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Scène neuvième |
Des tambours et des trompettes sonnant au loin la retraite. Faust, le soir, dans la chambre de Marguerite |
Q
Faust
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FAUST |
Merci, doux crépuscule ! Oh ! sois le bienvenu !
Éclaire enfin ces lieux, sanctuaire inconnu,
où je sens à mon front glisser comme un beau rêve,
comme le frais baiser d’un matin qui se lève.
C’est de l’amour, j’espère... Oh ! comme on sent ici
s’envoler le souci !
Que j’aime ce silence, et comme je respire
un air pur !... Ô seigneur,
après ce long martyre,
que de bonheur !
Ô jeune fille ! ô ma charmante !
Ô ma trop idéale amante !
Quel sentiment j’éprouve en ce moment fatal !
Que j’aime à contempler ton chevet virginal !
Quel air pur je respire !
Seigneur ! Seigneur !
Après ce long martyre,
que de bonheur !
| S
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| (Faust, marchant lentement, examine avec une curiosité passionnée l’intérieur de la chambre de Marguerite.) | |
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Scène dixième |
Méphistophélès, Faust. |
<- Méphistophélès
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MÉPHISTOPHÉLÈS (accourant) |
Le voici, je l’entends ! Sous ces rideaux de soie
cache-toi.
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FAUST |
Dieu ! mon cœur se brise dans la joie !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Profite des instants. Adieu, modère-toi,
ou tu la perds.
(Il cache Faust sous les rideaux.)
Bien. Mes follets et moi
nous allons vous chanter un bel épithalame.
(Il sort.)
| Méphistophélès ->
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FAUST |
Oh ! calme-toi, mon âme !
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Scène onzième |
Marguerite, Faust. |
<- Marguerite
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MARGUERITE |
(entrant, une lampe à la main)
Que l’air est étouffant !
J’ai peur comme une enfant;
c’est mon rêve d’hier qui m’a toute troublée...
En songe je l’ai vu... lui... mon futur amant.
Qu’il était beau ! Dieu ! j’étais tant aimée !
Et combien je l’aimais !
Nous verrons-nous jamais
dans cette vie ?...
Folie !...
(Elle chante en tressant ses cheveux.)
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[Le roi de Thulé – Chanson gothique] | N
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Premier couplet
Autrefois un roi de Thulé,
qui jusqu’au tombeau fut fidèle,
reçut, à la mort de sa belle,
une coupe d’or ciselé.
Comme elle ne le quittait guère,
dans les festins les plus joyeux,
toujours une larme légère
à sa vue humectait ses yeux.
Deuxième couplet
Ce prince, à la fin de sa vie,
lègue ses villes et son or,
excepté la coupe chérie
qu’à la main il conserve encor.
Il fait, à sa table royale,
asseoir ses barons et ses pairs,
au milieu de l’antique salle
d’un château que baignaient les mers.
Troisième couplet
Le buveur se lève et s’avance
auprès d’un vieux balcon doré;
il boit, et soudain sa main lance
dans les flots le vase sacré.
Le vase tombe; l’eau bouillonne,
puis se calme aussitôt après.
Le vieillard pâlit et frissonne:
il ne boira plus désormais.
Autrefois un roi de Thulé...
Jusqu’au tombeau... fut fidèle...
(Profond soupir.)
Ah !...
| (♦)
(♦)
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Scène douzième |
Une place devant la maison de Marguerite. Méphistophélès, Follets. |
Q
Méphistophélès, Follets
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[Évocation] | N
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Esprits des flammes inconstantes,
accourez ! j’ai besoin de vous.
Follets capricieux, vos lueurs malfaisantes
vont charmer une enfant et l’amener à nous.
Au nom du diable, en danse !
Et vous, marquez bien la cadence,
ménétriers d’enfer, ou je vous éteins tous.
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| (Les follets exécutent des évolutions et des danses bizarres autour de la maison de Marguerite.) | |
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[Ballet] | N
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(faisant le geste d’un homme qui joue de la vielle)
Maintenant,
chantons à cette belle une chanson morale,
pour la perdre plus sûrement.
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[Sérénade de Méphistophélès avec Chœur de follets] | N
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Devant la maison
de celui qui t’adore,
petite Louison,
que fais-tu dès l’aurore ?
Au signal du plaisir,
dans la chambre du drille,
tu peux bien entrer fille,
mais non fille en sortir.
Il te tend les bras:
près de lui tu cours vite.
Bonne nuit, hélas !
Bonne nuit, ma petite.
Près du moment fatal
fais grande résistance,
s’il ne t’offre d’avance
un anneau conjugal.
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CHŒUR |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Chut ! chut ! disparaissez !... silence !...
(Les follets s'abiment.)
Allons voir roucouler nos tourtereaux.
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| Follets ->
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Scène treizième |
Chambre de Marguerite. Faust, Marguerite. |
Q
Marguerite, Faust
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MARGUERITE |
(apercevant Faust)
Grands dieux !
Que vois-je ! est-ce bien lui ? dois-je en croire mes yeux ?...
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FAUST |
Ange adoré dont la céleste image
avant de te connaître illuminait mon cœur,
enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage
qui te cachait encor mon amour est vainqueur.
Marguerite, je t’aime !
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MARGUERITE |
Tu sais mon nom ? Moi-même
j’ai souvent dit le tien:
Faust !...
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FAUST |
Ce nom est le mien;
un autre le sera, s’il te plaît davantage.
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MARGUERITE |
En songe je t’ai vu tel que je te revois.
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FAUST |
En songe !... tu m’as vu !...
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MARGUERITE |
Je reconnais ta voix,
tes traits, ton doux langage...
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FAUST |
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MARGUERITE |
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FAUST |
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MARGUERITE |
Ma tendresse inspirée
était d’avance à toi.
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FAUST |
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MARGUERITE
Mon bien-aimé, ta noble et douce image
avant de te connaître illuminait mon cœur,
enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage
qui te cachait encor mon amour est vainqueur.
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Ensemble
FAUST
Ange adoré dont la céleste image
avant de te connaître illuminait mon cœur,
enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage
qui te cachait encor mon amour est vainqueur.
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FAUST
(avec élan)
Marguerite ! ô tendresse !
Cède à l’ardente ivresse
qui vers toi m’a conduit.
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Ensemble
MARGUERITE
Je ne sais quelle ivresse,
brûlante enchanteresse,
dans ses bras me conduit.
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MARGUERITE |
Quelle langueur s’empare de mon être !...
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FAUST |
Au vrai bonheur dans mes bras tu vas naître.
Viens...
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MARGUERITE |
Dans mes yeux des pleurs...
Tout s’efface... Je meurs...
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Scène quatorzième |
Faust, Marguerite, Méphistophélès. |
<- Méphistophélès
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
(entrant brusquement)
Allons, il est trop tard !
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MARGUERITE |
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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MARGUERITE |
Son regard
me déchire le cœur.
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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FAUST |
Qui t’a permis d’entrer ?
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Il faut sauver cet ange !
Déjà tous les voisins, éveillés par nos chants,
accourent, désignant la maison aux passants;
en raillant Marguerite, ils appellent sa mère.
La vieille va venir...
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Vous vous verrez demain; la consolation
est bien près de la peine.
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MARGUERITE |
Oui, demain, bien-aimé ! Dans la chambre prochaîne
déjà j’entends du bruit.
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FAUST |
Adieu donc, belle nuit
à peine commencée ! Adieu, festin d’amour
que je m’étais promis !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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FAUST |
Te reverrai-je encor, heure trop fugitive,
où mon âme au bonheur allait enfin s’ouvrir !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
La foule arrive:
hâtons nous de partir !
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CHŒUR DE VOISINS ET VOISINES (dans la rue)
Holà ! mère Oppenheim, vois ce que fait ta fille !
L'avis n'est pas hors de saison:
un galant est dans ta maison,
et tu verras dans peu s'accroître ta famille.
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MARGUERITE |
Ciel ! entends-tu ces cris ? Devant dieu, je suis morte
si l’on te trouve ici !
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
Viens ! on frappe à la porte !
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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MARGUERITE |
Adieu, adieu, par le jardin
vous pouvez échapper.
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FAUST |
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MÉPHISTOPHÉLÈS |
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FAUST
Je connais donc enfin tout le prix de la vie,
le bonheur m’apparaît, il m’appelle et je vais le saisir.
L’amour s’est emparé de mon âme ravie,
il comblera bientôt mon dévorant désir.
MÉPHISTOPHÉLÈS
Je puis donc à mon gré te traîner dans la vie,
fier esprit ! Sans combler ton dévorant désir,
l’amour en t’enivrant doublera ta folie,
et le moment approche où je vais te saisir.
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Ensemble
MARGUERITE
Ô mon Faust bien-aimé, je te donne ma vie !
Pourrai-je te charmer au gré de mon désir ?...
L'amour s'est emparé de mon âme ravie.
Il m'entraîne vers toi: te perdre, c'est mourir.
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CHŒUR (au dehors)
Holà ! mère Oppenheim, vois ce que fait ta fille
etc.
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