Acte second

 
La scène se passe dans le palais du prince. Le théâtre représente un salon magnifiquement décoré pour une fête; à droite du théâtre est élevé un trône, sur les degrés duquel on aperçoit Cendrillon, avec une parure très élégante, elle dort profondément, et se trouve absolument dans la même position où elle s'est endormie auprès du feu, à la fin du premier acte.

 Q 

 

Scène première

À gauche du théâtre, un choeur aérien qui est censé chanté par des Génies.

Cendrillon, génies

 

LE CHŒUR

Ô doux sommeil ! sur l'innocence  

daigne répandre tes pavots;

songes rians, prolongezson repos,

et berce-la, douce espérance.

 

CENDRILLON
(en rêvant)

Ils sont partis, plus d'espérance !

LE CHŒUR
(reprend)

Ô doux sommeil ! sur l'innocence

daigne répandre tes pavots;

songes rians, prolongezson repos,

et berce-la, douce espérance.

 
(Le chœur sort.)

génies ->

 

CENDRILLON
(ouvrant les yeux)

Ah ! comme j'ai dormi long-temps ! que vois je ? ah ! mon dieu ! que de richesses !... suis-je bien éveillée ? oh ! comme me voilà belle ! est-ce bien moi ?  

(elle descend avec une grande agitation les marches du trône.)

Qu'est-ce que tout cela signifie ? Je n'ai pas la force de me soutenir.

 

LE CHŒUR
(sans être vu)

Ma chère enfant, soyez tranquille,  

restez en paix dans cet asile:

vous avez un bon cœur, tout vous réussira;

le ciel vous récompensera.

 

Scène seconde

Alidor, Cendrillon.

<- Alidor

 

CENDRILLON

Ah ! seigneur, c'est vous ?  

ALIDOR

Eh bien ! vous avais-je trompée ?

CENDRILLON

Où suis-je ?

ALIDOR

Vous êtes à la cour. Je vous avais promis que vous viendriez à la fête; vous voyez que j'ai tenu ma parole, car vous arrivez la première.

CENDRILLON

Mais comment suis-je venue ? qui m'a donné ces beaux habits ?

ALIDOR

C'est un mystère que vous ne devez pas chercher à pénétrer.

CENDRILLON

Et mes sœurs?... mon père ?...

ALIDOR

Ils ne sont point arrivés.

CENDRILLON

Ah ciel ! je tremble; ils vont me reconnaître; je suis perdue.

ALIDOR

Rassurez-vous, ils ne vous reconnaîtront pas.

CENDRILLON

Mais moi, qui ne suis jamais sortie du coin du feu, comment oserai-je paraître à la cour ? Je me

trouve déjà toute gênée dans ces beaux habits; c'est tout au plus si je puis marcher.

ALIDOR

Soyez tranquille. prenez cette rose; avec elle personne ne vous reconnaîtra; vous aurez de l'assurance, vous aurez des talens... C'est à cette rose qu'est attaché votre bonheur, que sont attachés des destins de la plus haute importance.

CENDRILLON

Eh quoi ! une rose ?...

ALIDOR

Mon enfant, ne la quittez jamais.

CENDRILLON

(après avoir placé la rose sur son sein)

En effet !

(elle lève la tête avec grâce)

quel changement s'est tout à coup opéré en moi ! il me semble que mes idées se développent, que je reçois une nouvelle existence... c'est singulier,

(elle marche avec assurance)

je ne suis plus la même !

 

Scène troisième

Les mêmes, un Page.

<- un page

 

LE PAGE

Madame, vos écuyers, vos pages et toute votre suite viennent d'arriver au château.  

CENDRILLON

C'est bien ! qu'ils attendent mes ordres... Ah ! sage Alidor, c'est à vous que je dois ce prodige étonnant.

ALIDOR

C'est à vos vertus.

 

un page ->

[Air]

 N 

Conservez bien votre bonté,  

cet heureux don de la nature;

n'altérez point, par l'imposture,

cette aimable simplicité:

la plus élégante parure,

c'est la bonté.

Que tout l'éclat del'opulence

ne rende point votre cœur orgueilleux;

pour devise, prenez simplicité, constance,

et que toujours ces mots soient présens à vos yeux.

Conservez bien votre bonté,

cet heureux don de la nature;

n'altérez point, par l'imposture,

cette aimable simplicité:

la plus élégante parure,

c'est la bonté.

 

 

Mais j'entends du bruit; c'est le retour de la chasse; ne vous montrez pas encore; retirez-vous de ce côté; il sera temps de paraître quand j'irai vous avertir.  

 
(Elle sort, conduite par Alidor, du côté du trône.)

Cendrillon ->

 

Scène quatrième

Le prince, Alidor, Dandini, Le baron, Clorinde, Tisbé, Suite.

<- Le prince, Dandini, Le baron, Clorinde, Tisbé, gardes, deux écuyers

 

DANDINI

Enfin, nous voila arrivés; il était temps, car je meurs de faim et de soif; n'êtes-vous pas de mon avis, baron de Montefiascone ?  

LE BARON

Oui, seigneur; en effet, il n'y a rien qui altère comme le froid.

DANDINI

Ah ! ah ! vous êtes un habile homme.

(à Alidor)

Mon cher précepteur, je vous le donne comme l'homme le plus érudit de mon royaume; vous n'imaginez pas combien sa conversation est instructive. Pendant toute la route, il n'a cessé de me parler des vignobles les plus renommés de mes états: aussi, je veux le récompenser d'une manière analogue à ses connaissances: je le nomme mon grand échanson.

LE BARON

Seigneur, soyez assuré que je m'acquitterai de cette charge importante avec toute l'énergie... toute la probité...

DANDINI

C'est bien ! allez vous faire installer.

 
(Le baron sort avec deux écuyers.)

Le baron, deux écuyers ->

 

DANDINI

Mille pardons, mesdames, si j'ai été obligé de donner un moment aux soins de mon empire; je suis maintenant tout à vous. Qu'on nous laisse !

 
(Les gardes sortent.)

gardes ->

 

LE PRINCE
(bas, à Alidor)

Il n'ira jamais jusqu'au bout.

ALIDOR

Laissez-le faire.

DANDINI

Qu'on nous laisse donc !

 
(Le prince et Alidor sortent.)

Le prince, Alidor ->

 

Scène cinquième

Clorinde, Dandini, Tisbé.

 

CLORINDE

Que vous êtes heureux, seigneur ! entouré d'un peuple qui vous aime...  

DANDINI

Ah ! mademoiselle...

TISBÉ

D'une cour qui vous adore...

DANDINI

Ah !

CLORINDE

Mais que vous méritez bien tant d'hommages !...

DANDINI

Ah !

TISBÉ

Tant d'amour...

DANDINI

Ah !

CLORINDE

Tant d'idolâtrie...

DANDINI

Oh ! pour le coup, c'en est trop; épargnez ma modestie.

CLORINDE

En célébrant les louanges de son altesse, je ne suis que l'écho de ses sujets.

DANDINI

Laissons là mon altesse, je vous en conjure; point de cérémonie entre nous.

TISBÉ

Quelle bonté touchante !

CLORINDE

Quelle simplicité !

DANDINI

Il est vrai que je suis assez simple... aussi, je serai bien le meilleur des maris !... cela me rappelle que je dois prendre une femme ce soir, et je vous avoue que je suis dans une étrange perplexité.

CLORINDE

Il en est tant qui seraient heureuses...

DANDINI
(soupirant profondément)

Ah !

TISBÉ

Votre altesse soupire ?...

DANDINI

Je vous regarde toutes deux, et n'ose choisir; en vous voyant, je suis plus embarrassé que Pâris, obligé de donner la pomme à l'une des trois Grâces.

CLORINDE

Il est charmant !

DANDINI

Ah ! pourquoi le ciel ne m'a-t-il pas donné deux cœurs ?

TISBÉ
(à part)

Il faut pourtant bien qu'il se prononce.

DANDINI

(se retournant du côté de Clorinde)

Que j'aime cet air modeste !

(à Tisbé)

Que ce petit minois fripon me plaît !

(à Clorinde)

Cette tendre langueur...

(à Tisbé)

Cette aimable étourderie...

(à Clorinde)

Ces grands yeux mourans...

(à Tisbé)

Ce regard éveillé... enflamment mon cœur...

CLORINDE
(à part)

C'est moi qu'il aime !

DANDINI

Troublent ma raison.

TISBÉ
(à part)

C'est moi qu'il choisit !

DANDINI

Et mon esprit incertain... mes belles demoiselles, je crois que je me suis fait entendre ?

CLORINDE
(à part)

Ah ! je l'ai bien compris.

TISBÉ
(à part)

Je l'ai bien deviné.

DANDINI

Au reste, celle qui ne sera pas ma femme ne sera pas la plus malheureuse; je la donnerai à mon écuyer; il me vaut bien, et j'ai pour lui beaucoup de respect... c'est-à-dire, d'estime. Mais j'oublie auprès de vous les affaires les plus graves; on m'attend pour le festin; il faut ensuite que je paraisse au tournoi: j'y ferai publier que vous êtes les personnes les plus belles, les plus aimables de toute l'Italie. Malheur à l'audacieux chevalier qui oserait soutenir le contraire ! il aurait affaire à moi; oui, je donnerais sur-le-champ mes pleins pouvoirs pour le combattre. Adieu... adieu... je vais au festin, où je figurerai moi-même; j'irai ensuite au tournoi, où on figurera pour moi, et de là au bal, où nous figurerons tous les trois.

(Il sort.)

Dandini ->

 

Scène sixième

Clorinde, Tisbé

 

TISBÉ

Quel prince accompli !  

CLORINDE

Ma sœur, je dois en convenir, vous méritiez la préférence.

TISBÉ

Ma sœur...

CLORINDE

Vous êtes plus belle, plus aimable que moi.

TISBÉ

Ma sœur...

CLORINDE

Que voulez-vous ? il faut prendre son parti.

TISBÉ

C'est sagement pensé.

CLORINDE

D'ailleurs, cet écuyer ne m'a pas paru mal.

TISBÉ

C'est ce que j'allais vous dire, ma sœur; je l'ai trouvé fort bien.

CLORINDE

Je suis enchantée que vous ayez cette bonne opinion de lui.

TISBÉ

Je suis charmée qu'il vous plaise.

CLORINDE

Quelle que soit la distance qui doive nous séparer, point de fierté entre nous.

TISBÉ

Oh ! non, jamais.

CLORINDE

Nous nous aimerons toujours comme deux sœurs, n'est-il pas vrai ?

TISBÉ

Ah ! sans doute; vous me serez toujours bien chère; il n'y a que les petits esprits qui s'oublient dans la grandeur.

CLORINDE

Cependant, en public, on doit de certains égards à la princesse.

TISBÉ

En public, soit; mais j'y mets une condition, ma sœur, c'est que, dans l'intimité, vous me parlerez tout comme si je n'étais pas voire souveraine.

CLORINDE

Comment ! votre souveraine ?

TISBÉ

Puisque c'est sur moi que le prince a jeté les yeux.

CLORINDE

Allons donc, ma sœur, vous plaisantez, c'est sur moi.

TISBÉ

Sur vous !

 
[Duo]

 N 

 

CLORINDE

Qui ? vous, ma souveraine ?    

S

TISBÉ

Oui, moi.

CLORINDE

Vous ?

TISBÉ

Moi.

CLORINDE

Vous ?

TISBÉ

Le roi sera mon époux.

CLORINDE

À quel point vous abusez-vous ?

En moi reconnaissez la reine.

TISBÉ

Qui ? vous, ma soveraine ?

CLORINDE

Oui, moi.

TISBÉ

Vous ?

CLORINDE

Moi.

TISBÉ

Vous ?

 
Ensemble
 

CLORINDE ET TISBÉ

Non, non, le roi n'est pas pour vous.

TISBÉ

Rendons hommage à la princesse.

CLORINDE

Rendons hommage à son altesse.

TISBÉ

Voudrez-vous bien me protéger ?

CLORINDE

Daignerez-vous ne pas changer ?

CLORINDE ET TISBÉ

Craignez pourtant de déroger.

Ah ! quelle altesse !

Quelle princesse !

Quelle noblesse !

Quel agrément !

Quel enjouement !

Quel air charmant !

 

Scène septième

Les mêmes, Le prince.

<- Le prince

 

LE PRINCE

Mesdames, pardon si j'ose me présenter devant vous, mais son altesse m'a flatté de l'espoir que je pouvais aspirer...  

TISBÉ

Il vous sied bien, monsieur l'écuyer, d'élever vos regards jusqu'à moi !... adressez-vous à ma sœur. A-t-on idée d'une pareille prétention ? un écuyer à une femme telle que moi ! ah ! c'est incroyable !

(Elle sort.)

Tisbé ->

 

Scène huitième

Le prince, Clorinde.

 

LE PRINCE

Quoi ! madame, c'est donc vous ?  

CLORINDE

Je vous trouve bien audacieux !

LE PRINCE

Mais le prince m'a dit qu'une des sœurs...

CLORINDE

Une des sœurs ! en effet, nous en avons encore une, et c'est d'elle, sans doute, que son altesse a voulu vous parler; dans le fait, monsieur l'écuyer, elle vous conviendrait peut-être.

LE PRINCE

Peut-être ?

CLORINDE

Et bien ! je vous permets d'aspirer à sa main, vous pouvez compter sur mon agrément... Mais conçoit-on une telle insolence ? est-il permis de se méconnaître ?... Adieu, monsieu l'écuyer.

(Elle sort.)

Clorinde ->

 

Scène neuvième

Le prince, seul.

 

 

Il faut en convenir, jamais prince ne fut mieux traité; que dis-je ? ce ne pas le prince, c'est l'écuyer que l'on rebute. Que ces deux femmes sont vaines ! L'ambition, l'orgueil, voilà leur seul mobile... On va cependant proclamer qu'elles sont les plus belles, les plus aimables... et je le souffrirais !... mais hélas ! dans la foule des femmes que cette fête attire à la cour, je n'en ai pas trouvé une seule qui daignât m'entendre... toutes aspirent à la couronne d'un roi, aucunne ne cherche à mériter le cœur d'un époux.  

 
[Romance]

 N 

 
Premier couplet.

Ô sexe aimable, mais trompeur !    

Tu rends mon infortune extréme.

Faut-il renoncer au bonheur,

de n'être aimé que pour soi-même ?

Ah ! s'il existe dans ces lieux

femme sensible, aimable et belle,

qu'elle se présente à mes yeux,

mon cœur l'attend, ma voix l'appelle.

S

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Scène dixième

Cendrillon, Le prince.

<- Cendrillon

 

CENDRILLON

(sans être aperçue du prince)  

Ah ! voilà le jeune écuyer.

 
Deuxième couplet.

LE PRINCE

Comment, avec un air si doux,

cacher l'orgueil, la perfidie ?

Le premier bien, pour un époux,

c'est la bonté, la modestie.

Ah ! s'il existe dans ces lieux

femme sensible, aimable et belle,

qu'elle se présente à mes yeux,

mon cœur l'attend, ma voix l'appelle.

 

CENDRILLON

Oh ! comme sa voix est touchante ! je me sens toute émue. Il a l'air malheureux: approchons... Chevalier...  

LE PRINCE

Qui m'appelle ? Ô ciel ! la charmante personne !

CENDRILLON

Vous paraissez affligé ?

LE PRINCE

Helàs ! oui, madame.

CENDRILLON

J'ai interrompu vos plaintes ?

LE PRINCE

Je ne me plaignais pas; j'adressais des vœux au ciel: les aurait-il exaucés ?

CENDRILLON

Qui peut vous causé de la peine ? vous avez l'air si bon ! je suis sûre que vous n'avez fait de mal à personne.

LE PRINCE

Je n'ai jamais fait que le bien. Est-ce une raison pour être heureux ?

CENDRILLON

Oh ! non sans doute... Je l'ai bien appris par moi-même; mais consolez-vous, et ecoutez ces paroles que je n'oublierai jamais: « Vous avez un bon cœur, tout vous réussira, le ciel vous récompensera. »

LE PRINCE
(à part)

Ah ! quels accens delicieux ! ils pénètrent mon cœur.

CENDRILLON

Quelle est donc la cause de vos malheurs ? seriez-vous abandonné par les personnes qui vous sont chères ?

LE PRINCE

Je n'ai point aimé jusqu'à ce jour.

CENDRILLON
(à part)

Ah ! quel bien il me fait !

LE PRINCE
(à part)

Quel charme inconnu vient tout-à-coup s'emparer de moi ?

CENDRILLON

Vous n'avez point aimé ?

LE PRINCE

Qui daignerait jeter ses regards sur moi ? je ne suis ni riche, ni puissant. Simple écuyer, je n'ai qu'un

cœur à offrir.

CENDRILLON

Eh ! quel autre bien faut-il donc ?

LE PRINCE

(à part)

Dieux !

(à Cendrillon)

Mais vous, madame, permettez qu'à mon tour je vous demande qui vous ête; quel peuple est assez heureux pour obéir à vos lois ? où sont situés vos états ?...

CENDRILLON

Mes états ! ah ! si vous les connaissiez...

LE PRINCE

Vous méritez d'être assise sur le premier trône du monde.

CENDRILLON

Il est impossible d'en avoir un plus modeste.

LE PRINCE

Au nom du ciel ! daignez vous faire connaitre.

CENDRILLON

Je desire rester inconnue.

LE PRINCE

Vous ne pouvez l'être dans une cour où votre beauté doit fixer tous les regards.

CENDRILLON

Moi ! fixer les regards !... je cherche plutôt à les éviter.

LE PRINCE

Qoi ! n'ètes-vous point venue pour fixer le choix du prince ?

CENDRILLON

Oh ! non, je vous le jure, ce n'est pas là mon ambition.

LE PRINCE

Si j'en crois mon cœur, vous devez l'emporter sur toutes vos rivales.

CENDRILLON

Je ne veux qu'assister à leur triomphe.

 
(On entend la trompette qui donne le signal du tournois.)
 

LE PRINCE

Voilà le premier signal du tournois; on va combattre pour la beautè. Madame, avez-vous un chevalier ?

CENDRILLON

Un chevalier ! oh ! non, seigneur, jamais personne n'a pris ma defense.

LE PRINCE

Eh bien ! daignez m'accepter pour le vôtre; je veux soutenir en champ clos qu'il n'existe pas dans le monde une femme qui vous soit comparable.

CENDRILLON

Moi, seigneur, moi, y pensez-vous ?

LE PRINCE

Tant de modestie ajoute encore un nouvel éclat à vos charmes. Rien ne peut me retenir; de grâce, accordez-moi la faveur que je vous demande; je me jette à vos genoux pour l'obtenir.

CENDRILLON

Eh bien donc ! soyez mon chevalier.

 
[Duo]

 N 

 

LE PRINCE

Ah ! la victoire m'est promise !  

Mais donnez-moi votre devise;

je veux la porter sur mon cœur.

CENDRILLON

Simplicité, constance,

ces deux mots pour toujours son gravés dans mon cœur.

LE PRINCE

Ah ! j'en ai l'assurance,

je reviendrai vainqueur.

Simplicité, constance,

ces deux mots pour toujours son gravés dans mon cœur.

LE PRINCE ET CENDRILLON
(à part)

Quelle flamme subite

vient embraser mon cœur:

il s'élance, il palpite

de joie et de bonheur.

 
(On entend le second signal.)
 

LE PRINCE

Mais le signal m'appelle;

à la gloire fidèle,

je vole aux combats.

CENDRILLON

Dieu protecteur, guide ses pas !

LE PRINCE

Le souvenir de tant de charmes

va doubler encor ma valeur.

CENDRILLON

Cependant, de quelques alarmes,

je ne puis défendre mon cœur.

LE PRINCE

Tout me présage le bonheur.

CENDRILLON

Ah ! vous me rendez l'espérance.

LE PRINCE, CENDRILLON

Simplicité, constance,

ces deux mots pour toujours

sont gravés dans mon cœur.

 
(Le prince sort.)

Le prince ->

 

Scène onzième

Alidor, Cendrillon.

<- Alidor

 

CENDRILLON

Dans quel trouble il m'a jetée ! je ne puis me rendre compte de tout ce qui se passe en moi... Ah ! seigneur, venez à mon secours.  

ALIDOR

Qu'est-ce, mon enfant ?

CENDRILLON

Je vous en prie, dites-moi donc ce que j'éprouve ? c'est une agitation, une inquiétude, un plaisir, une peine !... Je ne sais que vous dire...

ALIDOR

Vous n'étiez pas seule ?

CENDRILLON

Non, j'étais avec le jeune écuyer qui vous accompagnait ce matin.

ALIDOR

Ah ! et comment le trouvez-vous ?

CENDRILLON

Je n'ose pas vous le dire.

ALIDOR

Je vous entends.

CENDRILLON

Ah ! seigneur, vous m'avez dit qu'avec cette rose je n'avais rien à craindre, et cependant elle ne m'a pas préservée du mal que je ressens.

ALIDOR

Que voulez-vous, mon enfant, elle ne peut rien contre l'amour.

CENDRILLON

L'amour !... ah ! c'est donc l'amour...

ALIDOR

Oui, mon enfant; mais consolez-vous: soyez toujours bonne, soyez toujours modeste, et peut-être...

Mais j'aperçois votre pére et vos soeurs qui viennent de ce côté.

CENDRILLON

Vous dites donc qu'ils ne me reconnaîtront pas ?

ALIDOR

ils sont bien loin de vous croire ici; d'ailleurs, ce talisman vous change à leurs yeux.

 

Scène douzième

Les mêmes, Le baron, Clorinde, Tisbé.

<- Le baron, Clorinde, Tisbé

 

LE BARON

(en entrant)  

Au diable soit la charge d'échanson ! j'ai cru que je n'aurais rien à faire; mais si cela continue, je serai la personne la plus occupée de l'état: il faut toujours lui verser à ce prince !

CLORINDE

Ah ! voilà sans doute cette dame arrivée avec une suite si brillante.

TISBÉ

Elle vient, je le gage, pour nous disputer la couronne.

CLORINDE

Je ne puis la voir.

TISBÉ

Je sens déjà que je la déteste.

LE BARON

Allons, allons, vous êtes bien sûres de l'emporter.

CENDRILLON

Quelles sont ces aimables personnes ?

LE BARON

Ce sont mes filles, madame.

CENDRILLON

Elles sont charmantes.

CLORINDE
(à part)

C'est fort heureux !

CENDRILLON

Quelle douceur dans leurs traits ! quelle physionomie gracieuse ! voulez-vous bien me permettre

de vous embrasser ?

(Elle passe entre les deux soeurs.)

LE BARON

Ah ! madame.

ALIDOR
(à part)

Son bon cœur ne se dément pas.

CENDRILLON

J'éprouve un grand plaisir à vous voir; je me sens disposée à vous aimer.

LE BARON

Madame, c'est beaucoup d'honneur que vous leur faites.

CLORINDE

Quoi ! madame, dés la première vue, vous...

CENDRILLON

Oh ! je vous connais depuis long-temps; on m'a beaucoup parlé de vous. Voulez-vous accepter

mon amitié ?

CLORINDE

Nous nous estimerons trop heureuses...

TISBÉ

Nous serons charmées...

CENDRILLON

Permettez-moi de vous faire accepter ces faibles gages d'un attachement qui, je l'espère, ne finira jamais.

(Elle ôte de sa tête une gerbe de diamans, et détache un collier de perles fines qu'elle offre à ses soeurs.)

CLORINDE

Des perles !

TISBÉ

Des diamans !

CLORINDE

Quoi ! madame, vous vous en privez pour nous ?

CENDRILLON

C'est avec grand plaisir. Monsieur le baron, avez-vous d'autres enfans ?

LE BARON

Non, madame; le ciel ne m'en a donné que deux.

ALIDOR

Monsieur le baron oublie sa belle-fille.

LE BARON

Qui, Cendrillon ? ah ! elle n'est pas de ma famille.

CENDRILLON

Elle est votre belle-fille; ce titre seul suffit pour la rendre intéressante à mes yeux. Donnez-lui, de ma part, ce brillant.

(Elle donne un brillant au baron.)

CLORINDE

Ah ! madame, vous êtes trop bonne.

LE BARON

Voilà une personne qui est nécessairement très noble. Heureux celui qui en est le pére !

ALIDOR

Son père la méconnaît !

LE BARON

Eh bien ! vous m'avouerez que c'est affreux.

 
(On entend une marche.)
 

CENDRILLON

Mais qu'entends-je ?

ALIDOR

C'est le retour du tournoi: la fête va commencer.

CENDRILLON
(à Alidor)

Ah ! mon père, je tremble.

ALIDOR

Rassurez-vous.

 

Scène treizième

Les mêmes, Le prince, Dandini, en habit royal; il va s'asseoir sur le trône; Gardes, Suite.

<- Le prince, Dandini, gardes, suite

 
[Finale]

 N 

CHŒUR

À la plus belle offrons nos vœux;  

que sa gloire soit immortelle !

Que nos cris montent jusqu'aux cieux !

Honneur, honneur à la plus belle !

La beauté seule enflamme les guerriers,

on triomphe toujours par elle.

Offrons nos cœurs et nos lauriers

à la plus belle.

 

LE PRINCE

(faisant paraître devant Cendrillon les deux chevaliers vaincus, qui mettent leurs épées à ses pieds)

Vous seule avez guidé mon bras,

vous m'avez conduit à la gloire;

ainsi, je dois à vos appas

le prix de la victoire.

CENDRILLON

Guerriers généreux,

calmez vos alarmes;

vous fûtes malheureux,

de ma main recevez vos armes.

CHŒUR

À la plus belle offrons nos vœux;

que sa gloire soit immortelle !

Que nos cris montent jusqu'aux cieux.

Honneur, honneur, à la plus belle !

TISBÉ ET CLORINDE

Comment, sur nous l'emporte-t-elle ?

DANDINI
(leur parlant tour-à-tour)

Rassurez-vous; à mes yeux

vous êtes toujours la plus belle.

CHŒUR

La beauté seule enflamme les guerriers;

on triomphe toujours par elle.

Offrons nos cœurs et nos lauriers

à la plus belle.

LE BARON
(à ses filles)

Bon ! la fête va commencer;

il faut chanter, il faut danser,

et vous l'emporterez sur elle.

 
(Des enfans exécutent quelques danses. - Le baron donne la main à Clorinde, la mène sur le devant de la scène; Tisbé prende une lyre, s'assied à la gauche du thèâtre et accompagne sa sœur.)
 

CLORINDE
(chante, après avoir salué le roi)

Assez long-temps le bruit des armes  

a retenti dans ce palais.

Guerriers, suspendez nos allarmes;

chantons les douceurs de la paix.

 
[Air]

 N 

CLORINDE

Par des hymnes d'allégresse,

et par de célestes accords,

de nos plaisirs, de notre ivresse,

faisons éclater les transports;

que la lyre enchanteresse

accompagne nos aceens,

et que l'amant à sa maîtresse,

répète les plus doux sermens.

 
On a supprimé, dans le cours des représentations à Paris, le morceau suivant, pour y substituer l'ariette ci-dessus; mais le musicien ayant cru devoir faire graver les deux airs dans sa partition, afin de laisser le choix aux troupes des départimens.
 

LE PRINCE
(à Cendrillon)

À votre tour, rendez-vous à mes vœux.

CENDRILLON

Je ne puis me rendre à vos vœux;

elle mérite la couronne.

LE PRINCE

Dansez, je vous en prie, et le roi vous l'ordonné.

DANDINI

Oui, dansez, je le veux.

 
Premier couplet
 

CENDRILLON

(chantant et dansant tour à tour, en s'accompagnant avec un tambour de basque)

À quoi bon la richesse,  

à quoi bon la grandeur,

si l'on n'était sans cesse

en paix avec son cœur ?

S'aimer et se le dire,

deviner un sourire,

est-il un plus grand bien, même au sein de la cour ?

Il n'est point de bonheur, de plaisir, sans l'amour.

 
(Nous rétablissons ici les paroles que nous avios retranchées dans la seconde edition de cette pièce.)
 

CLORINDE
(chante)

(Traduction d'une ode d'Horace, par Lamotte.)  

Couronnons-nous de fleurs nouvelles,

nous en verrons bientôt l'éclat s'évanouir.

Profitons du printemps qui passera comme elles;

l'amour nous presse d'en jouir.

Nos bois reprennent leurs feuillages;

après les noirs frimats le printemps à son tour,

et le soleil plus pur dissipant les nuages,

sans obstacle répand le jour.

Déjà dans la plaine fleurie,

le berger laisse errer ses troupeaux bondissants,

et du son de sa flûte, Écho même, attendrie,

en imite les doux accens,

Cythérée avec ses compagnes,

le soir, d'un pas léger, danse aux bords des ruisseaux,

tandis que son époux ébranle les montagnes

du bruit fréquent de ses marteaux.

Couronnons-nous de fleurs nouvelles,

nous en verrons bientôt l'éclat s'évanouir.

Profitons du printemps qui passera comme elles;

l'amour nous presse d'en jouir.

 
Deuxième couplet
 

CENDRILLON

Un beau jour Colinette

fut conduite à la cour.

Elle était inquiète,

dans ce brillant séjour.

Il fallait se contraindre,

ou bien il fallait feindre;

car on ne peut ici s'expliquer sans détour.

Il n'est point de plaisir, de bonheur, sans l'amour.

 
Troisième couplet

 

Colinette au village

reprit sa liberté.

Elle aimait davantage

sa douce obscurité.

Là, jamais d'artifice,

de fierté, de caprice.

Auprès de son amant elle était tout le jour.

Il n'est point de plaisir, de bonheur, sans l'amour..

 

LE PRINCE

Madame, c'en est trop, acceptez la couronne;

c'est aujourd'hui le roi qui vous la donne.

CENDRILLON

Le roi !...

DANDINI

Qui vous la donne.

CENDRILLON

Non, jamais.

 
(Elle jette la rose, et s'enfuit.)

Cendrillon ->

 

ALIDOR

Elle n'en veut pas !

Juste ciel ! je te rends grâce,

son bon cœur ne se dément pas.

DANDINI ET LE CHŒUR

Quelle audace !

Suivons, suivons ses pas.

 
Fin du second acte.
 

Fin (Acte second)

Acte premier Acte second Acte troisième

Le palais du prince. Le théâtre représente un salon magnifiquement décoré pour une fête; à droite du théâtre est élevé un trône.

(Sur les degrés du trône on aperçoit Cendrillon, avec une parure très élégante, elle dort profondément, et se trouve absolument dans la même position où elle s'est endormie auprès du feu, à la fin du premier acte.)

Cendrillon, génies
 
Cendrillon
génies ->

Ah ! comme j'ai dormi long-temps !

Cendrillon
<- Alidor

Ah ! seigneur, c'est vous ?

Cendrillon, Alidor
<- un page

Madame, vos écuyers, vos pages

Cendrillon, Alidor
un page ->

[Air]

Mais j'entends du bruit

Alidor
Cendrillon ->
Alidor
<- Le prince, Dandini, Le baron, Clorinde, Tisbé, gardes, deux écuyers

Enfin, nous voila arrivés

Alidor, Le prince, Dandini, Clorinde, Tisbé, gardes
Le baron, deux écuyers ->

Alidor, Le prince, Dandini, Clorinde, Tisbé
gardes ->

Dandini, Clorinde, Tisbé
Le prince, Alidor ->

Que vous êtes heureux, seigneur !

Clorinde, Tisbé
Dandini ->

Quel prince accompli !

[Duo]

Clorinde, Tisbé
<- Le prince

Mesdames, pardon si j'ose me présenter

Clorinde, Le prince
Tisbé ->

Quoi ! madame, c'est donc vous ?

Le prince
Clorinde ->

Il faut en convenir, jamais prince

[Romance]

Le prince
<- Cendrillon

Ah ! voilà le jeune écuyer.

 

Oh ! comme sa voix est touchante !

[Duo]

Cendrillon
Le prince ->
Cendrillon
<- Alidor

Dans quel trouble il m'a jetée !

Cendrillon, Alidor
<- Le baron, Clorinde, Tisbé

Au diable soit la charge d'échanson !

Cendrillon, Alidor, Le baron, Clorinde, Tisbé
<- Le prince, Dandini, gardes, suite

[Finale]

Chœur, Le prince, Cendrillon, Tisbé, Clorinde, Dandini, Le baron
À la plus belle offrons nos vœux

Assez long-temps le bruit des armes

[Air]

 

 
 
Alidor, Le baron, Clorinde, Tisbé, Le prince, Dandini, gardes, suite
Cendrillon ->
 
 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième Scène neuvième Scène dixième Scène onzième Scène douzième Scène treizième
Le vieux castel du baron de Montefiascone Le palais du prince. Le théâtre représente un salon magnifiquement décoré pour une fête; à droite du théâtre... Même décoration qu'au deuxième acte.
[Trio] [Romance] [Duo] [Duo] [Finale] [Air] [Duo] [Romance] [Duo] [Finale] [Air] [Trio] [Duo] [Morceau d'ensemble et marche]
Acte premier Acte troisième

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