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Scène première |
Le thèâtre représente l'intérieur du temple de Diane. La statue de la déesse, élevée sur une estrade, est au milieu, en avant; sur un des côtés on voi l'autel des sacrifices. Iphigénie, seule, aux pieds de la statue. |
Q
Iphigénie
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Non, cet affreux devoir je ne puis le remplir.
En faveur de ce Grec un dieu parle sans doute.
Au sacrifice affreux que mon âme redoute,
non, je ne pourrais consentir !
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Je t'implore et je tremble, ô déesse implacable !
Dans le fond de mon cœur mets la férocité:
etouffe de l'humanité
la voix plaintive et lamentable.
Hélas ! et quelle est donc la rigueur de mon sort:
d'un sanglant ministère,
victime involontaire,
j'obéis, et mon cœur est en proie au remords.
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Scène deuxième |
Iphigénie, Les Prêtresses, Oreste. |
<- Les prêtresses, Oreste
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Ô Diane, sois-nous propice !
La victime est parée, et l'on va l'immoler !
Puisse le sang qui va couler,
puissent nos pleurs apaiser ta justice !
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IPHIGÉNIE |
La force m'abandonne; ô moment douloureux !
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ORESTE |
Voilà le terme heureux de mes longues souffrances;
puisse-t-il l'être aussi, grands dieux, de vos vengeances !
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IPHIGÉNIE |
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ORESTE |
(à Iphigénie)
Séchez les pleurs qui coulent de vos yeux;
ne plaignez pas mon sort, la mort fait mon envie:
frappez !
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IPHIGÉNIE |
Ah ! cachez-moi cette horrible vertu.
Les dieux protégeaient votre vie;
mais vous allez mourir, et vous l'avez voulu.
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ORESTE |
Ces dieux m'en avaient fait un devoir nécessaire.
En voulant prolonger mon sort
vous commettiez un crime involontaire.
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IPHIGÉNIE |
Un crime ? ah ! c'en est un de vous donner la mort !
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ORESTE |
Que ces regrets touchants pour mon cœur ont de charmes
qu'ils adoucissent mes tourments !
Depuis l'instant fatal... hélas ! depuis longtemps,
personne à mes malheurs n'avait donné des larmes.
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IPHIGÉNIE |
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| (Les Prêtresses environnent Oreste et le conduisent dans le sanctuaire où elles l'ornent de bandelettes et de guirlandes.) | |
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Chaste fille de Latone,
prête l'oreille à nos chants:
que nous vœux, que notre encens
s'élèvent jusqu'à ton trône.
Dans les cieux et sur la terre
tout est soumis à ta loi.
Tout ce que l'Erèbe enserre,
a ton nom pâlit d'effroi !
En tous temps on te consulte,
dans la paix, dans les combats;
et l'on t'offre le seul culte
révéré dans ces climats.
Chaste fille de Latone
prête l'oreille à nos chants:
que nous vœux, que notre encens
s'élèvent jusqu'à ton trône.
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| (Lorsqu'Oreste est paré de guirlandes, on le conduit derrière l'autel; on brûle des parfums autour de lui, on le purifie en faisant des libations sur sa tête.) | |
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IPHIGÉNIE |
Quel moment ! dieux puissants, secourez-moi !
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QUATRE PRÊTRESSES |
(guidant Iphigénie vers l'autel; à Iphigénie)
Approchez, souveraine prêtresse,
remplissez votre auguste emploi !
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IPHIGÉNIE |
(marchant péniblement vers l'autel)
Barbares, arrêtez, respectez ma faiblesse.
(Une prêtresse lui présente le couteau sacré.)
Dieux ! tout mon sang se glace dans mon cœur
je tremble, et mon bras, plus timide...
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LES PRÊTRESSES |
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ORESTE |
Ainsi tu fus jadis immolée en Aulide,
Iphigénie, ô ma sœur !
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IPHIGÉNIE |
Mon frère !... Oreste !...
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LES PRÊTRESSES |
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ORESTE |
Qu'entend-je ? Se peut-il ?
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IPHIGÉNIE |
Oui, c'est lui, c'est mon frère.
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ORESTE |
Ma sœur ! Iphigénie ! est-ce elle que je vois ?
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IPHIGÉNIE |
Oui, c'est elle qu'aux fureurs d'un père,
qu'à la rage des Grecs, Diane a su soustraire
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LES PRÊTRESSES |
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IPHIGÉNIE |
(se jetant dans les bras d'Oreste)
Ô mon frère !
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ORESTE |
Ô ma sœur !
Oui c'est vous, oui, tout mon cœur me l'atteste.
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IPHIGÉNIE |
Ô mon frère ! ô mon cher Oreste !
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ORESTE |
Quoi, vous pouvez m'aimer ? Vous n'avez point horreur...
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IPHIGÉNIE |
Ah ! laissons-là ce souvenir funeste,
laissez-moi ressentir l'excès de mon bonheur:
sans te connaître encore je t'avais dans mon cœur,
au ciel, à l'univers, je demandais mon frère...
le voilà, je le tiens ! il est entre mes bras !...
Mais que vois-je ?
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Scène troisième |
Les précédents, une Femme grecque. |
<- Une femme grecque
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UNE FEMME GRECQUE
Tremblez ! tremblez ! on sait tout le mystère.
Le tyran porte ici ses pas.
Il sait qu'un des captifs destinés au supplice,
sauvé par vous, fuyait loin de ces lieux:
le tyran, furieux,
vient de l'autre à l'instant presser le sacrifice !
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LES PRÊTRESSES |
Grands dieux ! secourez-nous.
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IPHIGÉNIE |
Il ne se fera pas,
ce sacrifice abominable, impie...
Vous, sauvez votre roi des fureurs de Thoas;
il est du sang des dieux, ils défendront sa vie !
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Scène quatrième |
Les précédents, Thoas, Les Gardes, Suite. |
<- Thoas, Les gardes, Suite
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THOAS |
(à Iphigénie)
De tes forfaits la trame est découverte:
tu trahissais les deieux et conjurais ma perte.
Il est temps de punir ta noire perfidie,
il est temps que le ciel soit enfin satisfait.
Immole ce captif: que tout son sang expie
et ton audace et ton forfait !
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IPHIGÉNIE |
Qu'oses-tu proposer, barbare ?
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THOAS |
Ensemble
LES PRÊTRESSES
Sauvez-nous, justes cieux.
Éloignez les horreurs que ce moment prépare !
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THOAS |
(aux prêtresses)
Le ciel parle, il suffit.
(aux gardes)
Gardes, secondez-mois !
qu'on la saisisse !
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IPHIGÉNIE |
Ô ciel ! qu'oses-tu faire ?
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THOAS |
(aux gardes)
Qu'on le traîne à l'autel !
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IPHIGÉNIE |
(se precipitant au devant des gardes)
Cruel, il est mon frère !
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THOAS |
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ORESTE |
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IPHIGÉNIE |
C'est mon frère et mon roi,
le fils d'Agamemnon.
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THOAS |
Frappez ! quel qu'il puisse être !
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IPHIGÉNIE |
(aux gardes)
N'approchez pas !
(aux prêtresses)
Et vous, défendez votre maître !
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| Les prêtresses forment un demi-cercle et placent Oreste entre elles et le sanctuaire. | |
THOAS |
(aux gardes)
Lâches, vous reculez d'effroi !...
J'immolerai moi-même, aux yeux de la déesse,
et la victime et la prêtresse.
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ORESTE |
L'immoler ? qui, ma sœur ?
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On entend un grand bruit derrière le thèâtre. | |
THOAS |
Oui, je dois la punir.
Et tout son sang...
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Scène cinquième |
Les précédents, Pylade, troupe de Grecs. |
<- Pylade, Grecs
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PYLADE |
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LES GARDES DU ROI |
Vengeons le sang de notre roi,
frappons !
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IPHIGÉNIE
Grands dieux ! sauvez mon frère !
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Ensemble
LES PRÊTRESSES
Grands dieux ! sauvez son frère !
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| (les Grecs chargent les Scytes) | |
PYLADE |
(aux Grecs)
Courage, mes amis, et suivez-moi !
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ORESTE |
Pylade ! ô mon dieu tutélaire !
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PYLADE |
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IPHIGÉNIE
Grands dieux, secourez-nous !
Grands dieux, sauvez mon frére !
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Ensemble
LES PRÊTRESSES
Grands dieux, secourez-nous !
Grands dieux, sauvez son frére !
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CHŒUR DES GRECS
De ce peuple odieux
exterminons jusqu'au moindre reste;
servons la vengeance céleste,
et purifions ces lieux,
au nom de Pylade et d'Oreste.
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Scène sixième |
Les précédents, Diane (descendant dans un nuage, au milieu des combattants. Les Scythes et les Grecs tombent à genoux à la voix de la déesse. Iphigénie et les prêtresses lèvent les mains vers elle). |
<- Diane
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DIANE |
Arrêtez ! écoutez mes décrets éternels...
Scythes, aux mains des Grecs remettez mes images:
vous avez trop longtemps, dans ces climats sauvages,
déshonoré mes lois et mes autels.
(à Oreste)
Je prends soin de ta destinée, Oreste !
Tes remords effacent tes forfaits;
Mycène attend son roi; vas-y reigner en paix
et rends Iphigénie à la Grèce étonnée.
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| (Diane remonte au ciel.) | Diane ->
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Scène septième |
Iphigénie, Oreste, Pylade, Les Prêtresses, Thoas, Scythes, Grecs. |
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PYLADE |
Ta sœur ! qu'ai-je entendu ?
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ORESTE |
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Dans cet objet touchant à qui je dois la vie,
et qu'un penchant si doux rendait cher à mon cœur,
connais ma sœur Iphigénie !
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CHŒUR
Les dieux, longtemps en courroux,
ont accompli leurs oracle !
Ne redoutons plus d'obstacles,
un jour plus pur luit sur nous.
Une paix douce et profonde
réigne sur le sein de l'onde;
la mer, la terre et les cieux,
tout favorise nos vœux.
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