Acte quatrième

 
Premier Tableau.
 
La Terrasse de Cendrillon.

 Q 

Pandolfe, Cendrillon

Matinée de printemps.
 

Scène première

Pandolfe, affectueusement attentif et presque à voix basse pendant che Cendrillon sommeille.

 
[N. 13]

 N 

 

PANDOLFE

Ô pauvre enfant ! depuis que l'on t'a ramenée  

des bords du ruisselet où nous t'avons trouvée

gisant près des roseaux, glacée, inanimée...

Voilà des jours... des mois... quel souvenir affreux,

quelle angoisse cruelle !

En te prenant, la mort nous aurait pris tous deux...

mais la mort n'osa pas en te voyant si belle...

CENDRILLON
(s'éveillant, à son père)

Je m'étais rendormie... Et toi, tu restais là...

me soignant sans repos...

PANDOLFE

Ah ! mon enfant chérie,

ne me plains pas. Je suis bien heureux; te voilà

vaillante, maintenant, et tout à fait guérie.

(mouvement de Cendrillon)

Reste calme... il te faut encore ménager.

CENDRILLON

(l'interrogeant doucement, mais gentiment et résolument)

Dis-moi la vérité !

PANDOLFE
(embarrassé)

Pourquoi m'interroger ?

CENDRILLON
(sérieuse)

J'étais donc insensée.

PANDOLFE
(gêné)

À quoi vas-tu songer?

CENDRILLON

Alors, père, c'était comme si ma pensée

m'avait tout à coup délaissée...

PANDOLFE

Tu riais, tu pleurais...

sans motif et sans trêve...

Tu vivais comme dans un rêve...

Comme au hasard tu murmurais

des mots confus...

CENDRILLON

Quoi donc?

PANDOLFE

Pauvre enfant, tu souffrais !...

CENDRILLON

Et je parlais?

PANDOLFE

Du bal de la cour... oui, vraiment !...

Et surtoit du prince charmant,

du prince que tu n'as jamais vu seulement...

De brillant avenir... et de promesses folles...

D'un grand chêne enchanté... d'un petit cœur sanglant...

D'une pantoufle en verre... et de riche parure...

(voulant la faire rire)

Tu voyais des lutins qui traînaient ta voiture !...

CENDRILLON
(anxieuse)

Quoi ! rien de tout cela ne serait arrivé !...

PANDOLFE

Rien, ma chère fillette !...

CENDRILLON

Hélas ! j'ai donc rêvé !...

PANDOLFE

Tu riais...

CENDRILLON

Je pleurais

sans motif...

PANDOLFE

Et sans trêve...

CENDRILLON

Je vivais comme dans un rêve...

et je parlais ?...

PANDOLFE

De riche parure !...

CENDRILLON

D'un petite cœur sanglant...

PANDOLFE

E surtout du prince charmant !...

CENDRILLON

Du prince...

PANDOLFE

Que tu n'as jamais vue seulement.

CENDRILLON

Je croyais aux lutins...

PANDOLFE
(en riant)

Qui traînaient ta voiture !...

CENDRILLON

Rien de cela n'est arrivé !...

Ensemble

PANDOLFE

Oui, tout cela tu l'as rêvé !

 

CENDRILLON
(attristé, mais convaincue par son père)

Mon papa !... j'ai rêvé !...

 

Scène deuxième

Les mêmes, Voix de jeunes filles.

 
[N. 14]

 N 

 

VOIX DE JEUNES FILLES
(au loin)

Ouvre ta porte et ta fenêtre,    

ouvrez-les, mais pas à demi...

ouvrez pour que l'avril ami

chez toi pénètre !...

(Le voix sous le balcon de la terrasse)

Comment vas-tu ce matin,

Lucette ?

S

 

CENDRILLON

(qui s'est approchée du balcon et finissant de se dégager de son obsession)

Merci, je vais bien et m'apprête

avec mon père à descendre au jardin...

(Heureuse et comme transfigurée.)

Printemps revient en ses habits de fête !

Allons cueillir la pâquerette

et les muguets au fond du bois.

Les ramures sont en émois !

Les frelons butinent les roses

les près semblent brodés de fleurs.

Charmés les yeux ! charmés les cœurs !

Les marjolaines sont écloses !

 

LES VOIX
(gaîment)

Bon espoir !

CENDRILLON
(de même)

Au revoir !

LES VOIX
(en s' éteignant peu à peu)

Ouvre ta porte et ta fenêtre,

ouvre -les, mais pas à demi...

Ouvre pour que l'avril ami

chez toi pénètre !...

 
Bruit dans la pièce à côté.
 

PANDOLFE
(joyeusement)

Ah ! c'est ma femme qui j'entends...  

Pour éviter cris et gourmades,

viens retrouver tes camarades !...

Profitons du beau temps !

(il emmêne doucement Cendrillon)

Tous tes chagrins sont finis, je l'espère !...

CENDRILLON

(en sortant avec lui)

Comme vous êtes bon, mon père !...

 

Pandolfe, Cendrillon ->

 

Scène troisième

Entrée tumultueuse de Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, puis Les domestiques.

<- Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Les domestiques

 

MADAME DE LA HALTIÈRE
(à tous, avec importance)

Avancez ! Reculez ! Apprenez qu'aujourd'hui  

l'ordre de notre roi convoque près de lui

les princesses sans nombre, à son appel venues

de régions qui sont ou ne sont pas connues.

Il en vient du Japon, de l'Espagne et de Tyr,

des bords de la Tamise et du Guadalquivir,

il en vient du Cambodge, il en vient de Norvège...

Et tout à l'heure, ici passera le cortège !

(changeant de ton)

Puis... comme le ciel clair succède à l'ouragan,

la source murmurante au fracas du torrent,

vous verrez sur la fin s'avancer noblement,

comme une vision idéale et céleste,

trois femmes au maintien radieux et modeste.

(comme devant la plus suave des apparitions)

Alors, vous entendrez un long frémissement,

car le peuple dira: « Voyez ces inconnues,

pour le prince charmant, du ciel bleu descendues. »

Sans penser que ce sont mes deux filles et moi,

nous rendant au palais pour saluer le roi.

 
(Roulements de tambours et sonneries de trompette dans la rue.)
 

 

C'est le héraut du roi !

 
Tous se précipitent au balcon. Mèlée.
 

 

(bousculant ceux qui encombrent)

Eh bien ! s'il vous plaît après moi !

 
Cendrillon vient d'entrer sans être aperçue des personnes présentes: elle écoute, anxieuse.

<- Cendrillon

 

LA VOIX DU HÉRAUT
(dans la rue)

Bonnes gens, vous êtes avertis qu'aujourd'hui même, le prince va recevoir en personne, dans la grande cour du palais, les princesses qui viennent essayer la pantoufle de verre perdue par la femme inconnue dont le départ a déchiré la cœur du fils du roi et dont l'absence le fait mourir de langueur et de désespoir...  

VOIX
(dans la rue)

Hurra ! le cortège s'avance !

CENDRILLON
(frappée)

Mon rêve était donc vrai !

Maintenant, j'en ai l'assurance,

si mon ami me revoyait, chère espérance...

à mon aspect il revivrait...

Je sais qu'il m'aime...

Il me l'a dit... il me l'a dit lui-même.

Ô marraine, venez à mon appel fervent !

Et faites-moi revoir mon doux prince charmant !

 
(Pendant que les acclamations redoublent au dehors et au balcon, derrière Cendrillon apparaît la fée. La musique joue jusqu'au changement.)

Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Cendrillon, Les domestiques ->

<- La Fée

 
Marche des princesses.
 
 
Deuxième tableau.
 
Chez le Roi

 Q 

Les princesses

Le cour d'honneur. Grand soleil. Les princesses sont là.
 

Scène première

Les mêmes, Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule.

<- Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule

 

LA FOULE

Salut aux princesses !  

Salut aux altesses !

LE PRINCE CHARMANT
(d'une voix faible)

Posez dans son écrin, sur un coussin de fleurs,

la pantoufle d'azur déteinte par mes pleurs.

(avec fièvre, se soutenant à peine)

Qu'à mon regard avide enfin elle apparaisse...

La divine princesse

qui croit pouvoir la réclamer...

Je ne puis vivre encor que si je puis l'aimer!

 
Les princesses s'avancent. Il les regarde anxieusement. Mais il les arrête, d'un geste triste et très doux, avant qu'elles n'arrivent jusqu'à la pantoufle de verre.
 

LE PRINCE CHARMANT

Chacune de vous est bien belle,

mais je cherche, et ce n'est pas elle !

Il faudra donc que rien n'apaise ma douleur,

il faudra donc que sans de tendres baisers reste ma lèvre !...

Point ne se calmera ma fièvre.

On ne m'a pas rendu mon cœur !...

(Il est prêt à s'évanouir.)

LA FOULE
(anxieuse)

Sur sa tête pâlie

quelle mélancolie !

LE ROI
(avec émotion)

Ses yeux vont se fermer. Parle-moi, mon enfant !

LA FOULE
(avec recuellement)

Dans un appel fervent

tout un peuple supplie.

Nous implorons les cieux !

 

Scène deuxième

Les mêmes.

 
(Le chant de la fée se fait entendre au loin.)
 

LA FOULE
(interdite et comme un murmure)

Enchantement ! merveille !  

LA FOULE

Voyez la beauté sans pareille !

LA FÉE
(au prince, lui montrant Cendrillon)

Prince charmant, rouvrez les yeux !

 
Le prince voit Cendrillon et la désigne du doigt en tremblant dans une joie d'extase.

<- Cendrillon

 

LE PRINCE CHARMANT

Ah ! c'est elle, c'est ma Lucette !...  

CENDRILLON
(simplement)

Cendrillon, la pauvrette !...

(Elle va vers le prince qui l'attend joyeux et timide; en lui rendant son cœur.)

 

 

Vous êtes mon prince charmant,  

laissez-vous renaître à la vie...

C'était là toute mon envie...

Reprenez-le ce cœur sanglant...

Vous êtes mon prince charmant.

LE PRINCE CHARMANT

Ah ! garde-le, chère maîtresse !

De tes yeux, la douce caresse

fait renaître ce cœur flétri.

LA FÉE

Avril pour eux a refleuri !

LE PRINCE CHARMANT, CENDRILLON

Avril pour nous a refleuri !

LA FOULE
(joyeuse)

Honneur à notre souveraine !

 
Pandolfe arrive avec Madame de la Haltière et ses filles, les trois dames sont accompagnées par Le doyen, Le surintendant et Le premier ministre. Pandolfe se précipite vers Cendrillon qui s'élance vers son père.

<- Pandolfe, Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Le doyen, Le surintendant, Le premier ministre

 

PANDOLFE

Grands dieux !... c'est...  

MADAME DE LA HALTIÈRE

(écartant vivement son mari et reçevant dans ses bras Cendrillon, qu'elle câline)

Ma fille !

PANDOLFE, NOÉMIE, DOROTHÉE, LE DOYEN, LE SURINTENDANT, LE PREMIER MINISTRE
(stupéfiés)

Ah ! quel aplomb est le sien !

MADAME DE LA HALTIÈRE

(continuant et accentuant)

Lucette que j'adore !

PANDOLFE
(au public)

Ici tout finit bien.

Voici nos amoureux maintenant hors de peine.

 

TOUS

(au public, en saluant ou en faisant la belle révérence)

La pièce est terminée. On a fait de son mieux

pour vous faire envoler par les beaux pays bleus.

 

Fin (Acte quatrième)

Préface Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

La Terrasse de Cendrillon. Matinée de printemps.

Pandolfe, Cendrillon
 

[N. 13]

Ô pauvre enfant ! depuis que l'on t'a ramenée

[N. 14]

Voix de jeunes filles, Cendrillon, Pandolfe
Ouvre ta porte et ta fenêtre

Ah ! c'est ma femme qui j'entends...

Pandolfe, Cendrillon ->
<- Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Les domestiques

Avancez ! Reculez ! Apprenez qu'aujourd'hui

Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Les domestiques
<- Cendrillon

Bonnes gens, vous êtes avertis

Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Cendrillon, Les domestiques ->
<- La Fée

Chez le Roi. Le cour d'honneur. Grand soleil.

Les princesses
 
Les princesses
<- Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule

Salut aux princesses !

Enchantement ! merveille !

Les princesses, Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule
<- Cendrillon

Ah ! c'est elle, c'est ma Lucette !...

Cendrillon, Le prince chramant, La fée, La foule
Vous êtes mon prince charmant
Les princesses, Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule, Cendrillon
<- Pandolfe, Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Le doyen, Le surintendant, Le premier ministre

Grands dieux !... c'est... / Ma fille ! / Ah ! quel aplomb est le sien !

 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène première Scène deuxième
Chez Madame de la Haltière. Vaste chambre. À droite grande cheminée avec son âtre. Chez le roi. La salle des fêtes et les jardins du palais Chez Madame de la Haltière. Vaste chambre. À droite grande cheminée avec son âtre. Chez la fée. Un grand chêne, au milieu d'une lande pleine de genêts en fleurs. Au fond: la mer. Nuit claire.... La Terrasse de Cendrillon. Matinée de printemps. Chez le Roi. Le cour d'honneur. Grand soleil.
[Préface] [Introduction] [N. 1] [N. 2] [N. 3] [N. 4] [N. 5] [N. 6] [N. 7] [N. 8] [N. 9] [N. 10] [N. 11] [N. 12] [N. 13] [N. 14]
Préface Acte premier Acte deuxième Acte troisième

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