CENDRILLON
Conte de fées en quatre actes.
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Livret de Henri CAÏN.
Musique de Jules MASSENET.
Première représentation : 24 mai 1899, Paris.
Personnages:
CENDRILLON |
soprano |
MADAME DE LA HALTIÈRE |
mezzo-soprano |
LE PRINCE CHARMANT |
soprano |
LA FÉE |
soprano |
NOÉMIE |
soprano |
DOROTHÉE |
mezzo-soprano |
PANDOLFE |
basse |
LE ROI |
baryton |
LE DOYEN de la faculté |
ténor |
LE SURINTENDANT des plaisirs |
baryton |
LE PREMIER MINISTRE |
basse |
LES ESPRITS (4 sopranos, 2 contraltos) |
autre |
Serviteurs, Courtisans, Docteurs, Ministres, Dames et Seigneurs, Follets, Tailleurs, Coiffeurs, Modistes, Les filles de noblesse, Princesses, Gouttes de rosée. Pages, Musiciens, etc.
La voix du héraut.
Époque Louis XIII.
[Préface]
PANDOLFE
(au public - parlé)
Salut, dames, messieurs et gentes demoiselles !
Pour échapper au noir des choses trop réelles,
laissez-nous vous bercer de récits merveilleux.
Oubliez, pour un temps, les chagrins, les querelles,
redevenez enfants, croyez au fabuleux,
plaignez bien Cendrillon, aimez la bonne fée,
redoutez les lutins de la lande sacrée,
et soyez indulgents; on jouera de son mieux
pour vous faire envoler par les beaux pays bleus !
CENDRILLON
(simple et calme - chanté)
Je suis la petite Lucette;
mais personne, jamais, ne me donne ce nom;
car sous ces habits de pauvrette
on m'appelle toujours Cendrille ou Cendrillon.
LA FÉE
Je suis la bonne fée et, de plus, sa marraine.
Qu'elle vient supplier quand elle a trop de peine.
Vous me verrez, vers les minuits
consoler son infortune
et lui donner de beaux habits
tissés dans un rayon de lune !
LE PRINCE CHARMANT
(avec mélancolie et charme)
A mon tour de me présenter:
c'est prince charmant qu'on me nomme.
Et c'est moi qui vais vous prouver
que devant l'angoisse d'aimer,
un roi tout puissant n'est qu'un homme.
PANDOLFE
Je suis père de Cendrillon
veuf... et remarié dans l'arrière-saison,
funeste déraison !
Avec une comtesse, hélas ! insupportable
qui m'apportait en dot... oh ! c'est épouvantable !
deux belles filles, deux !!! d'humeur très redoutable.
A les chérir, je suis condamné par la loi !
Plaignez-moi ! plaignez-moi ! plaignez-moi !
MADAME DE LA HALTIÈRE
(avec une majesté comique)
C'est moi sa compagne irascible.
NOÉMIE
C'est nous qu'on vient de désigner.
DOROTHÉE
C'est nous qu'on vient de désigner.
(comme en confidence au public)
N'auriez-vous pas, par impossible,
deux bons maris à nous donner ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
(de même)
Deux bons maris à leur donner ?
LE ROI
LE DOYEN
Nous sommes les docteurs,
et nous avons l'honneur
LES DOCTEURS
d'être vos serviteurs.
LE SURINTENDANT
LES SEIGNEURS
(d'une façon impassible)
Nous sommes les seigneurs
et nous chantons les chœurs.
LE PREMIER MINISTRE
(d'un air épuisé et indifférent)
Vous avez devant vous des ministres
QUELQUES MINISTRES
(insistant)
intègres.
LA FÉE
Les esprits de la nuit,
les esprits de l'aurore;
ceux-là sont les gardiens du vieux chêne sacré.
UN NÈGRE
Et nous sommes les nègres.
PANDOLFE
(au public avec empressement)
Il faut que le public soit toujours éclairé.
(avec autorité)
Commençons !
Et chacun agira de son mieux.
CENDRILLON, LE PRINCE CHARMANT, NOÉMIE, DOROTHÉE, MADAME DE LA HALTIÈRE, PANDOLFE, LE ROI, LE DOYEN, LE SURINTENDANT
Et chacun agira de son mieux.
LE PREMIER MINISTRE
Et chacun agira de son mieux
pour vous faire envoler par les beaux pays bleus !
[Introduction]
Chez Madame de la Haltière.
Vaste chambre. À droite grande cheminée avec son âtre.
Domestiques, Serviteurs, puis Pandolfe.
Coups de sonnette répétés. Des domestiques troublés, ahuris ne savent qui entendre. Quelques-uns courent, affolés.
LES DOMESTIQUES, SERVITEURS
(hommes et femmes)
On appelle, on sonne !
On carillonne!
Que de scènes ! que de cris !
Nous sommes ahuris !
On appelle, on sonne !
C'est par ici ! non ! c'est par là !
On ressonne, on recarillon !
Voilà ! voilà !
On y va !
Mieux vaudrait servir le diable en personne
que cette femme là !...
(les uns aux autres)
Ô mon cher, ô ma chère !
C'est une mégère !
LES DOMESTIQUES, SERVITEURS
(à la vue de Pandolfe, qui parait, tous s'arrêtent, troublés, interdits)
Monsieur !
PANDOLFE
Continuez. Ce n'est que moi. Pourquoi
vous taisez-vous ? Pas besoin de prudence;
ne soyez pas ainsi troublés par ma présence,
et dites, que se passe-t'il ?
LES DOMESTIQUES
Monsieur, chacun proclame
que monsieur est gentil, très gentil, très gentil !
Mais c'est madame ! Ah ! madame ! ah ! madame !
PANDOLFE
Hein! qu'est-ce à dire ?
(à part)
Au fond, ils ont raison !
(nouveaux et très forts coups de sonnette)
Allez... allez... on vous réclame !
LES DOMESTIQUES
Monsieur est si gentil, si gentil...
PANDOLFE
Eh, c'est bon !
(En sortant, les domestiques se retournent en disant: « Mais c'est madame ! Ah ! madame ! »)
Pandolfe.
Du côté de la barbe est la toute puissance...
Oui, je devrais le faire voir
et savoir
obtenir de ma femme un peu d'obéissance.
Hélas !
[N. 1]
Vouloir n'est pas pouvoir !
Pourquoi, grands dieux, veuf et tranquille,
vivant chez moi, loin de la ville,
exempt de soucis et d'émois
près de ma fillette adorable,
ai-je quitté ma ferme et nos grands bois !
Pourquoi ? Pour m'en aller tenter le diable,
en étant le mari
re-mari, très marri
d'une comtesse fière et d'humeur redoutable
qui m'apportait en dot, non ! c'est épouvantable,
deux belles filles, deux ! mon sort est lamentable !
A les chérir, je suis condamné par la loi !
Ombre de Philémon ! plaignez-moi ! plaignez-moi !
Mon sort est vraiment effroyable !
Encore, si j'étais seul à gémir, mais non,
pour toi c'est l'abandon,
ô ma fillette !
Ah ! que je souffre, en te voyant, Lucette,
sans affiquets, ni collerette...
te cacher pour venir me donner un baiser,
sans un regard pour m'accuser
quand au logis, seulette,
je te laisse pendant le bal !
Que veux-tu ! je sens que c'est mal !
mais si ma femme gronde et rage,
je tremble et je ne peux résister à l'orage !
(avec agitation et nervosité)
Ah ! par ma foi,
ce sera pénible, peut-être,
mais il faudra qu'un jour, chez moi,
(avec autorité)
je finisse par être maître !
(Les domestiques entrent, précédant madame de la Haltière et ses deux filles.)
(changeant de ton et s'enfuyant)
Ma femme ! hélas ! partons ! Vouloir n'est pas pouvoir !
Madame de la Haltière et ses filles.
[N. 2]
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à ses filles avec une importance comique)
Faites-vous très belles, ce soir;
j'ai bon espoir.
NOÉMIE, DOROTHÉE
Pourquoi, maman ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
Peut-on jamais savoir ?
Faites-vous très belles, ce soir !
(à part)
Non, cela n'aurait rien qui me puisse surprendre...
Car c'est plus d'une fois
que l'on a vu des rois...
NOÉMIE, DOROTHÉE
Quoi donc, maman ? plus d'un fois
qu'est-ce donc qu'ils ont fait, les rois ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
A tout nous devons nous attendre.
NOÉMIE, DOROTHÉE
Nous attendre à tout ? mais pourquoi ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
Parce qu'on va, ce soir, vous présenter au roi !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Ah ! quel bonheur ! nous allons voir le roi !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Il vous remarquera, j'espère !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Alors, qu'est-ce qu'il faudra faire ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
Il faudra faire comme moi !
Le bal est un champ de bataille...
NOÉMIE, DOROTHÉE
Comment,
maman,
le bal est un champ de bataille ?...
MADAME DE LA HALTIÈRE
Tenez-vous bien,
ne perdez rien
de votre taille,
pas de mouvements trop nerveux...
NOÉMIE, DOROTHÉE
Non, maman !
MADAME DE LA HALTIÈRE
A-t-on bien frisé vos cheveux ?
NOÉMIE, DOROTHÉE
Oui, maman!
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à part, avec volubilité, comme se parlant à elle-même)
Car je ne veux, ni ne puis me résoudre,
à croire qu'il existe seulement
dans le roman,
le coup de foudre !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Le coup de foudre !
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à ses filles)
Prenez un maintien gracieux
en arrondissant votre bouche.
Bien ! n'ayez pas l'air trop farouche !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Voilà, maman !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Parfait ! on ne peut mieux !
Ne soyez pas banales !
Ni trop originales !
Ensemble
MADAME DE LA HALTIÈRE
Faites-vous très belles ce soir !
Quel succès nous allons avoir !
Mais vous ne devez pas savoir
quel est mon espoir !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Nous serons très belles, ce soir !
Quel succès nous allons avoir !
Et nous croyons déjà savoir
quel est votre espoir !
Les mêmes, Les domestiques, puis Pandolfe.
LES DOMESTIQUES
(affairés)
Madame, ce sont les modistes.
D'AUTRES
I
Madame, ce sont les tailleurs.
II
Madame, ce sont les coiffeurs.
MADAME DE LA HALTIÈRE
(avec ostentation)
Qu'on introduise ces artistes !
(Pendant que les modistes, les coiffeurs et les tailleurs s'occupent de la toilette des trois femmes.)
De sa robe, il faut que les plis
soient plus légers, plus assouplis.
(à ses filles)
Qu'en dites-vous ?... La ligne est pure...
Très bien cela. Cette coiffure
est concordante à la figure !
LES DOMESTIQUES
(au fond, pouffant de rire)
Cheveux garantis sur facture.
NOÉMIE, DOROTHÉE
(s'interrogeant mutuellement)
Sommes-nous bien ainsi ? Oui, véritablement
sans compliment,
c'est charmant ! c'est charmant !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Charmant !
NOÉMIE, DOROTHÉE
(flattant leu mère)
Un éblouissement !
LES DOMESTIQUES
(au fond, même jeu)
Est-elle fagotée ?...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(flattant ses filles)
Un émerveillement !
LES DOMESTIQUES
(au fond, même jeu)
Et Noémie ! et Dorothée ?
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
On en parlera sûrement !
LES DOMESTIQUES
(même jeu)
Oui, oui, sûrement !
Les fournisseurs sont reconduits par les domestiques.
PANDOLFE
(entrant en grande toilette)
Félicitez-moi donc de mon exactitude.
NOÉMIE, DOROTHÉE
Oui... ce n'est pas votre habitude.
MADAME DE LA HALTIÈRE
Vous êtes toujours en retard.
Enfin... cette fois par hasard...
NOÉMIE, DOROTHÉE
(se montrant avec prétention)
Ne sauriez-vous trouver un mot aimable à dire
en voyant nos beautés ?...
PANDOLFE
(préoccupé)
Excusez-moi... j'admire...
(à part, pendant que les trois femmes se pavanent)
Ne disons rien, restons tranquille en notre coin,
ne voulant de près ou de loin
ajouter même une parole,
un doux espoir me soutenant,
me caressant, me consolant...
(montrant sa femme, joyeusement)
On va l'enfermer, elle est folle !...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(brusquement)
Eh ! bien! qu'avez-vous donc ? Vous restez comme un pieu
planté là !
NOÉMIE
Venez donc !
DOROTHÉE
Et partons !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Venez vite !
PANDOLFE
Tout de suite ! de suite !
(à part, avec émotion)
Ma Lucette... je pars... sans t'avoir dit adieu !...
Je te laisse encor seule, ô ma pauvre petite !
Je pars sans même oser
te donner un baiser !
Sans bercer ta tristesse
d'un seul mot de tendresse !...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(regardant ses filles)
Quand le prince aura vu leurs attraits enchanteurs,
la fortune est à nous... Le trône et ses grandeurs !
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
De la race,
de la prestance,
de l'audace,
de l'élégance,
de la finesse,
ensorcelante,
une souplesse
un peu troublante,
lèvre mutine
et délicate,
le mot qui flatte,
grâce assassine,
des yeux de chatte.
Elles ont tout, oui, vraiment tout !
Le prince est pris s'il a du goût !
(Sortie générale. Les domestiques emportant les candélabres et les flambeaux pour accompagner le départ. - Obscurité.)
Cendrillon.
(paraissant)
Ah ! que mes sœurs sont heureuses ! Pour elles
c'est chaque jour nouveau plaisir !
Elles n'ont pas le temps de former un désir...
et le bonheur aussi je crois les rend plus belles !...
Elles vont à la cour... à la cour ! oh ! ce bal !...
On y viendra de toutes les provinces;
tous les seigneurs seront au moins marquis ou princes
à l'entour du trône royal !
Et mes sœurs seront là... tandis que moi... je rêve...
Et j'ai tort, oui, j'ai tort... ces rêves-là font mal !
Ma besogne est là qu'il faut que j'achève...
[N. 3]
Reste au foyer, petit grillon,
car ce n'est pas pour toi que brille
ce superbe et joyeux rayon...
Ne vas-tu pas porter envie au papillon ?
A quoi penses-tu, pauvre fille ?
Travaille, Cendrillon,
résigne-toi, Cendrille !
C'est une joie aussi de faire son devoir !
Débarrassons la table et rangeons le dressoir !
Je suis décidément paresseuse ce soir.
J'ai beau vouloir... j'entends toujours des bruits de fête
dont les échos troublants bourdonnent dans ma tête...
Reste au foyer, petit grillon,
car ce n'est pas pour toi que brille
ce superbe et joyeux rayon...
Ne vas-tu pas porter envie au papillon ?
À quoi penses-tu, pauvre fille ?
Résigne-toi, Cendrille !
Travaille, Cendrillon !
Voyons, j'ai bien fait tout ce que j'avais à faire.
Je puis me reposer. Comme la nuit est claire !
Les étoiles ont l'air de me sourire, aux cieux !
C'est étrange ! on dirait que le sommeil m'accable !
Je ne suis plus à l'âge où le marchand de sable
venait si tôt, jadis, fermer mes yeux !
Dormons; souvent, on est heureux
quand on dort... et qu'on fait des songes merveilleux !
(en s'endormant, Cendrillon dit encore:)
Reste au foyer, petit grillon,
résigne-toi ! résigne-toi !
Cendrillon endormie, La fée, puis Les esprits et Les follets.
LA FÉE
(apparaissant, à Cendrillon endormie)
Douce enfant, ta plainte légère
comme l'haleine d'une fleur,
vient de monter jusqu'à mon cœur.
Ta marraine te voit et te protège... espère !...
VOIX LONTAINS
Espère !
LA FÉE
Sylphes, lutins, follets, accourez à ma voix,
de tous les horisons, à travers les espaces...
(Les esprits et les follets apparaissent.)
LA FÉE
Suivez exactement mes lois,
apportez-moi tous vos talents, toutes vos grâces !
[N. 4]
Je veux que cette enfant charmante, que voici,
soit aujourd'hui hors de souci
et que par vous, splendidement parée,
elle connaisse enfin le bonheur à son tour...
Je veux qu'aux fêtes de la cour
elle soit la plus belle et la plus admirée.
Ô Cendrillon, ma fleur d'innocence et d'amour,
sur toi je veille !
CENDRILLON
(endormie)
Vision ravissante ! étonnnante merveille !
LES ESPRITS
Cendrillon, tu seras la beauté sans pareille!
LA FÉE
(aux follets)
Pour en faire un tissu magiquement soyeux
dont vu composerez sa robe,
que votre main adroitement dérobe
aux astres radieux
la subtile splendeur de leurs rayons joyeux,
à l'arc-en-ciel ses harmonies,
au clair de lune empruntez ses pâleurs.
Et que pour son bouquet soient par vous réunies,
en un philtre d'amour, les plus douces senteurs.
(à un groiup de follets)
Et vous, préparez l'attelage!
(à un follet)
Toi, tu seras cocher.
UN ESPRIT
Et moi?
LA FÉE
Tu seras page!
(à d'autres)
Et vous serez les postillons!
LA FÉE ET LES ESPRITS
(aux follets)
Tous les petits oiseaux nous prêteront leurs ailes,
les coursiers seront les insectes frêles,
les phalènes, les papillons,
et les légères demoiselles.
Habiles artisans,
fournissez-nous des pierreries
en butinant dans les prairies,
coccinelles et vers luisants !
Que les moucherons, et les scarabées
égalent des rubis les purs scintillements.
Aux larmes de la nuit, sur les roses pâmées
donnez l'éclat de diamants.
Vous cacherez des lucioles,
pour éclairer son chemin,
au fond des tremblantes corolles
des tulipiers et du jasmin.
LA FÉE
(à Cendrillon, toujours endormie)
Tous est donc prêt. Eveille-toi, petite !
LES ESPRITS
(à Cendrillon)
C'est ta marraine qui t'invite,
ô Cendrillon! ô fleur d'amour !
On t'attend au bal de la cour !
Tes vœux sont exaucés. Éveille-toi, petite !
CENDRILLON
(en rêvant)
Enfin... je connaîtrai le bonheur à mon tour !
(tristement)
On ne va pas au bal... à la cour, en guenille...
(avec ravissement))
Que vois-je ? Suis-je folle ?
(avec stupeur et joie en se voyant superbement parée)
Est-ce de l'or qui brille?
À la place de mon haillon,
cette robe splendide et ce manteau qui traîne !
Ah ! je ne suis plus Cendrillon !
Ni Lucette !... je suis princesse... je suis reine...
(à la fée avec effusion)
Merci, merci, bonne marraine !
LA FÉE
Écoute bien. Quand sonnera minuit,
ici, je veux que tu sois revenue.
Donc, par quelque plaisir que tu sois retenue,
du bal tu partiras sans bruit.
LES ESPRITS
Quand sonnera minuit...
CENDRILLON
Je serai revenue...
LA FÉE, LES ESPRITS
Souviens-toi bien.
CENDRILLON
À l'heure convenue
(Cendrillon sur le point de partir, s'arrête et avec un découragement soudain)
CENDRILLON
Mais, hélas ! c'en est fait déjà de mes bonheurs !
LA FÉE
Que dis-tu?
CENDRILLON
Ma mère et mes sœurs
sont à ce bal... je serai reconnue.
Et...
LA FÉE
Calme tes vaines frayeurs.
Cette pantoufle mignonne,
que je te donne,
est un talisman précieux
qui rendra ma Lucette inconnue à leur yeux.
En route, maintenant, en route, le temps presse.
(montrant la carosse)
Voici ton carrosse, princesse !
CENDRILLON
(avec une joie naïve)
Qu'il est joli !... qu'il est petit !...
LA FÉE
Tous les esprit,
lutins, follets, seront à tes ordres.
CENDRILLON
(avec une gaieté débordante)
Je ris !
Ne fût-ce qu'une fois, qu'une heure dans ma vie,
moi qui ne connaissais encore que les mépris,
des plus belles j'aurai pu mériter l'envie !
Je ris ! je ris !
LA FÉE, LES ESPRITS
Partez, madame la princesse,
mais, fidèle à votre promesse,
minuit sonnant, soyez de retour en ces lieux !
CENDRILLON
Fidèle à ma promesse,
à minuit, je serai de retou en ces lieux !
LA FÉE, LES ESPRITS
Partez ! partez ! madame la princesse !
Chez le roi.
La salle des fêtes et les jardins du palais. Le tout brillamment illuminé.
Le prince charmant. Après de lui Trois musiciens (luth, viole d'amour et flûte de cristal) font entendre pendant toute la scène comme un concert mystérieux. Le surintendant des plaisirs, avec un groupe de Courtisans, saluant le prince, puis Les docteurs et Les ministres.
LE SURINTENDANT
LES COURTISANS
(entre eux)
Non. Il ne répond rien.
LE SURINTENDANT
TOUS
Aucun moyen
de prolonger cet entretien.
Pauvre prince !
Ils se retirent et sont remplacés par un groupe de docteurs.
LE DOYEN
(au prince)
Par Hippocrate et docta lex
volumus vos auscultare,
chère altesse, atque drogare
suivant les règles du codex,
noble prince,
écoutez.
LES DOCTEURS
(entre eux)
Non. Il n'écoutera rien.
LE DOYEN
Messieurs, je crois qu'on nous évince.
TOUS
Aucun moyen
de prolonger cet entratien.
Les docteurs en s'éloignant font place au groupe des ministres.
LE PREMIER MINISTRE
(au Prince)
Nous sommons votre seigneurie
de venir s'amuser au bal
et de chasser sa rêverie.
Aux termes d'un décret royal,
noble prince,
consentez.
LES MINISTRES
(entre eux)
Non. Il ne consent à rien.
LE PREMIER MINISTRE
Messieurs, je crois qu'on nous évince.
TOUS
Aucun moyen
de prolonger cet entretien.
LE TROIS GROUPES
(légèrement, changeant de ton, avec indifference, en s'éparpillant)
Pauvre prince ! Pauvre prince ! Pauvre prince !
Le prince charmant, seul.
LE PRINCE CHARMANT
Allez, laissez-moi seul... seul avec mes ennuis...
[N. 5]
Cœur sans amour, printemps sans roses !
Pour moi, tous les jours sont moroses
et moroses toutes les nuits !...
Pourtant, de doux frissons glissent par tout mon être.
Si, me tendant les bras, je la voyais paraître,
celle qui veut mon âme ! enivré, radieux,
je lui dirais dans mon ivresse:
« De nous l'amour fera des dieux.
Je suis à toi ! Prends ma jeunesse ! »
Mais je vis triste et seul, le cœur brisé d'ennuis...
Pour moi tous les jours sont moroses
et moroses toutes les nuits !...
Cœur sans amour ! printemps sans roses !...
Ah ! si je la trouvais, oubliant la grandeur,
dédaigneux des richesses,
du trône je prendrais en pitié la splendeur,
pour ne plus rien goûter que nos chères tendresses !...
Le prince charmant. Entrée du roi et de la cour.
LE ROI
Divertissement.
Première entrée.
(Les filles de noblesse.)
Deuxième entrée.
(Les fiancés.)
Troisième entrée.
(Les mandores.)
Quatrième entrée.
(La florentine.)
Cinquième entrée.
(Le rigodon du roi.)
Entrent madame de la Haltière, ses deux filles, Pandolfe, le surintendant, le doyen et le premier ministre. Aussitôt après les révérences.
Ensemble
LE DOYEN, LE SURINTENDANT, LE PREMIER MINISTRE
(aux trois femmes)
Ah! vous êtes en sa présence!
Par votre superbe prestance
jouez de tous vox attraits,
c'est l'instant ou jamais!
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE, PANDOLFE
(les trois femmes confidentiellement entre elles)
Ah! nous sommes en sa présence!
Par notre superbe prestance
jouons de tous nos attraits,
c'est l'instant ou jamais!
(Pendant la danse à laquelle prennent part madame de la Haltière et ses deux filles)
PANDOLFE
( à part, dans le plus grand trouble)
Que je suis donc ému ! Mon auguste maître,
sa majesté, va me parler,
elle m'a reconnu... peut-être...
Ah ! je voudrais bien m'en aller !
(Pendant la danse, quand les couples se rencontrent.)
NOÉMIE, DOROTHÉE
(à lor mère, rapidement, en passant)
Maman, nous sommes angoissées...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à ses filles, même jeu)
Ne soyez pas embarrassées...
Le prince vient... c'est le moment...
DOROTHÉE
Je défaille... Ah! maman!
MADAME DE LA HALTIÈRE
Vos robes vont être froissées !
Cendrillon paraît. Le Prince, qui semblait l'attendre, la contemple de loin en extase. Grand étonnement de toute l'assistance. Stupeur et dépit des dames de la Haltière. Chacun observe tour à tour Cendrillon, qui s'avance lentement.
LA FOULE
Voyez ! L'adorable beauté !
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
(avec dépit)
Le prince paraît transporté !
LA FOULE
(entre groupes)
Qui la connaît ? Personne !
Rien ne la trouble et ne l'étonne...
elle est exquise en verité !
Ensemble
LA FOULE
Ô la surprenante aventure !
Ô la charmante créature !
La voilà
notre reine future !
Saluons-là!
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
(avec dépit)
Ô la décevante aventure !
Ô la bizarre créature !
Est-ce là
notre reine future !
Évitons-la !
PANDOLFE, LE DOYEN, LE SURINTENDANT, LE PREMIER MINISTRE
Ô la surprenante aventure !
Ô la charmante créature !
C'est bien là
notre reine future !
Saluons-là!
LE ROI
(Le prince s'est rapproché de Cendrillon. Le Roi, ravi, fait retirer tout le monde avec discrétion de l'autre côté, madame de la Haltière éloigne ses filles avec un geste de pudeur offensée, puis retourne vivement chercher son mari qui était resté en contemplation devant la beauté de l'inconnue, et elle le fait partir d'un air d'autorité scandalisée.)
Le prince charmant, Cendrillon, La fée.
[N. 6]
LE PRINCE CHARMANT
(à Cendrillon)
Toi qui m'es apparue,
ô beau rêve enchanteur, beauté du ciel venue,
ah ! par pitié, dis-moi de quel nom te salue,
ô reine, la céleste cour
qui, dans le paradis, t'invoque avec amour...
Par pitié, dis-le moi ! Toi qui m'es apparue !
CENDRILLON
Pour vous je serai l'inconnue !
LE PRINCE CHARMANT
Beauté du ciel venue,
qui donc es-tu ?
CENDRILLON
L'inconnue !...
Vous l'avez dit, je suis le rêve et dois passer
sans qu'il en reste trace,
comme s'efface
un reflet du ciel que l'on voit glisser
sur l'eau, que le vent ride et pousse,
et qui bientôt ira se perdre dans la mousse...
Ensemble
LE PRINCE CHARMANT
Je te perdrais, moi, non... non... plutôt le trépas !...
Qui que tu sois, partout, je veux suivre tes pas...
CENDRILLON
Non, je vais fuir, hélas !
Et vous ne me reverrez pas!...
LE PRINCE CHARMANT
Ah! cette parole cruelle.
Est-ce bien toi qui l'as dite ? Comment
ta lèvre si douce peut-elle
la prononcer ? Ton œil candide la dément...
CENDRILLON
(tendrement)
Vous êtes mon prince charmant,
et, si j'écoutais mon envie,
je voudrais consacrer ma vie
à vous complaire seulement...
Vous êtes mon prince charmant.
Vous êtes mon prince charmant,
et mon âme gémit, blessée
jusqu'à mourir à la pensée
de vous attrister seulement...
Vous êtes mon prince charmant.
LE PRINCE CHARMANT
Eh ! bien... laisse ta main dans la mienne pressée
car, si de toi j'étais abandonné,
lors, je serais ton prince infortuné !...
CENDRILLON
(à part, très émue)
Sa voix est comme une harmonie
qui ravit mon oreille et tient mon cœur charmé...
LE PRINCE CHARMANT
Ah ! reste et prends pitié de mon cœur alarmé !...
Ensemble
LE PRINCE CHARMANT
Éveille en mon esprit la douceur infinie,
et le charme innocent de l'avril embaumé !
CENDRILLON
Oui, du seul souvenir de cette heure bénie,
mon esprit restera pour toujours embaumé !
LE PRINCE CHARMANT
Je t'aime et t'aimerai toujours...
CENDRILLON
(elle écoute anxieuse le premier coup de minuit qui sonne au loin)
Ah ! je frissonne !
LE PRINCE CHARMANT
(tendre et pressant)
Rien ne m'éloignera de toi... rien, ni personne !
CENDRILLON
(se détachant peu à peu des éntreintes du prince)
L'heure ! dejà ! mon dieu ! déjà ! l'heure qui sonne !...
LE PRINCE CHARMANT
L'heure ? Qu'importe l'heure ? Il la faut oublier !
Je suis à tes genoux pour te mieux supplier !
Je t'aime !
Cendrillon s'en fuit. La fée, voilée, surgit rapidement. Elle arrête le prince charmant qui allait s'élancer à la poursuite de Cendrillon, puis disparaît immédiatement.
LE PRINCE CHARMANT
(avec saisissement et égarement)
Suis-je fou ?
(On danse comme si rien ne s'était passé, et tout s'aperçoit du bal comme à travers un brouillard.)
(à lui-même avec désespoir)
Qu'est-elle devenue ? ...
(Pendant les danses.)
Inconnue ! inconnue ! ô céleste inconnue !
Premier tableau.
Le retour du bal.
Comme au premier acte.
Cendrillon paraît. Furtivement, puis avec agitation.
Enfin, je suis ici...
La maison est déserte...
À revenir, j'ai réussi
sans être découverte.
Mais que de peine, que de peine et de souci !...
Fuyant dans la nuit solitaire,
par les terrasses du palais, en courant
j'ai perdu ma pantoufle de verre !...
Marraine, voudrez-vous me pardonner jamais ?
Oui, car pour tenir ma promesse,
j'ai fait tout ce que je pouvais.
Vous avez dû voir ma détresse
quand, tremblante, je me sauvais
dans mes habits de pauvresse.
[N. 7]
À l'heure dite je fuyais
parmi les noires avenues.
Et je voyais
se dresser des grandes statues...
Ah ! quel effroi !
Blanches sous les rayons de lune !...
Leur yeux sans regards se fixaient sur moi,
elles me montraient du doigt
se riant de mon infortune.
Dans les profondeurs du jardin
je m'égarais... tout était sombre...
je courais toujours, puis m'arrêtais soudain.
J'avais peur de mon ombre !
Interrogeant les horizons,
craignant partout des trahisons
je glisse le long des maisons,
n'osant pas traverser la place...
Un grand bruit éclate et me glace
de sinistres frissons...
C'était le carillon du beffroi dans l'espace !...
Réconfortant mon cœur
il me disait en son langage:
je veille, calme ta frayeur,
reprends courage !
(Avec un découragement subit, regardant autour d'elle.)
Mais c'en est fait, hélas ! du bal et des splendeurs !...
Et je n'entendrai plus les paroles si tendres
qui me berçaient d'espoirs menteurs...
(Machinalement elle se rapproche de la cheminée et montrant le foyer éteint)
Mon bonheur s'est éteint... il n'en reste que cendres !...
Résigne-toi, petit grillon
car ce n'est pas pour toi que brille
le superbe et joyeux rayon...
Resigne-toi, Cendrille...
(Comme sortant d'un rêve, subitement et avec frayeur.)
Ah ! j'entends revenir mes parents et mes sœurs !...
À tous il faut cacher mes pleurs...
(Elle se sauve dans sa chambre.)
Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, Pandolfe.
L'entrée de Madame de la Haltière et de ses deux filles est tumultueuse. Une grosse discussion est déchaîné. Pandolfe essaie de se disculper, mais il est accablé par les trois femmes.
[N. 8]
MADAME DE LA HALTIÈRE
(furibonde, à Pandolfe)
Vous êtes, je vous le déclare,
un sot, un faquin, un ignare,
un portefaix.
Un grand dadais,
un pauvre sire.
J'ose le dire...
Dans le seul but de me contrarier
vous avez le front de nier
que cette fille,
cette guenille,
cette guenon,
cette chiffon,
que vous dirai-je encore ?
était une pécore.
Rien, en un mot, et moins que rien !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Ah ! maman ! que vous parlez bien !
PANDOLFE
Pourquoi tant vous mettre en colère ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
Espérez-vous que, pour vous plaire,
je vais me taire ?
Non, mais voyez un peu, quelle audace elle avait
cette maudite aventurière !...
Aussi, notre prince a bien fait...
NOÉMIE, DOROTHÉE
oui, fort bien, en effet !...
MADAME DE LA HALTIÈRE
de la chasser. Ah ! ah ! de la belle manière !
NOÉMIE, DOROTHÉE
C'était si mérité !
PANDOLFE
(timidement)
Elle avait l'air très doux... c'est une qualité...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(le toisant avec mépris)
Fi donc ! monsieur. Je le conteste...
Lorsqu'on a plus de vingt quartiers,
ainsi que notre arbre l'atteste,
lorsqu'on a, sans compter le reste,
quatre présidents à mortiers,
un doge !... parmi ses ancêtres,
et la douzaine d'archiprêtres,
un amiral,
un cardinal,
six abbesses et treize nonnes,
deux ou trois maîtresses de rois
qui, toutes deux ou toutes trois,
portèrent presque des couronnes;
sans parler des menus fretins,
tels que princes et capucins,
on doit s'avancer dans la foule
comme un vaisseau fendant la houle
avec sa gloire pour soutien,
dédaigneux des bruits de tempête...
C'est un devoir, entendez bien,
quand on s'est haussé jusqu'au faîte,
de lever les yeux et la tête,
en laissant la douceur à tous vox gens de rien !
NOÉMIE, DOROTHÉE
Ah ! maman, que vous parlez bien !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Quelle affaire !
PANDOLFE
J'aimerais mieux l'obscurité
si j'avais la tranquillité!
CENDRILLON
(qui vient d'entrer)
Il est donc arrivé quelque chose, mon père ?
PANDOLFE
Non, non, vraiment, que de fort ordinaire...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à Pandolfe)
Ah ! votre calme m'exaspère...
Que faut-il pour vous émouvoir ?
NOÉMIE, DOROTHÉE
(à Cendrillon)
Ecoute-nous, tu vas savoir.
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
(avec force mines et force gestes. Tantôt chacune une phrase, tantôt parlant ensemble)
Une intrigante, une inconnue, ~
au bal de la cour est venue. ~
Et cette rien du tout, ~
mise sans aucun goût, ~
dans son effronterie... ~
(avec furie à Pandolfe, qui a esquissé un geste)
Laissez-nous dire, je vous prie...
(à Cendrillon, continuant avec chaleur)
osa parler au fils du roi !... ~
Chacun en fut saisi d'effroi, ~
d'épouvante et d'horreur ! ~ Ce fut un désarroi ! ~
Tout d'abord, un digne silence ~
a condamné cette impudence; ~
mais au bout d'un instant ~
on a murmuré tant ~
que l'intruse, bien vite, ~
a dû prendre la fuite, ~
chassée au beau milieu du bal, ~
par notre mépris général ! ~
PANDOLFE
Ah ! vous exagérez... et beaucoup, ce me semble.
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
Eh ! laissez-nous donc en repos;
on ne peut pas placer deux mots !
PANDOLFE
(commençant s'impatienter)
Si vous criez toutes ensemble,
je m'en vais...
CENDRILLON
(aux trois femmes, timide et anxieuse)
Ah ! racontez-moi...
qu'a dit alors le fils du roi ?
MADAME DE LA HALTIÈRE
Que l'on ne pouvait s'y m'éprendre...
que ses yeux un moment abusés voyaient clair !...
Et que, d'ailleurs, rien qu'à son air,
cette inconnue était: drôlesse bonne à pendre...
PANDOLFE
(s'apercevant que Cendrillon chancelle et est prête à défaillir)
Mais ma fille pâlit...
(à Cendrillon)
qu'as-tu, ma pauvre enfant ?
(aux trois femmes)
Assez de vos caquets !...
MADAME DE LA HALTIÈRE
Qu'un homme est énervant !
PANDOLFE
(tout à Cendrillon)
Mon dieu ! la force l'abandonne !
(aux trois femmes, avec force)
Sortez !
MADAME DE LA HALTIÈRE
Hein ! quoi ?
PANDOLFE
(plus accentué encire)
Je vous l'ordonne !...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à ses filles)
Ah ! mes filles, venez; par ma fois, c'en trop !
(à Pandolfe)
Je ne vous connais plus... vous êtes un rustaud !
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
Un rustaud !... un lourdaud !
PANDOLFE
(violemment)
Vous, sortez au plus tôt...
(Les trois femme ont, en même temps, trois attaques de nerfs.)
(furibond)
Vous pouvez trépigner !... Je vous jette à la porte !
MADAME DE LA HALTIÈRE, NOÉMIE, DOROTHÉE
Rétractez, insolent !
PANDOLFE
Le diable vous emporte !
(Les trois femmes sortent comme des furies.)
Pandolfe, Cendrillon.
PANDOLFE
(à Cendrillon, presque évanouie dans les bras de son père)
Ma pauvre enfant chérie, ah ! tu souffres donc bien...
Va ! repose ton cœur douloureux sur le mien...
Et laisse-toi bercer dans mes bras, ma petite !...
Je t'ai sacrifiée, en venant à la cour.
Mais tu pardonneras, quand nous rirons un jour,
de mon ambition maudite...
[N. 9]
Viens, nous quitterons cette ville
où j'ai vu s'envoler ta gaieté d'autrefois
et nous retournerons au fond de nos grands bois;
dans notre ferme si tranquille.
Là nous serons heureux,
tous les deux
bien heureux !
Le matin nous irons, comme deux amoureux,
cueillir le blanc muguet...
CENDRILLON
et les liserons bleus,
dès que les cloches argentines
s'éveilleront...
PANDOLFE
Sonnant matines !
CENDRILLON
Le soir, nous entendrons le chant si doux, si frais,
du rossignol des nuits...
PANDOLFE
Au profond des forêts.
Ensemble
CENDRILLON
Oui nous quitterons cette ville
où j'ai vu s'envoler ma gaîté d'autrefois.
Et nous retournerons au fond de nos grands bois;
dans notre ferme si tranquille.
Là ! Nous serons heureux
tous les deux,
bien heureux!
PANDOLFE
Oui nous quitterons cette ville
où j'ai vu s'envoler ta gaîté d'autrefois.
Et nous retournerons au fond de nos grands bois;
dans notre ferme si tranquille.
Là ! Nous serons heureux
tous les deux,
bien heureux!
CENDRILLON
Maintenant, je suis mieux et je me sens renaître,
tu peux me laisser seule.
PANDOLFE
Oui, si tu veux promettre
de ne plus être triste et de ne plus pleurer:
pour nous sauver d'ici je vais tout préparer !...
dario 2015-03-09T09:14:57 STR USC Pandolfe (Il sort.)
Cendrillon, seule.
[N. 10]
(avec résolution)
Seule, je partirai, mon père.
Le poids de mon chagrin serait trop lourd pour toi.
Je ne veux pas te voir souffrir de ma misère !...
Puis, sous le coup d'une idée fixe.
Non... je ne peux plus vivre... Il a douté de moi,
lui ! mon doux maître et mon seul roi !...
Lui que j'adore !... il me renie et me repousse !...
Pourtant, sa voix était douce.
Pourtant, ses yeux étaient bien doux !
Ô mes rêves d'amour, hélas ! envolez-vous !
(enveloppant la chambre d'un long regard)
Adieu, mes souvenirs de joie... et de souffrance,
qui, malgré tout, me parliez d'espérance !...
Témoins et compagnons de mon si court destin !...
Partez, mes tourterelles,
pour qui chaque matin
j'allais, par les venelles,
cueillir le vert plantin...
je ne vous verrai plus, fleur d'aube printanière...
(allant à la cheminée)
ni toi, ma place familière...
(détachant la petite branche pendue à la cheminée)
que je t'embrasse encor, tout séché, tout jauni...
relique d'un beau jour, humble rameau béni.
(avec un sentiment très profond)
Comme on aime ce que l'on quitte !
Adieu, le grand fauteuil
où, quand j'étais petite,
avant de m'être vue, en ma robe de deuil,
je courais me blottir, bien vite...
frileusement,
sur les genoux de ma maman
au sourirr indulgent, plein de mélancolie...
de maman...
(avec des larmes)
de maman, si bonne et si jolie !...
qui fredonnait en me berçant: « C'est l'angélus,
dors, mon petit ange,
dors comme Jésus
dormait dans la grange. »
(La nuit, qui venait de commencer un peu, s'assombrit plus rapidement; le tonnerre gronde, l'éclair brille.)
(avec un subit désespoir)
Ah ! puisque tout bonheur me fuit,
montant par les roches sacrées,
sans crainte, j'irai dans la nuit,
malgré les revenants et le follet qui luit...
(avec décision)
J'irai mourir sous le chêne des fées !...
(Elle s'enfuit rapidement dans la nuit qui est devenue complète.)
Tableau deuxième.
Le deuxième tableau apparaît en se dégageant peu à peu dans l'ombre.
Chez la fée.
Un grand chêne, au milieu d'une lande pleine de genêts en fleurs. Au fond: la mer. Nuit claire. Lumière très bleutée.
Voix lontaines des esprits; danse silencieuse des gouttes de rosée, accompagnée par la voix de la fée.
[N. 11]
LA FÉE
(voix)
Ames ou follets,
fugitives chimères,
lueurs éphémères,
glissez sur les bruyères,
flottez sur les genêts !
CHŒUR INVISIBLE DES ESPRITS
Glissez sur les bruyères,
flottez sur les genêts !
La fée paraît dans les branchres du chêne.
TROIS ESPRITS
Mais là-bas, au fond de la lande obscure,
par le chemin, on voit venir,
sur le doux tapis de verdure,
une enfant qui semble gémir...
TROIS ESPRITS
(accourant)
Regardez au fond de la lande obscure !...
LA FÉE
(dans les branches du chêne)
Et, de l'autre côté, voyez-vous pas, mes sœurs,
ce pauvre garçon tout en pleurs ?
LES SIX ESPRITS
Narguant les dangers, la froidure,
ce sont de jolis amoureux...
Comme ils sont malheureux !
D'ombre voilées
invisibles pour eux,
mes sœurs, écoutons bien leurs plaintes désolées.
LA FÉE
(étendant le bras)
Afin qu'ils ne puissent se voir,
sylvains, obéissez au magique pouvoir !
Entre le prince et son aimée,
fermez-vous, muraille embaumée !...
Les esprits s'éloignent doucement. La fée se retire doucement dans les branches et devient invisible. Un mur de feuillage et de fleurs magiques sépare le milieu de la scène.
Cendrillon, Le prince charmant.
Cendrillon et Le prince charmant entrent chacun de leur côté. Ils s'agenouillent sans se voir. Ils sont séparés par les fleurs et ils adressent leur prière à la fée.
[N. 12]
Ensemble
CENDRILLON
À deux genoux,
bonne marraine,
j'implore mon pardon de vous,
si je vous ai fait moindre peine.
LE PRINCE CHARMANT
Je viens à vous,
puissante reine,
et vous demande à deux genoux
de vouloir terminer ma peine.
Ensemble
CENDRILLON
(à la fée avec ardeur)
Bonne marraine,
a deux genoux
j'implore mon pardon de vous
si je vous ai fait moindre peine.
LE PRINCE CHARMANT
(à la fée avec ardeur)
Puissante reine,
je viens à vous,
et vous demande à deux genoux
de vouloir terminer ma peine.
LE PRINCE CHARMANT
(à la fée)
Vous qui pouvez tout voir
et tout savoir.
Vous n'ignorez pas ma souffrance...
vous n'ignorez pas comment,
pendant un trop court moment
du plus divin bonheur, j'ai conçu l'espérance!
Ah ! ce bonheur, je l'ai vu de mes yeux !
Ce fut un éclair radieux
dont mon âme fut traversée,
dont mon regard fut ébloui.
En un instant, hélas ! tout s'est évanoui,
et j'en garde un mortel regret dans ma pensée !
CENDRILLON
(qui a écouté palpitante)
Une pauvre âme en grand émoi
est là qui prie et désespère...
Puisqu'il n'est plus pour moi
que tristesse et misère,
que je souffre en rachat de ce cœur tant meurtri...
marraine, frappez-moi. Mais que lui soit guéri !...
LE PRINCE CHARMANT
(ayant entendu et tout palpitant)
Pauvre femme inconnue.
Doux ange de bonté
dont un enchantement me dérobe la vue,
je te bénis pour ta sublime charité !...
Pauvre femme inconnue !
(avec effusion)
Suis-je assez malheureux !
Mais celle que j'aime est si belle
que tu dirais, voyant ses yeux:
pas une étoile n'étincelle
plus pure au firmament des cieux !
Asservissant la terre et l'onde,
pour la revoir et la chérir,
pour la reconquérir,
je soumettrai le monde !
CENDRILLON
(radieuse)
Vous êtes le prince charmant !
LE PRINCE CHARMANT
Toi qui as eu pitié de ma détresse extrême,
qui donc es-tu, m'interrogeant?
CENDRILLON
Je suis Lucette qui vous aime...
LE PRINCE CHARMANT
(avec ivresse)
Ineffable ravissement !
CENDRILLON
Vous êtes mon prince charmant !
LE PRINCE CHARMANT
(en adoration, avec la plus profonde émotion)
Tu me l'as dit, ce nom que je voulais connaître,
Lucette, de ton doux secret me voilà maître...
de tes lèvres mon âme a recueilli l'aveu...
Ensemble
CENDRILLON
(à part)
Sa chère voix d'extase me pénètre...
Mais l'entendre, hélas ! c'est trop peu !
LE PRINCE CHARMANT
Ta chère voix d'extase me pénètre...
Mais l'entendre hélas! c'est trop peu!
LE PRINCE CHARMANT
(à la fée avec ardeur)
Bonne fée, à mes yeux, lassez-la reparaître...
Lassez-moi la revoir... et recevez mon vœu;
à la branche du chêne enchanté, bonne fée,
je suspendrai mon cœur... pur et sanglant trophée!
Laissez-moi la revoir !... Laissez-moi la revoir !...
LA FÉE
(apparaissant de nouveau dans les branches du chêne)
J'accepte ton serment. J'exauce ton espoir.
LE PRINCE CHARMANT
(revoyant Cendrillon)
Lucette ! ma Lucette ! ah ! je 't'ai retrouvée !
CENDRILLON
(dans les bras du prince, tendrement et innocemment)
Vous êtes mon prince charmant !
Ensemble
LE PRINCE CHARMANT
Viens ! viens ! mon âme est comme au ciel ravie !
Je jure que toute la vie
je t aimerai fidèlement !
CENDRILLON
À vos douces lois asservie,
je consacre toute ma vie
à vous aimer fidèlement !
Un sommeil magique s'empare d'eux et ils s'endorment bercés par la voix des esprits; les esprits et les gouttes de rosée apparaissent de tous côtés et s'avancent silencieusement.
LES ESPRITS
(aux deux amants)
Dormez ! rêvez !
LA FÉE
(toujours dans les branches du chêne)
Aimez-vous, l'heure est brève;
vous croyez, tous les deux, n'avoir fait qu'un beau rêve !...
LES ESPRITS
Dormez !
Rêvez !
Premier Tableau.
La Terrasse de Cendrillon.
Matinée de printemps.
Pandolfe, affectueusement attentif et presque à voix basse pendant che Cendrillon sommeille.
[N. 13]
PANDOLFE
Ô pauvre enfant ! depuis que l'on t'a ramenée
des bords du ruisselet où nous t'avons trouvée
gisant près des roseaux, glacée, inanimée...
Voilà des jours... des mois... quel souvenir affreux,
quelle angoisse cruelle !
En te prenant, la mort nous aurait pris tous deux...
mais la mort n'osa pas en te voyant si belle...
CENDRILLON
(s'éveillant, à son père)
Je m'étais rendormie... Et toi, tu restais là...
me soignant sans repos...
PANDOLFE
Ah ! mon enfant chérie,
ne me plains pas. Je suis bien heureux; te voilà
vaillante, maintenant, et tout à fait guérie.
(mouvement de Cendrillon)
Reste calme... il te faut encore ménager.
CENDRILLON
(l'interrogeant doucement, mais gentiment et résolument)
Dis-moi la vérité !
PANDOLFE
(embarrassé)
Pourquoi m'interroger ?
CENDRILLON
(sérieuse)
J'étais donc insensée.
PANDOLFE
(gêné)
À quoi vas-tu songer?
CENDRILLON
Alors, père, c'était comme si ma pensée
m'avait tout à coup délaissée...
PANDOLFE
Tu riais, tu pleurais...
sans motif et sans trêve...
Tu vivais comme dans un rêve...
Comme au hasard tu murmurais
des mots confus...
CENDRILLON
Quoi donc?
PANDOLFE
Pauvre enfant, tu souffrais !...
CENDRILLON
Et je parlais?
PANDOLFE
Du bal de la cour... oui, vraiment !...
Et surtoit du prince charmant,
du prince que tu n'as jamais vu seulement...
De brillant avenir... et de promesses folles...
D'un grand chêne enchanté... d'un petit cœur sanglant...
D'une pantoufle en verre... et de riche parure...
(voulant la faire rire)
Tu voyais des lutins qui traînaient ta voiture !...
CENDRILLON
(anxieuse)
Quoi ! rien de tout cela ne serait arrivé !...
PANDOLFE
Rien, ma chère fillette !...
CENDRILLON
Hélas ! j'ai donc rêvé !...
PANDOLFE
Tu riais...
CENDRILLON
Je pleurais
sans motif...
PANDOLFE
Et sans trêve...
CENDRILLON
Je vivais comme dans un rêve...
et je parlais ?...
PANDOLFE
De riche parure !...
CENDRILLON
D'un petite cœur sanglant...
PANDOLFE
E surtout du prince charmant !...
CENDRILLON
Du prince...
PANDOLFE
Que tu n'as jamais vue seulement.
CENDRILLON
Je croyais aux lutins...
PANDOLFE
(en riant)
Qui traînaient ta voiture !...
Ensemble
CENDRILLON
Rien de cela n'est arrivé !...
PANDOLFE
Oui, tout cela tu l'as rêvé !
CENDRILLON
(attristé, mais convaincue par son père)
Mon papa !... j'ai rêvé !...
Les mêmes, Voix de jeunes filles.
[N. 14]
VOIX DE JEUNES FILLES
(au loin)
Ouvre ta porte et ta fenêtre,
ouvrez-les, mais pas à demi...
ouvrez pour que l'avril ami
chez toi pénètre !...
(Le voix sous le balcon de la terrasse)
Comment vas-tu ce matin,
Lucette ?
CENDRILLON
(qui s'est approchée du balcon et finissant de se dégager de son obsession)
Merci, je vais bien et m'apprête
avec mon père à descendre au jardin...
(Heureuse et comme transfigurée.)
Printemps revient en ses habits de fête !
Allons cueillir la pâquerette
et les muguets au fond du bois.
Les ramures sont en émois !
Les frelons butinent les roses
les près semblent brodés de fleurs.
Charmés les yeux ! charmés les cœurs !
Les marjolaines sont écloses !
LES VOIX
(gaîment)
Bon espoir !
CENDRILLON
(de même)
Au revoir !
LES VOIX
(en s' éteignant peu à peu)
Ouvre ta porte et ta fenêtre,
ouvre -les, mais pas à demi...
Ouvre pour que l'avril ami
chez toi pénètre !...
Bruit dans la pièce à côté.
PANDOLFE
(joyeusement)
Ah ! c'est ma femme qui j'entends...
Pour éviter cris et gourmades,
viens retrouver tes camarades !...
Profitons du beau temps !
(il emmêne doucement Cendrillon)
Tous tes chagrins sont finis, je l'espère !...
CENDRILLON
(en sortant avec lui)
Comme vous êtes bon, mon père !...
Entrée tumultueuse de Madame de la Haltière, Noémie, Dorothée, puis Les domestiques.
MADAME DE LA HALTIÈRE
(à tous, avec importance)
Avancez ! Reculez ! Apprenez qu'aujourd'hui
l'ordre de notre roi convoque près de lui
les princesses sans nombre, à son appel venues
de régions qui sont ou ne sont pas connues.
Il en vient du Japon, de l'Espagne et de Tyr,
des bords de la Tamise et du Guadalquivir,
il en vient du Cambodge, il en vient de Norvège...
Et tout à l'heure, ici passera le cortège !
(changeant de ton)
Puis... comme le ciel clair succède à l'ouragan,
la source murmurante au fracas du torrent,
vous verrez sur la fin s'avancer noblement,
comme une vision idéale et céleste,
trois femmes au maintien radieux et modeste.
(comme devant la plus suave des apparitions)
Alors, vous entendrez un long frémissement,
car le peuple dira: « Voyez ces inconnues,
pour le prince charmant, du ciel bleu descendues. »
Sans penser que ce sont mes deux filles et moi,
nous rendant au palais pour saluer le roi.
(Roulements de tambours et sonneries de trompette dans la rue.)
C'est le héraut du roi !
Tous se précipitent au balcon. Mèlée.
(bousculant ceux qui encombrent)
Eh bien ! s'il vous plaît après moi !
Cendrillon vient d'entrer sans être aperçue des personnes présentes: elle écoute, anxieuse.
LA VOIX DU HÉRAUT
(dans la rue)
Bonnes gens, vous êtes avertis qu'aujourd'hui même, le prince va recevoir en personne, dans la grande cour du palais, les princesses qui viennent essayer la pantoufle de verre perdue par la femme inconnue dont le départ a déchiré la cœur du fils du roi et dont l'absence le fait mourir de langueur et de désespoir...
VOIX
(dans la rue)
Hurra ! le cortège s'avance !
CENDRILLON
(frappée)
Mon rêve était donc vrai !
Maintenant, j'en ai l'assurance,
si mon ami me revoyait, chère espérance...
à mon aspect il revivrait...
Je sais qu'il m'aime...
Il me l'a dit... il me l'a dit lui-même.
Ô marraine, venez à mon appel fervent !
Et faites-moi revoir mon doux prince charmant !
(Pendant que les acclamations redoublent au dehors et au balcon, derrière Cendrillon apparaît la fée. La musique joue jusqu'au changement.)
Marche des princesses.
Deuxième tableau.
Chez le Roi
Le cour d'honneur. Grand soleil. Les princesses sont là.
Les mêmes, Le prince charmant, Le roi, La fée, La foule.
LA FOULE
Salut aux princesses !
Salut aux altesses !
LE PRINCE CHARMANT
(d'une voix faible)
Posez dans son écrin, sur un coussin de fleurs,
la pantoufle d'azur déteinte par mes pleurs.
(avec fièvre, se soutenant à peine)
Qu'à mon regard avide enfin elle apparaisse...
La divine princesse
qui croit pouvoir la réclamer...
Je ne puis vivre encor que si je puis l'aimer!
Les princesses s'avancent. Il les regarde anxieusement. Mais il les arrête, d'un geste triste et très doux, avant qu'elles n'arrivent jusqu'à la pantoufle de verre.
LE PRINCE CHARMANT
Chacune de vous est bien belle,
mais je cherche, et ce n'est pas elle !
Il faudra donc que rien n'apaise ma douleur,
il faudra donc que sans de tendres baisers reste ma lèvre !...
Point ne se calmera ma fièvre.
On ne m'a pas rendu mon cœur !...
(Il est prêt à s'évanouir.)
LA FOULE
(anxieuse)
Sur sa tête pâlie
quelle mélancolie !
LE ROI
LA FOULE
(avec recuellement)
Dans un appel fervent
tout un peuple supplie.
Nous implorons les cieux !
Les mêmes.
(Le chant de la fée se fait entendre au loin.)
LA FOULE
(interdite et comme un murmure)
Enchantement ! merveille !
LA FOULE
Voyez la beauté sans pareille !
LA FÉE
(au prince, lui montrant Cendrillon)
Prince charmant, rouvrez les yeux !
Le prince voit Cendrillon et la désigne du doigt en tremblant dans une joie d'extase.
LE PRINCE CHARMANT
Ah ! c'est elle, c'est ma Lucette !...
CENDRILLON
(simplement)
Cendrillon, la pauvrette !...
(Elle va vers le prince qui l'attend joyeux et timide; en lui rendant son cœur.)
Vous êtes mon prince charmant,
laissez-vous renaître à la vie...
C'était là toute mon envie...
Reprenez-le ce cœur sanglant...
Vous êtes mon prince charmant.
LE PRINCE CHARMANT
Ah ! garde-le, chère maîtresse !
De tes yeux, la douce caresse
fait renaître ce cœur flétri.
LA FÉE
Avril pour eux a refleuri !
LE PRINCE CHARMANT, CENDRILLON
Avril pour nous a refleuri !
LA FOULE
(joyeuse)
Honneur à notre souveraine !
Pandolfe arrive avec Madame de la Haltière et ses filles, les trois dames sont accompagnées par Le doyen, Le surintendant et Le premier ministre. Pandolfe se précipite vers Cendrillon qui s'élance vers son père.
PANDOLFE
Grands dieux !... c'est...
MADAME DE LA HALTIÈRE
(écartant vivement son mari et reçevant dans ses bras Cendrillon, qu'elle câline)
Ma fille !
PANDOLFE, NOÉMIE, DOROTHÉE, LE DOYEN, LE SURINTENDANT, LE PREMIER MINISTRE
(stupéfiés)
Ah ! quel aplomb est le sien !
MADAME DE LA HALTIÈRE
(continuant et accentuant)
Lucette que j'adore !
PANDOLFE
(au public)
Ici tout finit bien.
Voici nos amoureux maintenant hors de peine.
TOUS
(au public, en saluant ou en faisant la belle révérence)
La pièce est terminée. On a fait de son mieux
pour vous faire envoler par les beaux pays bleus.
Fin du livret.
Generazione pagina: 13/02/2016
Pagina: ridotto, rid
Versione H: 3.00.40
(D)