Quatrième partie

 

Scène quinzième

Chambre de Marguerite.
Marguerite, seul.

 Q 

Marguerite

 
[Romance]

 N 

 

I  

D’amour l’ardente flamme

consume mes beaux jours.

Ah ! la paix de mon âme

a donc fui pour toujours !

II

Son départ, son absence

sont pour moi le cercueil,

et loin de sa présence

tout me paraît en deuil.

III

Alors ma pauvre tête

se dérange bientôt,

mon faible cœur s’arrête,

puis se glace aussitôt.

IV

Sa marche que j’admire,

son port si gracieux,

sa bouche au doux sourire,

le charme de ses yeux,

V

sa voix enchanteresse,

dont il sait m’embraser,

de sa main la caresse,

hélas ! et son baiser,

VI

d’une amoureuse flamme,

consument mes beaux jours.

Ah ! le paix de mon âme

a donc fui pour toujours !

VII

Je suis à ma fenêtre,

ou dehors, tout le jour:

c’est pour le voir paraître,

ou hâter son retour.

VIII

Mon cœur bat et se presse

dès qu’il le sent venir;

au gré de ma tendresse

puis-je le retenir !

IX

Ô caresses de flamme !

Que je voudrais un jour

voir s’exhaler mon âme

dans ses baisers d’amour !

 
(Tambours et trompettes sonnant la retraite. Chœur de soldats et d’étudiants qui se font entendre dans le lointain.)
 

CHŒUR

Villes entourées  

de murs et remparts,

fillettes parées,

aux malins regards,

victoire certaine

près de vous m’attend !

Si grande est la peine,

le prix est plus grand.

 

MARGUERITE

Bientôt la ville entière au repos va se rendre;  

clairons, tambours du soir déjà se font entendre

avec des chants joyeux,

comme au soir où l’amour offrit Faust à mes yeux.

 

CHŒUR

Jam nox stellata velamina pandit.  

Per urbem quaerentes puellas eamus.

MARGUERITE

Il ne vient pas !

Hélas !

 
 
 

Scène seizième

Forêts, cavernes.
Faust seul.

 Q 

Faust

 
[Invocation à la nature]

 N 

 

Nature immense, impénétrable et fière,    

toi seule donnes trêve à mon ennui sans fin.

Sur ton sein tout-puissant je sens moins ma misère,

je retrouve ma force, et je crois vivre enfin.

Oui, soufflez, ouragans ! Criez, forêts profondes !

Croulez, rochers ! Torrents, précipitez vos ondes !

À vos bruits souverains ma voix aime à s’unir.

Forêts, rochers, torrents, je vous adore ! Mondes

qui scintillez, vers vous s’élance le désir

d’un cœur trop vaste et d’une âme altérée

d’un bonheur qui la fuit.

S

Sfondo schermo () ()

 

Scène dix-septième

Méphistophélès.

<- Méphistophélès

 

MÉPHISTOPHÉLÈS

(gravissant les rochers)  

À la voûte azurée

aperçois-tu, dis-moi, l’astre d’amour constant ?

Son influence, ami, serait fort nécessaire,

car tu rêves ici, quand cette pauvre enfant,

Marguerite...

FAUST

Tais-toi !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Sans doute il faut me taire,

tu n’aimes plus ! Pourtant en un cachot traînée,

et pour un parricide à la mort condamnée...

FAUST

Quoi !

 
(J’entends des chasseurs qui parcourent les bois.)
 

FAUST

Achève, qu’as-tu dit ? Marguerite en prison ?...

MÉPHISTOPHÉLÈS

Certaine liqueur brune, un innocent poison,

qu’elle tenait de toi, pour endormir sa mère

pendants vos nocturnes amours,

a causé tout le mal. Caressant sa chimère,

t’attendant chaque soir, elle en usait toujours.

Elle en a tant usé que la vieille en est morte.

Tu comprends maintenant.

FAUST

Feux et tonnerre !

MÉPHISTOPHÉLÈS

En sorte

que son amour pour toi la conduit...

FAUST

Sauve-la,

sauve-la, misérable !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Ah ! je suis le coupable !

On vous reconnaît là,

ridicules humains ! N’importe !

Je suis le maître encor de t’ouvrir cette porte;

mais qu’as-tu fais pour moi

depuis que je te sers ?

FAUST

Qu’exiges-tu ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

De toi ?

Rien qu’une signature

sur ce vieux parchemin.

Je sauve Marguerite à l’instant, si tu jures

et signes ton serment de me servir demain.

FAUST

Eh ! que me fait demain quand je souffre à cette heure ?

Donne !

(Il signe.)

Voilà mon nom ! Vers sa sombre demeure

volons donc maintenant ! Ô douleur insensée !

Marguerite, j’accours !

MÉPHISTOPHÉLÈS

À moi, Vortex ! Giaour !

Sur ces deux noirs chevaux, prompts comme la pensée,

montons et au galop ! La justice est pressée.

 
(Ils partent.)

Faust, Méphistophélès ->

 
 

Scène dix-huitième

Plaines, montagnes et vallées.
Faust, Méphistophélès galopant sur deux chevaux noirs, Paysans.

 Q 

Faust, Méphistophélès, Paysans

 
[La course à l’abîme]

 N 

 

FAUST

Dans mon cœur retentit sa voix désespérée...    

Ô pauvre abandonnée !

S

CHŒUR DES PAYSANS

(agenouillés devant une croix champêtre)

Sancta Maria, ora pro nobis.

Sancta Magdalena, ora pro nobis.

FAUST

Prends garde à ces enfants, à ces femmes priant

au pied de cette croix.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Eh ! qu’importe ! en avant !

CHŒUR

Sancta Margarita, ora pro... ~ Ah ! ! !

 
(Cris d'effroi. Le chœur se disperse en tumulte. Les cavaliers passent.)
 

FAUST

Dieux ! un monstre hideux en hurlant nous poursuit !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Tu rêves !

FAUST

Quel essaim de grands oiseaux de nuit !

Quels cris affreux !... ils me frappent de l’aile !

MÉPHISTOPHÉLÈS

(retenant son cheval)

Le glas des trépassés sonne déjà pour elle.

As-tu peur ? retournons !

(Ils s’arrêtent.)
 

FAUST

Non, je l’entends, courons !

 
(Les chevaux redoublent de vitesse.)
 

MÉPHISTOPHÉLÈS

(excitant son cheval)

Hopp ! hopp ! hopp !

FAUST

Regarde, autour de nous, cette ligne infinie

de squelettes dansant !

Avec quel rire horrible ils saluent !

MÉPHISTOPHÉLÈS

(animant les chevaux)

Hop ! hop !... pense à sauver sa vie !

Hop !... et ris-toi des morts !

FAUST

(de plus en plus épouvanté, et haletant)

Nos chevaux frémissent,

leurs crins se hérissent,

ils brisent leurs mors !

Je vois onduler

devant nous la terre;

j’entends le tonnerre

sous nos pieds rouler !

Il pleut du sang ! ! !

MÉPHISTOPHÉLÈS
(d’une voix tonnante)

Cohortes infernales !

Sonnez vos trompes triomphales !

Il est à nous !

FAUST

Horreur !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Je suis vainqueur !

 
(Ils tombent dans un gouffre.)
 
 

Scène dix-neuvième et dernière

L'enfer.
Faust est livré aux flammes.

 Q 

Méphistophélès, Faust, Démons, Damnés, Princes des ténèbres

 
[Pandæmonium - Chœur en langue inconnu]

 N 

Cette langue est celle que Swedenborg appelait la langue infernale, et qu'il croyait en usage parmi les démons et les damnés.
 

CHŒUR DE DÉMONS ET DAMNÉS

Has ! Irimiru Karabrao !  

LES PRINCES DES TÉNÈBRES
(à Méphistophélès)

De cette âme si fière

à jamais es-tu maître et vainqueur, Méphisto ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

J’en suis maître à jamais.

LES PRINCES DES TÉNÈBRES

Faust a donc librement

signé l’acte fatal qui le livre à la flamme ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Il signa librement.

 
(Orgie infernale. Triomphe de Méphistophélès.)
 

CHŒUR

Tradioun marexil fir trudinxé burrudixé !

Fory my dinkorlitz Hor meak omévixe !

Uraraiké !

Muraraiké !

Diff ! Diff ! merondor mit aysko !

Has ! Has ! Satan, Belphégor, Méphisto.

Has ! Has ! Kroïx, Astaroth, Belzébuth.

Sat, satrayk irkimour.

Has ! Has ! Méphisto !

Has ! Has ! Has ! Has !

Irimiru Karabrao !

 

Fin (Quatrième partie)

Première partie Deuxième partie Troisième partie Quatrième partie Épilogue

Chambre de Marguerite.

Marguerite
 

[Romance]

Forêts, cavernes.

Faust
 

[Invocation à la nature]

Faust
<- Méphistophélès

À la voûte azurée

Faust, Méphistophélès ->

Plaines, montagnes et vallées.

Faust, Méphistophélès, Paysans
 

[La course à l’abîme]

Faust, Paysans, Méphistophélès
Dans mon cœur retentit sa voix désespérée...

(Faust et Méphistophélès tombent dans un gouffre)

L'enfer.

Méphistophélès, Faust, Démons, Damnés, Princes des ténèbres
 

[Pandæmonium - Chœur en langue inconnu]

Chœur, Princes des ténèbres, Méphistophélès
Has ! Irimiru Karabrao !
 
Scène quinzième Scène seizième Scène dix-septième Scène dix-huitième Scène dix-neuvième et dernière
Plaine de Hongrie. Une autre partie de la plaine. Nord de l’Allemagne, cabinet de travail de Faust. La cave d’Auerbach à Leipzig. Bosquets et prairies du bord de l’Elbe. La chambre de Marguerite. Une place devant la maison de Marguerite. Chambre de Marguerite. Chambre de Marguerite. Forêts, cavernes. Plaines, montagnes et vallées. L'enfer. Terre et ciel.
[Ronde en chœur] [Marche hongroise] [Hymne de la Fête de Pâques] [Chanson de Brander] [Fugue sur le thème de la chanson de Brander] [Chanson de Méphistophélès] Air de Méphistophélès Songe de Faust Ballet des sylphes [Final] [Le roi de Thulé – Chanson gothique] [Évocation] [Ballet] [Sérénade de Méphistophélès avec Chœur de follets] [Romance] [Invocation à la nature] [La course à l’abîme] [Pandæmonium - Chœur en langue inconnu] [Apothéose de Marguerite]
Première partie Deuxième partie Troisième partie Épilogue

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