| |
[N. 1 - Introduction] | N
|
| |
|
|
Scène première |
Le cabinet de Faust. Faust, seul. |
Q
Faust
|
| |
[N. 2 - Scène et Chœur] | N
|
| |
| (Sa lampe est près de s’éteindre. Il est assis devant une table chargée de parchemins. Un livre est ouvert devant lui.) | |
| |
|
Rien !... ~ En vain j’interroge, en mon ardente veille,
la nature et le créateur;
pas une voix ne glisse à mon oreille
un mot consolateur !
J’ai langui, triste et solitaire,
sans pouvoir briser le lien
qui m’attache encore à la terre !...
Je ne vois rien ! ~ Je ne sais rien !...
(Il ferme le livre et se lève. Le jour commence à naítre.)
Le ciel pâlit ! Devant l’aube nouvelle
la sombre nuit
s’évanouit !...
(Avec desespoir.)
Encore un jour ! ~ encore un jour qui luit !...
Ô mort, quand viendras-tu m’abriter sous ton aile ?
(Saisissant une fiole sur la table.)
Eh bien ! puisque la mort me fuit,
pourquoi n’irais-je pas vers elle ?...
Salut ! ô mon dernier matin !
J’arrive sans terreur au terme du voyage;
et je suis, avec ce breuvage,
le seul maître de mon destin !
| S
|
| |
| (Il verse le contenu de la fiole dans une coupe en cristal. Au moment où il va porter la coupe à ses lèvres, des voix de jeunes filles se font entendre au dehors.) | |
| |
JEUNES FILLES |
Paresseuse fille
qui sommeille encor !
Déjà le jour brille
sous son manteau d’or;
déjà l’oiseau chante
ses folles chansons;
l’aube caressante
sourit aux moissons;
le ruisseau murmure,
la fleur s’ouvre au jour,
toute la nature
s’éveille à l’amour !
| |
FAUST |
Vains échos de la joie humaine,
passez, passez votre chemin !
Ô coupe des aïeux, qui tant de fois fus pleine,
pourquoi trembles-tu dans ma main ?
(Il porte de nouveau la coupe à ses lèvres.)
| |
JEUNES FILLES |
Aux champs l’aurore nous rappelle;
le temps est beau, la terre est belle;
béni soit dieu !
À peine voit-on l’hirondelle,
qui vole et plonge d’un coup d’aile
dans le ciel bleu !
(dans l'éloignement)
L'oiseau chante !
| |
LABOUREURS (dans l'éloignement) |
| |
FAUST |
| |
JEUNES FILLES, LABOUREURS |
| |
FAUST |
Dieu !
(Il se laisse retomber dans son fauteuil.)
| |
| |
[N. 3 - Récitatif] | N
|
| |
|
Mais ce dieu, que peut-il pour moi ?
(Se levant.)
Me rendra-t-il l’amour, l'espérance et la foi ?
(Avec rage.)
Maudites soyez-vous, ô voluptés humaines !
Maudites soient les chaînes
qui me font ramper ici-bas !
Maudit soit tout ce qui nous leurre,
vain espoir qui passe avec l’heure,
rêves d’amour ou de combats !
Maudit soit le bonheur, maudite la science,
la prière et la foi !
Maudite sois-tu, patience !
À moi, Satan ! à moi !
| |
|
|
Scène deuxième |
Faust, Méphistophélès. |
<- Méphistophélès
|
| |
[N. 4 - Duo] | N
|
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
(apparissant)
Me voici !... D’où vient ta surprise ?
Ne suis-je pas mis à ta guise ?
L’épée au côté, la plume au chapeau,
l’escarcelle pleine, un riche manteau
sur l’épaule; ~ en somme
un vrai gentilhomme !
Eh bien ! que me veux-tu, docteur ?
Parle, voyons !... ~ Te fais-je peur ?
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Doutes-tu de ma puissance ?
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Mets-la donc à l’épreuve !...
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Fi ! ~ c’est là ta reconnaissance !
Apprends de moi qu’avec Satan
l’on en doit user d’autre sorte,
et qu’il n’était pas besoin
de l’appeler de si loin
pour le mettre ensuite à la porte !
| |
FAUST |
Et que peux-tu pour moi ?
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Tout. ~ Mais dis-moi d’abord
ce que tu veux: ~ est-ce de l’or ?
| |
FAUST |
Que ferais-je de la richesse ?
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Bon ! Je vois où le bât te blesse !
Tu veux la gloire ?
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
FAUST |
Non ! je veux un trésor
qui les contient tous !... je veux la jeunesse !
| |
| |
|
À moi les plaisirs,
les jeunes maîtresses !
À moi leurs caresses !
À moi leurs désirs !
À moi l’énergie
des instincts puissants,
et la folle orgie
du cœur et des sens !
Ardente jeunesse,
à moi tes désirs !
À moi ton ivresse !
À moi tes plaisirs !
| S
(♦)
(♦)
|
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Fort bien ! je puis contenter ton caprice.
| |
FAUST |
Et que te donnerai-je en retour ?
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Presque rien:
ici, je suis à ton service,
mais là-bas tu seras au mien.
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Là-bas.
(Lui présentant un parchemin.)
Allons, signe. ~ Eh quoi ! ta main tremble,
que faut-il pour te décider ?...
La jeunesse t’appelle: ose la regarder !...
| |
| |
| (Il faut un geste. Le fond du thèâtre s'ouvre et laisse voir Marguerite assise devant son rouet et filant.) | |
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Eh bien ! que t’en semble ?...
| |
FAUST |
(prenant le parchemin)
Donne !...
(Il signe.)
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
Allons donc !
(Prenant la coupe restée sur la table.)
Et maintenant,
maître, c’est moi qui te convie
à vider cette coupe où fume en bouillonnant
non plus la mort, non plus le poison; ~ mais la vie.
| |
FAUST |
(prenant la coupe et se tournant vers Marguerite)
À toi, fantôme adorable et charmant !...
| |
| |
| (Il vide la coupe et se trouve métamorphosé en jeune et élégant seigneur. La vision disparaît.) | |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
FAUST |
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
| |
| |
FAUST |
À moi les plaisirs,
les jeunes maîtresses !
À moi leurs caresses !
À moi leurs désirs !
| |
MÉPHISTOPHÉLÈS |
À toi la jeunesse,
à toi tes désirs,
à toi ton ivresse,
à toi tes plaisirs !
| |
| |
| (Ils sortent. La toile tombe.) | Faust, Méphistophélès ->
|
| |