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Scène première |
Le cloître de Saint-Just. La nuit. Effet de lune.
Élisabeth. |
 Q 
(aucun)
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| [Scène et Air] | N
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| (Élisabeth entre lentement, perdue dans ses pensées. Elle s'approche du tombeau de Charles-Quint et s'agenouille) | <- Élisabeth
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Toi qui sus le néant des grandeurs de ce monde,
toi qui goûtes enfin la paix douce et profonde,
si l'on répand encore des larmes dans le ciel,
porte en pleurant mes pleurs aux pieds de l'éternel !
Carlos va venir !... Oui ! Qu'il parte, qu'il oublie...
J'ai promis à Posa de veiller sur sa vie,
qu'il suive son chemin glorieux et béni !
Pour moi, ma tâche est faite, et mon jour est fini !
France, noble pays, si cher à mon jeune âge !
Fontainebleau ! mon cœur est plein de votre image...
C'est là que dieu reçut notre éternel serment;
et son éternité n'a duré qu'un moment...
Beaux jardins espagnols, à l'heure pâle et sombre,
si Carlos doit encor s'arrêter sous votre ombre,
que vos fleurs, vos gazons, vos fontaines, vos bois,
chantent mon souvenir avec toutes leurs voix !
Adieu, rêve doré... illusion !... chimère !...
Tout lien est brisé qui m'attache à la terre !
Adieu, jeunesse, amour !... succombant sous l'effort,
mon cœur n'a qu'un seul vœu, c'est la paix dans la mort !
Toi qui sus le néant des grandeurs de ce monde,
toi qui goûtes enfin la paix douce et profonde,
si l'on répand encore des larmes dans le ciel,
porte en pleurant mes pleurs aux pieds de l'éternel !
Âme glorieuse envolée au ciel,
ah, porte en pleurant mes pleurs aux pieds de l'éternel !
| S
 (♦)
(♦)
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Scène deuxième |
Don Carlos, Élisabeth. |
<- Don Carlos
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| [Scène et Duo d'adieu] | N
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DON CARLOS |
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ÉLISABETH |
Un mot... un seul, le mot qui recommande
à dieu celui qui part; après je vous demande
d'oublier et de vivre !...
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DON CARLOS |
Oui, je veux être fort;
mais quand l'amour se brise, il tue avant la mort.
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ÉLISABETH |
Non ! Songez à Rodrigue. Est-ce pour des chimères
qu'il s'est sacrifié ?
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DON CARLOS |
Dans ses Flandres si chères,
d'abord je veux lui faire élever un tombeau,
comme jamais un roi n'en obtint de plus beau.
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ÉLISABETH |
Les fleurs du paradis réjouiront son ombre !
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DON CARLOS |
J'avais fait un beau rêve !... il fuit !... et le jour sombre
me montre un incendie illuminant les airs.
Un fleuve teint de sang, des villages déserts,
un peuple agonisante qui vers moi s'adresse
comme à son dieu sauveur, au jour de détresse
À lui j'accours; heureux si, quel que soit mon sort,
vous chantez mon triomphe ou pleurez sur ma mort !
| S
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ÉLISABETH |
Oui, voilà l'héroïsme avec ses nobles flammes,
l'amour digne de nous, l'amour des grandes âmes.
Il fait de l'homme un dieu ! Va, sans perdre un instant,
va, monte au Calvaire, et sauve un peuple qui t'attend !
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DON CARLOS |
Oui, c'est par votre voix que le peuple m'appelle,
et si je meurs pour lui, que ma mort sera belle !
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ÉLISABETH |
Va, va, sans perdre un instant...
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DON CARLOS |
Hier, hier encore, aucun pouvoir humain
n'aurait pu séparer ma main de cette main,
mais aujourd'hui l'honneur sur mon amour l'emporte;
ma noble mission m'a fait une âme forte.
(À demi-voix, très agité.)
Voyez, Élisabeth ! je vous tiens dans mes bras,
et ma vertu me reste et je ne fléchis pas !
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| (Parlé.) | |
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DON CARLOS |
Lorsque tout est fini, quand ma main se retire
de vos mains... vous pleurez ?
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ÉLISABETH |
Oui, mais je vous admire...
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Ce sont les pleurs de l'âme, et de nobles sanglots,
que les femmes toujours accordent aux héros !
Au revoir dans un monde où la vie est meilleure,
où l'avenir sans fin sonne la première heure;
et là, nous trouverons dans la paix du seigneur,
cet éternel absent qu'on nomme le bonheur !
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DON CARLOS |
Au revoir dans un monde où la vie est meilleure,
où l'avenir sans fin sonne la première heure,
et là nous trouverons...
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ÉLISABETH |
Au moment solennel point d'indigne faiblesse,
oublions tous les noms de profane tendresse,
donnons-nous ces noms chers aux plus chastes amants
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DON CARLOS |
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ÉLISABETH |
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DON CARLOS |
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ÉLISABETH, DON CARLOS |
Adieu, mon fils, adieu est pour toujours.
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Scène troisième |
Les mêmes, Philippe, L'inquisiteur, Familiers du Saint Office, Domenicains, Un moine. |
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| (Entrent Philippe, le grand Inquisiteur et familiers du Saint Office) | <- Philippe, L'inquisiteur, Familiers du Saint Office, Domenicains, Le moine
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PHILIPPE |
(prenant le bras de la Reine)
Il faut un double sacrifice !
Je ferai mon devoir.
(À l'Inquisiteur)
Et vous ?
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L'INQUISITEUR |
Le Saint-Office
fera le sien !
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PHILIPPE |
(montrant Don Carlos)
Je vous livre ce criminel.
Ô ministres sacrés des vengeances du ciel !
À vous l'indigne fils que de moi dieu fit naître !
Un détestable amour le brûle... à vous ce traître !
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DON CARLOS |
Ensemble
ÉLISABETH |
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LE CHŒUR DES DOMENICAINS ET DES FAMILIERS DEU SAINT-OFFICE |
Dieu l'a dit, que le traître soit maudit !
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L'INQUISITEUR |
À vous ce contempteur de la foi catholique,
cet ami de Posa, ce parjure hérétique
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DON CARLOS |
Ensemble
ÉLISABETH |
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LE CHŒUR |
Dieu l'a dit,
l'hérétique soit maudit !
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PHILIPPE |
À vous ce séducteur de mon peuple fidèle,
cet ennemi des rois et de dieu !... ce rebelle !
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DON CARLOS |
Ensemble
ÉLISABETH |
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LE CHŒUR |
Dieu l'a dit,
le rebelle soit maudit !
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PHILIPPE, L'INQUISITEUR, LE CHŒUR |
Ah ! sois maudit ! artisan d'un œvre détestée !
Sois maudit, et ta cendre à l'ouragan jetée !
Chassé du lieu céleste où la paix resplenddit,
hérétique, rebelle et traître, sois maudit !...
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LE CHŒUR |
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DON CARLOS |
Pourvoyeurs de la mort...
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ÉLISABETH, DON CARLOS |
...il leur faut deux victimes.
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PHILIPPE, L'INQUISITEUR, LE CHŒUR |
Chassé du lieu céleste où la paix resplenddit,
hérétique, rebelle et traître, sois maudit !...
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DON CARLOS |
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ÉLISABETH |
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ÉLISABETH, DON CARLOS |
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L'INQUISITEUR |
(aux familiers du Saint-Office, désignant Don Carlos)
Gardes !
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DON CARLOS |
(au désespoir)
Ah ! dieu me vengera,
ce tribunal de sang, sa main le brisera !...
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| (Don Carlos, en se défendant, recule vers le tombeau de Charles-qint. La grille s'ouvre, le moine paraît, attire Don Carlos dans ses bras et le couvre de son manteau.) | |
LE MOINE |
Mon fils, les douleurs de la terre
nous suivent encor dans ce lieu.
La paix que votre cœur espère
ne se trouve qu'auprès de dieu !
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L'INQUISITEUR |
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LE CHŒUR |
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PHILIPPE |
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ÉLISABETH |
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| (Le moine entraîne dans le cloître Don Carlos éperdu.) | |
LE CHŒUR DES MOINES |
(dans la chapelle)
Charles-Quint, l'auguste empereur,
n'est plus que cendre et que poussière.
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