Acte troisième

 

Scène première

Le théatre change, et represente un desert.
Armide seule.

 Q 

Armide

 

Ah ! si la liberté me doit être ravie,  

est-ce à toi d'être mon vainqueur ?

Trop funeste ennemi du bonheur de ma vie,

faut-il que malgré moi tu regnes dans mon cœur ?

Le desir de ta mort fût ma plus chère envie,

comment as-tu changé ma colere en langueur ?

En vain de mille amans je me voyois suivie,

aucun n'a fléchi ma rigueur.

Se peut-il que Renaud tienne Armide asservie !

Ah ! si la liberté me doit être ravie,

est-ce à toi d'être mon vainqueur ?

Trop funeste ennemi du bonheur de ma vie,

faut-il que malgré moi tu regnes dans mon cœur ?

 

Scène seconde

Armide, Phénice, Sidonie.

<- Phénice, Sidonie

 

PHÉNICE

Que ne peut point vôtre art ? la force en est extrême;  

quel prodige ! quel changement !

Renaud qui fût si fier, vous aime,

on a jamais aimé si tendrement.

SIDONIE

Montrez-vous à ses yeux, soyez témoin vous-même,

du merveilleux effet de vôtre enchantement.

ARMIDE

L'enfer n'a pas encor rempli mon esperance,

il faut qu'un nouveau charme assûre ma vengeance.

SIDONIE

Sur des bords séparéz du sejour des humains,

qui peut arracher de vos mains

un ennemi qui vous adore ?

Vous enchantez Renaud, que craingez-vous encore ?

ARMIDE

Helas ! c'est mon cœur que je crains !

Vôtre amitié dans mon sort s'interesse,

je vous ai fait conduire avec moi dans ces lieux,

au reste des mortels je cache ma foiblesse,

je n'en veux rougir qu'à vos yeux.

De mes plus doux regards Renaud sçût se défendre,

je ne pûs engager ce cœurs fier à se rendre,

il m'échapa malgré mes soins.

Sous le nom du dépit l'amour vint me surprendre

lors que je m'en gardois le moins.

Plus Renaud m'aimera, moins je serai tranquille;

j'ai résolu de le hair:

je n'ai tenté jamais rien de si difficile:

je crains que pour forcer mon cœur à m'obeïr,

tout mon art ne soit inutile.

PHÉNICE

Que vôtre art seroit beau ! qu'il seroit admiré !

S'il sçavoit garantir des troubles de la vie !

Heureux qui peut être assûré

de disposer de son cœur à son gré !

C'est un secret digne d'envie,

mais de tous les secrets c'est le plus ignoré.

SIDONIE

La haine est affreuse et barbare;

l'amour contraint les cœurs dont il s'empare

à souffrir des maux rigoureux:

si vôtre sort est en vôtre puissance,

faites choix de l'indifference

elle assûre un repos plus heureux.

ARMIDE

Non, non, il ne m'est plus possible

de passer de mon trouble en un état paisible,

mon cœur ne se peut plus calmer.

Renaud m'offense trop, il n'est que trop aimable,

c'est pour moi desormais un choix indispensable

de le hair, ou de l'aimer.

PHÉNICE

Vous n'avez pû hair ce heros invincible,

lors qu'il étoit le plus terrible

de tous vos ennemis.

Il vous aime, l'amour l'enchaîne;

garderiez-vous mieux vôtre haine

contre un amant si tendre et si soûmis ?

ARMIDE

Il m'aime ? quel amour ! ma honte s'en augmente.

Dois-je être aimée ainsi ? puis-je en être contente ?

C'est un vain triomphe, un faux bien.

Helas ! que son amour est different du mien !

J'ai recours aux enfers pour allumer sa flâme,

c'est l'effort de mon art qui peut tout sur son ame,

ma foible beauté n'y peut rien.

Par son propre merite il suspend ma vengeance;

sans secours, sans effort, même sans qu'il y pense

il enchaîne mon cœur d'un trop charmant lien.

Helas ! que mon amour est different du sien !

Quelle vengeance ai-je à prétendre

si je le veux aimer toûjours ?

Quoi ceder sans rien entreprendre ?

Non, il faut appeller la Haine à mon secours.

L'horreur de ces lieux solitaires

par mon art va se redoubler.

Détournez vos regards de mes affreux misteres,

et sur tout, empêchez Renaud de me troubler.

Phénice, Sidonie ->

 

Scène troisième

Armide seule.

 

Venez, venez, Haine implacable,  

sortez du gouffre épouvantable

où vous faites régner une éternelle horreur.

Suavez-moi de l'amour, rien n'est si redoutable.

Contre un ennemi trop aimable

rendez-moi mon courroux, rallumez ma fureur.

Venez, venez, Haine implacable,

sortez du gouffre épouvantable

où vous faites régner une éternelle horreur.

 
La Haine sort des enfers accompagnée des Furies, de la Cruauté, de la Vengeance, de la Rage et des Passions qui dependent de la Haine.

<- La Haine, Furies, Cruauté, Vengeance, Rage, Passions

 

Scène quatrième

Armide, la Haine, Suite.

 

LA HAINE

Je réponds à tes vœux, ta vois s'est fait entendre  

jusques dans le fond des enfers.

Pour toi, contre l'amour, je vais tout entreprendre,

et quand on veut bien s'en défendre,

on peut se garantir de ses indignes fers.

LA HAINE, CHŒUR

Plus on connoît l'amour, et plus on le deteste,

détruisons son pouvoir funeste,

rompons ses nœuds, déchirons son bandeau,

brûlons ses traits, éteignons son flambeau.

CHŒUR

Plus on connoît l'amour, et plus on se deteste,

détruisons son pouvoir funeste,

rompons ses nœuds, déchirons son bandeau,

brûlons ses traits, éteignons son flambeau.

 
La Suite de la Haine s'empresse à briser et à brûler les armes dont l'amour se sert.

LA HAINE, CHŒUR

Amour, sors pour jamais, sors d'un cœur qui te chasse,

que la Haine regne en ta place;

tu fais trop souffrir sous ta loi,

non, tout l'enfer n'a rien de si cruel que toi.

 
La Suite de la Haine témoigne qu'elle se prépare avec paisir à triompher de l'Amour.

LA HAINE

(s'approchant d'Armide)

Sors, sors, du sein d'Armide, amour brise ta chaine.

ARMIDE

Arrête, arrête, affreuse Haine,

laisse-moi sous les loix d'un si charmant vainqueur,

laisse-moi, je renonce à ton secours horrible,

non, non, n'achève pas, non, il n'est pas possible

de m'ôter mon amour sans m'arracher le cœur.

LA HAINE

N'implores-tu mon assistance

que pour mépriser ma puissance ?

Suis l'amour, puisque tu le veux,

infortunée Armide,

suis l'amour qui te guide

dans un abîme affreux.

Sur ces bords écartez, c'est en vain que tu cache

le heros dont ton cœur s'est trop laissé toucher:

la gloire à qui tu l'arrache,

doit bien-tôt te l'arracher,

malgré tes soins, au mépris de tes larmes,

tu le verras échaper à tes charmes.

Tu me rappelleras, peut-être, dés ce jour,

et ton attente sera vaine;

je vais te quitter sans retour,

je ne te puis punir d'une plus rude peine

que de t'abandonner pour jamais à l'amour.

 
La Haine et sa Suite s'abîment.
 

Fin (Acte troisième)

Prologue Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Le théatre represente un desert

Armide
 
Armide
<- Phénice, Sidonie

Que ne peut point vôtre art? la force ene est extrême

Armide
Phénice, Sidonie ->

(La Haine sort des enfers accompagnée des Furies, de la Cruauté, de la Vengeance, de la Rage et des Passions qui dependent de la Haine)

Armide
<- La Haine, Furies, Cruauté, Vengeance, Rage, Passions
 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième
Un palais. Une grande Place ornée d'un arc de triomphe. Une campagne, où une riviere forme une isle agreable Le théatre represente un desert Une vapeur s'élève et se répand dans le desert qui a paru au troisième acte. Des antres et des... Le theatre change, et represente le Palais enchanté d'Armide
Prologue Acte premier Acte deuxième Acte quatrième Acte cinquième

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