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Le théâtre représente l'intérieur d'une tente magnifique, dont l'ouverture entre'ouverte laisse voir une foule de peuple en tumulte. | Q
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Scène première |
Iphigénie, Femmes de sa suite, Arcas, Gardes, Grecs, derrière le théâtre et à la porte de la tente. |
Arcas, Gardes, Grecs
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[N. 38 - Chœur et Récitatif] | N
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CHŒUR
Non, non, nous ne souffrirons pas
qu'on enleve au dieux leur victime;
ils ont ordonné son trépas,
notre fureur est légitime.
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| <- Iphigénie, Femmes de la suite
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IPHIGÉNIE |
(entrant éperdue, au milieu de ses femmes et des gardes)
Pourquoi vous opposer, Arcas,
à la fureur qui les anime ?
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ARCAS (aux femmes) |
Dans ces lieux retenez ses pas,
tandis qu'à mon devoir fidèle,
mon bras va repousser cette troupe cruelle.
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| Arcas ->
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Scène seconde |
Iphigénie, Femmes de sa suite. |
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IPHIGÉNIE |
(à Arcas qui sort)
Ne tentez point des efforts impuissans;
(aux femmes)
volez au secours de ma mère,
éloignez ses regards de mes derniers instans,
et laissez-moi des dieux assouvir la colère.
Mourons, obéissons...
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| Femmes de la suite ->
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Scène troisième |
Iphigénie, Achille. |
<- Achille
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[N. 39 - Récitatif] | N
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ACHILLE |
Princesse, suivez-moi !
Ne craignez ni les cris, ni la rage inutile
d'un peuple, à mon aspect saisi d'un juste effroi !
Marchez en sûreté sous la garde d'Achille,
venez...
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IPHIGÉNIE |
Hélas ! ô devoir rigoureux !
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ACHILLE |
Venez, ne perdons point des instans précieux.
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IPHIGÉNIE |
Vous vous armez en vain pour une infortunée,
seigneur, dont le trépas...
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ACHILLE |
Quel étrange discours !
Songez-vous que ma destinée,
ma vie et mon bonheur dépendent de vos jours ?
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IPHIGÉNIE |
Ils m'étoient chers, je ne puis m'en défendre,
ces jours, contre lesquels les dieux sont conjurés;
ils vous appartenoient, et l'amour le plus tendre
vous les avoit à jamais consacrés.
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[N. 40 - Air] | N
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Il faut de mon destin subir la loi suprême:
jusqu'au tombeau je braverai ses coups;
oui, sous le fer de Calchas même,
je vous dirai que je vous aime,
et mon dernier soupir ne sera que pour vous.
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[N. 41 - Récitatif] | N
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ACHILLE |
Et vous m'aimez ! Puis-je le croire encore ?
Vous savez que je vous adore,
ingrate, et vous voulez mourir !
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IPHIGÉNIE |
Partez, seigneur, la gloire vous appelle;
elle offre à vos regards la carrière immortelle,
où vous devez courir:
ma mort seule peut vous l'ouvrir.
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ACHILLE |
Cette gloire à mes yeux si belle,
vous voulez donc, cruelle,
me la faire haïr !
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[N. 42 - Air] | N
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IPHIGÉNIE
Adieu, conservez dans votre ame
le souvenir de notre ardeur;
et qu'une si parfaite flâme
vive à jamais dans votre cœur.
N'oubliez pas qu'Iphigénie,
digne d'un moins funeste sort,
pour vous seul chérissoit la vie,
et vous aima jusqu'à la mort.
Adieu, conservez dans votre ame
le souvenir de notre ardeur;
et qu'une si parsaite flâme
vive à jamais dans votre cœur.
| S
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[N. 43 - Récitatif] | N
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ACHILLE |
Sans vous, Achille pourroit vivre ?
Non, non, j'en atteste les dieux !
Je dois vous arracher, malgré vous, de ces lieux.
Venez, princesse; il faut me suivre.
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IPHIGÉNIE |
Arrêtez !... Quel est votre espoir ?
Avez-vous cru qu'Iphigénie
pût oublier sa gloire et son devoir ?
Ils lui sont plus chers que la vie.
Ah, plutôt que de les trahir,
plutôt que d'être aux dieux, à mon père rebelle,
j'accepterai la mort la plus cruelle;
et de mes propres mains je saurai m'affranchir
du criminel secours que vous osez m'offrir.
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ACHILLE |
Hé bien, obéissez, barbare;
courez chercher le plus affreux trépas,
à ce temple odieux, je marche sur vos pas,
j'y préviendrai le coup qu'on vous prépare.
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[N. 44 - Air] | N
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Calchas, d'un trait mortel percé,
sera ma première victime;
l'autel, préparé pour le crime,
par ma main sera renversé.
Et si, dans ce désordre extrême,
votre père, offert à mes coups,
frappé, tombe et périt lui-même,
de sa mort, n'accusez que vous.
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| Achille ->
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Scène quatrième |
Iphigénie, Femmes de sa suite. |
<- Femmes de la suite
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[N. 45 - Récitatif et Chœur] | N
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IPHIGÉNIE |
Cruel !... Il fuit... Ô ciel ! satisfais ton courroux,
et préviens par ma mort le carnage et le crime !
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Scène cinquième |
Iphigénie, Clytemnestre, Femmes, Grecs derrière le théâtre. |
<- Clytemnestre
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CHŒUR
Non, non, nous ne souffrirons pas
qu'on enleve au dieux leur victime;
ils ont ordonné son trépas,
notre fureur est légitime.
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CLYTEMNESTRE |
Osez mettre le comble à votre rage impie,
barbares ! venez donc m'immoler dans ses bras.
(Elle se jette dans ses bras.)
Ô ma fille !
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IPHIGÉNIE |
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CLYTEMNESTRE |
Ô mon Iphigénie !
Jusqu'au dernier soupir je défendrai tes jours.
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IPHIGÉNIE |
Rien n'en peut prolonger le cours:
les dieux les ont marqués du sceau de leur colère;
fuyez, laissez aux Grecs servir leur cruauté.
Ah ! si jamais je vous fus chère,
partez et n'allez point dans un camp révolté,
pour m'arracher des mains d'un peuple sanguinaire,
exposer votre rang et votre dignité.
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CLYTEMNESTRE |
Eh ! qu'importe ma gloire et mon rang et ma vie !
Non, si ma fille m'est ravie,
non, je ne veux plus voir la lumière des cieux.
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[N. 46 - Air et Chœur] | N
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IPHIGÉNIE |
Vivez pour Oreste, mon frère;
sur cet objet si cher réunissez vos vœux:
puisse-t-il être plus heureux,
puisse-t-il être, hélas ! moins funeste à sa mère !
Du sort qui me poursuit n'accusez point mon père.
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CLYTEMNESTRE |
Qui... lui, par qui ton cœur à Calchas présenté...
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IPHIGÉNIE |
Pour conserver mes jours, que n'a-t-il point tenté !
Mais au courroux des dieux, qui pourroit me soustraire ?
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CHŒUR
Non, non, nous ne souffrirons pas
qu'on enleve aux dieux leur victime;
ils ont ordonné son trépas;
notre fureur est légitime.
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[N. 47 - Récitatif et Air] | N
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IPHIGÉNIE |
Vous entendez les cris d'un peuple furieux,
ma mère, rappelez ce sublime courage,
appanage du sang que vous tenez des cieux;
il est tems d'obéir aux dieux:
ah ! faisons les rougir du moins de leur ouvrage.
Recevez mes derniers adieux.
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CLYTEMNESTRE |
Cruelle, tu veux donc que j'expire à tes yeux ?...
Moi, je consentirois... et du courroux céleste...
ta mère... ô ciel !
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| (Elle tombe dans les bras des femmes.) | |
IPHIGÉNIE (aux femmes) |
Hélas !... prenez soin de ses jours,
et détournez ses pas de l'autel où je cours.
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| Iphigénie ->
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Scène sixième |
Clytemnestre. |
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(courant après Iphigènie)
Dieux puissans que j'atteste,
non, je ne souffrirai pas...
(aux femmes qui lui barrent le passage)
Vous osez retenir mes pas !
Perfides, privez-moi du jour que je déteste;
dans ce sein maternel enfoncez le couteau;
et qu'au pied de l'autel funeste,
je trouve du moins mon tombeau.
Ah ! je succombe à ma douleur mortelle...
Ma fille... je la vois... sous le fer inhumain...
que son barbare père aiguisa de sa main;
un prêtre, environné d'une foule cruelle,
ose porter sur elle une main criminelle,
il déchire son sein, et d'un œil curieux
dans son cœur... palpitant... il consulte les dieux.
Arrêtez, monstre sanguinaire !
Tremblez ! c'est le plus pur sang du souverain des cieux,
dont vous osez rougir la terre !
Tremblez ! c'est le plus pur sang du souverain des cieux !
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|
Jupiter, lance la foudre !
Que sous tes coups écrasés,
les Grecs soient réduits en poudre,
dans leurs vaisseaux embrâsés !
Et toi, soleil, et toi, qui, dans cette contrée,
reconnois l'héritier et le vrai fils d'Atrée,
toi, qui n'osas du père éclairer le festin,
recule, ils t'ont appris ce funeste chemin.
Jupiter, lance la foudre !
Que sous tes coups écrasés,
les Grecs soient réduits en poudre,
dans leurs vaisseaux embrâsés !
| S
(♦)
(♦)
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| (On entend une symphonie dans l'éloignement.) | |
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[N. 48 - Récitatif et Chœur] | N
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Quels tristes chants se font entendre...
Ô dieux ! on va trancher ses jours.
En vain vous m'opposez une pitié cruelle;
barbares, malgré vous je vole à son secours,
ou je vais mourir avec elle.
(elle force le passage)
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| Clytemnestre ->
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Scène septième |
Le théàtre représente le rivage de la mer, sur lequel on voit un autel; Iphigénie est à genoux sur la marche de l'autel, derrière lequel est le grand-prêtre, les bras étendus vers le ciel et le couteau sacré à la main: les Grecs en foule occupent les deux côtés du théàtre. Calchas, Chœur des Grecs. |
Q
Iphigénie, Calchas, Grecs
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CALCHAS, CHŒUR
Pour prix du sang que nous allons répandre,
puissante déité, protège-nous toujours;
de nos exploits n'interromps plus le cours,
au rivage Troyen permets-nous de descendre !
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Scène huitième |
Achille, et les acteurs de la scène précédente, Grecs, se jettant avec effroi de la gauche à la droite du théâtre. |
<- Achille, Thessaliens
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[N. 49 - Chœur et Solo] | N
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CHŒUR |
Fuyons, fuyons tous:
d'Achille craignons le courroux.
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| (Achille entre, suivi des Thessaliens en ordre, qui occupent tout le côté gauche du théâtre: il va à Iphigénie, l'enleve; et la tenant de la main gauche, il menace de la droite armée Calchas et les Grecs.) | |
CALCHAS, GRECS |
C'est en vain qu'on veut la défendre:
les dieux ordonnent son trépas.
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ACHILLE |
Venez, si vous l'osez, l'arracher de mes bras.
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IPHIGÉNIE |
Grands dieux ! prenez votre victime.
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GRECS |
Ils ont ordonné son trépas,
notre fureur est légitime.
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Scène dernière |
Clytemnestre, Agamemnon et les acteurs de la scène précédente. |
<- Clytemnestre, Agamemnon
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CLYTEMNESTRE |
Oh ! ma fille ! ah, seigneur !
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ACHILLE |
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CALCHAS, GRECS |
C'est en vain qu'on veut la défendre;
tout son sang doit couler !
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ACHILLE |
Avant de le répandre,
il faudra verser tout le mien.
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GRECS |
Frappons, immolons la victime !
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IPHIGÉNIE, CLYTEMNESTRE |
(embrassant sa fille)
Secourez-nous, grands dieux !
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| (Le tonnerre se fait entendre, et continue.) | |
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ACHILLE, THESSALIENS |
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GRECS |
Notre fureur est légitime.
Frappons, frappons !
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| (Le tonnerre éclate: une masse de nuages, qui avoit rempli successivement le fond du théâtre, s'éclaire, s'entr'ouvre et laisse voir Diane dans tout son éclat.) | |
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CALCHAS |
(s'avançant)
Arrêtez, arrêtez !
Calmez cette fureur extrême.
La déesse vient elle-même,
vous prescrire ses volontés.
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[N. 50 - Récitatif et Chœur] | N
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DIANE |
Votre zèle des dieux a fléchi la colère:
les vertus de la fille et les pleurs de la mère
ont trouvé grâce devant eux.
Je ne vous retiens plus dans les champs de l'Aulide,
volez où la gloire vous guide,
étonnez l'univers par vos faits glorieux;
et vous jeunes amans, vivez, soyez heureux.
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| (Les nuages recouvrent la déesse, qui remonte au ciel.) | |
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CALCHAS |
Adorez la clémence et les bontés des dieux !
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CHŒUR |
Adorons la clémence et les bontés des dieux.
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AGAMEMNON |
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IPHIGÉNIE |
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ACHILLE |
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IPHIGÉNIE |
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CLYTEMNESTRE |
Ô toi qui m'est si chère !
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CLYTEMNESTRE, AGAMEMNON |
Les dieux te rendent à nos vœux,
pour faire le bonheur d'Achille.
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IPHIGÉNIE |
Ah ! qu'il est doux ! mais qu'il est difficile
de passer, si subitement,
du plus cruel tourment
à la félicité suprême.
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[N. 51 - Quatuor et Chœur] | N
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AGAMEMNON, IPHIGÉNIE, ACHILLE, CLYTEMNESTRE |
Mon cœur ne sauroit soutenir
l'excès de mon bonheur extrême:
palpitant, il s'élance au-delà de moi-même,
il est enivré de plaisir.
À peine je respire,
quel aimable délire
vient s'emparer de tous mes sens !
| S
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ACHILLE, IPHIGÉNIE |
Les dieux ont eu pitié de nos gémissemens.
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AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE
Jusques aux voûtes éthérées
portons nos vœux reconnoissans,
et célébrons les noces désirées
de ces deux illustres amans.
Leur bonheur est le premier gage
de la juste faveur des dieux;
et leur hymen est le présage
de nos triomphes glorieux.
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AGAMEMNON, IPHIGÉNIE, ACHILLE, CLYTEMNESTRE, CHŒUR
Jusques aux voûtes éthérées
portons nos vœux reconnoissans,
et célébrons les nôces désirées
de ces deux illustres amans.
Leur bonheur est le premier gage
de la juste faveur des dieux;
et leur hymen est le présage
de nos triomphes glorieux.
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[N. 52 - Ballet] | N
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[N. 53 - Chœur] | N
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CALCHAS |
Partez, volez à la victoire.
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CHŒUR
Partons, volons à la victoire:
de nos faits éclatans étonnons l'avenir;
que nos travaux, que notre gloire,
soient des siécles futurs l'éternel souvenir.
Parés des palmes de Bellone,
qu'il est doux de jouir d'un tranquille repos !
Le plaisir seul paie et couronne
du guerrier désarmé les pénibles travaux.
Partons, volons à la victoire:
de nos faits éclatans étonnons l'avenir;
que nos travaux, que notre gloire,
soient des siécles futurs l'éternel souvenir.
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Fin. | |
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