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Scène première |
Habitation du vieux Melchthal. Arnold, seul. |
Q
Arnold
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Ne m'abandonne point, espoir de la vengeance !
Guillaume est dans les fers, et mon impatience
presse le moment des combats.
Dans cette enceinte quel silence !
J'écoute: je n'entends que le bruit de mes pas.
Entrons... Quelle terreur secrète !
Devant le seuil, malgré moi je m'arrête;
je n'y rentrerai pas.
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Asile héréditaire,
où mes yeux s'ouvrirent au jour,
hier encor, ton abri tutélaire
offrait un père à mon amour.
J'appelle en vain, douleur amère !...
J'appelle, il n'entend plus ma voix !
Murs chéris qu'habitait mon père,
je viens vous voir pour la dernière fois !
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CHŒUR |
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ARNOLD |
Quel espoir ! j'entends des cris d'alarmes.
Ce sont mes compagnons, je les vois accourir.
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Scène deuxième |
Arnold, Confédérés. |
<- Confédérés
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LE CHŒUR |
Guillaume est prisonnier et nous sommes sans armes !
Nous voulons tous le secourir.
Des armes ! des armes !
Et nous saurons mourir.
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ARNOLD |
Dès long-temps, Guillaume et mon père
ont prévu l'heure des combats:
sous le rocher, au fond du châlet solitaire,
courez armer vos bras.
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LE CHŒUR |
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ARNOLD |
Non, plus de larmes inutiles,
plus de plaintes stériles:
Gessler, tu périras !
Pour toi, qui prives ma tendresse
de mon père et de ma maîtresse,
est-ce assez que le trépas ?
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LE CHŒUR |
(en rentrant)
Melchthal, que ton espoir renaisse !
Enfin le glaive arme nos bras.
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ARNOLD |
Amis, amis, secondez ma vengeance:
si notre chef est dans les fers,
brisons-les avec notre lance;
d'Altdorf les chemins sont ouverts.
Suivez-moi: d'un monstre perfide,
trompons l'espérance homicide;
arrachons Guillaume à ses coups !
D'un tyran cruel et perfide
trompons l'espérance homicide:
cette tâche est digne de vous.
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LE CHŒUR |
D'un tyran cruel et perfide,
trompons l'espérance homicide:
cette tâche est digne de nous.
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ARNOLD
Sur mes pas,
aux combats !
Ou la victoire ou le trépas !
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Ensemble
LE CHŒUR
Sur tes pas,
aux combats !
Ou la victoire ou le trépas !
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| (Ils sortent.) | Confédérés, Arnold ->
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Scène troisième |
Vue de rocher situé au pied de l'Achsenberg; il est baigné par le lac des Quatre-Cantons. Des nuages épais, précurseurs de la tempête, bornent l'horizon. On découvre pourtant sur une haute éminence la maison de Tell. Dans cette enceinte, herissée d'écueils, les flots se brisent avec furie. Hedwige, Femmes, Suisses. |
Q
Hedwige, Femmes, Suisses
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CHŒUR DE FEMMES |
Où vas-tu ? ta douleur t'égare.
N'entends-tu pas nos ennemis ?
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HEDWIGE |
Je veux voir Gessler: je les suis.
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LE CHŒUR |
Et qu'obtiendras-tu du barbare ?
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HEDWIGE |
La mort ! je la désire. Il triomphe, et je vis,
quand je n'ai plus d'époux, quand je n'ai plus de fils !
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Scène quatrième |
Les mêmes, Mathilde, Jemmy, Pages de la suite de la princesse. |
<- Mathilde, Jemmy, Pages
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JEMMY |
(hors de la scène)
Ma mère !
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HEDWIGE |
On a parlé ! cette voix douce et tendre...
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JEMMY |
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HEDWIGE |
Je crois l'entendre !
C'est lui ! c'est mon enfant ! ô bonheur ! Mais, hélas !
Ton père ne suit point tes pas.
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JEMMY |
À son indigne chaîne il saura se soustraire:
(en montrant Mathilde)
crois-en notre appui tutélaire.
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HEDWIGE |
Princesse, en l'écoutant, je ne vous voyais pas.
O protectrice auguste et chère,
Hedwige tombe à vos genoux !
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MATHILDE |
Je rends à vostre amour un fils digne de vous.
Ce fils, malgré son âge,
est grand par son courage;
et quand ma voix présage
un terme à vos douleurs,
ce n'est qu'un juste hommage
offert à vos malheurs.
| S
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HEDWIGE, JEMMY |
Mathilde à nos châlets promet des jours plus doux.
Du ciel après l'orage
elle est pour nous l'image;
et quand sa voix présage
un terme à nos douleurs,
l'espoir prend son langage
et vient sécher nos pleurs.
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HEDWIGE |
Quoi ! dans nos maux, acceptant un partage,
vous demeurez sur ce triste rivage,
vous, l'ornement, vous, l'orgueil d'une cour !
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MATHILDE |
De Guillaume captif je veux être l'otage,
et ma présence ici répond de son retour.
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HEDWIGE |
Son retour ! n'est-ce point une espérance vaine ?
D'Altdorf que ne l'arrachons-nous ?
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JEMMY |
Il n'est plus dans Altdorf.
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MATHILDE |
Sur le lac on l'entraîne.
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HEDWIGE |
Sur le lac ? et déjà l'ouragan se déchaîne:
partout la mort pour mon époux !
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JEMMY |
Quel souvenir m'éclaire !
Réparons un oubli fatal;
que de la liberté brille enfin le signal !
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HEDWIGE |
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JEMMY |
Sauver mon père.
Tout un peuple se lève à ce feu tutélaire;
et quels que soient les bords où Gessler descendra,
la vengeance l'y recevra !
(il sort)
| Jemmy ->
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Scène cinquième |
Les mêmes, moins Jemmy. |
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MATHILDE |
Quel bruit éclate sur nos têtes ?
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HEDWIGE |
C'est la mort qui s'avance à la voix des tempêtes:
Guillaume périra !...
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Toi, qui du faible es l'espérance,
sauve Guillaume, ô Providence !
Dans leurs projets, dans leur vengeance,
trompe et confonds nos ennemis.
Brise le joug qui nous opprime;
dans l'oppresseur punis le crime,
sauve Guillaume ! Il meurt victime
de son amour pour son pays.
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HEDWIGE, MATHILDE, CHŒUR |
Sauve Guillaume ! il meurt victime
de son amour pour son pays.
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Scène sixième |
Les mêmes, Leuthold. |
<- Leuthold
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LEUTHOLD |
Je l'ai vu, je l'ai vu ! Guillaume sur ces rives
par la tempête est rejeté.
Ses mains cessent d'être captives:
le gouvernail cède à sa volonté.
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HEDWIGE |
Si Guillaume, malgré l'orage,
peut approcher de ce rivage,
je réponds de sa liberté.
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MATHILDE |
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TOUS |
| Hedwige, Femmes, Suisses, Mathilde, Pages, Leuthold ->
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Scène septième |
Guillaume, Gessler, Soldats. |
<- Guillaume, Gessler, Soldats
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CHŒUR DES SOLDATS |
(dans la barque)
Vers la rive prochaine
la vague nous entraîne:
d'une mort trop certaine,
Guillaume, sauve-nous !
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GESSLER |
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GUILLAUME |
(abordant et repoussant du pied la barque au milieu des vagues)
Non, vous périrez tous !
Toi qui voulais des fronts serviles
obtenir un lâche respect,
commande aux vagues indociles
de se courber à ton aspect !
| Gessler, Soldats ->
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Scène huitième |
Guillaume, Hedwige, Jemmy. |
<- Hedwige, Jemmy
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HEDWIGE |
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JEMMY |
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HEDWIGE |
O retour plein de charmes !
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GUILLAUME |
(montrant la maison qui brûle)
Quelle flamme brille à mes yeux ?
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JEMMY |
Au défaut d'un bûcher d'alarmes,
moi-même j'embrasai le toit de nos aïeux.
Mais du moins j'ai sauvé tes armes.
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GUILLAUME |
(saisissant l'arc et la flèche qu'on lui présente)
Gessler, tu peux venir !
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Scène neuvième |
Les mêmes, Gessler, Soldats. |
<- Gessler, Soldats
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CHŒUR DES SOLDATS |
En vain il veut nous fuir:
suivons, suivons sa trace.
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GESSLER |
Qu'il ne trouve sa grâce
que dans le coup mortel !
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GESSLER, GARDES |
Qu'il ne trouve sa grâce
que dans le coup mortel !
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HEDWIGE |
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GUILLAUME |
(à sa femme et à son fils)
Retirez-vous; que la Suisse respire !
À toi, Gessler !
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GESSLER |
(frappé au haut du rocher)
J'expire !
C'est la flèche de Tell !
(il tombe dans le lac)
| Gessler ->
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LES GARDES |
(fuyant)
C'est la flèche de Tell !
| Soldats ->
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JEMMY, HEDWIGE |
O jour de délivrance !
Sa mort termine enfin nos maux.
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GUILLAUME |
De dieu reconnais l'assistance.
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JEMMY |
Rien n'a pu le soustraire au trait de la vengeance:
ses richesses ni sa puissance,
ses supplices ni ses bourreaux.
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Scène dixième |
Les mêmes, Walter, confédérés, Mathilde. |
<- Walter, confédérés
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WALTER |
À ces signaux de flamme enfin cessons de craindre;
il faut du sang pour les éteindre,
il faut le sang de l'oppresseur.
Mais, que vois-je ? Guillaume ! il est libre, ô bonheur !
Volons vers le tyran !
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GUILLAUME |
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WALTER |
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GUILLAUME |
Dans le lac va chercher sa tombe !
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Mathilde entre à cette réponse de Guillaume. | <- Mathilde
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JEMMY, HEDWIGE |
Honneur, honneur,
au bras libérateur !
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TOUS |
Honneur, honneur,
au bras libérateur !
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GUILLAUME |
Point de vaine espérance,
tant que d'Altdorf les créneaux orgueilleux
commanderont à notre obéissance.
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Scène onzième |
Les mêmes, Arnold, le reste des trois cantons. |
<- Arnold, le reste des trois cantons
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ARNOLD |
(présentant à Guillaume le drapeau qui flottait au troisième acte sur le château d'Altdorf)
Tu n'as plus à former de vœux,
Altdorf est en notre puissance !
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TOUS |
Victoire ! Altdorf est en notre puissance !
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ARNOLD |
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MATHILDE |
Oui, c'est moi:
des fausses grandeurs détrompée,
ton égale je te revois;
et, m'appuyant sur ton épée,
jusqu'à la liberté je m'élève avec toi.
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ARNOLD |
Pourquoi ta présence, ô mon père !
Manque-t-elle au bonheur de l'Helvétie entière ?
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L'orage, entièrement dissipé, laisse voir, dans toute sa beauté, une partie de la Suisse. Une moltitude de barques pavoisées voguent sur le lac des Quatre-Cantons. Les montagnes qui dominent Fluelen, et surmontées encore par les grands glaciers frappés des rayons du soleil, couronnent le tableau. | |
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GUILLAUME |
Tout change et grandit en ces lieux.
Quel air pur !
| S
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HEDWIGE |
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JEMMY |
Au loin quel horizon immense !
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MATHILDE |
Oui, la nature sous nos yeux
déroule sa magnificence.
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GUILLAUME |
À nos accents religieux,
liberté, redescends des cieux,
et que ton règne recommence !
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TOUS |
Liberté, redescends des cieux,
et que ton règne recommence !
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