Acte premier

 

Scène première

Le Théatre represente une grande Place ornée d'un arc de triomphe.
Armide, Phénice, Sidonie.

 Q 

Armide, Phénice, Sidonie

 

PHÉNICE

Dans un jour de triomphe, au milieu des plaisirs,  

qui peut vous inspirer une sombre tristesse ?

La gloire, la grandeur, la beauté la jeunesse,

tous les biens comblent vos desirs.

SIDONIE

Vous allumez une fatale flâme

que vous ne ressentez jamais;

l'amour n'ose troubler la paix

qui regne dans vôtre ame.

PHÉNICE, SIDONIE

Quel sort a plus d'appas ?

Et qui peut être heureux si vous ne l'êtes pas ?

PHÉNICE

Si la guerre aujourd'huy fait craindre ses ravages,

c'est aux bords du Jourdain qu'ils doivent s'arrêter:

nos tranquilles rivages,

n'ont rien à redouter.

SIDONIE

Les enfers, s'il le faut, prendront pour nous les armes,

et vous sçavez leur imposer la loi.

PHÉNICE

Vos yeux n'ont eû besoin que de leurs propres charmes

pour affoiblir le camp de Godrefroi.

SIDONIE

Ses plus vaillans guerriers contre vous sans deffense

sont tombez en vôtre puissance.

ARMIDE

Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous.

Renaud, pour qui ma haine a tant de violence,

l'indomptable Renaud échappe à mon courroux.

Tout le camp ennemi pour moi devint sensible,

et lui seul, toûjours invincible,

fit gloire de me voir d'un œil indifférent.

Il est dans l'âge aimable oû sans efforts on aime...

non, je ne puis manquer, sans un dépit extrême,

la conquête d'un cœur si superbe et si grand.

SIDONIE

Qu'importe qu'un captif manque à vôtre victoire,

on en voit dans vos fers assez d'autres témoins;

et pour un esclave de moins

un triomphe si beau perdra peu de sa gloire.

PHÉNICE

Pourquoi voulez-vous songer

à ce qui peut vous déplaire ?

Il est plus sûr de se venger

par l'oubli que par la colere.

ARMIDE

Les enfers ont prédit cent fois

que contre ce guerrier nos armes seront vaines.

Et qu'il vaincra nos plus grands rois:

ah ! qu'il me seroit doux de l'accabler de chaines,

et d'arrêter le cours de ses exploits !

Que je le hais ! que son mépris m'outrage !

qu'il sera fier d'éviter l'esclavage

où je tiens tant d'autres heros !

Incessamment son importune image

malgré moi trouble mon repos.

 

Un songe affreux m'inspire une fureur nouvelle    

contre ce funeste ennemi;

j'ai crû le voir, j'en ai fremi,

j'ai crû qu'il me frapoit d'une atteinte mortelle.

Je suis tombée aux pieds de ce cruel vainqueur

rien ne fléchissoit sa rigueur;

et par un charme inconcevable,

je me sentois contrainte à le trouver aimable,

dans le fatal moment qu'il me perçoit le cœur.

S

Sfondo schermo () ()

 

SIDONIE

Vous troublez-vous d'une image legere  

que le sommeil produit ?

Le beau jour qui vous luit

doit dissiper cette vaine chimere,

ainsi qu'il a détruit

les ombres de la nuit.

 

Scène seconde

Hidraot et sa Suite, Armide, Phénice, Sidonie.

<- Hidraot, Suite de Hidraot

 

HIDRAOT

Armide, que le sang qui m'unit avec vous  

me rend sensible aux soins que l'on prend pour vous plaire !

Que vôtre triomphe m'est doux !

Que j'aime à voir briller le beau jour qui l'éclaire !

Je n'aurois plus de vœux à faire

si vous choisissiez un époux.

Je vois de prés la mort qui me menace,

et bientôt l'âge qui me glace

va m'accabler sous son pesant fardeau:

c'est le dernier bien où j'aspire

que de voir vôtre himen promettre à cet empire

des rois formez d'un sang si beau;

sans me plaindre du sort je cesserai de vivre,

si ce doux espoir peut me suivre

dans l'affreuse nuit du tombeau.

ARMIDE

La chaine de l'himen m'étonne,

je crains ses plus aimables nœuds.

Ah ! qu'un cœur devient malheureux

quand la liberté l'abandonne !

HIDRAOT

Pour vous, quand il vous plaît, tout l'enfer est armé:

vous êtes plus sçavante en mon art que moi-même:

de grands rois à vos pieds mettent leur diadême,

qui vous voit un moment, est pour jamais charmé.

Pouvez-vous mieux goûter vôtre bonheur extrême

qu'avec un époux qui vous aime,

et qui soit digne d'être aimé ?

ARMIDE

Contre mes ennemis à mon gré je déchaîne

le noir empire des enfers,

l'amour met des rois dans mes fers,

je suis de mille amans maîtresse souveraine;

mais je fais mon plus grand bonheur

d'être maîtresse de mon cœur.

HIDRAOT

Bornez-vous vos desirs à la gloire cruelle

des maux que fait vôtre beauté ?

Ne ferez-vous jamais vôtre felicité

du bonheur d'un amant fidelle ?

ARMIDE

Si je dois m'engager un jour,

au moins vous devez croire

qu'il faudra que ce soit la gloire

qui livre mon cœur à l'amour.

Pour devenir mon maître

ce n'est point assez d'être roi.

Ce sera la valeur qui me fera connoître

celui qui merite ma foi.

Le vainqueur de Renaud, si quelqu'un le peut être,

sera digne de moi.

 

Scène troisième

Hidraot, Armide, Phénice, Sidonie, Troupe de peuples du royaume de Damas.

<- Troupe de peuples

 
Les peuples du royaume de Damas témoignent par des danses et par des chants la joïe qu'ils ont de l'avantage remporté par la beauté de cette princesse sur les chevaliers du camp de Godefroi.
 

HIDRAOT

Armide est encor plus aimable  

qu'elle n'est redoutable.

Que son triomphe est glorieux !

Ses charmes les plus forts sont ceux de ses beaux yeux.

Elle n'a pas besoin d'emprunter l'art terrible

qui sçait quand il lui plaît faire armer les enfers,

sa beauté trouve tout possible,

nos plus fiers ennemis gemissent dans ses fers.

 

HIDRAOT, CHŒUR

Armide est encor plus aimable

qu'elle n'est redoutable.

Que son triomphe est glorieux !

Ses charmes les plus forts sont ceux de ses beaux yeux.

 

PHÉNICE, CHŒUR

Suivons Armide, et chantons sa victoire,  

tout l'univers retentit de sa gloire.

PHÉNICE

Nos ennemis affoiblis et troublez

n'étendront plus le progrés de leurs armes;

ah ! quel bonheur ! nos desirs sont combléz

sans nous coûter ni de sang ni de larmes.

CHŒUR

Suivons Armide, et chantons sa victoire,

tout l'univers retentit de sa gloire.

PHÉNICE

L'ardent amour qui la suit en tous lieux

s'attache aux cœurs qu'elle veut qu'il enflâme;

il est content de régner dans ses yeux,

et n'ose encor passer jusqu'à son ame.

CHŒUR

Suivons Armide, et chantons sa victoire,

tout l'univers retentit de sa gloire.

SIDONIE, CHŒUR

Que la douceur d'un triomphe est extrême,

quand on n'en doit tout l'honneur qu'à soi-même !

SIDONIE

Nous n'avons point fait armer nos soldats,

sans leurs secours Armide est triomphante;

tout son pouvoir est dans ses doux appas,

rien n'est si fort que sa beauté charmante.

 

CHŒUR

Que la douceur d'un triomphe est extrême,    

quand on n'en doit tout l'honneur qu'à soi-même.

S

PHÉNICE

La belle Armide a sçû vaincre aisément

des fiers guerriers plus craints que le tonnerre;

et ses regards ont en moins d'un moment

donné des loix aux vainqueurs de la terre.

CHŒUR

Que la douceur d'un triomphe est extrême,

quand on n'en doit tout l'honneur qu'à soi-même.

 
Le triomphe d'Armide est interrompu par l'arrivée d'Aronte, qui avoit été chargé de la conduite des chevaliers captifs, et qui revient blessé, et tenant à la main un tronçon d'epée.
 

Scène quatrième

Aronte, Hidraot, Armide, Phénice, Sidonie, Troupes de peuples de Damas.

<- Aronte, Chevaliers captifs

 

ARONTE

Ô ciel ! ô disgrace cruelle !  

Je conduisois vos captifs avec soin.

J'ai tout tenté pour vous marquer mon zele;

mon sang qui coule en est témoin.

ARMIDE

Mais où sont mes captifs ?

ARONTE

Un guerrier indomptable

les a délivrez tous.

ARMIDE ET HIDRAOT

Un seul guerrier ! que dites-vous ?

Ciel !

ARONTE

De nos ennemis, c'est le plus redoutable.

Nos plus vaillants soldats sont tombez sous ses coups:

rien ne peut résister à sa valeur extrême.

ARMIDE

O Ciel ! c'est Renaud.

ARONTE

C'est lui-même.

 

ARMIDE, HIDRAOT

Poursuivons jusqu'au trépas  

l'ennemi qui nous offense.

Qu'il n'échape pas

à notre vengeance.

 

CHŒUR

Poursuivons jusqu'au trépas

l'ennemi qui nous offense.

Qu'il n'échape pas

à notre vengeance.

 

Fin (Acte premier)

Prologue Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Une grande Place ornée d'un arc de triomphe.

Armide, Phénice, Sidonie
 

Dans un jour de triomphe, au milieu des plaisirs

Vous troublez-vous d'une image légère

Armide, Phénice, Sidonie
<- Hidraot, Suite de Hidraot

Armide, que le sang qui m'unit avec vous

Armide, Phénice, Sidonie, Hidraot, Suite de Hidraot
<- Troupe de peuples

(Les peuples du royaume de Damas témoignent par des danses et par des chants la joïe.)

Suivons Armide, et chantons sa victoire

Armide, Phénice, Sidonie, Hidraot, Suite de Hidraot, Troupe de peuples
<- Aronte, Chevaliers captifs

Ô ciel! ô disgrace cruelle!

Armide, Hidraot, Chœur
Poursuivons jusqu'au trépas
 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième
Un palais. Une grande Place ornée d'un arc de triomphe. Une campagne, où une riviere forme une isle agreable Le théatre represente un desert Une vapeur s'élève et se répand dans le desert qui a paru au troisième acte. Des antres et des... Le theatre change, et represente le Palais enchanté d'Armide
Prologue Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

• • •

Texte PDF Réduit