporte l’hommage

a la déesse que tu sers.

Temple sacré, séjour tranquille,

où Diane aujourd’hui doit recevoir mes vœux,

a mon cœur agité daigne servir d’asyle

contre un amour trop malheureux.

S

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Scene deuxiesme

Hippolyte, Aricie.

<- Hippolyte

 

HIPPOLYTE

Princesse, quels apprêts me frappent dans ce temple ?  

ARICIE

Diane préside en ces lieux;

lui consacrer mes jours, c’est suivre votre exemple.

HIPPOLYTE

Non, vous les immolez, ces jours si précieux.

ARICIE

J’exécute du roi la volonté suprême;

à Thésée, à son fils, ces jours sont odieux.

HIPPOLYTE

Moi, vous haïr ! o ciel ! quelle injustice extrême !

ARICIE

Je ne suis point l’objet de votre inimitié ?

HIPPOLYTE

Je sens pour vous une pitié

aussi tendre que l’amour même.

ARICIE

Quoi ? le fier Hippolyte...

HIPPOLYTE

Hélas !

Je n’en ai que trop dit; je ne m’en repens pas,

si vous avez daigné m’entendre:

mon trouble, mes soûpirs, vos malheurs, vos appas,

tout vous annonce un cœur trop sensible et trop tendre.

ARICIE

Ah ! que venez-vous de m’apprendre !

c’en est fait; pour jamais mon repos est perdu.

Peut-être votre indifférence

tôt ou tard me l’auroit rendu;

mais votre amour m’en ôte l’esperance.

C’en est fait; pour jamais mon repos est perdu.

HIPPOLYTE

Qu’entends-je ! quel transport de mon ame s’empare !

ARICIE

Oubliez-vous qu’on nous sépare !

Quel temple redoutable, et quel affreux lien !

 

 

Hippolyte amoureux m’occupera sans cesse;  

même aux autels de la déesse,

je sentirai mon cœur s’élancer vers le sien.

Diane et l’univers pour moi ne sont plus rien.

Hippolyte amoureux m’occupera sans cesse,

je vivrai pour pleurer son malheur et le mien.

HIPPOLYTE

Je vous affranchirai d’une loi si cruelle.

 

ARICIE

Phédre sur sa captive à des droits absolus;

que sert de nous aimer ? nous ne nous verrons plus.

HIPPOLYTE

Ô Diane ! protége une flamme si belle.

 

ARICIE, HIPPOLYTE

Nous brûlons des plus pures flammes,  

l’amour n’offre à nos cœurs que d’innocens appas,

tu ne le défends pas,

non, non, tu ne le défends pas

quand c’est par la vertu qu’il regne sur nos ames.

 

Scene troisiesme

Hippolyte, Aricie, La grande prêtresse de Diane, Prêtresses de Diane.

<- La grande prêtresse, Prêtresses de Diane

 
Entrée des prêtresses.
 

CHŒUR

Dans ce paisible séjour,  

regne l’aimable innocence:

les traits que lance l’amour

sur nous n’ont point de puissance;

nous jouissons à jamais

des doux charmes de la paix.

 
On danse.
 

LA GRANDE PRÊTRESSE

Dieu d’amour, pour nos asyles,

tes tourmens ne sont pas faits.

Tous les cœurs y sont tranquilles,

tes efforts sont inutiles;

non, non, tu n’en peux troubler la paix.

Tes allarmes

ont des charmes

pour qui manque de raison;

mais nos ames

de tes flammes

reconnoissent le poison:

va, fuis; pers l’esperance:

va, fuis loin de nos cœurs:

tu n’as point de traits vainqueurs.

 
On danse.
 

LA GRANDE PRÊTRESSE
(alternativement avec le chœur)

De l’amour fuyez les charmes

craignez jusqu’à ses douceurs,

de fleurs il couvre ses armes,

mais les larmes,

les allarmes,

sont le prix des tendres cœurs.

 
On danse.
 

LA GRANDE PRÊTRESSE, CHŒUR

La paix et l’indifférence

comblent ici nos désirs;

les biens que l’amour dispense

coûtent toujours des soûpirs;

dans le sein de l’innocence

nous trouvons les vrais plaisirs.

 
On danse.
 

Scene quatriesme

Phedre, Œnone, Gardes; et les acteurs de la scene précédente.

<- Phedre, Œnone, Gardes

 

PHEDRE
(à Aricie)

Princesse, ce grand jour par des nœuds éternels  

va vous unir aux immortels.

ARICIE

Je crains que le ciel ne condamne

l’hommage que j’apporte aux pieds des saints autels.

Quel cœur viens-je offrir à Diane !

PHEDRE

Quel discours !

ARICIE

Sans remors, comment puis-je en ces lieux,

offrir un cœur que l’on opprime ?

 

CHŒUR DES PRÊTRESSES

Non, non, un cœur forcé n’est pas digne des dieux;  

le sacrifice en est un crime.

 

PHEDRE

Quoi ? l’on ose braver le suprême pouvoir !  

 

CHŒUR

Obéïssez au dieux; c’est le premier devoir.

 

PHEDRE
(à Hippolyte)

Prince, vous souffrez qu’on outrage

et votre pere, et votre roi !

HIPPOLYTE
(à Phedre)

Vous sçavez que respect à Diane m’engage;

dès mes plus tendres ans je lui donnai ma foi.

PHEDRE

Dieux ! Thésée en son fils trouve un sujet rebelle !

HIPPOLYTE

Je sçais tout ce que je lui doi;

mais, ne puis-je pour lui faire éclatter mon zéle,

qu’en outrageant une immortelle ?

PHEDRE

Laissez des détours superflus;

la vertu quelquefois sert de prétexte au crime.

HIPPOLYTE

Quel crime !

PHEDRE

Je ne sçais qui vous touche le plus,

de l’autel, ou de la victime.

HIPPOLYTE

Du moins, par d’injustes rigueurs,

je ne sçais point forcer les cœurs.

PHEDRE

Périsse la vaine puissance

qui s’éleve contre les rois:

 

 

Tremblez, j’ai sû prévoir la désobéïssance;  

périsse la vaine puissance,

qui s’éleve contre les rois.

 
Bruit de trompettes.
 
Des guerriers entrent, et vont briser l'autel.
 

LA GRANDE PRÊTRESSE, CHŒUR

Dieux vengeurs, lancez le tonnerre:

périssent les mortels qui vous livrent la guerre.

 
Bruit de tonnerre.
 
Diane paroît dans une gloire.
 

LA GRANDE PRÊTRESSE

Nos cris sont montés jusqu’aux cieux.  

La déesse descend; tremblez, audacieux.

 

Scene cinquiesme

Diane, et les acteurs de la scene précédente.

<- Diane

 

DIANE

(à ses prêtresses)  

Ne vous allarmez pas d’un projet téméraire,

tranquilles cœurs, qui vivez sous ma loi.

Vous voyez Jupiter se déclarer mon pere;

sa foudre vole devant moi.

(à Phedre)

Toi, tremble reine sacrilege;

penses-tu m’honorer par d’unjustes rigueurs ?

Apprens que Diane protége

la liberté des cœurs.

(à Aricie)

Et toi, triste victime, à me suivre fidéle,

fais toujours expirer les monstres sous tes traits.

On peut servir Diane avec le même zéle,

dans son temple et dans les forêts.

HIPPOLYTE ET ARICIE

Déesse, pardonnez...

DIANE

Votre vertu m’est chere;

et c’est au crime seul que je dois ma colere.

 
Diane entre dans son temple avec ses prêtresses, et Hippolyte emméne Aricie.

Diane, Hippolyte, Aricie, Œnone, La grande prêtresse, Prêtresses de Diane, Gardes ->

 

Scene sixiesme

Phedre.

 

 

Quoi ! la terre et le ciel contre moi sont armés !  

Ma rivale me brave ! elle suit Hippolyte !

Ah ! plus je vois leurs cœurs l’un pour l’autre enflamés,

plus mon jaloux transport s’irrite.

 

Que rien n’échappe à ma fureur;  

immolons à la fois l’amant et la rivale:

haine, dépit, rage infernale,

je vous abandonne mon cœur.

 

Fin (Acte premier)

Acte premier Acte second Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Un temple consacré à Diane: on y voit un autel.

Aricie
 
Aricie
<- Hippolyte

Princesse, quels apprêts me frappent dans ce temple!

Aricie, Hippolyte
<- La grande prêtresse, Prêtresses de Diane
Chœur, La grande prêtresse
Dans ce paisible séjour
Aricie, Hippolyte, La grande prêtresse, Prêtresses de Diane
<- Phedre, Œnone, Gardes

Princesse, ce grand jour par des nœuds éternels

Quoi? l’on ose braver le suprême pouvoir!

 

Phedre, La grande prêtresse, Chœur
Tremblez, j’ai sû prévoir la désobéïssance

(Bruit de trompettes. Des guerriers entrent, et vont briser l'autel.)

 

Nos cris sont montés jusqu’aux cieux

Aricie, Hippolyte, La grande prêtresse, Prêtresses de Diane, Phedre, Œnone, Gardes
<- Diane

Ne vous allarmez pas d’un projet téméraire

Phedre
Diane, Hippolyte, Aricie, Œnone, La grande prêtresse, Prêtresses de Diane, Gardes ->

Quoi! la terre et le ciel contre moi sont armés!

 
Scene premiere Scene deuxiesme Scene troisiesme Scene quatriesme Scene cinquiesme Scene sixiesme
Un temple consacré à Diane: on y voit un autel. L'entrée des enfers Une partie du palais de Thésée, sur le rivage de la mer Un bois consacré à Diane sur le rivage de la mer. Un jardin délicieux, qui forme les avenuës de la forêt d'Aricie: on y voit Aricie, couchée sur un lit de...
Acte second Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

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