Acte second

 

Scène première

Le thèâtre représente un vaste salon du palais d'Admette.
Évandre, Peuple, qui entre en dansant et en chantant.

 Q 

(aucun)

<- Évandre, Peuple

 

LE CHŒUR

Que les plus doux transports succèdent aux alarmes,  

le ciel vient de tarir la source de nos larmes.

Vive Admette, vive à jamais,

un roi, l'amour de ses sujets.

 
Reprise du chœur, avec la danse.
 

 

Que les plus doux transports succèdent aux alarmes !

Le ciel vient de tarir la source de nos larmes.

Le plus aimé des rois à nos vœux est rendu,

des mains de la mort implacable,

les dieux ont arraché le glaive redoutable,

sur lui, sur tout son peuple à la fois suspendu.

 

Scène seconde

Admette, et les acteurs précédents, plusierus embrassent les genoux d'Admette.

<- Admette

 

LE CHŒUR

Ô mon roi !... notre appui !... notre père !... ô mon maître !  

Ô roi le plus chéri, le plus digne de l’être !

ADMETTE

Ô mes enfants ! ô mes amis !

Vous enchantés mon cœur de la plus douce ivresse;

je verse dans vos bras des larmes de tendresse.

Ô mes enfants ! ô mes amis !

vous m’aimés, mes vœux sont remplis.

Mais par quel art nouveau, par quel heureux miracle

des portes du trépas ramené parmi vous,

goutai-je des plaisirs si sensibles, si doux ?

ÉVANDRE

Sur vos destins s’est expliqué l’oracle !

Vos jours alloient finir, si quelqu’un à la mort

ne s’offroit pour victime.

Un héros inconnu, par un effort sublime

a satisfait pour vous à la rigueur du sort.

ADMETTE

Oracle affreux ! ô rigueur inouïe !

De vos faveurs, grands dieux ! sont-ce là les effets ?

Croyés-vous qu’à ce prix je puisse aimer la vie;

moi qui consentirois qu’elle me fût ravie,

pour le dernier de mes sujets ?

 

LES CORYPHÉES
(alternativement avec le chœur)

Vivés, aimés des jours dignes d’envie,  

jouissés du bonheur de combler tous les vœux

de l’épouse la plus chérie:

de rendre tout un peuple heureux.

Ah ! quel que soit cet ami généreux

qui pour son roi se sacrifie,

mourant pour vous, pour la patrie,

son sort est assez glorieux.

 

ADMETTE

Alceste, chère Alceste, ah ! qu’il m’est doux de vivre,  

pour adorer encor vos vertus, vos appas !

Mais, pourquoi ne vient-elle pas

partager les transports où tout mon cœur se livre ?

ÉVANDRE

C’est à ses cris, c’est à ses pleurs puissant,

que les dieux en courroux ont calmé leur colère;

à ces dieux adoucis sa touchante prière

adresse en ce moment des vœux reconnaissants.

 

Scène troisième

Les acteurs précédents, Alceste, avec sa suite.

<- Alceste, Suite

 

ADMETTE

(vivement, en courant à Alceste)  

Alceste !

ALCESTE

Cher époux !

ADMETTE, ALCESTE

O moment fortuné !

Je te revois !

ALCESTE

Tu vis ! Les dieux m’ont exaucée.

ADMETTE, ALCESTE

Je ne crains plus du sort le courroux obstiné,

et ma douleur est effacée.

 

Plus de pleurs, plus de tristesse,  

livrons-nous à l’allégresse;

quel moment plein de douceur !

Admette va faire encore,

de son peuple qui l’adore,

et la gloire et le bonheur !

 

ALCESTE

Ces chants me déchirent le cœur !  

 

LE CHŒUR

Plus de pleurs, plus de tristesse,

livrons-nous à l’allégresse;

quel moment plein de douceur !

Admette va faire encore,

de son peuple qui l’adore,

et la gloire et le bonheur !

 

ADMETTE

Transports flatteurs que tout mon cœur partage,  

qu’il sent bien tout le prix d’un aussi tendre hommage !

Oui, les dieux adoucis, après tant de rigueurs,

me sont enfin jouir de toutes leurs faveurs.

 

UN CORYPHÉE, LE CHŒUR, LA DANSE

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,  

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

Puissent vos belles destinées

se prolonger au gré de vos désirs !

Puissent la gloire et les plaisirs

compter seuls les instants de vos longues années.

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

 

UNE CORYPHÉE

Heureuse épouse, tendre Alceste,

jouissés de cet heureux jour,

de tous les dons de la faveur céleste,

et des bienfaits que vous offre l’amour.

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

 

ALCESTE

Ô dieux ! soutenés mon courage;    

je ne puis plus cacher l’excès de mes douleurs,

et malgré moi des pleurs

s’échappent de mes yeux, et baignent mon visage.

S

 

LE CHŒUR

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

 

ADMETTE

Ô moments délicieux !  

Alceste, cher objet de toute ma tendresse;

c’est toi, c’est ton amour, qui me rend précieux !...

Mais que vois-je, et pourquoi la plus sombre tristesse

se peint-elle encor dans tes yeux ?

ALCESTE

Hélas !

 
Air.

ADMETTE

Bannis la crainte et les alarmes;    

que le plaisir succède à la douleur:

c’est à lui de sécher nos larmes;

c’est par toi qu’il plaît à mon cœur.

La vie est un bienfait de la bonté céleste;

mais ce qui me la fait chérir,

mais tout le charme d’en jouir,

est un don de l’amour d’Alceste.

Bannis la crainte et les alarmes,

que le plaisir succède à la douleur:

c’est à lui de sécher nos larmes;

c’est par toi qu’il plaît à mon cœur.

S

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ALCESTE

Dieux !  

ADMETTE

Tu pleures !... je tremble... à de nouveaux malheurs

serions-nous réservés encore ?

Mes enfants, où sont-ils ? dissipe mes frayeurs.

ALCESTE

Le ciel n’a point sur eux étendu ses rigueurs.

ADMETTE

Ils respirent, tu vis, tu sais que je t’adore

pourquoi donc verses-tu des pleurs ?

Tu ne me réponds pas ?

ALCESTE

Dieux ! que puis-je lui dire ?

ADMETTE

Je cherche tes regards, tu détournes les yeux !

Ton cœur me fuit, je l’entends qui soupire.

ALCESTE

Ô douleur ! ô tourment affreux !

ADMETTE

Ce cœur pour ton époux n’est-il donc plus le même ?

Il versoit dans le mien ses peines, ses plaisirs.

ALCESTE

Les dieux ont entendu mes vœux et mes soupirs,

ils savent, ces dieux, si je t’aime.

 
Air.

Je n’ai jamais chéri la vie,  

que pour te prouver mon amour.

Ah ! pour te conserver le jour,

qu’elle me soit cent fois ravie.

Je t’aimerai jusqu’au trépas,

jusque dans la nuit éternelle;

et da ma tendresse fidelle,

la mort ne triomphera pas.

Je n’ai jamais chéri la vie,

que pour te prouver mon amour.

Ah ! pour te conserver le jour,

qu’elle me soit cent fois ravie.

 

ADMETTE

Tu m’aimes, je t’adore, et tu remplis mon cœur  

des plus vives alarmes.

ALCESTE

Ah ! cher époux, pardonne à ma douleur;

je n’ai pu te cacher mes larmes.

ADMETTE

Et qui le fait couler ?

ALCESTE

On t’a dit à quel prix

les dieux ont consenti de calmer leur colère,

et t’ont rendu ces jours si tendrement chéris.

ADMETTE

Connois-tu cet ami, victime volontaire ?

ALCESTE

Il n’auroit pu survivre à ton trépas.

ADMETTE

Nomme-moi ce héros ?

ALCESTE

Ne m’interroge pas !

ADMETTE

Réponds-moi ?

ALCESTE

Je ne puis.

ADMETTE

Tu ne peux ?

ALCESTE

Quel martyre !

ADMETTE

Explique-toi !

ALCESTE

Tout mon cœur se déchire.

ADMETTE

Alceste !

ALCESTE

Je frémis !

ADMETTE

Alceste ! au nom des dieux,

au nom de cet amour si tendre, si fidèle,

qui fait tout mon bonheur, qui comble tous mes vœux;

romps ce silence odieux

dissipe ma frayeur mortelle !

ALCESTE

Mon cher Admette, hélas !

ADMETTE

Tu me glace d’effroi;

parle ! quel est celui, dont la pitié cruelle

l’entraîne à s’immoler pour moi ?

ALCESTE

Peux-tu le demander ?

ADMETTE

Ô silence funeste !

Parle ! enfin je l’exige.

ALCESTE

Eh ! quel autre qu’Alceste

devoit mourir pour toi ?

LE CHŒUR

Ô dieux !

ADMETTE

Toi !... ciel !... Alceste !...

LE CHŒUR

Ô malheureuse Admette,

que poursuit le sort en courroux !

Ô généreux effort d’une vertu parfaite,

Alceste meurt pour son époux !

ADMETTE

Ô coup affreux !

ALCESTE

Admette !

ADMETTE

Ah ! laisse-moi, cruelle !

Laisse-moi !

ALCESTE

Cher époux !...

ADMETTE

Non, laisse-moi mourir !

Laisse-moi succomber à ma douleur mortelle,

à des tourments que je ne puis souffrir.

ALCESTE

Calme cette douleur, ce désespoir extrême,

vis ! conserve des jours si chers à mon amour.

ADMETTE

Tu veux mourir, tu veux me quitter sans retour ?

et tu veux que je vive ? et tu dis que tu m’aimes ?

Qui t’a donné le droit de disposer de toi ?

Les serments de l’amour et ceux de l’hyménée,

ne te tiennent-ils pas à mes lois enchaînée ?

Tes jours, tous tes moments ne sont-ils pas à moi ?

Peux-tu me les ravir sans être criminelle ?

Peux-tu vouloir mourir, cruelle !

sans trahir tes serments, ton époux et ta foi ?

Et les dieux souffriraient cet affreux sacrifice ?

ALCESTE

Ils ont été sensibles à mes pleurs.

ADMETTE

D’un amour insensé, leur barbare caprice

approuveroit les fureurs ?

Non, je cours réclamer leur suprême justice;

ils tourneront sur moi leurs coups;

ils reprendront leur première victime,

ou ma main, ne suivant qu’un transport légitime,

satisfera doublement leur courroux.

ALCESTE

Arrête, ô ciel ! ah ! cher époux !

 
Air.

ADMETTE

Barbare ! non, sans toi je ne puis vivre;  

tu le sais, tu n’en doutes pas;

et pour sauver mes jours, ta tendresse me livre

à des maux plus cruels cent fois que le trépas.

La mort est le seul bien qu’il me reste à prétendre,

elle est mon seul recours dans mes tourments affreux,

et l’unique faveur que j’ose encore attendre

de l’équité des dieux.

Barbare ! non; sans toi je ne puis vivre.

(Il sort.)

Admette ->

 

ALCESTE

Opposés à ces vœux un invincible obstacle,  

grands dieux, pour mon époux, j’implore vos secours,

calmés son désespoir, et conservés ses jours !

Laissés-moi seule accomplir votre oracle.

 

Scène quatrième

Alceste, Peuple.

 

UNE VOIX, LE CHŒUR

Tant de grâces !  

UNE AUTRE
I

Tant de beauté,

UNE AUTRE
II

son amour,

UNE AUTRE
III

sa fidélité.

UNE AUTRE
IV

Tant de vertus,

UNE AUTRE
V

de si doux charmes.

TOUS

Nos vœux, nos prières et nos larmes,

grands dieux ! ne peuvent vous fléchir ?

Et vous allés nous la ravir.

 

ALCESTE

Dérobés-moi vos pleurs, cessés de m’attendrir.  

 
Air.

Ah ! malgré moi, mon foible cœur partage  

vos tendres pleurs, vos regrets si touchants;

et je sens trop dans ces cruels instants

que j’ai besoin du plus ferme courage.

Voyés quelle est la rigueur de mon sort,

épouse, mère et reine si chérie...

rien ne manquoit au bonheur de ma vie,

et je n’ai plus d’autre espoir que la mort.

Quel supplice, quelle rigueur !

Il faut quitter pour jamais ce que j’aime.

Cet effort, ce tourment extrême

et me déchire, et m’arrache le cœur.

S

 

LE CHŒUR

Ô que le songe de la vie  

avec rapidité s’enfuit,

comme la fleur épanouie,

qu’un souffle des autans flétrit.

Alceste, si jeune, si belle,

meurt au plus brillant de ses jours;

et la parque injuste et cruelle,

de son bonheur tranche le cours.

 
Fin du second acte.
 

Fin (Acte second)

Acte premier Acte second Acte troisième

Un vaste salon du palais d'Admette

 
<- Évandre, Peuple

(Le peuple entre en dansant et en chantant)

Évandre, Peuple
<- Admette

Ô mon roi ! notre appui ! notre père ! ô mon maître !

Alceste, chère Alceste, ah ! qu’il m’est doux de vivre

Évandre, Peuple, Admette
<- Alceste, Suite

Alceste ! / Cher époux ! / O moment fortuné !

Le chœur, Alceste, Admette
Plus de pleurs, plus de tristesse

Ces chants me déchirent le cœur !

 

Transports flatteurs que tout mon cœur partage

Un coryphée, Le chœur, La danse
Parés vos fronts de fleurs nouvelles
 

Ô moments délicieux !

Dieux ! / Tu pleures !... je tremble... à de nouveaux malheurs

Tu m’aimes, je t’adore, et tu remplis mon cœur

Évandre, Peuple, Alceste, Suite
Admette ->

Opposés à ces vœux un invincible obstacle

Dérobés-moi vos pleurs, cessés de m’attendrir

 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième
Une place publique, sur un des côtés on voit en avancement le palais d'Admette, sur la porte duquel est un... Le temple d'Apollon: la statue colossale de ce dieu parôit au milieu du temple. Un vaste salon du palais d'Admette La même decoration qu'au seconde acte, mais moins éclairée, parce que le jour commence à tomber. Un site affreux: le fond est rempli par des arbres desséchés et brisés. Sur un des côtés on voit des rochers...
Acte premier Acte troisième

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