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Le Pré-aux-Clercs, qui s'étend jusqu'aux bords de la Seine. - Au fond, et de l'autre côté de la rivière, les principaux édifices de Paris. À gauche, sur le premier plan, un cabaret où sont assis des étudiants et des jeunes filles. À droite, un cabaret devant lequel des soldats huguenots boivent ou jouent aux dés. Sur le second plan, à gauche, l'entrée d'une chapelle. Au milieu, un arbre immense qui ombrage la prairie. - Il est six heures du soir, au mois d'août. | Q
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[N. 13 - Entr'acte et Chœur] | N
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Scène première |
Des Clercs de la basoche et des Grisettes sont assis sur des chaises, et causent entre eux. D'autres se promènent ou forment différents groupes. - Ouvriers, Marchands, Musiciens ambulants, Marionnettes, Moines, Bourgeois et Bourgeoises, Soldats huguenots, Bois-Rosé, puis Marcel, De Nevers, Saint-Bris, Maurevert. |
Clercs de la basoche, Grisettes, Ouvriers, Marchands, Musiciens ambulants, Marionnettes, Moines, Bourgeois, Bourgeoises, Soldats huguenots, Bois-Rosé
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LE CHŒUR
C'est le jour du dimanche,
c'est le jour du repos;
dans une gaîté franche
oublions nos travaux.
Sur les bords de la Seine
et dans ces prés fleuris
le plaisir nous amène,
habitants de Paris.
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PLUSIEURS CLERCS |
(à de jeunes ouvrières)
Qu'aujourd'hui l'amour nous rapproche:
venez danser, belle aux doux yeux.
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LES JEUNES FILLES |
Oh ! non, les clercs de la basoche
sont, nous dit-on, trop dangereux.
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LE CHŒUR
C'est le jour du dimanche,
c'est le jour du repos;
dans une gaîté franche
oublions nos travaux.
Sur les bords de la Seine
et dans ces prés fleuris
le plaisir nous amène,
habitants de Paris.
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[N. 14 - Couplets, Litanie et morceau d'ensemble] | N
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N. 14.a - Couplets des soldats huguenots | |
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BOIS-ROSÉ
Premier couplet.
Prenant son sabre de batailles,
qui renverse forts et murailles,
il a dit: Soldats de la foi,
suivez-moi !
Je suis votre vieux capitaine,
à la victoire je vous mène,
ou je vous mène en paradis,
mes amis !
Vive la guerre !
Buvons, ami,
à notre père,
à Coligny !
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CHŒUR DE SOLDATS HUGUENOTS |
Vive la guerre !
Buvons, ami,
à notre père,
à Coligny !
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BOIS-ROSÉ
Deuxième couplet.
En avant, braves calvinistes !
À nous les filles des papistes,
à nous richesses et butin
et bon vin !
Ici tout appartient au brave;
et ces vins qu'ils gardaient en cave
pour l'autel et pour les banquets,
buvons-les !
Vive la guerre !
Buvons, ami,
À notre père,
à Coligny !
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CHŒUR DE SOLDATS HUGUENOTS |
Vive la guerre !
Buvons, ami,
À notre père,
à Coligny !
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Dans ce moment paraît un cortége de mariage; Saint-Bris et de Nevers donnent la main à Valentine qui, couverte d'un voile et suivie de jeunes filles, de dames et de seigneurs de lu cour et des gens de sa maison, se dirige vers la chapelle à gauche. | <- Saint-Bris, De Nevers, Valentine, Jeunes filles catholiques, Dames, Seigneurs, Gens de la maison
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N. 14.b - Litanies | |
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CHŒUR DE JEUNES FILLES CATHOLIQUES
(qui s'agenouillent pendant que le cortége entre dans la chapelle)
Vierge Marie,
soyez bénie !
Votre voix prie
pour les pécheurs.
Reine de grâce,
par vous s'efface
jusqu'à la trace
de nos douleurs !
Vierge Marie,
soyez bénie !
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| (Marcel entre par la gauche, tenant une lettre à la main.) | <- Marcel
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N. 14.c - Morceau d'ensemble | |
MARCEL |
(cherchant Saint-Bris au milieu du cortége)
Le seigneur de Saint-Bris ?...
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DES GENS DU PEUPLE |
(à Marcel qui a son chapeau sur la tête)
Vois ce pieux cortége;
incline ton front.
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MARCEL |
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LES GENS DU PEUPLE |
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MARCEL |
Et pourquoi le ferais-je ?
(montrant le cortége)
Dieu n'est pas là, je pense.
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TOUS LES GENS DU PEUPLE |
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BOIS-ROSÉ, LES SOLDATS HUGUENOTS |
(se levant)
Il a raison !
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CHŒUR DE JEUNES FILLES CATHOLIQUES
Vierge Marie,
soyez bénie !
Votre voix prie
pour les pécheurs.
Reine de grâce,
par vous s'efface
jusqu'à la trace
de nos douleurs !
Vierge Marie,
soyez bénie !
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| (Elles entrent dans la chapelle.) | Saint-Bris, De Nevers, Valentine, Jeunes filles catholiques, Dames, Seigneurs, Gens de la maison ->
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BOIS-ROSÉ, LES SOLDATS HUGUENOTS
En avant, braves calvinistes !
À nous les filles des papistes,
à nous richesses et bon vin
et butin !
Ici tout appartient au brave;
et ces vins qu'ils gardaient en cave,
pour l'autel et pour les banquets,
buvons-les !
Vive la guerre !
Buvons, ami,
À notre père,
à Coligny !
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CHŒUR DU PEUPLE |
(regardant les huguenots avec indignation)
Ah ! les profanes, les impies,
dont les âmes sont endurcies !
Profanes ! impies !
Qu'on devrait brûler en plein air,
en attendant les feux d'enfer.
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| (L'indignation des gens du peuple s'est augmentée. Ils regardent en les menaçant les soldats calvinistes qui boivent et qui rient de leur colère. En ce moment une ritournelle joyeuse se fait entendre; on voit paraître des bohémiens autour desquels chacun s'empresse. Plusieurs bohémiens portent des instruments de musique, et sur leurs premiers accords les clercs de la basoche invitent les jeunes filles et dansent avec elles, tandis que d'autres bohémiens chantent.) | |
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[N. 15 - Ronde bohémienne] | N
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DEUX BOHÉMIENNES |
Venez, venez, venez ! Venez, venez !
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| <- Bohémiens, Bohémiennes
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Vous qui voulez savoir d'avance
si le destin vous sourira,
payez, payez, et ma science
à juste prix vous le dira.
De la Bohème
enfants joyeux,
le ciel lui-même
s'ouvre à nos yeux !
Beautés coquettes,
seigneurs galants,
jeunes fillettes,
jeunes amants...
Vous qui voulez savoir d'avance
si le destin vous sourira,
payez, payez, et ma science
à juste prix vous le dira.
Honneur, richesse
et beaux bijoux,
fraîcheur, jeunesse,
en voulez-vous ?
Vous, grandes dames
de ce pays,
gentilles femmes
et vieux maris...
Vous qui voulez savoir d'avance
si le destin vous sourira,
payez, payez, et ma science
à juste prix vous le dira.
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[N. 16 - Ballet - Scène] | N
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Danse des bohémiens, des clercs et des grisettes. A la fin du ballet, Saint-Bris, de Nevers et Maurevert sortent de la chapelle qui est à gauche. | <- Saint-Bris, De Nevers, Maurevert
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DE NEVERS |
(à Saint-Bris)
Pour remplir un vœu solennel,
jusqu'à ce soir au pied du saint autel
Valentine demande à rester en prière !
J'obéis ! et suivi de mes nombreux amis,
je reviendrai chercher l'épouse qui m'est chère,
pour la conduire en pompe à mon logis.
(il sort)
| De Nevers ->
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SAINT-BRIS |
(le regardant sortir)
Ainsi par cet illustre et noble mariage
des refus de Raoul je puis braver l'outrage,
mais non pas l'oublier... et s'il s'offre à mes coups...
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MARCEL |
(apercevant Saint-Bris et s'approchant de lui)
Mon maître m'a remis ce message pour vous.
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SAINT-BRIS |
(avec joie)
Raoul !... Il revient donc enfin !
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MARCEL |
Avec la reine.
Tous les trois nous venons de quitter la Touraine,
nous entrons dans Paris.
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SAINT-BRIS |
(lisant le billet)
Et j'en rends grâce au ciel !
(à Maurevert)
Il m'ose défier et m'envoie un cartel.
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MAUREVERT |
(à part, avec joie)
Vraiment !
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MARCEL |
(avec effroi)
Quel mot viens-je d'entendre ?
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SAINT-BRIS |
(à Maurevert lui montrant le billet)
Aujourd'hui même, et dans le Pré-aux-Clercs,
quand les ombres du soir rendent ces lieux déserts,
il viendra !
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MAUREVERT |
C'est ici tantôt qu'il doit se rendre ?
Un dieu vengeur l'amène !... Il n'en sortira pas !...
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SAINT-BRIS |
(à Marcel qui s'éloigne)
Nous l'attendrons !
(bas à Maurevert)
Cachons ce cartel à mon gendre;
un jour d'hymen il ne doit pas
courir la chance des combats.
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MAUREVERT |
(à voix basse)
Ni vous non plus !... Pour frapper un impie
il est d'autres moyens que le ciel sanctifie.
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SAINT-BRIS |
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MAUREVERT |
Dieu le veut !
(lui montrant la chapelle)
Venez, et devant lui
vous saurez le projet que l'on forme aujourd'hui.
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| (Maurevert et Saint-Bris rentrent dans la chapelle à gauche.) | Maurevert, Saint-Bris ->
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Scène deuxième |
Les mêmes. - Le soir arrive. - On entend une cloche et la voix des Archers et des Sergents du guet; puis Maurevert et Saint-Bris. |
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[N. 17 - Couvre-feu] | N
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UN ARCHER |
Rentrez, habitants de Paris,
tenez-vous clos dans vos logis;
que tout bruit meure,
quittez ce lieu,
car voici l'heure
du couvre-feu.
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TOUS |
Rentrons, habitants de Paris,
tenons-nous clos en nos logis;
que tout bruit meure,
quittons ce lieu,
car voici l'heure
du couvre-feu.
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BOIS-ROSÉ |
(aux soldats protestants et à leurs femmes, montrant le cabaret à droite)
Toute la nuit, mes chers amis,
buvons gaîment dans ce logis.
Et vous, beautés à l'œil si doux,
venez souper, rire avec nous.
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UN ÉTUDIANT |
(montrant aux grisettes le cabaret à gauche)
Et vous, enfants, roses d'amour,
venez danser jusqu'au grand jour;
mais par ici passons plutôt:
on sent par-là le huguenot.
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CHŒUR GÉNÉRAL |
Que dans ce lieu
nul ne demeure,
car voici l'heure
du couvre-feu.
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| |
| (Toute la foule s'écoule. Bois-Rosé et les huguenots sont entrés dans le cabaret, dont les portes se referment. Les archers ont chassé devant eux tous les promeneurs. La nuit est sombre, et il n'y a plus personne sur le Pré-aux-Clercs. - Saint-Bris et Maurevert sortent mystérieusement de la chapelle.) | Clercs de la basoche, Grisettes, Ouvriers, Marchands, Musiciens ambulants, Marionnettes, Moines, Bourgeois, Bourgeoises, Soldats huguenots, Bois-Rosé, Bohémiens, Bohémiennes, Marcel ->
<- Saint-Bris, Maurevert
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MAUREVERT |
C'est dit !... et vous m'avez compris !
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SAINT-BRIS |
Dans une heure, en ce lieu !
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MAUREVERT |
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| (Ils sortent.) | Saint-Bris, Maurevert ->
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Scène troisième |
Valentine paraissant à la porte de la chapelle; puis Marcel. |
<- Valentine
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[N. 18 - Scène et Duo] | N
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N. 18.a - Scène | |
VALENTINE |
Ô terreur ! Je tressaille au seul bruit de mes pas !
Mes sens égarés ne m’abusent-ils pas ?
Derrière ce pilier, cachée à tous les yeux,
que viens-je, hélas ! d'entendre... et de quel piége affreux
ses jours sont menacés !... Ah ! je dois l'y soustraire,
non pas pour lui, mon dieu ! mais pour l'honneur d'un père.
Et comment prévenir Raoul ?
| |
| <- Marcel
|
MARCEL |
(entrant par la gauche)
Je l'attendrai !
Je serai du combat, et s'il meurt, je mourrai.
On vient, c'est lui peut-être.
Est-ce vous, mon bon maître ?
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| |
N. 18.b - Duo, 1re partie | |
|
Dans la nuit où seul je veille,
ah ! quel bruit frappe mon oreille ?
La prudence me conseille;
ah ! guettons de loin sans bouger !
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VALENTINE |
Ah ! grand Dieu, vois ma détresse !
C'est l'endroit et l'heure presse !
Mais comment, par quelle adresse
du danger le prévenir ?
| |
MARCEL |
| |
VALENTINE |
Juste ciel !
Oui, j'ai cru reconnaître
la voix du bon Marcel
(appelant à demi-voix)
Marcel ! !
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MARCEL |
A cette heure,
qui prononce mon nom ?... Qui va là ?
| |
VALENTINE |
| |
MARCEL |
Halte-là !
Le mot d'ordre ! ou qu'on meure !
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VALENTINE |
| |
MARCEL |
Bien cela !
Avancez ! ~ Une femme !
Et voilée !... Ah ! Seigneur !
Il y va de mon àme !
| |
VALENTINE |
| |
MARCEL |
Moi, Marcel !... moi, peur !...
| |
VALENTINE |
Écoute-moi !... Raoul en ces lieux va se rendre.
| |
MARCEL |
| |
VALENTINE |
| |
MARCEL |
C'est vrai... contre un damné,
pour venger son honneur... Dieu saura le défendre.
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VALENTINE |
Qu'il ne vienne au combat que bien accompagné.
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MARCEL |
O ciel ! de quels périls est-il environné ?
Achève !
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VALENTINE |
Je ne puis, mais tu dois me comprendre;
qu'il ne vienne au combat que bien accompagné.
| |
| |
| (Marcel effrayé, s'éloigne vivement.) | |
| |
N. 18.c - Duo, 2me partie | |
|
(seule)
L'ingrat d'une offense mortelle
a blessé mon cœur fidèle,
et malgré moi, son image cruelle
règne encor dans ce cœur, objet de ses mépris.
| |
MARCEL |
(rentrant et à part)
Je courais avertir mon maître et le défendre;
insensé ! j'oubliais... il n'est plus au logis !
En sortant... dans ces lieux il m'a dit de l'attendre !
Où le joindre ?... et comment lui donner cet avis ?
Cherchons-le !... qu'ai-je dit ?... si pendant mon absence
contre lui d'assassins une troupe s'élance,
par le fer meurtrier assailli... sans défense...
En appelant Marcel à son aide... il mourra !
Restons... restons plutôt ! mais seul... que peut mon zèle ?
Mourir à ses côtés, en serviteur fidèle.
Dieu puissant, vois mes pleurs et ma crainte mortelle,
prends pitié d'un vieillard qui toujours t'adora !
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| |
N. 18.d - Scène | |
VALENTINE |
(l'apercevant et courant à lui)
Tu m'as compris ?
| |
MARCEL |
Un mot: cet avis, qui le donne ?
| |
VALENTINE |
Fais-en bien ton profit.
Adieu, cela suffit.
| |
MARCEL |
Trahison ! Quelle es-tu ? parle, je te l'ordonne !
| |
VALENTINE |
| |
MARCEL |
Je m'attache à tes pas !
D'où vient un tel avis ?
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VALENTINE |
| |
MARCEL |
Qui donc es-tu ? Réponds ! ou par le ciel lui-même...
| |
VALENTINE |
(tremblante)
Grands dieux !...
(à demi-voix)
Eh bien ! je suis une femme qui l'aime.
Qui s'expose pour lui, qui veille sur ses jours,
et qui doit désormais l'oublier pour toujours.
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MARCEL |
| |
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N. 18.e - Duo, 3me partie | |
VALENTINE |
Ah ! tu ne peux éprouver ni comprendre
ces tourments, ces combats, que nul mot ne sait rendre,
où tour à tour triomphe ou l'amour ou l'honneur !
(à part)
Pour sauver du trépas une tête si chère,
malgré moi je trahis et l'honneur et mon père !
(montrant la chapelle)
Mais je viens de tout dire à dieu même, et j'espère
mon pardon de ce dieu qui doit lire en mon cœur.
| S
(♦)
(♦)
|
MARCEL |
(la regardant avec attendrissement)
Ne te repens point, noble fille,
d'un dévoûment où l'honneur brille,
ne pleure pas; Marcel, ma fille,
te bénit du fond du cœur.
Oui, pour toi, que je révère,
je prîrai ma vie entière:
et d'un vieillard la prière
a toujours porté bonheur.
| |
| |
| (Il veut encore interroger Valentine qui s'échappe et se réfugie dans la chapelle.) | Valentine ->
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|
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Scène quatrième |
Marcel; puis Raoul, Saint-Bris et quatre Témoins, puis Maurevert, Hommes armés, Étudiants, Catholiques et Protestants. |
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MARCEL |
(seul)
Un danger !... sans vouloir dire lequel... Alerte !
Et veillons pour sauver Benjamin de sa perte.
(voyant venir Raoul, Saint-Bris et les témoins)
C'est lui !... ciel ! et Judas !
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| <- Raoul, Saint-Bris, Tavannes, Cossé, De Retz, Méru
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SAINT-BRIS |
(à Raoul)
En même temps que nous
se trouver au combat... c'est bien !
| |
RAOUL |
(avec fierté)
Quoi ! doutiez-vous
de mon exactitude ?
| |
MARCEL |
(à part, regardant Saint-Bris)
Et comment de ce traître
déjouer les desseins ?
| |
RAOUL |
(l'apercevant, et lui tendant la main)
C'est Marcel !
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MARCEL |
Oui, mon maître.
(à demi-voix)
En d'autres lieux, en d'autres temps
remettez ce combat !
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RAOUL |
(étonné)
Est-ce toi que j'entends ?
| |
MARCEL |
Un ange est apparu, m'annonçant la tempête;
un piége est sous vos pas.
| |
RAOUL |
Allons... perds-tu la tête ?
(se tournant vers les témoins)
De ce loyal combat, dont vous êtes témoins,
réglez les lois, messieurs, je m'en fie à vos soins.
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| |
[N. 19 - Septuor du duel] | N
|
| |
SAINT-BRIS, RAOUL, LES TÉMOINS
En mon bon droit j'ai confiance.
Pour me venger de son offense
que le fer seul juge entre nous.
Je veux raison de son outrage,
et bonne épée et bon courage,
chacun pour soi, le ciel pour tous !
|
Ensemble
MARCEL
(à part)
Ah ! quel chagrin pour ma vieillesse !
Pleure, Marcel, dieu nous délaisse !
Pauvre Raoul ! ah ! j'en frémis !
Pitié, mon dieu ! sauvez mon fils !
|
| |
| |
| (Saint-Bris et Raoul restent à l'écart, l'un à droite et l'autre à gauche du théâtre. Les quatre témoins s'avancent au milieu et disent à voix basse.) | |
| |
LES QUATRE TÉMOINS |
Quoi qu'il advienne ou qu'il arrive
marchant l'un sur l'autre à la fois,
À nombre égal, trois contre trois,
jusqu'à ce que la mort s'ensuive,
nous nous battrons.
| |
TOUS |
C'est convenu,
c'est entendu.
| |
LES QUATRE TÉMOINS |
(toujours à demi-voix)
Que nul autre que nous ne puisse
au combat ici prendre part.
| |
TOUS |
(répétant)
Que nul autre que nous ne puisse
au combat ici prendre part.
| |
LES QUATRE TÉMOINS |
Des combattants les seules armes
seront l'épée et le poignard.
| |
TOUS |
(répétant)
Des combattants les seules armes
seront l'épée et le poignard.
| |
LES QUATRE TÉMOINS |
A qui tombera sous le glaive
ni quartier, ni merci, ni trêve.
| |
TOUS |
(répétant)
A qui tombera sous le glaive
ni quartier, ni merci, ni trêve:
c'est convenu,
c'est entendu.
En mon bon droit j'ai confiance;
pour me venger de son offense,
que le fer seul juge entre nous.
Je veux raison de son outrage,
et bonne épée et bon courage,
chacun pour soi, le ciel pour Tous.
| |
| |
| (Pendant cet ensemble on a distribué des armes aux champions.) | |
| |
LES QUATRE TÉMOINS |
Mesurons maintenant et le champ et les armes !
| |
| |
| (Deux témoins mesurent les épées et les deux autres marquent une distance de sept ou huit pas.) | |
| |
MARCEL |
(qui est à droite et près de Raoul)
Je sens à chaque instant redoubler mes alarmes !
Entendez-vous ces pas ? ~ On s'avance vers nous !
Mon maître, regardez !
| |
RAOUL |
(qui essaie son épée et son poignard)
Eh ! laisse-moi !
| |
| <- Maurevert, Deux hommes armés
|
MARCEL |
(regardant vers le fond et voyant Maurevert et quelques hommes armés)
Dans l'ombre
je ne puis distinguer leur force ni leur nombre !
(tirant son épée et s'avançant vers eux)
Vous qui marchez de nuit, ici que voulez-vous ?
| |
MAUREVERT, DEUX HOMMES ARMÉS |
(descendant à gauche et du côté de Saint-Bris)
Que t'importe ?
(Marcel est descendu à droite et se tient près de son maître l'épée à la main. - Maurevert, regardant et désignant Marcel, Raoul et ses témoins)
Que vois-je ? et quelle perfidie !
Des huguenots dont la fureur impie
ose à nombre inégal attaquer dans ce lieu
un des nôtres !...
(criant à voix haute)
A moi, défenseurs du vrai dieu !
| |
| |
| (Une douzaine d'hommes armés de bâtons et d'épieux, et qui étaient en embuscade derrière le gros chêne, s'élancent et entourent Raoul et ses deux témoins. Marcel se serre contre son maître, et les quatre huguenots, adossés l'un à l'autre, cherchent à faire face aux ennemis qui les pressent de tous côtés. Au moment où ils vont succomber sous le nombre, on entend dans le cabaret à droite les soldats protestants qui chantent en chœur leur chanson de la première scène.) | <- Hommes armés
|
| |
CHŒUR DE SOLDATS HUGUENOTS |
Plan, rataplan, vive la guerre !
Buvons, ami,
À notre père,
à Coligny !
| |
| |
MARCEL |
(criant d'une voix forte)
Coligny !... Coligny !... Défenseurs de la foi,
accourez à mes cris ! venez, défendez-moi !
Tout Israël est en émoi !
| |
| |
| (À ces cris les portes du cabaret s'ouvrent. Maurevert et ses affidés s'enfuient derrière Saint-Bris et ses compagnons. Les soldats huguenots paraissent et entourent Marcel, qui entonne en actions de grâces le choral de Luther. - Au même instant et du cabaret à gauche sortent des clercs de la basoche, qui accourent au bruit.) | |
| |
MARCEL |
Seigneur ! rempart et seul soutien
du faible qui t'adore,
jamais dans ses maux un chrétien
vainement ne t'implore !
| |
| <- Soldats huguenots, Clercs de la basoche
|
MAUREVERT |
(les apercevant)
Braves étudiants... à nous !
Trahison !... accourez !
| |
LES ÉTUDIANTS |
Oui, oui, nous voici tous
| |
| |
| (Les étudiants se rangent du côté des catholiques, et menacent les soldats huguenots. Ils vont en venir aux mains, lorsque les femmes et les maîtresses des huguenots et des étudiants sortent aussi des cabarets de droite et de gauche, se jettent entre les combattants, puis commencent entre elles à s'injurier et à disputer.) | <- Femmes catholiques, Femmes protestantes
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| |
[N. 20 - Chœur de la dispute] | N
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| |
HOMMES CATHOLIQUES
Nous voilà ! félons, arrière !
Tournez bride, cavaliers !
Marmotteurs de prière,
régiment de sorciers !
Au feu le calviniste !
Les païens au fagot !
Mort, mort à qui résiste !
Dieu le veut, il le faut !
HOMMES PROTESTANTS
Nous voilà ! félons, arrière !
À vos classes, écoliers !
Rengaînez la rapière,
soldats de bénitiers !
Au diable tout papiste !
Au diable tout bigot !
Mort, mort à qui résiste !
Dieu le veut, il le faut !
|
Ensemble
FEMMES CATHOLIQUES
Croyez-vous que l'on nous berne ?
Vite, arrière de céans !
Souper à la caserne
avec des mécréants !
Cachez-vous, éhontées,
bijoux de huguenot;
nos têtes sont montées:
gare à vous ! plus un mot !
FEMMES PROTESTANTES
Croyez-vous que l'on nous berne ?
Vite, arrière de céans !
Danser à la taverne
avec des étudiants !
Taisez-vous, effrontées,
mignonnes de cagot;
nos têtes sont montées:
gare à vous ! plus un mot !
|
| |
| |
| (Les deux troupes furieuses ont tiré leurs épées; elles s'élancent l'une sur l'autre. Les femmes effrayées s'enfuient à droite et à gauche, tombent à genoux et prient le ciel. - D'autres femmes, plus intrépides, se jettent avec leurs enfants au milieu des lances et des épées, et cherchent à arrêter les combattants qui craignent de les fouler aux pieds. - Saint-Bris et Raoul ont croisé le fer, et Marcel, qui a saisi une hache que tenait un des garçons du cabaret, est venu se placer à côté de son maître et le couvre de son corps. - En ce moment paraissent à gauche des gardes et des pages aux livrées royales; plusieurs portent des flambeaux, et éclairent la reine Marguerite qui rentre à cheval dans son palais. A l'aspect de la reine, les combattants s'arrêtent par respect et reculent devant elle.) | <- Marguerite, Gardes, Pages
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Scène cinquième |
Les mêmes; Marguerite à cheval, et suivie de son cortége. |
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MARGUERITE |
Quoi ! même dans Paris, sous les yeux de mon frère,
des deux partis il faut redouter les excès !
Et je ne puis le soir rentrer dans mon palais
sans trouver sous mes pas la discorde et la guerre !
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SAINT-BRIS |
(à la reine qui est descendue de cheval, lui montrant Raoul et les siens)
Qui doit-on accuser ?... Ceux dont la trahison
nous force à demander justice.
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RAOUL |
(à la reine, montrant Saint-Bris)
La faute en est à lui, qui sans droit, sans raison,
du plus lâche attentat s'est rendu le complice.
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MARGUERITE |
Qui dois-je croire ? ô ciel ! et d'un pareil soupçon
quelles preuves ?...
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MARCEL |
(s'avançant)
Je peux vous les faire connaître.
(montrant Saint-Bris et les siens)
Ce sont eux qui voulaient assassiner mon maître.
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SAINT-BRIS |
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MARGUERITE |
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MARCEL |
D'une femme, d'un ange en ces lieux descendu
pour déjouer leur perfidie,
pour défendre Raoul et veiller sur sa vie !
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SAINT-BRIS |
(montrant Marcel)
Ce vieillard a menti.
(d'un air railleur)
Où donc est cette femme ? en quels lieux ?
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MARCEL |
(se retournant et apercevant Valentine sur les marches de la chapelle)
La voici !
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Scène sixième |
Les mêmes; Valentine, couverte d'un voile. |
<- Valentine
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TOUS |
(la regardant)
O surprise nouvelle !
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| (Valentine effrayée à la vue de tant de monde, descend les marches de la hapelle et veut se perdre dans la foule. Saint-Bris l'arrête par la main.) | |
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SAINT-BRIS |
C'est elle qui m'accuse et dont l'œil a, dit-on,
pour protéger Raoul, surpris ma trahison !
Je connaîtrai les traits de ce témoin fidèle.
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| (Valentine veut lui échapper; il la retient, lui arrache son voile et s'écrie avec effroi.) | |
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[N. 21 - Finale] | N
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SAINT-BRIS |
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TOUS |
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RAOUL |
(regardant Valentine)
Eh quoi ! pour me sauver la vie
elle aurait de son père affronté le courroux !
Et sans m'aimer !
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MARGUERITE |
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VALENTINE |
(voulant empêcher la reine de parler)
Madame !... au nom du ciel !
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RAOUL |
(vivement)
Et cette perfidie
dont je fus le témoin, chez Nevers, sous mes yeux !
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MARGUERITE |
Elle y venait pour rompre un hymen odieux.
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RAOUL |
(à Valentine)
Et j'ai pu l'outrager ! Grâce pour un coupable
que l'amour égarait, que le remords accable !
(à Saint-Bris)
Rendez-moi tous les biens que mon cœur repoussait;
rendez-la moi ! ~ je l'aime ! ~ et j'attends mon arrêt !
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SAINT-BRIS |
(avec joie, et retenant Valentine qui veut parler)
Tu l'aimais donc ?
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RAOUL |
Toujours ! et de vous seul j'implore
sa main et mon pardon.
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SAINT-BRIS |
(de même)
Et tu l'aimes encore ?
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RAOUL |
Sans elle tous mes jours sont voués au malheur.
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SAINT-BRIS |
J'aurai donc satisfait le seul vœu de mon cœur !
A mes genoux ton amour la réclame !
Eh bien donc aujourd'hui (juge de mon bonheur !)
et depuis ce matin... d'un autre elle est la femme.
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| (Valentine s'éloigne et cache sa tête dans ses mains.) | |
MARGUERITE |
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VALENTINE |
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RAOUL |
(que la reine cherche en vain à calmer)
Ô comble de douleurs !
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| (On entend une marche joyeuse jouée par une musique lointaine.) | |
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SAINT-BRIS |
Mais j'entends éclater des accents d'allégresse;
de l'époux triomphant le cortége s'empresse,
appareil digne enfin des Nevers, des Saint-Bris !
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Au fond du théâtre paraît sur la rivière une grande chaloupe élégamment décorée et illuminée; elle porte des musiciens, des pages, des dames de la cour et tout le cortége de noces du comte de Nevers, qui débarque en ce moment. | <- De Nevers, Musiciens, Pages II, Dames
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RAOUL |
(à part)
Ah ! comment contenir ma fureur ?
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DE NEVERS |
(descendu de la chaloupe et suivi du cortége de noces)
Noble dame,
venez près d'un époux dont l'amour vous réclame.
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SAINT-BRIS |
Comte, voici la nuit, emmène en ton logis
Valentine ma fille... et ta nouvelle épouse;
elle est à toi !
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MARGUERITE |
(bas à Raoul)
Calmez votre fureur jalouse,
pour son honneur, Raoul.
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RAOUL |
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Des bohémiens et bohémiennes s'approchent du comte de Nevers et de la nouvelle, mariée, et, suivant l'usage du temps, leur offrent des fleurs et des gâteaux. - Le comte fait un signe à un de ses pages, qui distribue de l'or aux bohémiens. Ceux-ci témoignent leur joie par des danses, puis sortent un instant, reviennent avec des flambeaux allumés, et éclairent le cortége qu'ils escortent à droite et à gauche en dansant. - De Nevers prend la main de sa femme, et, suivi de Saint-Bris, de ses pages et de tous ses amis, il se dirige avec Valentine vers la chaloupe qui les attend. Les musiciens font retentir les airs de joyeuses fanfares, tandis que sur le devant du théâtre se chante le finale suivant. | <- Bohémiens, Bohémiennes
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LES ÉTUDIANTS, SOLDATS PROTESTANTS
(se menaçant)
Plus de paix, plus de trêve !
Que la lutte s'achève !
Il faudra par le glaive
décider notre sort !
Oui, c'est trop de clémence,
c'est trop de patience;
je n'ai qu'une espérance:
la vengeance ou la mort !
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AMIS DE DE NEVERS
Gaîté, plaisir, ivresse !
Que nos chants d'allégresse
célèbrent leur bonheur;
du noble mariage
qui tous deux les engage
célébrons la splendeur !
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RAOUL
O désespoir ! ô rage !
Un autre hymen l'engage
au rival que je hais;
et quand j'ai sa tendresse,
la haine vengeresse
me l'enlève à jamais !
SAINT-BRIS, LES CATHOLIQUES
J'ai satisfait ma rage:
un autre hymen l'engage
et l'enchaîne à jamais;
ma vengeance lui laisse
ses remords, sa tendresse,
et d'éternels regrets !
DE NEVERS
Je me ris de sa rage;
l'hymen ici m'engage
et comble mes souhaits.
Il faut qu'à sa tendresse,
à sa belle maîtresse,
il renonce à jamais !
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Ensemble
VALENTINE
Plus d'espoir, de courage,
un autre hymen m'engage
et m'enchaîne à jamais;
hélas ! et sa tendresse
maintenant ne me laisse
que d'éternels regrets !
MARGUERITE
Modérez votre rage,
et que votre courage
calme ici vos regrets.
Plus d'espoir, de tendresse;
la haine vengeresse
vous sépare à jamais.
LES PROTESTANTS
O désespoir ! ô rage !
Un autre hymen l'engage
et l'enchaîne à jamais;
et malgré leur tendresse,
la haine ne leur laisse
que d'éternels regrets !
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| (De Nevers et son cortége viennent de monter dans la chaloupe, qui s'éloigne au son des fanfares. - Les hommes et les femmes du peuple et les enfants sont montés sur les degrés de la chapelle à gauche, sur les bancs et les berceaux de la tonnelle du cabaret à droite, et même sur le gros chêne du milieu. - Les bohémiens et bohémiennes parcourent le théâtre en agitant leurs flambeaux et en éclairant encore de loin le cortége qui descend la rivière. - La reine Marguerite qui vient de remonter à cheval, suivie de ses pages, de ses écuyers et des gardes-suisses du roi, continue sa marche le long du quai. - Et, sur le devant du théâtre, à gauche, un groupe de protestants, à droite, un groupe de catholiques, se menacent de loin et se défient.) | De Nevers, Valentine, Saint-Bris, Musiciens, Pages, Dames, Marguerite, Gardes, Pages II ->
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