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Alceste

ALCESTE

Tragédie-opéra.

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Livret de François-Louis GAND LE BLAND DU ROULLET.
Musique de Christoph Willibald GLUCK.

Première représentation : 16 avril 1776, Paris.


Personnages:

ADMETTE roi de Thessalie

ténor

ALCESTE épouse d'Admette

soprano

HERCULE

basse

APOLLON protecteur de la maison d'Admette

baryton

LE GRAND-PRÊTRE d'Apollon

baryton

ÉVANDRE une des chefs du peuple de Phere

ténor

UN DIEU INFERNAL

baryton


Deux enfants d'Admette et d'Alceste. Officiers du palais d'Admette, Femmes d'Alceste, Divinités infernales, Peuples de Phere. Personnages dansants: Prêtresses d'Apollon, Peuples Grecs.

La scène est dans la ville de Phere en Thessalie.

Avertissement

Si ce poëme a quelque succès, ce sera à m. Calzabigi, que nous en ferons redevables. Non seulement, nous avons suivi en partie la plan de son Alceste, mais nous en avons encore emprunté plusieurs détails, afin de conserver un grande nombre de morceaux de la musique la plus passionnée, la plus energique, la plus thèâtrale (I) qu'on a entendue sur aucun thèâtre de l'Europe, depuis la renaissance de ce bel art. C'est cette raison qui nous a fait sacrifier un dénouement que nous ouson croire heureux pour y en substituer un dont nous ne nous dissimulerons pas la défectuosité; mais nous espérons que le public s'en trouvera dédommagé par la musique.

Nous espérons que la contrainte à laquelle nous avons été forcés de nous assujétir, nous fera pardonner quelques licences que nous avons cru pouvoir nous permettre; d'ailleurs nous croyons que dans les vers lyriques, on peut s'affranchir de beaucoup d'entraves auxquelles on se soumet dans toute autre genre de poésie, et qui n'existeroient pas, si parmi nous, comme autrefois chez les Grecs, la musique et la poésie étoient deux artes inséparables.

(I) Il ne faut pas confondre la musique de thèâtre, avec la musique de chambre, de concert, etc. I colori di Raffaello, e la musica di Gluck, a dit, en parlant de la musique d'Alceste, un des plus grands connoisseurs qu'ait aujourd’hui l'Italie, le chevalier Planelli, dans son traité del l'Opera in musica, imprimé à Naples en 1772, quelli e questa destinati a servire all'espressione, vanno esaminati nell'azione. Solo allora si può giudicare se più diletti una bussola ben tinta che una tela animata dal pennello d'Urbino.

Nota. Le public ayant témoigné qu'il souhaitoit voir paroître Hercule dans cet ouvrage, nous avons cru devoir l'y introduire de la même maniere qu'Euripide l'a fait, et dans la même place qu'il lui a assignée dans son Alceste.

Acte premier
Scène première

Le thèâtre représente une place publique, sur un des côtés on voit en avancement le palais d'Admette, sur la porte duquel est un balcon en saillie: le fond du thèâtre représente le portique du temple d'Apollon. Une foule de peuple dans l'agitation et dans l'attitude de la crainte et de la douleur, remplit la place.
Un héraut d'armes, Évandre, Chœur.

LE CHŒUR

Dieux ! rendés-nous notre roi, notre père.

LE HÉRAUT

(sur le balcon)

Peuple ! votre roi touche à son heure dernière,

l’impitoyable mort est prête à le saisir,

et nuls secours humains ne peuvent le ravir

à sa man meurtrière.

LE CHŒUR

Ô dieux ! qu’allons-nous devenir ?

Non, jamais le courroux céleste,

sur des mortels qu’il veut punir,

n’a frappé de coup plus funeste.

ÉVANDRE

Suspendés vos gémissemens,

le palais s'ouvre.

PLUSIEURS VOIX

Ah, je frémis, je tremble.

ÉVANDRE

La reine vient à nous, vous voyés ses enfants.

Dieux ! que d’infortunés, ce lieu fatal rassemble.

Scène seconde

Les acteurs de la scène précédente, Alceste et ses enfants

LE CHŒUR

(à deux parties)

Ô malheureux Admette ! ô malheureuse Alceste !

Ô trop cruel destin ! ô sort vraiment funeste !

TOUS

Objets si tendrement chéris,

enfant infortunés ! faible espoir qui nous reste !

Nous ses sujets !... ou plutôt ses amis,

pour qui cent fois il exposa sa vie.

Ô dieux ! qu’allons-nous devenir ?

Malheureuse patrie !

Ô dieux ! qu’allés-vous devenir ?

Non, jamais le courroux céleste,

sur des mortels qu'il veut punir,

n'a frappé de coup plus funeste.

ALCESTE

Sujets du roi le plus aimé,

vous répandés des pleurs, hélas ! trop légitime !

Par son amour pour vous, par ses vertus sublimes,

il faisoit le bonheur de son peuple charmé,

il faisoit le bonheur d’une épouse chérie,

qui ne sçauroit vivre sans lui.

Foibles enfants, sans espoir, sans appui,

les yeux à peine ouverts au néant de la vie,

ô dieux ! qu’allés-vous devenir ?

LE CHŒUR

Malheureuse patrie !

Ô dieux ! qu’allés-vous devenir ?

ALCESTE

Hélas ! dans ce malheur extrême,

nous n’avons plus d’espoir qu’en leur bonté suprême,

eux seuls peuvent nous secourir

Air.

Grands dieux ! du destin qui m’accable

suspendés du moins la rigueur;

et sur l’excès de mon malheur

jettés un regard secourable.

Rien n’égale mon désespoir,

mes tourments, ma douleur amère;

si l’on n’est pas épouse et mère,

on ne sçauroit les concevoir.

Ô vous dont les tendres appas

sont l’image à mes yeux si chère;

de mon époux, de votre père,

venés ! jettés-vous dans mes bras !...

Quand je vous presse sur mon sein,

mes chers fils ! mon cœur se déchire;

je sens augmenter mon martyre,

en pensant à votre destin.

LE CHŒUR

(à deux parties)

Ô malheureux Admette ! ô malheureuse Alceste !

Ô trop cruel destin ! ô sort vraiment funeste !

ALCESTE

(au peuple)

Suivés-moi dans le temple; allons offrir aux dieux

nos sacrifices et nos vœux.

Au pied de leurs autels, arrosés de mes larmes,

ils verront une épouse en pleurs,

de enfants menacés du plus grand des malheurs:

tout un peuple accablé des plus justes alarmes.

Peut-être à cet aspect touchant,

ces dieux, notre unique espérance,

ces dieux, dont la bonté réclame la clémence,

laisseront-ils fléchir leur courroux menaçant.

(Elle sort.)

LE CHŒUR

Non, jamais le courroux céleste,

sur des mortels qu’il veut punir,

n’a frappé de coup plus funeste.

Ô dieux ! qu’allons-nous devenir ?

Scène troisième

Le thèâtre représente le temple d'Apollon: la statue colossale de ce dieu parôit au milieu du temple.
Les prêtres et les prêtresses dansants les danses sacrées

LE GRAND-PRÊTRE, LE CHŒUR

(alternativement)

Dieu puissant, écarte du trône !

De la mort la glaive effrayant,

perce d’un rayon éclatant,

le voile affreux qui l’environne !

LE GRAND-PRÊTRE

Ressouviens-toi ! que sur ce bord fertile,

banni des cieux, dans ta course incertain,

Admette t’offrit un asile

contre les rigueurs du destin.

LE CHŒUR

Dieu puissant, écarte du trône !

De la mort la glaive effrayant,

perce d’un rayon éclatant,

le voile affreux qui l’environne !

LE GRAND-PRÊTRE

Dispensateur de la lumière,

toi ! qui fais l’ornement des cieux,

et qui de ton char radieux,

répands dans ta vaste carrière,

autant des bienfaits que de feux;

d’un peuple gémissant daigne écouter les vœux:

rends-lui son roi, son protecteur, son père !

rends-lui le plus grand des bienfaits,

dont le ciel ait jamais favorisé la terre:

un roi, l’ami de ses sujets.

LE CHŒUR

Dieu puissant, écarte du trône !

De la mort la glaive effrayant,

perce d’un rayon éclatant,

le voile affreux qui l’environne !

Les prêtres et les prêtresses, continuent les cérémonies sacrées pendant le chœur.

LE GRAND-PRÊTRE

Suspendés vos sacrés mystères;

la reine vient mêler ses vœux à nos prières.

Scène quatrième

Le grand-prêtre, Le chœur, Alceste.

ALCESTE

Immortel Apollon, toi ! dont l’oeil pénétrant,

des replis de nos cœurs perce la nuit obscure;

si dans le mien, à ton culte constant,

tu n’aperçus jamais qu’une piété pure,

un chaste amour, des désirs innocents,

daigne prendre pitié du tourment qui m’accable,

et jette un regard favorable

sur cette offrande et ces présents !

On porte des présents au dieu; on brûle des parfums: les prêtres et prêtresses vont chercher la victime, le grand-prêtre l'immole et en examine les entrailles.

LE GRAND-PRÊTRE

Apollon est sensible à nos gémissements,

et des signes certains m’en donnent l’assurance.

Plein de l’esprit divin qu’inspire sa présence,

je me sens élever au-dessus d’un mortel.

Quelle lumière éclatante

entoure la statue, et brille sur l’autel !

L’horreur d’une sainte épouvante

se répand autour de moi;

la terre sous mes pas fuit et se précipite;

le marbre est animé, le saint trépied s’agite,

tout se remplit d’un juste effroi:

tout m’annonce du dieu la présence suprême,

ce dieu sur nos destins veut s’expliquer lui-même.

Il va parler; saisi de crainte et de respect,

peuple observe un profonde silence;

reine, dépose à son aspect

le vain orgueil de la puissance.

Tremble.

L’ORACLE

(sortant de la statue)

Le roi doit mourir aujourd’hui,

si quelque autre au trépas ne se livre pour lui.

LE GRAND-PRÊTRE, LE CHŒUR

(à la fois)

Tout se tait ! Qui de vous à la mort veut s’offrir ?

Personne ne répond; votre roi va mourir.

LE CHŒUR

Quel oracle funeste !

Nul espoir ne nous reste.

Admette, du destin tu vas subir les coups.

Fuyons !

Scène cinquième

Alceste seule.

Où suis-je, malheureuse Alceste !

Voilà donc le secours que j’attendais de vous,

dieux puissants ! cher époux, tu vas perdre la vie,

sans espoir elle t’est ravie,

si quelque autre pour toi ne se livre à la mort.

Il n’est plus pour moi d’espérance;

tout fuit, tout m’abandonne à mon funeste sort:

de l’amitié, de la reconnaissance,

j’espérerois en vain un si pénible effort.

Ah ! l’amour seul en est capable,

cher époux ! tu vivras, tu me devras le jour,

ce jour dont te privoit la parque impitoyable,

te sera rendu par l’amour.

Air.

Non, ce n’est point un sacrifice,

eh ! pourrois-je vivre sans toi ?

Sans toi, cher Admette, ah ! pour moi

la vie est un affreux supplice.

Effort cruel ! ô désespoir !

Il faut donc renoncer, cher objet de ma flâme,

renoncer pour jamais à régner dans ton âme,

au plaisir de t’aimer, au bonheur de te voir.

Ô mes enfants ! ô regrets superflus !

Objets si chers à ma tendresse extrême,

images d’un époux que j’adore et qui m’aime !

Ô mes fils ! mes chers fils, je ne vous verrai plus !

Non, ce n’est point un sacrifice,

eh ! pourrois-je vivre sans toi ?

Sans toi, cher Admette, ah ! pour moi

la vie est un affreux supplice.

Arbitres du sort des humains,

terribles déités, qui tenés dans vos mains

nos fragiles destinées,

j’invoque vos serments, ne les trahissés pas !

Tranchés le fil de mes années,

pour mon époux, je me livre au trépas.

Scène sixième

Alceste, Le grand-prêtre.

LE GRAND-PRÊTRE

(rentrant, inspiré)

Tes destins sont remplis, déjà la mort s’apprête

à dévorer sa proie, et plane sur sa tête,

et ton époux respire, aux dépens de tes jours.

Dès que l’astre brillant aura fini son cours,

et que le jour fera place aux ténèbres,

du dieu des morts les ministres funèbres

viendront t’attendre aux portes de l’enfer.

ALCESTE

J’y volerai remplir un devoir qui m’est cher !

Scène septième

Alceste.

Air.

Divinités du Styx, ministres de la mort,

je n’invoquerai point votre pitié cruelle,

j’enlève un tendre époux à son funeste sort;

mais je vous abandonne une épouse fidèle.

Mourir pour ce qu’on aime, est un si doux effort,

une vertu si naturelle,

mon cœur est animé du plus noble transport.

Je sens une force nouvelle,

je vôle où mon amour m’appelle.

Mon cœur est animé du plus noble transport.

Divinités du Styx, ministres de la mort,

je n’invoquerai point votre pitié cruelle.

Fin du premier acte.

Acte second
Scène première

Le thèâtre représente un vaste salon du palais d'Admette.
Évandre, Peuple, qui entre en dansant et en chantant.

LE CHŒUR

Que les plus doux transports succèdent aux alarmes,

le ciel vient de tarir la source de nos larmes.

Vive Admette, vive à jamais,

un roi, l'amour de ses sujets.

Reprise du chœur, avec la danse.

Que les plus doux transports succèdent aux alarmes !

Le ciel vient de tarir la source de nos larmes.

Le plus aimé des rois à nos vœux est rendu,

des mains de la mort implacable,

les dieux ont arraché le glaive redoutable,

sur lui, sur tout son peuple à la fois suspendu.

Scène seconde

Admette, et les acteurs précédents, plusierus embrassent les genoux d'Admette.

LE CHŒUR

Ô mon roi !... notre appui !... notre père !... ô mon maître !

Ô roi le plus chéri, le plus digne de l’être !

ADMETTE

Ô mes enfants ! ô mes amis !

Vous enchantés mon cœur de la plus douce ivresse;

je verse dans vos bras des larmes de tendresse.

Ô mes enfants ! ô mes amis !

vous m’aimés, mes vœux sont remplis.

Mais par quel art nouveau, par quel heureux miracle

des portes du trépas ramené parmi vous,

goutai-je des plaisirs si sensibles, si doux ?

ÉVANDRE

Sur vos destins s’est expliqué l’oracle !

Vos jours alloient finir, si quelqu’un à la mort

ne s’offroit pour victime.

Un héros inconnu, par un effort sublime

a satisfait pour vous à la rigueur du sort.

ADMETTE

Oracle affreux ! ô rigueur inouïe !

De vos faveurs, grands dieux ! sont-ce là les effets ?

Croyés-vous qu’à ce prix je puisse aimer la vie;

moi qui consentirois qu’elle me fût ravie,

pour le dernier de mes sujets ?

LES CORYPHÉES

(alternativement avec le chœur)

Vivés, aimés des jours dignes d’envie,

jouissés du bonheur de combler tous les vœux

de l’épouse la plus chérie:

de rendre tout un peuple heureux.

Ah ! quel que soit cet ami généreux

qui pour son roi se sacrifie,

mourant pour vous, pour la patrie,

son sort est assez glorieux.

ADMETTE

Alceste, chère Alceste, ah ! qu’il m’est doux de vivre,

pour adorer encor vos vertus, vos appas !

Mais, pourquoi ne vient-elle pas

partager les transports où tout mon cœur se livre ?

ÉVANDRE

C’est à ses cris, c’est à ses pleurs puissant,

que les dieux en courroux ont calmé leur colère;

à ces dieux adoucis sa touchante prière

adresse en ce moment des vœux reconnaissants.

Scène troisième

Les acteurs précédents, Alceste, avec sa suite.

ADMETTE

(vivement, en courant à Alceste)

Alceste !

ALCESTE

Cher époux !

ADMETTE, ALCESTE

O moment fortuné !

Je te revois !

ALCESTE

Tu vis ! Les dieux m’ont exaucée.

ADMETTE, ALCESTE

Je ne crains plus du sort le courroux obstiné,

et ma douleur est effacée.

Plus de pleurs, plus de tristesse,

livrons-nous à l’allégresse;

quel moment plein de douceur !

Admette va faire encore,

de son peuple qui l’adore,

et la gloire et le bonheur !

ALCESTE

Ces chants me déchirent le cœur !

LE CHŒUR

Plus de pleurs, plus de tristesse,

livrons-nous à l’allégresse;

quel moment plein de douceur !

Admette va faire encore,

de son peuple qui l’adore,

et la gloire et le bonheur !

ADMETTE

Transports flatteurs que tout mon cœur partage,

qu’il sent bien tout le prix d’un aussi tendre hommage !

Oui, les dieux adoucis, après tant de rigueurs,

me sont enfin jouir de toutes leurs faveurs.

UN CORYPHÉE, LE CHŒUR, LA DANSE

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

Puissent vos belles destinées

se prolonger au gré de vos désirs !

Puissent la gloire et les plaisirs

compter seuls les instants de vos longues années.

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

UNE CORYPHÉE

Heureuse épouse, tendre Alceste,

jouissés de cet heureux jour,

de tous les dons de la faveur céleste,

et des bienfaits que vous offre l’amour.

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

ALCESTE

Ô dieux ! soutenés mon courage;

je ne puis plus cacher l’excès de mes douleurs,

et malgré moi des pleurs

s’échappent de mes yeux, et baignent mon visage.

LE CHŒUR

Parés vos fronts de fleurs nouvelles,

tendre amants, heureux époux,

et l’hymen et l’amour, de leurs mains immortelles,

s’empressent d’en cuëillir pour vous.

ADMETTE

Ô moments délicieux !

Alceste, cher objet de toute ma tendresse;

c’est toi, c’est ton amour, qui me rend précieux !...

Mais que vois-je, et pourquoi la plus sombre tristesse

se peint-elle encor dans tes yeux ?

ALCESTE

Hélas !

Air.

ADMETTE

Bannis la crainte et les alarmes;

que le plaisir succède à la douleur:

c’est à lui de sécher nos larmes;

c’est par toi qu’il plaît à mon cœur.

La vie est un bienfait de la bonté céleste;

mais ce qui me la fait chérir,

mais tout le charme d’en jouir,

est un don de l’amour d’Alceste.

Bannis la crainte et les alarmes,

que le plaisir succède à la douleur:

c’est à lui de sécher nos larmes;

c’est par toi qu’il plaît à mon cœur.

ALCESTE

Dieux !

ADMETTE

Tu pleures !... je tremble... à de nouveaux malheurs

serions-nous réservés encore ?

Mes enfants, où sont-ils ? dissipe mes frayeurs.

ALCESTE

Le ciel n’a point sur eux étendu ses rigueurs.

ADMETTE

Ils respirent, tu vis, tu sais que je t’adore

pourquoi donc verses-tu des pleurs ?

Tu ne me réponds pas ?

ALCESTE

Dieux ! que puis-je lui dire ?

ADMETTE

Je cherche tes regards, tu détournes les yeux !

Ton cœur me fuit, je l’entends qui soupire.

ALCESTE

Ô douleur ! ô tourment affreux !

ADMETTE

Ce cœur pour ton époux n’est-il donc plus le même ?

Il versoit dans le mien ses peines, ses plaisirs.

ALCESTE

Les dieux ont entendu mes vœux et mes soupirs,

ils savent, ces dieux, si je t’aime.

Air.

Je n’ai jamais chéri la vie,

que pour te prouver mon amour.

Ah ! pour te conserver le jour,

qu’elle me soit cent fois ravie.

Je t’aimerai jusqu’au trépas,

jusque dans la nuit éternelle;

et da ma tendresse fidelle,

la mort ne triomphera pas.

Je n’ai jamais chéri la vie,

que pour te prouver mon amour.

Ah ! pour te conserver le jour,

qu’elle me soit cent fois ravie.

ADMETTE

Tu m’aimes, je t’adore, et tu remplis mon cœur

des plus vives alarmes.

ALCESTE

Ah ! cher époux, pardonne à ma douleur;

je n’ai pu te cacher mes larmes.

ADMETTE

Et qui le fait couler ?

ALCESTE

On t’a dit à quel prix

les dieux ont consenti de calmer leur colère,

et t’ont rendu ces jours si tendrement chéris.

ADMETTE

Connois-tu cet ami, victime volontaire ?

ALCESTE

Il n’auroit pu survivre à ton trépas.

ADMETTE

Nomme-moi ce héros ?

ALCESTE

Ne m’interroge pas !

ADMETTE

Réponds-moi ?

ALCESTE

Je ne puis.

ADMETTE

Tu ne peux ?

ALCESTE

Quel martyre !

ADMETTE

Explique-toi !

ALCESTE

Tout mon cœur se déchire.

ADMETTE

Alceste !

ALCESTE

Je frémis !

ADMETTE

Alceste ! au nom des dieux,

au nom de cet amour si tendre, si fidèle,

qui fait tout mon bonheur, qui comble tous mes vœux;

romps ce silence odieux

dissipe ma frayeur mortelle !

ALCESTE

Mon cher Admette, hélas !

ADMETTE

Tu me glace d’effroi;

parle ! quel est celui, dont la pitié cruelle

l’entraîne à s’immoler pour moi ?

ALCESTE

Peux-tu le demander ?

ADMETTE

Ô silence funeste !

Parle ! enfin je l’exige.

ALCESTE

Eh ! quel autre qu’Alceste

devoit mourir pour toi ?

LE CHŒUR

Ô dieux !

ADMETTE

Toi !... ciel !... Alceste !...

LE CHŒUR

Ô malheureuse Admette,

que poursuit le sort en courroux !

Ô généreux effort d’une vertu parfaite,

Alceste meurt pour son époux !

ADMETTE

Ô coup affreux !

ALCESTE

Admette !

ADMETTE

Ah ! laisse-moi, cruelle !

Laisse-moi !

ALCESTE

Cher époux !...

ADMETTE

Non, laisse-moi mourir !

Laisse-moi succomber à ma douleur mortelle,

à des tourments que je ne puis souffrir.

ALCESTE

Calme cette douleur, ce désespoir extrême,

vis ! conserve des jours si chers à mon amour.

ADMETTE

Tu veux mourir, tu veux me quitter sans retour ?

et tu veux que je vive ? et tu dis que tu m’aimes ?

Qui t’a donné le droit de disposer de toi ?

Les serments de l’amour et ceux de l’hyménée,

ne te tiennent-ils pas à mes lois enchaînée ?

Tes jours, tous tes moments ne sont-ils pas à moi ?

Peux-tu me les ravir sans être criminelle ?

Peux-tu vouloir mourir, cruelle !

sans trahir tes serments, ton époux et ta foi ?

Et les dieux souffriraient cet affreux sacrifice ?

ALCESTE

Ils ont été sensibles à mes pleurs.

ADMETTE

D’un amour insensé, leur barbare caprice

approuveroit les fureurs ?

Non, je cours réclamer leur suprême justice;

ils tourneront sur moi leurs coups;

ils reprendront leur première victime,

ou ma main, ne suivant qu’un transport légitime,

satisfera doublement leur courroux.

ALCESTE

Arrête, ô ciel ! ah ! cher époux !

Air.

ADMETTE

Barbare ! non, sans toi je ne puis vivre;

tu le sais, tu n’en doutes pas;

et pour sauver mes jours, ta tendresse me livre

à des maux plus cruels cent fois que le trépas.

La mort est le seul bien qu’il me reste à prétendre,

elle est mon seul recours dans mes tourments affreux,

et l’unique faveur que j’ose encore attendre

de l’équité des dieux.

Barbare ! non; sans toi je ne puis vivre.

(Il sort.)

ALCESTE

Opposés à ces vœux un invincible obstacle,

grands dieux, pour mon époux, j’implore vos secours,

calmés son désespoir, et conservés ses jours !

Laissés-moi seule accomplir votre oracle.

Scène quatrième

Alceste, Peuple.

UNE VOIX, LE CHŒUR

Tant de grâces !

UNE AUTRE

I

Tant de beauté,

UNE AUTRE

II

son amour,

UNE AUTRE

III

sa fidélité.

UNE AUTRE

IV

Tant de vertus,

UNE AUTRE

V

de si doux charmes.

TOUS

Nos vœux, nos prières et nos larmes,

grands dieux ! ne peuvent vous fléchir ?

Et vous allés nous la ravir.

ALCESTE

Dérobés-moi vos pleurs, cessés de m’attendrir.

Air.

Ah ! malgré moi, mon foible cœur partage

vos tendres pleurs, vos regrets si touchants;

et je sens trop dans ces cruels instants

que j’ai besoin du plus ferme courage.

Voyés quelle est la rigueur de mon sort,

épouse, mère et reine si chérie...

rien ne manquoit au bonheur de ma vie,

et je n’ai plus d’autre espoir que la mort.

Quel supplice, quelle rigueur !

Il faut quitter pour jamais ce que j’aime.

Cet effort, ce tourment extrême

et me déchire, et m’arrache le cœur.

LE CHŒUR

Ô que le songe de la vie

avec rapidité s’enfuit,

comme la fleur épanouie,

qu’un souffle des autans flétrit.

Alceste, si jeune, si belle,

meurt au plus brillant de ses jours;

et la parque injuste et cruelle,

de son bonheur tranche le cours.

Fin du second acte.

Acte troisième
Scène première

Le thèâtre représente la même decoration qu'au seconde acte, mais moins éclairée, parce que le jour commence à tomber.
Évandre, Coriphées, Peuple.

ÉVANDRE, LES CORYPHÉES

Nous ne pouvons trop répandre de larmes,

Alceste touche au moment du trépas.

Son époux ne survivra pas

à la perte de tant de charmes.

ÉVANDRE

Ô, peuple infortuné !

UN CORYPHÉE

Quel funeste avenir !...

TOUS

Pleure, ô patrie !

ô Thessalie !

Alceste va mourir.

Scène seconde

Les acteurs de la scène précédente, Hercule et sa suite.

HERCULE

(au fond du thèâtre)

Après de longs travaux entrepris pour la gloire,

l’implacable Junon me laisse respirer.

Hercule à l’amitié pourra donc se livrer,

et jouir dans se bras du fruit de la victoire.

(Au peuple.)

Mais que vois-je ? Pourquoi répandés-vous des larmes ?

ÉVANDRE

Vous ignorés donc nos malheurs,

Admette... Alceste...

HERCULE

Admette !...

ÉVANDRE

Hélas !

Nous ne pouvons trop répandre de larmes,

Alceste touche au moment du trépas.

Aux portes de la mort elle a porté ses pas.

Malgré nos pleurs, nos cris, Admette l’a suivie.

Pleure, ô patrie !

ô Thessalie !

Alceste va mourir !

HERCULE

(avec transport)

Au pouvoir de la mort je saurai la ravir.

Reposés-vous sur un ami sensible.

Reposés-vous sur ce bras invincible.

Au pouvoir de la mort je saurai la ravir.

Mais tandis que Phœbus brille sur l'émisphere,

esclave du destin à qui tout obéit,

la mort n'ôse franchir la fatale barrière,

qui sépare le jour de l'éternelle nuit.

Air.

C’est en vain que l’enfer compte sur sa victime.

Non, vous ne perdrés pas l’objet de votre amour,

je descendrai plutôt aux ténébreux abîme.

J’en jure par le dieu qui me donna le jour.

(Ils sortent.)

Scène troisième

Le thèâtre représente un site affreux: le fond est rempli par des arbres desséchés et brisés. Sur un des côtés on voit des rochers suspendus et menaçants; de l'autre une caverne, d'où il sort de tems en tems un feu obscur. C'est l'entrée des enfers: en avancement des arbres, et un peu de côté, est l'autel de la mort, il est de pierre brute, et paré d'une faux. Le jour est palé et tombant, et il diminue progressivement.
Alceste, Dieux infernales, qu'on ne voit pas.

ALCESTE

(entrant)

Grands dieux ! soutenés mon courage !

Avançons, je frémis !... consommons notre ouvrage.

Ciel ! quel affreux séjour ! où suis-je, justes dieux ?

Tous mes sens sont saisis d’une terreur soudaine:

tout de la mort dans ces horribles lieux

reconnoît la loi souveraine.

Ces arbres desséchés, ces rochers menaçants;

la terre dépouillée, aride et sans verdure,

le bruit lugubre et sourd de l’onde qui murmure,

des oiseaux de la nuit le ténébreux accents:

cet antre, cet autel... ces spectre effrayants,

cette pâle clarté dont la lumière obscure

répand sur ces objets une nouvelle horreur,

tout de mon cœur glacé redouble la terreur,

dieux ! que mon entreprise est pénible et cruelle !

La terre se refuse à mes pas chancelants,

et mes genoux tremblants

s’affaissent sous le poids de ma frayeur mortelle.

(Elle tombe sur un rocher.)

(Elle se reléve, et fait un pas vers l'autel de la mort.)

Ah ! l’amour me redonne une force nouvelle,

à l’autel de la mort lui-même il me conduit,

et des antres profonds de l’éternelle nuit

j’entends sa voix qui m’appelle.

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Malheureuse, où vas-tu ?

ALCESTE

Dieux, je succombe.

(Elle retombe.)

LE CHŒUR

Attends.

Pour tenter de descendre aux rivage funèbres,

que le jour qui te fuit fasse place aux ténèbres,

tu n’attendras pas long-tems.

Air.

ALCESTE

Ah ! divinités implacables !

Ne craignés pas que par mes pleurs,

je veuille fléchir les rigueurs

de vos cœurs impitoyables.

La mort a pour moi trop d’appas,

elle est mon unique espérance:

ce n’est pas vous faire une offense,

que de vous conjurer de hâter mon trépas.

Scène quatrième

Alceste, Dieux infernales, qu'on ne voit pas, Admette, qui entre égaré.

ALCESTE

Ciel ! Admette, ô moment terrible !

(Elle retombe.)

ADMETTE

Que vois-je ! Alceste, Alceste !... justes dieux !

Aux portes des enfers, Alceste !

ALCESTE

Ah ! malheureux !

Eh ! que viens-tu chercher dans ce séjour horrible ?

ADMETTE

La mort... les dieux ont rejetté mes vœux,

Apollon même est insensible,

et sourd à mes cris douloureux:

la mort... la mort... est tout ce que je veux.

ALCESTE

Que dis-tu ? Ciel !... Admette ! ô désespoir affreux !

Tes sujets ! nos enfants ! n’es-tu donc plus leur père ?

Air.

Vis pour garder le souvenir

d’une épouse qui te fut chère,

qui ne vivait que pour te plaire,

et qui, pour toi, voulut mourir.

ADMETTE

Vivre sans toi ! moi ! vivre sans Alceste;

vivre pour abhorrer la lumière céleste,

et ces barbares dieux, auteurs de tous nos maux,

sans cesse déchiré par des tourments nouveaux,

j’irois traîner des jour que je déteste;

je pourrois ?... ciel !...

Air.

Alceste ! Alceste, au nom des dieux !

Sois sensible au sort qui m’accable,

ah ! prends pitié d’un époux misérable,

et ne le livre point à ces tourments affreux.

Errant dans ce palais qu’embellissoient tes charmes,

je chercherois en vain la trace de tes pas,

en proie à la douleur, les yeux baigné de larmes,

je pousserois des cris que tu n’entendrais pas.

Pour adoucir l’excès de ma misère,

j’irois embrasser mes enfants,

j’entendrais leurs plaintifs accents,

je les verrois frémir à l’aspect de leur père;

me reprocher ta mort, me demander leur mère.

Alceste ! Alceste, au nom des dieux !

Sois sensible au sort qui m’accable,

ah ! prends pitié d’un époux misérable,

et ne le livre point à ces tourments affreux.

Air.

UN DIEU INFERNAL

Caron t'appelle, entends sa voix ?

De la parque, un de vous doit être le partage.

Alceste ! c'est à toi de décider son choix;

révoque le vœu qui t'engage,

Admette de la mort subira seul les loix.

ADMETTE

Alceste ! si pour moi ta tendresse est extrême,

Alceste, il faut me le prouver.

ALCESTE

Cruel ! tu voudrois me priver

du bonheur de sauver les jours de ce que j'aime.

ADMETTE

Ciel ! aux dépens des tiens !

ALCESTE

Ne sont-ils pas à toi,

ces jours que je te sacrifie ?

Ah ! depuis que l'hymen nous lie,

Admette, tu le sais, ils ne sont plus à moi.

ADMETTE

Et cruelle, tu veux renoncer à la vie ?

ALCESTE

Le devoir et l'amour m'en imposent la loi.

ADMETTE

Si tu meurs, croi-tu donc qu'Admette puisse vivre ?

Non, si je ne puis t'attendrir,

si ton barbare cœur ne se laisse fléchir,

ton malheureux époux aux enfers va te suivre.

ALCESTE

Calme la douleur qui te presse,

et sur les gages précieux

de notre hymen et des nos feux,

réunis toute ta tendresse.

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Alceste, Alceste: le jour fuit,

et le destin qui te poursuit,

a marqué ta heure fatale;

suis-nous dans la nuit infernale.

ALCESTE

Adieu, cher époux !

ADMETTE

Arrêtés !

ALCESTE

C’en est fait.

ADMETTE

Arrêtés, barbares déités;

exercés sur moi seul votre rage inhumaine,

ensevelissés-moi dans la nuit du trépas.

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

L’enfer parle, obéis à sa loi souveraine.

ADMETTE

Vous n’arracherés pas Alceste de mes bras,

cruelles !

ALCESTE

Un pouvoir invincible m’entraîne.

LE CHŒUR

L'enfer parle, obéis à sa loi souveraine.

Scène cinquième

Les acteurs précédens, Hercule.

HERCULE

(volé à Alceste, la remet dans les bras d'Admette, et combat les dieux infernales)

Fuyés, troupe inhumaine,

craignés mon bras vengeur !

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Non, non, ta rage est vaine.

Nous bravons ta valeur.

ADMETTE

(aux divinités)

Que rien ne nous sépare,

je me livre à vos coups.

ALCESTE

Que votre main barbare

épargne mon époux !

HERCULE

Dans la nuit du Tartare,

rentrés ! replongés-vous ?

Fuyés troupe inhumaine !

Craignés mon bras vengeur !

LE CHŒUR

(s'abîmant avec l'autel de la mort)

Le fils de Jupiter, de l’enfer est vainqueur !

Scène sixième

Hercule, Admette, Alceste, Apollon.

APOLLON

(dans son char)

Poursuis, ô digne fils du souverain des cieux,

et l’immortalité deviendra ton partage.

Le ciel qui te regarde admire ton courage,

et ta place est déjà marquée au rang des dieux.

(à Admette et à Alceste)

Vivés, heureux époux pour servir de modèle

aux mortels que l’hymen enchaîne sous ses loix !

Que ce séjour affreux disparoisse à ma voix !

Le thèâtre change, et représente une avant-cour du palais d'Admette. Le peuple entre en foule.

Scène septième

Les acteurs de la scène précédente, et le peuple.

APOLLON

Et vous, qui vous montrés à vois rois si fidèles,

peuple, venés, accourrés dans ces lieux,

et pour des souverains, objets de tous vos vœux,

redoublés d’amour et de zèle !

HERCULE, ADMETTE, ALCESTE

(à Apollon qui remonte au ciel)

Dieu bienfaisant, ô puissance éternelle !

Scène huitième

Hercule, Admette, Alceste, Peuple.

ADMETTE

(au peuple)

Ô mes amis ! Alceste m’est rendue.

ALCESTE

(courant à ses enfants, qui entrent)

Ô mes enfants !

ADMETTE

Les dieux sont adoucis.

ALCESTE, ADMETTE

(aux enfants)

Je vous revois, nos malheurs sont finis.

LE CHŒUR

Ô bonheur inoui, faveur inattendue !

ADMETTE, ALCESTE

(montrant Hercule)

C’est ce héros qui nous a réunis.

Ensemble

ADMETTE, ALCESTE

Reçois, digne héros, l’hommage de deux cœurs,

dont le bonheur surpasse l’espérance.

Par les transports de leur reconnaissance,

juge du prix de tes faveurs !

HERCULE

Tendres époux, c’est dans votre bonheur

que je trouve ma récompense.

Qu’il soit le prix de ma valeur !

LE CHŒUR

Qu’ils vivent à jamais, ces fortunés époux,

le ciel les a sauvés pour le bonheur du monde;

qu’à nos vœux, qu’à nos chants tout l’univers réponde,

l’art de nous rendre heureux fait leur soin le plus doux.

Fin.

Fin du livret.

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Locandina Acte premier Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Acte second Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Acte troisième Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième