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Scène première |
La place de Grève. Le pilori. Quasimodo au pilori. Le peuple sur la place. |
Q
Quasimodo, Truands, Le crieur, Peuple
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[N. 4 - « Il enlevait une fille »] | N
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CHŒUR DES TRUANDS |
~ Il enlevait une fille !
~ Comment ! Vraiment ?
~ Vous voyez comme on l'étrille en ce moment !
~ Entendez-vous, mes commères ? Quasimodo
s'en vient chasser sur les terres de Cupido !
| S
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UNE FEMME DU PEUPLE |
Il passera dans ma rue
au retour du pilori,
et c'est Pierrat Torterue
qui va nous faire le cri.
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LE CRIEUR |
De par le roi, que dieu garde !
l'homme qu'ici l'on regarde
sera mis, sous bonne garde,
pour une heure au pilori !
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CHŒUR DES TRUANDS |
A bas ! à bas !
le bossu ! le sourd ! le borgne !
ce Barabbas !
Je crois, mortdieu, qu'il nous lorgne !
A bas le sorcier !
Il grimace, il rue !
Il fait aboyer
les chiens dans la rue !
~ Corrigez bien ce bandit !
~ Doublez le fouet et l'amende !
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QUASIMODO |
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CHŒUR DES TRUANDS |
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QUASIMODO |
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CHŒUR DES TRUANDS |
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| (Depuis quelques instants la Esmeralda s'est mêlée à la foule. Elle a observé Quasimodo avec surprise d'abord, puis avec pitié. Tout à coup, au milieu des cris du peuple, elle monte au pilori, détache une petite gourde de sa ceinture, et donne à boire à Quasimodo.) | <- La Esmeralda
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CHŒUR DES TRUANDS |
Que fais-tu, belle fille ?
Laisse Quasimodo !
A Belzébuth qui grille
on ne donne pas d'eau !
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| (Elle descend du pilori. Les archers détachent et emmènent Quasimodo.) | |
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~ Il enlevait une femme !
~ Qui ? ce butor ?
~ Mais c'est affreux ! c'est infâme !
~ C'est un peu fort !
~ Entendez-vous, mes commères ?
Quasimodo osait chasser sur les terres de Cupido !
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Scène deuxième |
Une salle magnifique où se font des préparatifs de fête. Phœbus, Fleur-de-lys, Madame Aloïse de Gondelaurier. |
Q
Phœbus, Fleur-de-lys, Madame Aloïse
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[N. 5 - Récitatif et air] | N
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MADAME ALOÏSE |
Phœbus mon futur gendre, écoutez, je vous aime;
soyez maître céans comme un autre moi-même;
ayez soin que ce soir chacun s'égaye ici.
Et vous, ma fille, allons, tenez-vous prête.
Vous serez la plus belle encor dans cette fête,
soyez la plus joyeuse aussi !
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| (Elle va au fond, et donne des ordres aux valets qui disposent la fête.) | |
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FLEUR-DE-LYS |
Monsieur, depuis l'autre semaine
on vous a vu deux fois à peine.
Cette fête enfin vous ramène.
Enfin ! c'est bien heureux vraiment !
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PHŒBUS |
Ne grondez pas, je vous supplie !
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FLEUR-DE-LYS |
Ah ! je le vois, Phœbus m'oublie !
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PHŒBUS |
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FLEUR-DE-LYS |
Pas de serment !
On ne jure que lorsqu'on ment !
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PHŒBUS |
Vous oublier ! quelle folie !
N'êtes-vous pas la plus jolie ?
Ne suis-je pas le mieux aimant ?
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PHŒBUS (à part)
Comme ma belle fiancée
gronde aujourd'hui !
Le soupçon est dans sa pensée.
Ah ! quel ennui !
Belles, les amants qu'on rudoie
s'en vont ailleurs.
On en prend plus avec la joie
qu'avec les pleurs.
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Ensemble
FLEUR-DE-LYS (à part)
Me trahir, moi, sa fiancée,
qui suis à lui !
Moi qui n'ai que lui pour pensée
et pour ennui !
Ah ! qu'il s'absente ou qu'il me voie,
que de douleurs !
Présent, il dédaigne ma joie,
absent, mes pleurs !
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FLEUR-DE-LYS |
L'écharpe, que pour vous, Phœbus j'ai festonnée,
qu'en avez-vous donc fait ? je ne vous la vois pas ?
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PHŒBUS |
(troublé)
L'écharpe ? Je ne sais...
(à part)
Mortdieu ! le mauvais pas !
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FLEUR-DE-LYS |
Vous l'avez oubliée !
(à part)
À qui l'a-t-il donnée ?
Et pour qui suis-je abandonnée ?
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MADAME ALOÏSE |
(remontant vers eux et tâchant de les accorder)
Mon Dieu ! Mariez-vous ! vous bouderez après.
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PHŒBUS |
(à Fleur-de-lys)
Non, je ne l'ai pas oubliée.
Je l'ai, je m'en souviens, soigneusement pliée
dans un coffret d'émail que j'ai fait faire exprès.
(Avec passion, à Fleur-de-lys qui boude encore.)
Je vous jure que je vous aime
plus qu'on n'aimerait Vénus même.
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FLEUR-DE-LYS |
Pas de serment ! pas de serment !
On ne jure que lorsqu'on ment !
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MADAME ALOÏSE |
Enfants ! pas de querelle; aujourd'hui tout est joie.
Viens, ma fille, il faut qu'on nous voie.
Voici qu'on va venir. Chaque chose a son tour.
(aux valets)
Allumez les flambeaux, et que le bal s'apprête.
Je veux que tout soit beau, qu'on s'y croie en plein jour
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PHŒBUS |
Puisqu'on a Fleur-de-lys rien ne manque à la fête.
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FLEUR-DE-LYS |
Phœbus il y manque l'amour !
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| (Elles sortent.) | Madame Aloïse, Fleur-de-lys ->
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PHŒBUS |
(regardant sortir Fleur-de-lys)
Elle dit vrai; près d'elle encore
mon cœur est rempli de souci.
Celle que j'aime, à qui je pense dès l'aurore,
hélas! elle n'est pas ici !
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Fille ravissante !
À toi mes amours !
Belle ombre dansante
qui remplis mes jours,
et toujours absente
m'apparais toujours !
Elle est rayonnante et douce
comme un nid dans les rameaux,
comme une fleur dans la mousse,
comme un bien parmi des maux !
Humble fille et vierge fière,
âme chaste en liberté,
la pudeur sous sa paupière
émousse la volupté !
C'est, dans la nuit sombre,
un ange des cieux,
au front voilé d'ombre,
à l'oeil plein de feux !
Toujours je vois son image,
brillante ou sombre parfois;
mais toujours, astre ou nuage,
c'est au ciel que je la vois !
Fille ravissante !
À toi mes amours !
Belle ombre dansante
qui remplis mes jours,
et toujours absente
m'apparais toujours !
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| (Entrent plusieurs seigneurs et dames en habits de fête.) | |
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Scène troisième |
Les précédents, Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, m. de Chevreuse, Madame de Gondelaurier, Fleur-de-lys, Diane, Béramgér, Dames, Seigneurs. |
<- Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, M. de Chevreuse, Madame Aloïse, Fleur-de-lys, Béramgér, Dames, Seigneurs
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[N. 6 - Final] | N
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LE VICOMTE DE GIF |
Salut, nobles châtelaines !
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MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS |
(saluant)
Bonjour, noble chevalier !
Oubliez soucis et peines
sous ce toit hospitalier !
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M. DE MORLAIX |
Mesdames, dieu vous envoie
santé, plaisir et bonheur !
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MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS |
Que le ciel vous rende en joie
vos bons souhaits, beau seigneur !
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M. DE CHEVREUSE |
Mesdames, du fond de l'âme
je suis à vous comme à dieu.
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MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS |
Beau sire, que Notre-Dame
vous soit en aide en tout lieu !
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| (Entrent tous les conviés.) | |
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CHŒUR
Venez tous à la fête !
Page, dame et seigneur !
Venez tous à la fête,
des fleurs sur votre tête,
la joie au fond du cœur.
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| (Les conviés s'accostent et se saluent. Des valets circulent dans la foule, portant des plateaux chargés de fleurs et de fruits. Cependant un groupe de jeunes filles s'est formé près d'une fenêtre, à droite. Tout à coup l'une d'elles appelle les autres et leur fait signe de se pencher hors de la fenêtre.) | <- Jeunes filles, Diane, Bérangère
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DIANE |
(regardant au dehors)
Oh ! viens donc voir, viens donc voir, Bérangère !
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BÉRANGÈRE |
(regardant dans la rue)
Qu'elle est vive ! qu'elle est légère !
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DIANE |
C'est une fée ou c'est l'amour !
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LE VICOMTE DE GIF |
(riant)
Qui danse dans le carrefour !
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M. DE CHEVREUSE |
(après avoir regardé)
Eh, mais ! c'est la magicienne !
Phœbus, c'est ton égyptienne,
que l'autre nuit, avec valeur,
tu sauvas des mains d'un voleur.
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LE VICOMTE DE GIF |
Oui, oui, c'est la bohémienne !
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M. DE MORLAIX |
Elle est belle comme le jour !
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DIANE |
(à Phœbus)
Si vous la connaissez, dites-lui qu'elle vienne
nous égayer de quelque tour.
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PHŒBUS |
(regardant à son tour d'un air distrait)
Il se peut bien que ce soit elle.
(à. M. de Gif)
Mais crois-tu qu'elle se rappelle...
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FLEUR-DE-LYS |
(qui observe et qui écoute)
De vous toujours on se souvient.
Voyons, appelez-la, dites-lui qu'elle monte.
(à part)
Je verrai s'il faut croire à ce que l'on raconte.
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PHŒBUS |
(à Fleur-de-lys)
Vous le voulez. Eh bien ! essayons.
(Il fait signe à la danseuse de monter.)
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LES JEUNES FILLES |
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M. DE CHEVREUSE |
Sous le porche elle est disparue.
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DIANE |
Comme elle a laissé là ce bon peuple ébahi !
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LE VICOMTE DE GIF |
Dames, vous allez voir la nymphe de la rue.
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FLEUR-DE-LYS |
(à part)
Qu'au signe de Phœbus elle a vite obéi !
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Scène quatrième |
Les précédents, La Esmeralda. |
<- La Esmeralda
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Entre la bohémienne, timide, confuse, et radieuse. Mouvement d'admiration. La foule s'écarte devant elle. | |
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CHŒUR
Regardez ! son beau front brille entre les plus beaux,
comme ferait un astre entouré de flambeaux !
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PHŒBUS
Oh ! la divine créature !
Amis, de ce bal enchanté
elle est la reine, je vous jure.
Sa couronne c'est sa beauté !
(Il se tourne vers MM. de Gif et de Chevreuse.)
Amis, j'en ai l'âme échauffée !
Je braverais guerre et malheur,
si je pouvais, charmante fée,
cueillir ton amour dans sa fleur !
LA ESMERALDA
(l'oeil fixé sur Phœbus dans la foule)
C'est mon Phœbus j'en étais sûre,
tel qu'en mon cœur il est resté !
Ah! sous la soie ou sous l'armure,
c'est toujours lui, grâce et beauté !
Phœbus! ma tête est embrasée !
Tout me brûle, joie et douleurs.
La terre a besoin de rosée,
et mon âme a besoin de pleurs !
MADAME ALOÏSE
C'est une belle créature !
Il est étrange, en vérité,
qu'une bohémienne impure
ait tant de charme et de beauté !
Mais qui connaît la destinée ?
Souvent le serpent oiseleur
cache sa tête empoisonnée
sous le buisson le plus en fleur.
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Ensemble
M. DE CHEVREUSE
C'est une céleste figure !
Un de ces rêves enchantés
qui flottent dans la nuit obscure
et sèment l'ombre de clartés !
Dans le carrefour elle est née.
Ô jeux aveugles du malheur !
Quoi ! dans l'eau du ruisseau traînée,
hélas ! une si belle fleur !
FLEUR-DE-LYS
Qu'elle est belle ! j'en étais sûre.
Oui, je dois être, en vérité,
bien jalouse, si je mesure
ma jalousie à sa beauté !
Mais peut-être, prédestinées,
sous la rude main du malheur,
elle et moi, nous serons fanées
toutes les deux dans notre fleur !
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TOUS ENSEMBLE |
Elle a le calme et la beauté
du ciel dans les beaux soirs d'été !
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MADAME ALOÏSE (à la Esmeralda) |
Allons, enfant, allons, la belle,
venez, et dansez-nous quelque danse nouvelle.
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| (La Esmeralda se prépare à danser et tire de son sein l'écharpe que lui a donnée Phœbus.) | |
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FLEUR-DE-LYS |
Mon écharpe !... Phœbus je suis trompée ici,
et ma rivale, la voici !
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| (Fleur-de-Lys arrache l'écharpe à la Esmeralda et tombe évanouie. Tout le bal s'ameute en désordre contre l'égyptienne, qui se réfugie près de Phœbus.) | |
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TOUS
Est-il vrai ? Phœbus l'aime !
Infâme ! sors d'ici.
Ton audace est extrême
de nous braver ainsi !
Ô comble d'impudence !
Retourne aux carrefours
faire admirer ta danse
aux marchands des faubourgs !
Que sur l'heure on la chasse !
À la porte ! il le faut.
Une fille si basse
élever l'oeil si haut !
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LA ESMERALDA |
Oh ! défends-moi toi-même,
mon Phœbus, défends-moi.
L'humble fille bohème
n'espère ici qu'en toi.
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PHŒBUS |
Je l'aime, et n'aime qu'elle !
Je suis son défenseur.
Je combattrai pour elle.
Mon bras est à mon cœur.
S'il faut qu'on la soutienne,
eh bien, je la soutien !
Son injure est la mienne,
et son honneur le mien !
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TOUS
Quoi ! voilà ce qu'il aime !
Hors d'ici ! hors d'ici !
Quoi ! c'est une bohème
qu'il nous préfère ainsi !
Ah ! tous les deux, silence
sur une telle ardeur !
(à Phœbus)
Vous, c'est trop d'insolence !
(à la Esmeralda)
Toi, c'est trop d'impudeur !
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| (Phœbus et ses amis protègent la bohémienne entourée des menaces de tous les conviés de madame de Gondelaurier. La Esmeralda se dirige en chancelant vers la porte. La toile tombe.) | |
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