Acte premier

 

Scène première

L'action se passe à Burglen, canton d'Uri: à droite se trouve la maison de Guillaume Tell; à gauche débouche le torrent de Schachental, sur lequel un pont est jeté; une barque est attachée au rivage. Des paysans entourent de verdure des cabanes destinée à trois nouveaux ménages; d'autres se livrent à divers travaux agrestes. Jemmy s'essaie à tirer de l'arc, Guillaume, pensif et appuyé sur sa bêche, est arrêté au milieu d'un sillon. Hedwige assise près d'un châlet assemble les jones d'une corbeille et regarde alternativement son époux et son fils.
Guillaume, Hedwige, Jemmy, Le pêcheur, le Chœur.

 Q 

Guillaume, Hedwige, Jemmy, Le pêcheur, Chœur

 

LE CHŒUR

Quel jour serein le ciel présage !  

Célébrons-le dans nos concerts;

que les échos de ce rivage

élèvent nos chants dans les airs !

Par nos travaux, rendons hommage

au créateur de l'univers.

 

LE PÊCHEUR

(dans sa barque)

Accours dans ma nacelle,  

timide jouvencelle;

du plaisir qui t'appelle

c'est ici le séjour.

Je quitte le rivage;

Lisbeth, sois du voyage,

viens; le ciel sans nuage

nous promet un beau jour.

Ensemble

GUILLAUME
(à demi-voix)

Il chante son ivresse,

ses plaisirs, sa maîtresse;

de l'ennui qui m'oppresse

il n'est pas tourmenté.

Quel fardeau que la vie !

Pour nous plus de patrie !

Il chante, et l'Helvétie

pleure sa liberté.

LE PÊCHEUR

Des fleurs ceignent sa tête;

leur puissance secrète;

conjurant la tempête,

nous répond du retour.

Et toi, lac solitaire,

témoin d'un doux mystère,

ne dis pas à la terre

les secrets de l'amour.

Ensemble

HEDWIGE, JEMMY

Son imprudent courage,

se jouant de l'orage,

à côté du naufrage

ne pense qu'au retour.

Vers l'écueil qu'on redoute,

s'il dirigeait sa route,

des chants de mort, sans doute,

suivraient ses chants d'amour.

 
Ici l'on entend le ranz des vaches.

LE CHŒUR

On entend des montagnes    

le signal du repos;

la fête des campagnes

abrège nos travaux.

Cette fête champêtre,

qu'ignore l'œil du maître,

nous fera reconnaître

le doux pays natal.

S

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Scène deuxième

Les mêmes, le vieux Melchthal, appuyé sur son fils Arnold, descend de la colline.

<- Melchthal, Arnold

 

LE CHŒUR

Salut, honneur, hommage  

au vertueux Melchthal !

ARNOLD
(a part)

Des amants, des époux !

Ah ! quel penser m'assiège !...

HEDWIGE

Bénis par vous.

MELCHTHAL

Par moi ?

HEDWIGE

Vous nous bénirez tous.

GUILLAUME

De l'âge et des vertus c'est le saint privilège,

et des bienfaits du ciel un présage bien doux.

 

MELCHTHAL

Pasteurs, que vos accents s'unissent,  

qu'au loin vos trompes retentissent;

célébrez tous en ce beau jour

le travail, l'hymen et l'amour.

CHŒUR D'HOMMES

Pasteurs, que nos accents s'unissent,

qu'au loin nos trompes retentissent !

Célébrons tous, en ce beau jour,

le travail, l'hymen et l'amour.

CHŒUR DE FEMMES

Aux chants joyeux qui retentissent,

que nos accents plus doux s'unissent !

Célébrons tous en ce beau jour,

le travail, l'hymen et l'amour.

 

CHŒUR GÉNÉRAL

Près des torrents qui grondent,

que les cors se répondent !

que l'écho de ces monts,

retenant nos chansons,

en reporte les sons

aux forêts, aux vallons !

Près des torrents qui grondent,

que les cors se répondent !

Célébrons par nos jeux

et l'hymen et ses feux;

des pasteurs amoureux

célébrons les doux nœuds

et volons auprès d'eux.

 
Le chœur sort.

Chœur, Le pêcheur ->

 

Scène troisième

Guillaume, Melchthal, Arnold, Hedwige, Jemmy.

 

GUILLAUME

Contre les feux du jour que mon toit solitaire  

vous offre un abri tutélaire.

C'est là que dans la paix ont véçu mes aïeux,

que je fuis les tyrans, que je cache à leurs yeux

le bonheur d'être époux, le bonheur d'être père !

(il embrasse son fils)

MELCHTHAL
(à Arnold)

Le bonheur d'être père !

Tu l'entends, ô mon fils ! c'est le suprême bien.

Veux-tu tromper toujours le vœu de ma vieillesse ?

La fête des pasteurs, par un triple lien,

va consacrer, dans ce jour d'allégresse,

le serment de l'hymen, et ce n'est pas le tien !

 
Le vieux Melchthal entre avec Guillaume, Hedwige et Jemmy dans un châlet.

Melchthal, Guillaume, Hedwige, Jemmy ->

 

Scène quatrième

Arnold seul.

 

 

Le mien, dit-il ! jamais, jamais le mien !  

Que ne puis-je taire à moi-même

de quel fatal objet tous mes sens sont épris !

Toi, dont le front aspire au diadème,

o Mathilde ! je t'aime,

je t'aime, et je trahis

mon devoir et l'honneur, mon père et mon pays !

Contre l'avalanche homicide

ma force te servit d'égide:

je te sauvai, toi, la fille des rois,

toi qu'une puissance perfide

destine à nous donner des lois.

Ivre d'un fol espoir, ma jeunesse insensée

a prodigué son sang pour des maîtres ingrats:

avoir connu sous eux la gloire des combats,

voilà ma honte ! aussi, mes pleurs l'ont effacée:

par un funeste amour ne la rappelons pas.

Mais quel bruit ? des tyrans qu'a vomis l'Allemagne

le cor sonne sur la montagne.

Gessler est là; Mathilde l'accompagne;

il faut encore la voir, entendre encore sa voix;

soyons heureux et coupable à la fois !

 

Scène cinquième

Guillaume, Arnold.

<- Guillaume

 

GUILLAUME

Ou vas-tu ? quel transport t'agite ?    

L'approche d'un ami n'arrête point ta fuite ?

S

ARNOLD

Non.

GUILLAUME

Pourquoi tremble-tu ?

ARNOLD

(à part)

De feindre aurai-je le courage ?

(haut)

Sous le fardeau de l'esclavage

quel grand cœur n'est pas abattu ?

GUILLAUME

Je comprendrais des maux que je partage;

Arnold ne m'a pas répondu !

ARNOLD

(à part)

Suis-je assais malheureux !

GUILLAUME

Malheureux ? Quel mystère ?

Pourquoi te taire ?

ARNOLD

Qu'espères-tu ?

GUILLAUME

Rendre a ton cœur la force et la vertu.

 

ARNOLD

(à part)  

Ah ! Mathilde, idole de mon âme !

Il faut donc vaincre ma flamme ?

GUILLAUME

(observant Arnold)

Je saurai lire dans son cœur.

ARNOLD

O ma patrie,

mon cœur te sacrifie

et mon amour et mon bonheur !

GUILLAUME

(à part)

Il rougit de son erreur;

en servant la tyrannie

s'il fut traître à sa patrie,

son remords du moins expie

un moment de déshonneur.

(haut)

Pour nous plus de crainte servile,

soyons hommes, et nous vaincrons.

ARNOLD

Et comment venger nos affronts ?

GUILLAUME

Tout pouvoir injuste et fragile.

ARNOLD

Contre des maître étrangers

quels sont nos appuis ?

GUILLAUME

Les dangers;

il n'en est qu'un pour nous, por eux il en est mille.

ARNOLD

(monstrant la maison qui renferme la femme et le fils de Guillaume)

Songe aux biens que tu perds !

GUILLAUME

Qu'importe !

ARNOLD

Quelle gloire espérer des revers ?

GUILLAUME

Je ne sais trop ce que c'est que la gloire,

mais je connais le poids de fers.

ARNOLD

Ton espérance...

GUILLAUME

est la victoire:

la tienne aussi. J'ai besoin de la croire.

ARNOLD

Nous serions libres !...

GUILLAUME

C'est mon vœu.

ARNOLD

Mais où combattre ?

GUILLAUME

Dans ce lieu.

Je te l'ai dit: plus de crainte servile.

ARNOLD

Vaincus, quel serait notre asile ?

GUILLAUME

La tombe.

ARNOLD

Et notre vengeur ?

GUILLAUME

Dieu !

ARNOLD

(à part)

Ah ! Mathilde, idole de mon âme !

Il faut donque vaincre ma flamme ?

GUILLAUME

Je vais lire dans son cœur.

ARNOLD

O ma patrie !

mon cœur te sacrifie

et mon amour et mon bonheur.

GUILLAUME

Il rougit de son erreur;

en servant la tyrannie

s'il fut traître à sa patrie,

son remords du moins expie

un moment de déshonneur.

ARNOLD

Du combat, quand sonnera l'heure,

ami, je serait prêt...

 
Le cor se fait entendre, et Arnold cherche à s'éloigner.
 

GUILLAUME

Demeure.  

ARNOLD

O contre-temps fatal !

GUILLAUME

Melchthal ! Melchthal !

 
Le cor résonne de nouveau.
 

ARNOLD

Qu'entends-je ?  

GUILLAUME

C'est Gessler ! quoi ! tandis qu'il nous brave

oudrais-tu, volontaire esclave,

d'un regard dédaigneux implorer la faveur ?

ARNOLD

Quel sévère langage !

Pour moi c'est un outrage.

Je veux sur son passage

braver l'insolent oppresseur.

GUILLAUME

Point d'entreprise téméraire;

songe à ton père: il faut le protéger;

à ta patrie: il faudra la venger.

ARNOLD

(à part)

Mon père ! mon pays ! ma tendresse ! Que faire !

GUILLAUME

Il hésite, il pâlit ! Quel est donc ce mystère ?

 

ARNOLD

(à part)  

O ciel ! tu sais si Mathilde m'est chère,

mais à la vertu je me rends.

(haut)

Haine et malheur à nos tyrans !

GUILLAUME

Entends au loin les chants de l'hyménée;

n'attristons pas la fête des pasteurs:

à leurs plaisirs ne mêlons pas de pleurs;

et que, du moins une journée,

un peuple échappe à ses malheurs.

ARNOLD

(à part)

À ses regards cachons mes pleurs.

O ciel ! tu sais si Mathilde m'est chère;

mais à la vertu je me rends.

Haine et malheur à nos tyrans !

GUILLAUME

De mon secret il est dépositaire,

mais il combattra dans nos rangs;

haine et malheur à nos tyrans !

 

Scène sixième

Les mêmes, Melchthal, Hedwige, Jemmy, Le Chœur, formant un cortège pour les trois mariés. Trois vieillards vont chercher les trois fiancées dans les châlets qui se trouvent sur la scène.

<- Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur

 

HEDWIGE

Sur nos têtes le soleil brille,  

et semble s'arrêter au milieu de son cours,

pour voir la fête de famille.

Vénérable Melchthal, honneur des anciens jours,

c'est à vous de bénir leurs pudiques amours.

MELCHTHAL

Quand le ciel entend votre promesse

est-ce à moi de la consacrer ?

GUILLAUME

Oui, rendre hommage à la vieillesse,

mon dieu, c'est encore t'honorer !

(il conduit le vieux Melchthal sous un dôme de verdure, préparé pour lui)

LE CHŒUR

Ciel, qui du monde est la parure,

pour eux fais luire un doux augure;

vois, leur tendresse est aussi pure

que ta lumière en un beau jours !

(Pendant ce chœur, Melchthal bénit les époux qui sont agenouillés à ses pieds.)

ARNOLD

(à part)

Ils vont s'unir. Pour moi plus d'ésperance.

Quels maux j'endure, fatal amour !

MELCHTHAL

Des antiques vertus vous nous rendez l'exemple.

Songez, jeunes pasteurs, que la Suisse qui vous contemple,

demande à votre hymen les appuis des vengeurs.

Des jeunes montagnards, ô fidèles compagnes,

dans votre chaste sein dort la postérité;

que vos fils soient nombreux; votre fécondité

est la richesse des campagnes.

(Le bruit de la chasse se rapproche.)

GUILLAUME

(Gessler proscrit ces vœux.) Écoutez le tyran !  

Écoutez: il vous crie qu'il n'est plus de patrie;

que pour jamais elle est tarie,

la source de ce sang généreux

qui bouillonnait au cœur de nos ayeux.

Un peuple sans vertus n'enfante pas de braves:

que legueriez-vous à vos fils ?

Les fers dont vos bras sont meurtris ?

Femmes, de votre couche éxilez vos maris.

Il est toujours assez d'esclaves !

HEDWIGE

Quels transports semblent t'agiter ?

Pour les laisser librement éclater

le jour est-il venu ?

GUILLAUME

Peut-être...

Je ne vois plus Arnold.

Arnold ->

 

Scène septième

Les mêmes, moins Arnold.

 

GUILLAUME

(à part)  

Ah ! quel tourment j'endure !

(haut)

Je ne vois plus Arnold.

JEMMY

Il nous quitte.

GUILLAUME

Il me fuit;

il me dérobe en vain le trouble qui le suit.

Je cours l'interroger; toi, ranime la fête.

HEDWIGE

Tu me glaces de crainte, et tu parles de fête !

GUILLAUME

(bas)

Qu'elle cache aux tyrans le bruit de la tempête !

Étouffe-la sous des accents joyeux:

elle ne doit gronder pour eux

qu'en tombant sur leur tête !

Guillaume ->

 

Scène huitième

Les mêmes, moins Guillaume.

 

LE CHŒUR

(accompagné de danse)  

Hyménée,

ta journée

fortunée

luit pour nous.

Des couronnes

que tu donnes

ces époux

sont jaloux.

D'allégresse,

de tendresse,

leur jeunesse

s'embellit.

Sur nos têtes

les tempêtes

sont muettes;

tout nous dit:

hyménée,

ta journée

fortunée

luit pour nous.

Des couronnes

que tu donnes

ces époux

sont jaloux.

Par tes flammes,

dans nos âmes,

tu proclames

notre espoir;

ton ivresse

joint sans cesse

la tendresse

au devoir.

Hyménée,

ta journée

fortunée

luit pour nous.

Des couronnes

que tu donnes

ces époux

sont jaloux.

 
Pendant que les danses s'exécutent, on s'exerce au jeu de l'arc.
 

LE CHŒUR

Gloire, honneur au fils de Tell !  

Il obtient le prix de l'adresse.

JEMMY

(venant déposer le prix entre les mains d'Hedwige)

Ma mère !

HEDWIGE

O moment plein d'ivresse !

LE CHŒUR

Il obtient le prix de l'adresse,

c'est l'héritage paternel.

 
Les archers forment un pas entre eux pendant lequel on chante le chœur suivant.
 

Enfants de la nature,

le simple habit de bure

nous tient lieu de l'armure

qui défend les guerriers.

Mais au but qui l'appèle

notre flèche est fidèle,

et l'espoir avec elle

repose en nos foyers.

 

Scène neuvième

Les mêmes, Leuthold, portant une hache sur laquelle il s'appuie.

<- Leuthold, Le pêcheur

 

JEMMY

Pâle et tremblant, se soutenant à peine,  

ma mère, un pâtre vient vers nous.

LE PÊCHEUR

C'est le brave Leuthold; un malheur nous l'amène.

LEUTHOLD

Sauvez-moi ! sauvez-moi !

HEDWIGE

Que crains-tu ?

LEUTHOLD

Leur courroux.

HEDWIGE

Leuthold, quel pouvoir te menace ?

LEUTHOLD

Le seul qui n'a jamais fait grâce,

le plus cruel, le plus affreux de tous.

O mes amis ! sauvez-moi de ses coups.

MELCHTHAL

Qu'as-tu fait ?

LEUTHOLD

Mon devoir. De toute ma famille

le ciel ne me laissa qu'un enfant, qu'une fille;

du gouverneur un infâme soutien,

un soldat l'enlevait, et j'ai su la défendre:

lui, me ravir mon dernier bien !

Ma hache sur son front ne s'est pas fait attendre;

voyez-vous ce sang ? c'est le sien.

MELCHTHAL

Il eut le courage d'un père;

mais pour lui du tyran redoutons la colère.

LEUTHOLD

Un refuge assuré m'attend sur l'autre bord.

(au Pêcheur)

Conduis-moi.

LE PÊCHEUR

Ce torrent, cette roche,

du rivage opposé ne permet point l'approche;

affronter cet écueil, c'est courir à la mort.

LEUTHOLD

Ah ! puisses-tu, barbare, à ton heure dernière,

trouver dieu sourd à ton remords,

comme tu l'es à ma prière !

CHŒUR DES SOLDATS

(dans l'éloignement)

Leuthold ! malheur à toi, malheur !

 

Scène dixième

Les mêmes, Guillaume.

<- Guillaume

 

GUILLAUME

(rentrant)  

Arnold a disparu, mes pas n'ont pu l'atteindre.

LEUTHOLD

Grand dieu, sois mon libérateur !

GUILLAUME

J'entends menacer et se plaindre.

LE CHŒUR

(en dehors)

Leuthold ! malheur à toi, malheur !

LEUTHOLD

Guillaume, le destin m'accable,

on me poursuit, je ne suis point coupable;

je meurs pourtant si je ne fuis soudain:

pour mon salut il n'est qu'un seul chemin.

(il montre le bord opposé)

GUILLAUME

Ta barque est là, pêcheur, tu l'entends.

LEUTHOLD

C'est en vain; comme le gouverneur il est impitoyable.

GUILLAUME

Du ciel il méconnaît la loi,

il te refuse ! eh bien ! suis-moi.

CHŒUR DES SOLDATS

(se rapprochant)

C'est du sang que le meurtre exige.

Malheur à toi, Leuthold !

GUILLAUME

(après avoir embrassé son fils)

Hâtons-nous, les voilà.

Adieu.

HEDWIGE

Tu vas périr.

GUILLAUME

Ne crains rien, chère Hedwige.

(montrant le ciel)

Les périls sont bien grands; mais le pilote est là !

Guillaume, Leuthold ->

 

Scène onzième

Melchthal, Hedwige, Jemmy, Le pêcheur, Rodolphe, soldats et habitans des cantons.

<- Rodolphe, soldats

 

LE CHŒUR

Dieu de bonté, dieu tout-puissant,  

de l'oppresseur confonds la rage,

daigne dérober au naufrage

le défenseur de l'innocent.

RODOLPHE

De la justice voici l'heure !

SOLDATS

De la justice voici l'heure !

RODOLPHE

Malheur au meurtrier, qu'il meure !

SOLDATS

Malheur au meurtrier, qu'il meure !

LE CHŒUR

Dieu de bonté, dieu tout-puissant,

de l'oppresseur confonds la rage,

daigne dérober au naufrage

le défenseur de l'innocent.

 

JEMMY, HEDWIGE

Il est sauvé !  

RODOLPHE

Que vois-je ? ô rage !

Il a franchi le funeste passage.

MELCHTHAL, HEDWIGE

De dieu je reconnais l'ouvrage.

RODOLPHE

Leur joie est un nouvel outrage;

esclaves, malheur à vous tous !

CHŒUR DES PAYSANS

Sur nos têtes gronde l'orage,

éloignons-nous, éloignons-nous.

RODOLPHE

Restez; il est plus d'un coupable:

au meurtrier qui prêta son secours ?

Nommez le traître, il y va de vos jours.

MELCHTHAL, JEMMY, HEDWIGE

Ils vont parler; la terreur les accable.

CHŒUR DES PAYSANS

Braverons-nous sa colère implacable ?

RODOLPHE

(faisant cerner la foule par ses soldats)

Obéissez, il y va de vos jours.

 

CHŒUR DE FEMMES

(Elles se mettent à genoux.)  

Vierge que les chrétiens adorent,

entends nos voix, elles t'implorent;

soustrais au glaive des méchants

et nos maris et nos enfants !

 

MELCHTHAL

Ce qu'il a fait, tous, nous l'aurions dû faire.  

Amis, plus de lâche frayeur:

il ose agir, osez vous taire.

LE CHŒUR

Il ose agir, osons nous taire.

RODOLPHE

Tremblez, malheur à vous, tremblez !

Nommez le traître, enfin parlez !

MELCHTHAL

Dis au tyran que cette terre

ne porte pas de délateur.

RODOLPHE

Qu'on saisisse ce téméraire !

Il brave en nous le gouverneur.

 

 

Que du ravage,  

que du pillage,

sur ce rivage

pèse l'horreur !

Honte et misère

sont le salaire

que ma colère

lègue au malheur !

JEMMY

Si du pillage,

si du ravage

sur ce rivage

pèse l'horreur,

vil mercenaire,

l'arc de mon père

peut nous soustraire

à ta fureur !

RODOLPHE

Que du ravage,

que du pillage,

sur ce rivage

pèse l'horreur !

Honte et misère

sont le salaire

que ma colère

lègue au malheur !

JEMMY

Si du ravage,

si du pillage,

sur ce rivage

pèse l'horreur !

vil mercenaire,

l'arc de son père

peut nous soustraire

à ta fureur !

Ensemble

TOUTS LES SOLDATS

Que du ravage,

que du pillage,

sur ce rivage

pèse l'horreur !

Honte et misère

sont le salaire

que sa colère

lègue au malheur !

HEDWIGE, TOUS LES HABITANS DES CANTONS

Si du ravage,

si du pillage,

sur ce rivage

pèse l'horreur !

vil mercenaire,

l'arc de mon père

peut nous soustraire

à ta fureur !

 
Les soldats s'emparent de Melchthal; les Suisses cherchent à le délivrer, mais ils sont sans armes, et l'on entraîne violemment sous leurs yeux le vieillard qu'ils voudraient suivre, quand une haie de hallebardes les arrête. Le toile baisse sur ce tableau.
 
Nota. Le rideau de service qui tombe entre le premier et deuxième acte offre l'image de la puissance guerrière de l'Autriche, sous le règne de l'empereur Albert (an 1308). C'est contre ce pouvoir formidable que vont lutter les efforts de quelques montagnards de la Suisse.
 

Fin (Acte premier)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

Burglen, canton d'Uri: à droite se trouve la maison de Guillaume Tell; à gauche débouche le torrent de Schachental, sur lequel un pont est jeté; une barque est attachée au rivage.

Guillaume, Hedwige, Jemmy, Le pêcheur, Chœur
 
Le pêcheur, Guillaume, Hedwige, Jemmy
Accours dans ma nacelle
Guillaume, Hedwige, Jemmy, Le pêcheur, Chœur
<- Melchthal, Arnold
Chœur, Arnold, Hedwige, Melchthal, Guillaume, Jemmy, Le pêcheur
Salut, honneur, hommage
Guillaume, Hedwige, Jemmy, Melchthal, Arnold
Chœur, Le pêcheur ->

Contre les feux du jour que mon toit solitaire

Arnold
Melchthal, Guillaume, Hedwige, Jemmy ->

Le mien, dit-il! jamais, jamais le mien!

Arnold
<- Guillaume

Ou vas-tu? quel transport t'agite?

(Le cor se fait entendre, et Arnold cherche à s'éloigner.)

Demeure / O contre-temps fatal!

(Le cor résonne de nouveau.)

Qu'entends-je? / C'est Gessler! quoi! tandis qu'il nous brave

Arnold, Guillaume
<- Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur

(Melchthal, Hedwige, Jemmy, le chœur, formant un cortège pour les trois mariés. Trois vieillards vont chercher les trois fiancées dans les châlets qui se trouvent sur la scène.)

Sur nos têtes le soleil brille

(Le bruit de la chasse se rapproche)

Gessler proscrit ces vœux. Écoutez le tyran!

Guillaume, Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur
Arnold ->

Ah! quel tourment j'endure!

Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur
Guillaume ->
Chœur
Hyménée
Chœur, Jemmy, Hedwige
Gloire, honneur au fils de Tell!
Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur
<- Leuthold, Le pêcheur

Pâle et tremblant, se soutenant à peine

Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur, Leuthold, Le pêcheur
<- Guillaume

Arnold a disparu, mes pas n'ont pu l'atteindre

Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur, Le pêcheur
Guillaume, Leuthold ->
Melchthal, Hedwige, Jemmy, Chœur, Le pêcheur
<- Rodolphe, soldats
Chœur, Rodolphe, Jemmy, Hedwige, Melchthal
Dieu de bonté, dieu tout-puissant

Il est sauvé! / Que vois-je? ô rage!

Ce qu'il a fait, tous, nous l'aurions dû faire

Rodolphe, Jemmy, Hedwige, Chœur
Que du ravage
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième Scène neuvième Scène dixième Scène onzième
Burglen, canton d'Uri: à droite se trouve la maison de Guillaume Tell; à gauche débouche le torrent de... Les hauteurs du Rütli d'où l'on plane sur le lac des Waldstettes ou des Quatre-Cantons; au bas est... Intérieur d'une vieille chapelle en ruines, attenante aux jardins du palais d'Altdorf. Grande place d'Altdorf, où l'on fait des préparatif de féte. On voit çà et là des pommiers... Habitation du vieux Melchthal Vue de rocher situé au pied de l'Achsenberg; il est baigné par le lac des Quatre-Cantons. On...
Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

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