Acte troisième

 

Scene premiere

Le théâtre représente une partie du palais de Thésée, sur le rivage de la mer.
Phedre.

 Q 

Phedre

 

Cruelle mere des amours,    

ta vengeance a perdu ma trop coupable race,

n’en suspendras-tu point le cours ?

Ah ! du moins, à tes yeux, que Phedre trouve grace.

Je ne te reproche plus rien,

si tu rends à mes vœux Hippolyte sensible;

mes feux me font horreur, mais mon crime est le tien;

tu dois cesser d’être inflexible.

Cruelle mere des amours,

etc.

Mais pourquoi tous ces vains remords !

Ah ! si j’en crois Arcas, mon cœur peut tout prétendre,

Thésée a vû les sombres bords.

L’enfer, pour me punir, pourroit-il me le rendre !...

S

 

Scene deuxiesme

Phedre, Hippolyte, Œnone.

<- Œnone, Hippolyte

 

HIPPOLYTE

Reine, sans l’ordre exprès, qui dans ces lieux m’appelle,  

quand le ciel vous ravit un époux glorieux,

je respecterois trop votre douleur mortelle,

pour vous montrer encore un objet odieux.

PHEDRE

Vous, l’objet de ma haine ! ô ciel ! quelle injustice !

Je dois dissiper cette erreur;

helas ! si vous croyez que Phedre vous haïsse,

que vous connoissez mal son cœur !

HIPPOLYTE

Qu’entens-je ? a mes desirs Phedre n’est plus contraire !

Ah ! les plus tendres soins de votre auguste époux

dans mon cœur désormais vont revivre pour vous.

PHEDRE

Quoi ? prince...

HIPPOLYTE

A votre fils je tiendrai lieu de pere;

j’affermirai son trône, et j’en donne ma foi.

PHEDRE

Vous pourriez jusques-là vous attendrir pour moi !

C’en est trop; et le trône, et le fils, et la mere,

je range tout sous votre loi.

HIPPOLYTE

Non; dans l’art de regner je l’instruirai moi-même;

je céde sans regret la suprême grandeur.

Aricie est tout ce que j’aime;

et si je veux regner, ce n’est que dans sons cœur.

PHEDRE

(à Hippolyte)

Que dites-vous ?

(à part)

Ô ciel ! quelle étoit mon erreur !

(à Hippolyte)

Malgré mon trône offert, vous aimez Aricie !

HIPPOLYTE

Quoi ! votre haine encor n’est donc pas adoucie ?

PHEDRE

Tu viens d’en redoubler l’horreur...

Puis-je trop haïr ma rivale ?

HIPPOLYTE

Votre rivale ! je fremis;

Thésée est votre époux, et vous aimez son fils !

Ah ! je me sens glacer d’une horreur sans égale.

 

 

Terribles ennemis des perfides humains,  

dieux, si prompts autrefois à les réduire en poudre,

qu’attendez-vous ? lancez la foudre.

Qui la retient entre vos mains ?

 

PHEDRE

Ah ! cesse par tes vœux d’allumer le tonnerre.  

Eclatte; éveille-toi; sors d’un honteux repos;

rends-toi digne fils d’un heros,

que de monstres sans nombre a délivré la terre;

il n’en est échappé qu’un seul à sa fureur;

frappe; ce monstre est dans mon cœur.

HIPPOLYTE

Grands dieux !

PHEDRE

Tu balances encore !

Etouffe dans mon sang un amour que j’abhorre.

Je ne puis obtenir ce funeste secours !

Cruel ! quelle rigueur extrême !

Tu me hais, autant que je t’aime;

mais, pour trancher mes tristes jours,

je n’ai besoin que de moi-même.

(Elle prend l'épée d'Hippolyte.)

Donne...

HIPPOLYTE

En lui arrachant l'épée.

Que faites-vous ?

PHEDRE

Tu m’arraches ce fer.

 
Thésée paroît.

<- Thésée

 

Scene troisiesme

Thésée, et les acteurs de la scene précédente.

 

THÉSÉE

Que vois-je ? quel affreux spectacle !  

HIPPOLYTE

Mon pere !

PHEDRE

Mon époux.

THÉSÉE

(à part)

Ô trop fatal oracle !

Je trouve les malheurs que ma prédits l’enfer.

(à Phedre)

Reine, dévoilez-moi ce funeste mystére.

PHEDRE

(à Thésée)

N’approchez point de moi; l’amour est outragé;

que l’amour soit vengé.

Phedre ->

 

Scene quatriesme

Thésée, Hippolyte, Œnone.

 

THÉSÉE

(à Hippolyte)  

Sur qui doit tomber ma colere ?

Parlez, mon fils, parlez, nommez le criminel.

HIPPOLYTE

(à part)

Seigneur... dieux ! Que vais-je lui dire ?

(à Thésée)

Permettez que je me retire;

ou plutôt, que j’obtienne un exil éternel.

(Hippolyte sort.)

Hippolyte ->

 

Scene cinquiesme

Thésée, Œnone.

 

THÉSÉE

(à part)  

Quoi ? tout me fuit ! tout m’abandonne !

(à Œnone)

Mon épouse ! mon fils ! ciel ! demeurez, Œnone;

c’est à vous seule à m’éclairer

sur la trahison la plus noire.

ŒNONE

(à part)

Ah ! sauvons de la reine et les jours et la gloire.

(à Thésée)

Un desespoir affreux... pouvez-vous l’ignorer ?

Vous n’en avez été qu’un témoin trop fidéle.

Je n’ose accuser votre fils;

mais, la reine... seigneur, ce fer armé contre elle,

ne vous en a que trop appris.

THÉSÉE

Dieux ! acheve.

ŒNONE

Un amour funeste...

THÉSÉE

C’en est assez; épargne-moi le reste.

 

Œnone ->

 

Scene sixiesme

Thésée.

 

 

Qu’ai-je appris ? tout mes sens en sont glacez d’horreur.  

Vengeons-nous; quel projet ! je fremis quand j’y pense.

Qu’il en va coûter à mon cœur !

A punir un ingrat d’où vient que je balance ?

Quoi ? ce sang, qu’il trahit, me parle en sa faveur !

Non, non, dans un fils si coupable,

je ne vois qu’un monstre effroyable:

qu’il ne trouve en moi qu’un vengeur.

 

 

Puissant maître des flots, favorable Neptune,  

entens ma gémissante voix;

permets que ton fils t’importune,

pour la derniere fois.

 

 

Hippolyte m’a fait le plus sanglant outrage;

rempli le serment qui t’engage;

préviens par son trépas un desespoir affreux;

ah ! si tu refusois de venger mon injure,

je serois parricide, et tu serois parjure;

nous serions coupables tous deux.

 
La mer s'agite.
 

 

Mais de courroux l’onde s’agite.  

Tremble; tu vas périr, trop coupable Hippolyte.

Le sang a beau crier, je n’entens plus sa voix.

Tout s’apprête à punir une offense mortelle;

Neptune me sera fidéle,

c’est aux dieux à venger les rois.

 

 

On vient de mon retour rendre grace à Neptune,

et je voudrois encore être dans les enfers:

fuyons une foule importune;

ne puis-je disparoître aux yeux de l’univers !

 

Scene septiesme

Thésée, Peuples et Matelots.

<- Peuples, Matelots, Une matelote

 

CHŒUR

Que ce rivage retentisse    

de la gloire du dieu des flots:

qu’à ses bienfaits tout applaudisse;

il rend à l’univers le plus grand des heros.

Que ce rivage retentisse

de la gloire du dieu des flots.

S

 
On danse.
 

UNE MATELOTE

L’amour, comme Neptune,

invite à s’embarquer;

pour tenter la fortune,

on ose tout risquer.

Malgré tant de naufrages,

tous les cœurs sont matelots;

on quitte le repos;

on vole sur les flots;

on affronte les orages;

l’amour ne dort

que dans le port.

Sfondo schermo () ()

 
On danse.
 

Fin (Acte troisième)

Acte premier Acte second Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Une partie du palais de Thésée, sur le rivage de la mer

Phedre
 
Phedre
<- Œnone, Hippolyte

Reine, sans l’ordre exprès, qui dans ces lieux m’appelle

Ah! cesse par tes vœux d’allumer le tonnerre

Phedre, Œnone, Hippolyte
<- Thésée

Que vois-je? quel affreux spectacle!

Œnone, Hippolyte, Thésée
Phedre ->

Sur qui doit tomber ma colere?

Œnone, Thésée
Hippolyte ->

Quoi? tout me fuit! tout m’abandonne!

Thésée
Œnone ->

Qu’ai-je appris? tout mes sens en sont glacez d’horreur

Thésée
<- Peuples, Matelots, Une matelote
Chœur, Une matelote
Que ce rivage retentisse
 
Scene premiere Scene deuxiesme Scene troisiesme Scene quatriesme Scene cinquiesme Scene sixiesme Scene septiesme
Un temple consacré à Diane: on y voit un autel. L'entrée des enfers Une partie du palais de Thésée, sur le rivage de la mer Un bois consacré à Diane sur le rivage de la mer. Un jardin délicieux, qui forme les avenuës de la forêt d'Aricie: on y voit Aricie, couchée sur un lit de...
Acte premier Acte second Acte quatrième Acte cinquième

• • •

Texte PDF Réduit