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La kermesse. | |
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Scène première |
Une des portes de la ville. À gauche un cabaret à l’enseigne du dieu Bacchus. Wagner, Ètudiants, Bourgeois, Soldats, Jeunes filles, Matrones. |
Q
Wagner, Étudiants, Bourgeois, Soldats, Jeunes filles, Matrones, Un mendiant
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[N. 5 - Chœur] | N
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WAGNER, ÉTUDIANTS
Vin ou bière,
bière ou vin,
que mon verre
soit plein !
Sans vergogne,
coup sur coup,
un ivrogne
boit tout !
Jeune adepte
du tonneau,
n’en excepte
que l’eau !
Que ta gloire,
tes amours
soient de boire
toujours !
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ÉTUDIANTS |
Jeune adepte
etc.
(Ils trinquent et boivent.)
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SOLDATS
Filles ou forteresses
c’est tout un, morbleu !
Vieux burgs, jeunes maîtresses,
sont pour nous un jeu !
Celui qui sait s’y prendre
sans trop de façon
les oblige à se rendre
en payant rançon !
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BOURGEOIS
Aux jours de dimanche et de fête,
j’aime à parler guerre et combats,
tandis que les peuples là-bas
se cassent la tête.
Je vais m’asseoir sur les côteaux
qui sont voisins de la rivière,
et je vois passer les bateaux
en vidant mon verre !
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| (Bourgeois et soldats remontent vers le fond du thèâtre.) | |
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UN MENDIANT |
(circulant de groupe en groupe)
Mes beaux messiers, mes belles dames,
que la pitié touche vos âmes;
et que votre folle gaité
sur moi retombe en charité.
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| (Un groupe de jeunes filles entre en scène.) | |
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JEUNES FILLES |
(regardant de côté)
Voyez ces hardis compères
qui viennent là-bas;
ne soyons pas trop sévères,
retardons le pas.
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| (Elles gagnent la droite du thèâtre. Un secon chœur d'étudiants entre à leur suite.) | |
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ÉTUDIANTS |
Voyez ces mines gaillardes
et ces airs vainqueurs !
Amis, soyons sur nos gardes !
Tenons bien nos cœurs !
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MATRONES |
(observant les étudiants et les jeunes filles)
Voyez après ces donzelles
courir ces messieurs !
Nous sommes aussi bien qu’elles
sinon beaucoup mieux !
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LE MENDIANT |
Mes beaux messiers, mes belles dames,
que la pitié touche vos âmes !
Et que votre folle gaité
sur moi retombe en charité !...
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| (Tous les groupes redescendente en scène.) | |
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ÉTUDIANTS
Vin ou bière,
bière ou vin,
que mon verre
soit plein !
BOURGEOIS
Vidons un verre
de ce bon vin !
JEUNES FILLES
De votre colère
nous ne craignons rien !
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Ensemble
SOLDATS
Pas de beauté fière !
Nous savons leur plaire
en un tour de main !
MATRONES (aux jeunes filles)
Vous voulez leur plaire,
nous le voyon bien !
ÉTUDIANTS
Voyez leur colère,
voyez leur maintien !
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| (Les étudiants et les soldats séparent les femmes en riant. Tous les groupes s'éloignent et disparaissent.) | Bourgeois, Soldats, Jeunes filles, Matrones, Un mendiant ->
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Scène deuxième |
Wagner, Siébel, Étudiants, Valentin. |
<- Valentin, Siébel
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[N. 6 - Scène et Récitatif] | N
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VALENTIN |
(paraissant au fond; il tient une petite médaille à la main)
Ô toi, sainte médaille,
qui me viens de ma sœur,
au jour de la bataille,
pour écarter la mort, reste là sur mon cœur !
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WAGNER |
Ah ! Voici Valentin qui nous cherche sans doute !
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VALENTIN |
Un dernier coup, messieurs, et mettons-nous en route !
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WAGNER |
Qu’as-tu donc ?... quels regrets attristent nos adieux ?
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VALENTIN |
Comme vous, pour longtemps, je vais quitter ces lieux;
j’y laisse Marguerite, et, pour veiller sur elle,
ma mère n’est plus là !
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SIÉBEL |
Plus d’un ami fidèle
saura te remplacer à ses côtés !
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VALENTIN |
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SIÉBEL |
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ÉTUDIANTS |
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WAGNER |
Allons, amis ! point de vaines alarmes !
À ce bon vin ne mêlons pas des larmes !
Buvons, trinquons, et qu’un joyeux refrain
nous mette en train !
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ÉTUDIANTS |
Buvons, trinquons, et qu’un joyeux refrain
nous mette en train !
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WAGNER |
(montant sur un escabeau)
Un rat plus poltron que brave,
et plus laid que beau,
logeait au fond d’une cave,
sous un vieux tonneau;
un chat...
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Scène troisième |
Les mêmes, Méphistophélès. |
<- Méphistophélès
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
(paraissant tout à coup au milieu des étudiants et intertrompant Wagner)
Pardon !
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WAGNER |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Parmi vous, de grâce,
permettez-moi de prendre place !
Que votre ami d’abord achève sa chanson !
Moi, je vous en promets plusieurs de ma façon !
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WAGNER |
(descendant de son escabeau)
Une seule suffit, pourvu qu’elle soit bonne !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Je ferai de mon mieux pour n’ennuyer personne !
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| (Les étudiants se groupent autour de Méphistophélès; Valentin le regarde avec défiance et se tient à l’écart avec Siébel.) | |
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[N. 7 - Ronde du veau d’or] | N
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I
Le veau d’or est toujours debout;
on encense
sa puissance
d’un bout du monde à l’autre bout !
Pour fêter l’infâme idole,
rois et peuples confondus,
au bruit sombre des écus,
dansent une ronde folle
autour de son piédestal !...
Et Satan conduit le bal !
II
Le veau d’or est vainqueur des dieux !
Dans sa gloire
dérisoire
son front abjecte insulte aux cieux !
Il contemple, ô rage étrange !
à ses pieds le genre humain
se ruant, le fer en main,
dans le sang et dans la fange
où brille l’ardent métal !...
Et Satan conduit le bal !
| (♦)
(♦)
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TOUS |
Et Satan conduit le bal !
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[N. 8 - Récitatif et Choral des épées] | N
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ÉTUDIANTS |
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VALENTIN (à part) |
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WAGNER |
(tendant un verre à Méphistophélès)
Nous ferez-vous l’honneur de trinquer avec nous ?
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Volontiers !...
(saisissant la main de Wagner et l’examinant)
Ah ! voici qui m’attriste pour vous !
Vous voyez cette ligne ?
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WAGNER |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Fâcheux présage !
Vous vous ferez tuer en montant à l’assaut !
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| (Wagner retire sa main avec humeur.) | |
SIÉBEL |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
(lui prenant la main)
Tout juste autant qu’il faut
pour lire dans ta main que le sorte te condamne
à ne plus toucher une fleur
sans qu’elle se fane !
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SIÉBEL |
(retirant vivement sa main)
Moi !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Plus de bouquets à Marguerite !...
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VALENTIN |
Ma sœur !...
Qui vous a dit son nom ?
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Prenez garde, mon brave !
Vous vous ferez tuer par quelqu’un que je sais !
(Prenant le verre des mains de Wagner.)
À votre santé !...
(Jetant le contenu du verre, après y avoir trempé ses lèvres.)
Peuh ! que ton vin est mauvais !
Permettez-moi de vous en offrir de ma cave !
(Frappant sur le tonneau, surmonté d’un Bacchus, qui sert d’enseigne au cabaret.)
Holà, seigneur Bacchus ! à boire !...
(Le vin jaillit du tonneau. Aux étudiants)
Approchez-vous !
Chacun sera servi selon ses goûts !
À la santé que tout à l’heure
vous portiez, mes amis, à Marguerite !...
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VALENTIN |
(lui arrachant le verre des mains)
Assez !...
Si je ne te fais taire à l’instant, que je meure !
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| (Le vin s’enflamme dans la vasque placée au-dessous du tonneau.) | |
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WAGNER, ÉTUDIANTS |
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| (Ils tirent leurs épées.) | |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Pourquoi trembler, vous qui me menacez ?
(Il trace un cercle autour de lui avec son épée. Valentin s’avance pour l’attaquer. Son épée se brise.)
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VALENTIN |
Mon fer, ô surprise !
dans les airs se brise !
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VALENTIN, WAGNER, SIÉBEL, ÉTUDIANTS |
De l’enfer qui vient émousser
nos armes,
nous ne pouvons pas repousser
les charmes !
Mais puisque tu brises le fer,
regarde !...
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| |
| (Il prend son épée par la lame et la présente sous forme de croix à Méphistophélès.) | |
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SIÉBEL, VALENTIN, WAGNER, ÉTUDIANTS |
(forçant Méphistophélès à reculer en lui présentant la garde de leurs epées)
Puisque tu peux briser le fer,
regarde !
C’est une croix, qui de l’enfer
nous garde !...
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| (Ils sortent.) | Valentin, Wagner, Siébel, Étudiants ->
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Scène quatrième |
Méphistophélès, puis Faust. |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
(remettant son épée au fourreau)
Nous nous retrouverons, mes amis ! ~ Serviteur !
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FAUST |
(entrant en scène)
Qu’as-tu donc ?
| <- Faust
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Rien ! ~ À nous deux, cher docteur !
Qu’attendez-vous de moi ? Par où commencerai-je ?
| |
FAUST |
Où se cache la belle enfant
que ton art m’a fait voir ? ~ Est-ce un vain sortilège ?
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Non pas, mais contre nous sa vertu la protège;
et le ciel même la défend !
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FAUST |
Qu’importe ? je le veux ! viens ! conduis-moi près d’elle
ou je me sépare de toi !
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Il suffit !... Je tiens trop à mon nouvelle emploi
pour vous laisser douter un instant de mon zèle !
Attendons !... ici même, à ce signal joyeux,
la belle et chaste enfant va paraître à vos yeux.
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| |
| (Les étudiants et les jeunes filles, bras dessus, bras dessous, et précédés par des joueurs de violon, envahissent la scène. Ils sont suivis par les bourgeois qui ont paru au commencement de l'acte.) | |
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Scène cinquième |
Les mêmes, Étudiants, Jeunes filles, Bourgeois, puis Siébel et Marguerite. |
<- Étudiants, Jeunes filles, Bourgeois
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[N. 9 - Valse et Chœur] | N
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CHŒUR
(marquant la mesure en marchant)
Ainsi que la brise légère
soulève en épais tourbillons
la poussière
des sillons,
que la valse nous entraîne !
Faisons retentir la plaine
de l’éclat de vos chansons !
Valsons !...
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| |
| (Les musiciens montent sur les bancs; la valse commence.) | |
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MÉPHISTOPHÉLÈS (à Faust) |
Vois ces filles
gentilles !
Ne veux-tu pas
aux plus belles
d’entre elles
offrir ton bras ?
| |
FAUST |
Non ! Fais trêve
à ce ton moqueur !
Et laisse mon cœur
à son rêve !...
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SIÉBEL |
(entrant)
C’est par ici que doit passer Marguerite !
| <- Siébel
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QUELQUES JEUNES FILLES |
(s’approchant de Siébel)
Faut-il qu’une jeune fille à danser
vous invite ?
| |
SIÉBEL |
Non !... non !... je ne veux pas valser !
| |
| |
|
CHŒUR
Ainsi que la brise légère
soulève en épais tourbillons
la poussière
des sillons,
que la valse nous entraîne !
Faisons retentir la plaine
de l’éclat de vos chansons !
Valsons !...
| |
| |
| (Marguerite paraît.) | <- Marguerite
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| |
FAUST |
Ah !... la voici ! c’est elle !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
SIÉBEL |
(apercevant Marguerite et faisant un pas vers elle)
Marguerite !...
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
(se retournant et se trouvant face à face avec Siébel)
Plaît-il !...
| |
SIÉBEL (à part) |
Maudit homme ! encor là !...
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MÉPHISTOPHÉLÈS (d'un ton mielleux) |
Eh quoi ! mon ami ! vous voilà !...
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| (Siébel recule devant Méphistophélès, qui lui fait faire ainsi le tour du thèâtre en passant derrière le groupe des danseurs.) | |
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FAUST |
(abordant Marguerite qui traverse la scène)
Ne permettrez vous pas, ma belle demoiselle,
qu’on vous offre le bras pour faire le chemin ?
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MARGUERITE |
Non, monsieur ! je ne suis demoiselle, ni belle,
et je n’ai pas besoin qu’on me donne la main !
(Elle passe devant Faust et s’éloigne.)
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FAUST |
(le suivant des yeux)
Par le ciel ! que de grâce... et quelle modestie !...
Ô belle enfant, je t’aime !
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SIÉBEL |
(redescendant en scène sans avoir vu ce qui vient de passer)
Elle est partie !...
(Il va pour s'elancer sur la trace de Marguerite; mais, se trouvant de nouveau à face avec Méphistophélès, il lui tourne le dos et s’éloigne par le fond du thèâtre.)
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MÉPHISTOPHÉLÈS (à Faust) |
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS (en riant) |
Allons ! à tes amours,
je qu'il faut prêter secours !...
(Il s'éloigne avec Faust du même côté que Marguerite.)
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QUELQUES JEUNES FILLES |
(s'adressant à trois ou quatre d'entre elles qui ont observé la rencontre de Faust et de Marguerite)
Qu’est-ce donc ?...
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DEUXIÈME GROUPE DE JEUNES FILLES |
Marguerite,
qui de ce beau seigneur refuse la conduite !...
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ÉTUDIANTS |
(se rapprochant)
Valsons encor !...
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JEUNES FILLES |
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| (Les étudiants, qui ont reconduit Valentin et Wagner, rentrent en scène et se mèlent à la valse.) | <- Valentin, Wagner
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LES VALSEURS
Ainsi que la brise légère
soulève en épais tourbillons
la poussière
des sillons,
que la valse nous entraîne !
Faisons retentir la plaine
de l’éclat de vos chansons !
Valsons !...
Jusqu’à perdre haleine !...
jusqu’à mourir !...
je respire à peine !...
Ah !... quel... plaisir !...
Mon regard se noie...
dans le... ciel bleu !...
La terre tournoie !...
je meurs... Ah !... dieu !...
Jusqu'à perdre haleine !...
jusqu’à mourir !...
je respire à peine !...
Ah ! quel plaisir !...
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BOURGEOIS
Ainsi que la brise légère
soulève en épais tourbillons
la poussière
des sillons,
que la valse vous entraîne !
Faites retentir la plaine
de bruit de vos folles chansons !
Jusqu’à perdre haleine,
jusqu’à mourir,
un dieu les entraîne,
c’est le plaisir !
La terre tournoie,
et fuit loin d’eux !
Quel bruit, quelle joie
dans tous les yeux !
Jusqu’à perdre haleine
jusqu’à mourir,
un dieu les entraîne,
c’est le plaisir !...
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| (La toile tombe.) | |
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Scène troisième (supplement) |
Supplement par Charles Gounod. |
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Invocation | |
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VALENTIN
Avant de quitter ces lieux,
sol natal de mes aïeux,
à toi, seigneur et roi des cieux,
ma sœur je confie;
daigne de tout danger
toujours la protéger,
cette sœur si chérie.
Délivré d’une triste pensée,
j’irai chercher la gloire au sein des ennemis.
Le premier, le plus brave au fort de la mêlée,
j’irai combattre pour mon pays.
Et si, vers lui, dieu me rappelle,
je veillerai sur toi fidèle,
ô Marguerite.
Avant de quitter ces lieux,
sol natal de mes aïeux,
à toi, seigneur et roi des cieux,
ma sœur je confie !
Ô roi des cieux, jette les yeux,
protège Marguerite, roi des cieux !
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